Chapitre 4 (2) : Why we should remember
On arrive au lounge sans évènements supplémentaires.
Ibrahim comme Alannah sont restés silencieux pendant qu'on descendait de ma chambre. Les deux ont choisi de m'attendre, ce qui en soit me fait très plaisir, mais j'ai pas vraiment envie d'y réfléchir maintenant.
Parce que bon, maintenant, comme d'habitude, c'est l'inconnu. On est dans cet espèce de moment de transition après un procès, où on doit se remettre du meurtre précédent en se demandant ce que Monokuma nous a préparé pour le suivant.
Est-ce qu'on va avoir des clés supplémentaires dans notre avancée ? Est-ce qu'on va trouver des choses nouvelles, remettre en question les anciennes, se rapprocher, se séparer ? Est-ce qu'on aura une surprise aussi odieuse que la présence de l'Ultime Fan ?
Est-ce qu'on saura tout de suite qui sera le prochain à mourir ?
Est-ce que quelqu'un ici est capable de faire quelque chose de bien pire que le meurtre orchestré par Ade Okafor ?
Trop de questions dont je n'aurai sans doute jamais la réponse. Ou alors si. Mais au moment fatidique, celui où je ne pourrai plus rien faire.
Il n'y a pas grand-monde, dans le lounge. Et ce n'est pas seulement parce que notre nombre se réduit. Même si à présent, maintenant que nous ne sommes plus que neuf, il est facile à une salle d'apparaître vide.
Non, c'est surtout que je n'y vois qu'Ansgar, Seo-jun et Moanaura. Les deux sont assis autour de la même table, l'ordinateur d'Ansgar grand ouvert et allumé sur je ne sais trop quoi, des expressions maussades sur le visage. Ils forment un même bloc, mais cela ne semble pas beaucoup les réjouir.
On se rapproche un peu sans rien dire, mais Ansgar nous remarque vite et nous fait signe de venir nous asseoir. Ce qui par effet de dominos conduit Seo-jun et Moanaura à nous voir, aussi. Le premier se lève pour aller filer une tape dans le dos à Ibrahim, et la deuxième décale sa chaise pour permettre à Alannah de s'asseoir à côté d'elle.
Je ne peux m'empêcher de me demander qui peut bien me filer une marque d'affection ici.
Enfin bon, c'est sans doute de la jalousie mal placée. J'ai passé la matinée à me faire recouvrir de câlins. Et la nuit, aussi, techniquement. Mais quand même. Je me sens ignoré, là.
Enfin, je préfère être ignoré que remarqué d'Ansgar. Cette dernière qui vient de refermer son ordinateur sans la moindre trace d'émotion dans ses gestes, avant de se tourner vers nous.
« Vous tombez bien. On discutait du prochain cercle.
— Sans savoir ce qu'il y a dedans c'est un peu compliqué, marmonne Moanaura. Mais on voulait au moins se mettre d'accord pour chercher des trucs. Ou s'arranger pour qu'il se passe plus... ça. »
On sait tous à quoi elle fait allusion.
Ibrahim fait la moue.
« Comme tu l'as fait remarquer, sans savoir ce qui nous attend, c'est impossible. Vous êtes arrivés à une conclusion, vous ?
— Pas trop, soupire Seo-jun. On peut promettre, mais aveuglément ça mènera à rien. On peut essayer de faire des accords, mais sans savoir ce qu'il y a derrière la porte, bah, on ne sait pas s'ils en valent toujours la peine ou pas. Sincèrement, la seule conclusion qu'on a trouvée, c'est qu'il faudra s'organiser plus tard.
— Et autrement, soupire Ansgar. Il ne s'agit plus d'une simple affaire de contrôle. Vous n'êtes pas mes sujets tout comme je ne suis pas votre maître. Si je continue à agir comme ça, ce qu'il s'est passé risque de se reproduire. »
Elle me jette un regard en coin. Et j'avoue ne pas du tout apprécier cette impression d'être visé. Qu'est-ce que j'ai fait encore... ?
« Y sont où les autres ? Marmonne Alannah. On devrait peut-être en discuter avec eux ?
— Allez savoir où se trouve Sachiko. J'ai préféré ne pas déranger Nako en me levant ce matin. Quant à Emerens... »
Ansgar hausse les épaules.
« Allez savoir s'il m'écoute encore. »
Seo-jun grimace. Suivi par Ibrahim, qui me jette un regard en coin, alors que Moanaura et Alannah en échangent un autre. Joie et bonheur. Donc, c'est pour ça que je suis visé, hein ? On s'attend à ce que je tienne en laisse mon meilleur ami pour éviter qu'il refasse des bêtises.
Très sincèrement, je doute fort en être capable. Le mec est et a toujours été un électron libre. Je suis déjà assez surpris qu'il se soit plié aux ordres d'Ansgar pendant plus de quatre mois sans rechigner, et en ayant même l'air de les accepter, de les considérer comme l'option la plus saine.
... Tu me diras, on a besoin d'un sentiment de sécurité, dans une Tuerie. Et qui suivre d'autre que la personne qui a à cœur de sauver tous les Ultimes d'un enchaînement de catastrophes ?
« On verra plus tard, marmonne Moanaura. Honnêtement, au stade où on en est, ce sera p't'être plus facile de s'arranger. Sans contrôle total. »
Elle jette un regard peu amène à Ansgar, qui hausse les épaules.
« Vouloir contrôler un groupe de génies était une mauvaise idée. Cette expérience ne mène à rien. Il serait stupide, dans ce cas-là, de ne pas changer d'attitude. »
La porte s'ouvre au moment où elle finit sa phrase. Et derrière, qui rentre dans la salle d'un pas lourd, des cernes sous les yeux et les cheveux en bataille, la figure aux airs fourbus d'Emerens, qui nous regarde à peine alors qu'il nous fait un signe de la main.
« Tiens donc, fait Seo-jun d'un ton qui se veut railleur. Un zombie. »
Emerens ne lui répond pas. De toute façon, je le vois bien, que le cœur n'y est pas. Le sourire de Seo-jun tient à peine sur son visage, et il n'a même pas l'air amusé par sa propre blague.
Sous les yeux d'Ansgar, Emerens passe de chaise en chaise, tapotant la tête d'Alannah et l'épaule de Moanaura au passage, avant de s'installer à côté de moi sans rien dire et de passer un bras autour de mes épaules. L'espace d'un instant, je sens ses lèvres près de ma joue, juste le temps qu'il m'embrasse le coin de la bouche avant de caler sa tête dans mon cou.
Je me laisse aller contre lui dans le silence. De toute évidence, il n'a pas envie de bavarder, alors à quoi bon ?
« Est-ce que tu as vu Sachiko et Nako, Emerens ? » Finit par demander Ansgar après un petit moment de silence.
Il hausse les épaules depuis le creux de mes bras.
« Pas vu. Et puis je pense pas qu'elles veuillent s'approcher de moi maintenant. Ni l'une ni l'autre. »
Bon argument. On sait que Sachiko le déteste, et peu importe ce que Nako en dit, je crois que si elle le voyait désormais comme rien d'autre que celui qui a provoqué la mort d'Ester, personne ne lui en voudrait, pas même lui. Donc bon.
Ansgar ferme les yeux.
« Bon. On reprendra la discussion quand on aura une meilleure idée de ce qu'il se passe. En attendant, je vais les chercher. On ne peut pas les attendre trop longtemps non plus.
— Si vous trouvez Nako, lance Seo-jun, vous pourrez lui dire que j'ai fait des gâteaux, ce matin ? ça pourra peut-être lui faire du bien... »
Elle hoche la tête avant de se lever, et de se diriger dehors dans un soupir. La porte fermée derrière elle, Alannah se tourne vers Seo-jun, l'air surprise.
« Tu fais des gâteaux, toi ?
— J'ai essayé, sourit Seo-jun. J'arrivais pas à dormir, normal, du coup pour me distraire, je suis allé dans la cuisine. Faire la bouffe soi-même, c'est un bon moyen de réduire les risques d'empoisonnement de ses patrons.
— Ouais, et de se distraire aussi j'imagine, marmonne Moanaura. Ils sont où les gâteaux ? j'ai la dalle...
— J'attendais que tout le monde arrive mais au point où on en est. Tenez, il soupire en sortant deux boîtes de sous sa chaise. Des brownies et des sablés, selon les recettes que j'ai trouvées, et des pancakes coréens... »
Oh, chouette, des spécialités de sa maison. Sentez à quel point je suis réjoui. Ouh, là, là.
Nan en vrai, ça a l'air méga bon, ce qu'il dispose sur la table, mais j'ai peur de soit tout bouffer dans une tentative d'oublier, soit d'avoir l'appétit coupé. Pas le meilleur moment pour goûter la cuisine de Seo-jun, hein. Enfin, il a l'air d'y avoir passé masse temps, donc si j'ai le courage, j'y ferai peut-être honneur...
« File moi un brownie, marmonne Emerens. Un qui vient du coin, steuplaît.
— Eh, y sont pour moi d'abord, proteste Alannah. C'est la meilleure partie du brownie !
— Raison de plus pour que j'en prenne un. S'il te plaît ? »
Le ton d'Emerens est tellement fatigué que même Alannah semble vidée de sa force de protester. Elle se contente de lui tendre un coin de brownie avant d'en prendre un autre, et de filer la boîte à Moanaura. Qui se sert dans les sablés avant de la faire passer vers moi.
Bon, est-ce que je mange, ou pas ? Le grand moment de vérité.
Allez, je craque. Les pancakes de Seo-jun ont l'air méga bons.
J'en prends un au hasard, avant de mordre dedans sans conviction et de faire passer la boîte à Ibrahim, qui tendait les mains. C'est de la cassonnade qu'il y a au cœur ? un truc fait avec, en tout cas... En tout cas c'est méga bon, et heureusement qu'Ibrahim a demandé la boîte avant que je goûte, parce que sinon j'aurais clairement tout bouffé.
L'addiction au sucre, tout ça. Enfin j'en plaisante beaucoup mais si la bouffe devient mon seul moyen de cope, ça risque de vraiment arriver.
« Tu m'en files un bout ? » Me chuchote Emerens à l'oreille.
Putain, il a déjà fini son brownie, l'autre. Comment il a fait pour manger aussi vite ?
Et puis bon sang, il a vraiment une sale tête. Ça fait mal. J'aime vraiment pas le voir comme ça. Je préférais presque son sourire arrogant au procès.
« Nan, pour moi, je lui réponds sur le même ton avant de caler le pancake entre mes dents. Sauf si tu veux venir le chercher ? »
Allez, quoi, comprends l'innuendo, s'il te plaît, aies un petit sourire, que je n'ai pas sorti ça pour rien. Je fais ça pour toi, espèce d'abruti, à la limite, montre moi que ça sert à quelque chose...
Mais non, même pas il réagit. Il se contente d'avancer la mâchoire pour mordre l'extrémité du pancake la plus éloignée de mes dents. Il a même pas haussé le moindre sourcil. Super.
Je reprends mon pancake avec beaucoup moins d'entrain que tout à l'heure.
« Eh. Ça va aller, mec ?
— Ouais bien sûr, j'adore vivre avec l'idée que je vais me sortir de là en ayant tué quelqu'un, il répond, aigre. Un vrai plaisir. J'vais recommencer. »
Je grimace.
« C'était pas ta faute, Emerens. Certes, c'était évitable, mais derrière, tu peux pas non plus te méfier tout le temps. Puis comment tu pouvais prévoir qu'Ade allait sortir un coup pareil de son sac ?
— On est en pleine Tuerie. Évidemment que je dois me méfier, il soupire. Évidemment que je dois vivre avec l'idée que chacun de ces gens pourrait mourir ou tuer. »
Son visage se cale un peu plus profondément dans mon cou. Et je finis mon pancake en silence, les regards des quatre autres présents vrillés sur nous.
Qu'est-ce que vous voulez que je dise ?
Il a raison.
Il a raison, et hier ça lui a coûté sa conscience.
Demain, ça me coûtera quoi ?
Je ne veux pas le savoir.
Je refuse de le savoir.
La porte finit par s'ouvrir. Derrière elle, Ansgar et Sachiko, qui entourent une Nako dont le maquillage semble avoir bien dégouliné. Des traces de larmes récentes mêlées de mascara ornent ses joues, et elle a les doigts qui tremblent. Au point que même Sachiko ne sourit plus. Elle se contente de la supporter, les yeux dans le vague.
« Ah, les gâteaux, lance Ansgar. Parfait. Seo-jun, tu peux nous dire ce que tu as préparé ?
— Bien sûr, répond ce dernier en se levant d'un bond, pour récupérer Nako. Alors, il y a des brownies, des... »
A partir de là, je ne l'écoute plus. Parce que j'ai déjà la tête enfouie dans les cheveux d'Emerens et que je n'ai plus aucune envie de bouger.
Voir Nako pleurer a réveillé mes propres larmes.
Et je ne veux pas que qui que ce soit ici me voie dans cet état.
Pas comme ça.
Pas aussi bêtement.
Pas devant tout le monde.
Emerens ne proteste pas trop. Il se contente de me soulever de ma chaise pour me caler sur ses genoux. J'avoue, c'est déjà un poil plus confortable comme ça, pour lui comme pour moi, mais si je dis quoi que ce soit pour le remercier, je vais vraiment me mettre à chialer.
Du coup, je garde le silence. Et je le laisse m'étreindre. Fort. Assez fort pour me faire oublier l'existence de tout le reste.
Une chaise est tirée à côté de moi. Visiblement, Sachiko n'a pas l'intention de me laisser tranquille. On dirait que je suis bon pour me faire tirer les joues pour l'éternité...
« Eh bah alors, vous en faites, des têtes d'enterrement, elle rigole. Quelqu'un est mort ou quoi ?
— Va te faire voir, Kimura, marmonne Emerens depuis le creux de mon cou. J'ai vraiment pas besoin que tu viennes m'emmerder maintenant. »
Elle siffle, mais n'ajoute rien. Elle se contente de s'affaler sur la table, les yeux dans le vague. Sous les regards agacés des autres, qui n'ont visiblement pas remarqué que son rire est beaucoup plus vide que d'habitude.
Ce n'est pas moi qui vais le leur dire.
« Nous sommes tous là, finit par annoncer Ansgar en reprenant sa place. Je pense que nous pouvons discuter un peu de la suite.
— Sans savoir ladite suite ça va être compliqué, Ansgar, grommelle Moanaura en mâchonnant un sablé. On ne sait même pas à quelle sauce on va être bouffés.
— moi, je pense qu'il y a bien un truc qu'on peut faire. »
Nako relève la tête. Son mascara forme d'énormes traces sur ses joues, visiblement marques d'une tentative d'essuyer ses larmes. Ses yeux sont toujours rouges, mais elle semble avoir fini de pleurer.
Maintenant, elle nous regarde sans trembler.
« On peut faire en sorte de ne pas oublier ce qui vient de se passer. Ce qui s'est passé avant. Se souvenir des morts. Histoire d'éviter de répéter leurs erreurs et de vivre leur fin. »
Tout le monde la fixe en silence se lever de sa chaise, poser les deux mains sur la table, nous regarder, chacun à notre tour, tour à tour.
« D'une certaine manière, chacun des morts avait réussi à se rapprocher de quelqu'un ici. Pourtant, on a jamais pris le temps de faire leur deuil. À tous les sept. Et je pense qu'essayer de l'enterrer sous le stress et les distractions ne nous fera pas de bien.
— Tu suggères donc, lance Ansgar, de leur rendre hommage d'une certaine manière, de chercher où ils avaient tort, comment ils avaient pu en arriver là ? »
Nako hoche doucement la tête.
« Et aussi... Rappeler qui ils étaient. Ce ne sont pas... Ce ne sont pas simplement des tueurs, autant que je puisse mépriser Ade pour ce qu'elle a commis... Elle n'avait pas en tête l'unique idée de tuer.
— ça me paraît être une bonne idée, marmonne Seo-jun. Déjà, j'pense qu'un hommage nous ferait du bien. Libérer ce qu'on a sur le cœur, nos regrets vis-à-vis des morts, ce qu'on a appris d'eux... Et puis après, ça nous donnerait des pistes pour ne pas répéter leurs erreurs. »
... Ouais. Il a raison. D'une certaine manière. Essayer de comprendre les meurtriers, les victimes, tout ça, peut peut-être nous être utile pour ressouder le groupe, essayer d'éviter des meurtres de la même trempe que les derniers, de voir ce que Monokuma condamnera ou pas, ce qu'il est capable de faire.
D'un autre côté...
« Sauf qu'on y arrivera pas, Seo-jun. D'une manière où d'une autre, même si le mobile, même si le but est différent, on finira quand même par se retrouver à tuer. Parce que sinon, on sera coincés ici. Il n'y a pas d'autre moyen. »
Tout le monde se tourne vers Emerens, toujours calé dans mes bras, qui vient de jeter un regard en coin à Seo-jun en même temps que sa petite pique pas dénuée de sens.
Ce dernier jette à son ami un regard indéchiffrable, avant de soupirer.
« Laisse-moi au moins espérer. C'est tout ce qu'il nous reste. »
Et si l'Espoir est tout ce qu'il nous reste, eh bien ma foi, on est mal barrés...
J'aimerais bien réfléchir et établir un calcul probabiliste sur les chances qu'on a de sortir à neuf, mais de toute façon, même si j'avais eu l'énergie de me plonger dans les maths, pas le temps de faire quoi que ce soit. La porte vient de s'ouvrir une nouvelle fois, et entre Monokuma, un large sourire aux lèvres qui s'agrandit encore en nous voyant tous plus ou moins effondrés.
« Eh bien les enfants, c'est quoi ces têtes ? On est tristes parce que vos petits copains sont morts ? Vous devriez avoir l'habitude, depuis le temps ! »
Disant ça, il ramène ses cheveux derrière son oreille, les coinçant à l'aide d'une... D'une foutue barrette papillon. Bordel de merde, Monokuma.
Nako serre les poings. Seo-jun se raccroche à la table. Le regard d'Ansgar se durcit. Ibrahim pince les lèvres. Alannah baisse les yeux. Moanaura pose sa main sur son sabre.
Sachiko fait crisser un ongle sur sa table.
Et je serre ma prise sur la veste d'Emerens.
Ce dernier s'est légèrement crispé dans le creux de mes bras. Mais quelle que soit l'émotion qui le traverse, il n'en montre rien. Il se contente de regarder Monokuma avec froideur depuis le creux de mon cou.
« Tu arrives enfin, pas trop tôt...
— Tu es bien placé pour savoir qu'il faut toujours se faire attendre, ricane Monokuma en se rapprochant. Mais bon, j'ai pas non plus toute la journée, donc debout là-dedans ! On part pour la visite ! »
Personne ne bouge.
Ansgar se lève, avant de s'appuyer sur sa canne.
« Suivez-moi. Nous partons. »
Seo-jun se relève, suivi d'Ibrahim. Puis, Sachiko, Nako, et Moanaura. Et petit à petit, nous formons tous un groupe qui prend la suite d'Ansgar, appuyée royalement sur sa canne, qui regarde Monokuma droit dans les yeux.
« Eh bien ? Nous y allons ? »
Monokuma gronde. Visiblement, il apprécie toujours aussi peu de ne se faire obéir que par l'intermédiaire d'Ansgar. Mais il a au moins le bon sens de ne pas répliquer, et pivote sur lui-même dans un geste exagéré pour nous mener en dehors du complexe hôtelier.
La preuve que le cercle était absolument immense ; je n'ai pas encore repéré, au bout de trois mois, l'endroit où il nous mène. Visiblement, au cœur du parc d'attractions, mais ce ne sont pas les attractions qui sont présentes au rendez-vous. Au contraire, le chemin qu'il emprunte semble nous ramener vers un lieu dédié à tout sauf à l'amusement.
Le mur qui délimite le cercle 4 se trouve au cœur d'une espèce de gigantesque parc, qui il y a quelques mois devait être rempli d'oiseaux et autres bestioles de toutes sortes ; mais alors qu'on le traverse, en silence sous la houlette d'Ansgar, tout ce que j'entends est le doux bruit d'une rivière.
Il n'y a pas un seul animal aux alentours. Les nids que nous trouvons sont vides, garnis de quelques plumes flétries visiblement abandonnées là depuis longtemps. Quelques poils de singe nous indiquent que certains de ces animaux avaient trouvé refuge ici.
Sans doute pas pour longtemps.
« Ah, c'est bien, ils ont disposé des cadavres, » ricane Monokuma en passant devant une mare sans doute devant accueillir des capybaras, dans laquelle ne se trouve, au final, que Flushy, son nœud violet reconnaissable dans le vert des buissons. « Je craignais que ça ne pue le rongeur crevé pendant des semaines...
— De qui était-ce l'idée, lance froidement Emerens, d'accueillir des animaux ici pour les laisser mourir ensuite ? »
Monokuma ricane de nouveau.
« Oh, j'ai fait un peu de brainstorming, faut pas croire. A la base j'aimais pas trop l'idée, mais on m'a convaincu avec certains arguments très rigolos... Et puis moi, j'ai eu leur fourrure et leurs os pour travailler, donc tout bénéf' ! »
Les traits d'Emerens se tordent en une affreuse grimace. Et de son côté, Sachiko serre les poings.
« Tu me dégoûtes.
— Venant de toi, je vais le prendre comme un compliment ! Mais en attendant, on y est, donc pour le briefing ! »
Il sort sa tablette de son sac, avant de la poser sur l'écran de lecture. Qui passe aussitôt au vert, déverrouillant de fait la porte en face de nous, qui tremble sur ses gonds. Pendant qu'elle s'ouvre sur un rai de lumière, il se retourne vers nous.
« Comme la fois dernière, vous avez accès à tous les cercles ouverts ! Réjouissez-vous, ça commence à faire une sacrée zone... Les codes seront mis à jour sur vos Monodossiers très prochainement, tout ça tout ça... Vous connaissez la musique, à force ! »
Tiens, on dirait qu'il a abandonné l'idée de nous enfermer. Je ne sais pas si c'est une bonne chose. Certes, on a accès à de plus en plus de zones, de plus en plus d'enquête... Mais j'ai peur que l'immensité de la zone dont on dispose réduise grandement nos alibis en cas de meurtre. Je crois que ça va nous compliquer la tâche plus qu'autre chose.
D'un autre côté, je ne supporterai pas un nouvel enfermement comme celui du cercle 5. Je crois que mon cerveau va fondre sous le stress. Surtout maintenant.
La porte continue de s'ouvrir. Monokuma a un petit sourire.
« Pour cette phase de l'histoire, vous serez installés dans le même hôtel, inutile de le chercher, il est littéralement à l'entrée... Comme d'habitude, pas d'isolement, mais de toute façon, il n'y a aucun autre endroit pour dormir dans le cercle 3, et je ne vous laisserai pas retourner dans le 4, ne rêvez pas trop ! »
Bon ben dommage pour mon king size. Mais d'un autre côté, je ne sais pas ce que rester dans ce complexe hôtelier aurait fait à ma santé mentale alors que quelqu'un y est littéralement mort. Même deux quelqu'un.
Quelque part, c'est une bonne chose qu'on change d'endroit à chaque fois.
« Je vous laisse vous arranger pour les chambres, moi j'ai pas que ça à foutre, il continue. Allez, venez, maintenant, la porte est assez ouverte pour passer ! »
Ansgar fait un signe avec sa canne, et nous prenons le chemin qu'il emprunte d'un même bloc, le temps de passer la porte du cercle 3.
Plus que deux avant d'atteindre le centre.
Plus que deux avant d'atteindre l'ascenseur qu'il nous a promis.
Et plus je m'avance, plus mes chances de survie s'amenuisent.
Le cercle trois n'est... Pas du tout comme je me l'imaginais. Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais certainement pas à une espèce de... Complexe industriel géant ? Nan mais, j'ai l'impression de voir des usines et des entrepôts partout, pire que dans la ville résidentielle du cercle six... Pas le moindre espace vert, pas la moindre trace de nature, juste des tas et des tas de gros bâtiments carrés qui s'alignent à des centaines de mètres devant soi.
Cette zone est presque aussi immense que le cercle quatre. Mais beaucoup, beaucoup, beaucoup plus austère.
Par contre, au vu des yeux d'Alannah, il y a de fortes chances qu'elle regorge de beaucoup plus de possibilités.
« On dirait qu'on va avoir des trucs à visiter, lance Seo-jun depuis son coin. Peut-être même qu'on pourra concevoir des trucs qui permettraient de nous échapper... »
Un murmure se répand dans le groupe. Une usine. Pour construire de quoi s'échapper. Peut-être que...
« Bon, tu nous la fais, cette visite, Monokuma ? Lance Sachiko toujours aussi peu aimable. On est un peu pressés, nous ! »
Mais Monokuma n'est pas là.
Il est déjà parti.
Nous sommes seuls au milieu d'une usine à possibilités.
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