
Chapitre 3 (8) : What is a Fan to a non-believer
Le temps passe vachement vite dans cet endroit.
Je ne me rends pas compte des jours qui s'écoulent, pourtant, regarder mon Monodossier m'apprend aujourd'hui qu'on est le 28 mai, et que je viens de dépasser la barre des deux semaines dans cet endroit pourri.
Deux semaines. Le temps qu'il a fallu à Ruben pour tuer. À Flor pour mourir. Et cette fois, tout semble être au beau fixe.
Pas de meurtre. Pas de tensions. Juste l'occasionnelle dispute entre Sachiko et Emerens à quoi nous sommes maintenant plus ou moins habitués. En plus, j'ai l'impression que ça se détend. Peut-être parce qu'Emerens passe la majorité de son temps où il n'est pas avec moi dans les discothèques ou les attractions et que quand il n'est pas là, Sachiko se pointe.
Mais bon ça, c'est une théorie que je ne préfère pas trop tester.
En tout cas, ça fait deux semaines, et la sensation d'avoir dépassé cette borne temporelle me rend d'autant plus joyeux pour la sortie à venir.
Oui, parce qu'Alannah a enfin fini de tester toutes les attractions du parc avec Ansgar, et que du coup elle a proposé qu'on aille y faire un petit tour pour finaliser ses tests.
Ouais, ouais.
Écoutez, y'a un parc d'attractions sur les lieux d'une Tuerie, moi, j'en profite.
Je suis rodé à Europa Park et aux foires de toutes sortes, merci les très nombreux dates que j'ai eu dans ma vie et ma chère maman, grande fan de parc d'attractions, qui y dépendait une bonne partie de son salaire assez élevé d'ingénieure du bâtiment. Du coup, en me préparant ce matin, j'ai bien pensé à prendre un short, un haut léger prompt à ne pas trop prendre l'eau, ainsi que les essentielles casquette, baskets et lunettes de soleil. Ce qui fait que je ressemble plus à un vacancier qu'à mon habituelle dégaine emo.
Ça change un peu, on va pas se mentir.
Et heureusement que Monokuma a prévu des lunettes de soleil un tant soit peu proches de ma correction parce que j'avais pas envie de me fatiguer les yeux toute la journée...
Quand je sors de la salle de bain, Emerens, une fois n'est pas coutume, est déjà prêt. Et évidemment, parce qu'on est pas racoleur pour rien, ce bâtard a mis un mini-short qui dépasse à peine son cul. Et non, je ne regardais pas spécialement son cul, je vois pas de quoi vous parlez.
Il termine de rassembler ses cheveux dans sa casquette au moment où je referme la porte, et mon arrivée lui échappe un sifflement.
« Eh bien Thibs ! Que me vaut cette magnificence ?
— Oh ça va hein, je suis juste en short-T-shirt, je vois pas ce qu'il y a de beau là-dedans, je râle. Comparé à toi, je me suis même pas préparé. Du maquillage pour aller au parc d'attractions, Emerens ? Vraiment ? »
Il éclate de rire.
« Thibs, je suis pas maquillé, aujourd'hui. »
... Pardon ?
Donc là vous êtes en train de me dire que cette peau qui n'a jamais vu ni les désagréments du soleil ni le moindre bouton d'acné... Est sa peau naturelle ?
Vraiment ?
...
Putain, je vais vraiment hurler au pretty privilège.
« Tu me soûles, je marmonne, trop ronchon pour lever la voix. Y'en a qui se payent des taches de rousseur dégueulasses et de l'acné de partout, et toi tu as droit à la peau sans défaut dont tout le monde rêve sans jamais l'obtenir ? C'est vraiment pas juste, ça, Emerens. »
Et évidemment, son petit sourire en coin revient sur son visage comme de bien entendu. Parce qu'un malheur n'arrive jamais seul, bien sûr.
« Tu disais quoi sur mon charme, déjà, l'autre jour, Thibs ? Parce que, hmmmm, je crois que je t'ai pas bien entendu... Tu peux répéter ? »
Je lève les yeux au ciel.
« Je vais shooter dans ta prothèse si tu continues, sale con. D'ailleurs, ça va aller, au parc d'attractions ? »
Il hausse les épaules.
« Écoute, vu la qualité de ma jambe, je ne serais même pas étonné que sa conceptrice devienne l'Ultime Prothésiste. Elle peut encaisser même des sorties piscines, même si je dois être plus prudent quand je vais nager. Donc je pense qu'une pression que supporte un être humain, ça devrait aller. »
Mouaif. Je vais lui faire confiance sur ce coup, parce que j'y connais de toute façon pas grand-chose et que je crois que je ne pourrai pas l'empêcher de se foutre dans des situations pas possibles. De toute façon, c'est l'heure de rejoindre les autres.
Ansgar et Alannah nous attendent en bas, lae premier.e en chemise-short tout ce qu'il y a de plus normal mais qui tranche tellement avec l'aesthetic habituelle de l'Ultime Dictateurice, et la deuxième en tenue complète de baroudeuse, lunettes de soleil et casque antibruit parés. Elles ont souhaité nous suivre nous pour s'assurer que tout allait bien, spécialement avec la jambe d'Emerens, ce qui honnêtement me fait assez plaisir.
Par contre, ce à quoi je ne m'attendais pas, c'est cette troisième personne à la droite d'Alannah, parée comme pour aller à la guerre, qui me fait un large sourire accompagné d'un grand signe de la main en me voyant sortir du bâtiment principal.
Pourquoi je dis « me voyant arriver » ? Parce que, et la fort vilaine grimace d'Emerens le prouve, je crois bien que ce n'est pas lui que Sachiko Kimura serait capable d'accueillir avec tant d'enthousiasme.
« Coucou mon bonhomme ! Tu viens t'amuser avec moi, dis, dis, dis ? »
Je détourne fort opportunément le regard sur un mouvement de Flushy à ma droite, qui nage dans une mare non loin avec son habituel air blasé. Une manière de m'échapper de son terrible regard plus qu'autre chose. Depuis ce petit épisode sur le toit, toute la froideur de Sachiko a mon égard a totalement disparu, et ça c'est une très bonne chose ; Sauf que du coup, elle est encore plus collante qu'avant.
Et on va pas se mentir, je sais pas trop, trop quoi penser de son soudain revirement d'attitude.
Emerens, sans doute pas habitué à se sentir ignoré, souffle rudement par le nez, mais a la politesse de, cette fois, ne rien démarrer avec la Chanceuse. Qui de toute façon fait comme s'il n'était pas là.
... j'espère qu'ils vont continuer comme ça toute la journée parce que j'ai bien l'impression qu'aucun des deux n'a l'intention de laisser tomber la sortie.
Ansgar semble luel aussi peu convaincu.e, mais finit par hausser les épaules.
« Allons-y. Tout le monde semblait décidé à passer sa journée dans le parc, suivant les rapports, nous croiserons peut-être certains des autres.
— Ça fera un peu de distraction, bougonne Emerens en néerlandais. Parce que là, je me sens affreusement atteint dans mon espace vital. »
Je lui jette un regard réprobateur.
« Tu veux pas arrêter de te plaindre ? Elle a le droit d'exister au même endroit que toi, que je sache ?
— On verra ça dans quelques agonisantes minutes, il me répond, boudeur. Et moi qui espérais t'avoir pour moi tout seul... »
On se passera néanmoins de tes tendances possessives, mec. En plus, y'a Alannah aussi, je vais quand même pas lui faire tenir la chandelle, la pauvre ? Je me contente de lever les yeux au ciel. Avant de jeter un regard d'excuse aux trois demoiselles qui, du moins j'espère, ne parlent pas un mot de néerlandais.
Ansgar hausse les épaules, tandis qu'Alannah rigole.
« Si vous avez fini les confessions d'amour éternel, on peut peut-être y aller, les gars ? »
Pardon ? Putain, pas maintenant les insinuations... Et Emerens qui pouffe. Je sais qu'il m'a dit ne pas être contre une relation mais je croyais qu'on avait mis les cartes sur la table à ce sujet ? Même si je crois que le pire, c'est Sachiko, qui me fixe d'un petit air goguenard.
« Je crois que pour ça, tu peux repasser, Alannah. Ils sont même pas sortis depuis cinq minutes et v'la t'il pas que ça empeste le gay à des kilomètres au point que je suis sûre que même Flushy le flaire ! »
... Même elle, elle m'enfonce, putain. On peut pas être tranquille cinq minutes ?
Alannah éclate de rire avant de tendre la main pour un high five, high five auquel la Chanceuse Ultime répond bien volontiers. Emerens, de son côté, remet ses cheveux en place d'un ample mouvement.
« Venant de toi, je vais le prendre pour un compliment, Kimura, plus gay pour Ansgar que nous tous ici présents. Tu ne vas quand même pas m'en vouloir de rappeler à mon meilleur ami qu'il mérite tout l'amour du monde ? »
Elle lui tire la langue, avant de hausser les épaules.
« Ça, non, en effet, ufufufufu. Bon, on y va avant que tout le monde ne se mette à se galocher ?
— Je crois en effet, intervient un.e Ansgar amusé.e, que c'est la meilleure option possible. »
... Ouais, ignorons que je suis pas loin de me transformer en flaque, allons me distraire dans la boucle infinie des attractions du parc. Sans dire le moindre mot, le visage caché derrière ma casquette, j'emboîte le pas à l'Ultime Dictateurice, qui tient la main de Sachiko avec un léger sourire. Ouais, avouons-le, niveau gay, elles sont pas mieux, ces deux-là.
Le début de la matinée est sans doute le plus chaotique que jamais je ne pourrai voir dans un parc d'attractions. Les robots du parc sont bien présents pour faire la sécurité, mais le fait qu'il n'y ait personne nous a permis de tester absolument toutes les montagnes russes de la première partie du parc. D'affilée. J'ai la tête qui tourne, qui tourne, qui tourne...
Et ça m'aura permis de voir que faire tester des humains certaines attractions est beaucoup plus compliqué que de faire tester des robots. Plus d'une fois, Ansgar a dû forcer Sachiko à se rasseoir dans son siège alors qu'on prenait un wagon sans trop de nécessités sécuritaires. Accessoirement, je ne sais pas si Emerens est une flipette ou si c'est juste que tout les prétextes sont bons pour me tenir la main et me hurler dans les oreilles.
Et proposer un stand de tir pour me calmer un peu et respirer était tout sauf une bonne idée.
Certes, Alannah est adorable avec une carabine dans la main et ses oreilles de chat qui frémissent sur sa tête mais OH MON DIEU MEUF NE LA POINTE PAS VERS MOI J'AI PEUR !
Sachiko, qui est en train de charger sa propre carabine, ricane devant ma terreur absolue provoquée par cet infâme gremlin roux. Et non, je ne parle pas forcément de moi.
« Eh bé alors, Titi, on a peur d'un pauvre bout de plastoc ?
— M'appelle pas Titi, meuf, je grommelle, détournant fort opportunément le regard sur Emerens qui a soulevé le marteau de la tête de turc. Et le bout de plastique ressemble à un truc qui peut me tuer, tu comprendras que je flippe un peu ?
— Je comprends surtout que tu es une flippette, pouffe Alannah. Une petite flippette rousse toute choupi, hein, hein, pas vrai Sachiko ? »
... Je. Pourquoi vous vous liguez contre moi comme ça les meufs ? C'est pas gentil. En plus, elles ont exactement la même manière de me tirer la langue et je me sens atrocement agressé. Et non, la rougeur de mes joues n'a rien à voir avec le compliment, il fait juste chaud, c'est tout !
En attendant, Sachiko qui continue de rigoler arme nonchalamment sa carabine et trois balles foncent droit au centre de la cible du stand de tir où nous sommes actuellement. L'une d'entre elles rebondit même assez pour percuter le robot Monokuma qui présentait les prix. Si ça, c'est pas le talent de l'Ultime Chanceuse, je ne sais pas ce que c'est.
Ansgar, qui a eu la bonne idée de prendre un panier à roulettes pour stocker tous les prix, accepte obligeamment l'énorme nounours en peluche que Sachiko lui tend, et se permet même un petit commentaire amusé.
« Combien de prix vas-tu donc me gagner avant de vider ce parc entier, Sachiko ?
— Autant que nécessaire, elle ricane. À bas la puissance financière des Monokuma, tout pour la Fédération du Nord ! »
Et elle pousse un cri de guerre qu'Alannah reprend bien volontiers, prenant le temps d'armer sa propre carabine.
Au stand voisin, un cri de colère retentit.
« Putaaaaain ! Jure Emerens. À ça de remporter le troisième prix ! »
Je me tourne vers lui. Il a visiblement abattu son marteau sur la tête de turc pendant que je regardais ailleurs, si j'en crois les lumières et son front en sueur. Sur l'écran s'affiche un score qui me semble assez respectable, mais c'est peut-être juste parce que j'ai une vision impeccable sur la contraction de ses muscles.
Alannah, distraite, se retient de tirer, un large sourire aux lèvres.
« C'est con, poto ! La prochaine fois, tu pourras peut-être trouver une bonne manière de nous séduire avec tes muscles ?
— Peuh ! C'est pour les hommes qui n'ont rien pour eux, ça, réplique Emerens en remettant ses cheveux en place d'un large mouvement de la tête. Moi, j'ai au moins dix méthodes de séduction qui n'impliquent pas le besoin de me servir de ma musculature !
— Seulement dix ? Ricane Sachiko. Eh ben, pas si doué que ça tout compte fait... »
Il lève les yeux au ciel, mais son sourire ne quitte pas son visage. En attendant, les trois coups de carabine m'indiquent qu'Alannah a tiré et son cri de frustration qu'elle n'a pas gagné le moindre prix, c'est donc mon tour.
Je prends des mains de l'androïde une carabine pleine, arme mon tir et... Et vise complètement à côté comme un abruti pour mon premier coup.
Super.
« J'crois j'ai perdu la main, je grommelle. D'habitude, je rafle presque tout.
— Ouais, ouais, on te croit, ricane Sachiko. Allez, allez, tu vas bien gagner un petit truc quand même ? »
Je lève les yeux au ciel, arme de nouveau ma carabine... Et évidemment, au moment où j'appuie sur la gâchette, qu'est-ce que je sens autour de ma taille et de mon cou ? Une paire de bras dont le propriétaire se colle à mon dos avec le menton dans le creux de mon cou !
J'ai même pas besoin de dire quoi que ce soit sur l'identité de cette sangsue surprise, vous savez tous que c'est signé.
Sauf que comme un malheur n'arrive jamais seul, mon tir est dévié et devinez quoi ? Perce le centre de la cible.
Le coup de chance le plus improbable de tous les temps.
Emerens, car c'était bien lui, rigole doucement à côté de mon oreille. Ne pas faire attention au déplacement d'air sur ma peau. Ne pas faire attention au déplacement d'air sur ma peau.
« On dirait que mon petit coup de main à fonctionné, Thibs chou...
— Je te déteste si fort, mec, si fort. »
Et il continue de rigoler, le petit salopard. Hmmm que je vais le démonter après.
« Mais ça a marché, visiblement... Allez, Thibs, tu vas bien réussir à gagner un petit quelque chose pour moi ? Si tu réussis à remporter le deuxième prix, y'aura une, hmmm, petite récompense à la clé... »
... Putain de voix suave de merde qui me fait bien comprendre qu'est-ce qu'il entend par récompense et ce n'est pas le paiement d'une barbe à papa.
Parce que je refuse de prendre le risque, je fais exprès de shooter à côté. Et c'est un Emerens hilare qui se détache de moi sous les rires d'Alannah, le soupir amusé d'Ansgar et les huées de Sachiko.
« Dommage... La prochaine fois peut-être ?
— Il y aura pas de prochaine fois, espèce d'infâme chien en rut, je marmonne entre mes dents en néerlandais, et rêve toujours pour que j'accepte ce genre de petites récompenses. J'ai le troisième prix, c'est bien suffisant. »
En plus, ledit troisième prix est un fidget spinner et on va pas se mentir, ces trucs m'aident énormément à me détendre. Donc je suis très satisfait de moi, nan mais oh.
Par contre, visiblement, pendant que je me faisais recouvrir par l'autre démon du flirt, on a été rejoints. Seo-jun et Moanaura sont hilares dans un coin et Ibrahim adresse un soupir mi-lassé mi-amusé à Emerens, qui lui tire la langue sans aucune forme de regret.
« La vache, Thibault, c'est comme ça que tu tires à la carabine ? Lance Seo-jun toujours mort de rire.
— En tout cas, je grommelle, c'est comme ça qu'Emerens essaye de m'apprendre à tirer à la carabine. Spoiler alerte, ça marche pas. »
Moanaura file un coup de coude à Seo-jun avant de pointer un doigt vers moi, large sourire aux lèvres.
« C'est normal poto, t'es trop gay pour que ça marche ! Au pire, tente avec Kimura ? Je suis sûre elle pourrait t'apprendre comme ça tiens... »
Sachiko relève la tête, l'air intéressée par sa ph– comment ça intéressée ?!? Seigneur Dieu vous dont je ne sais pas si vous existez, je n'avais vraiment pas envie d'imaginer ça, pourtant la simple pensée de Sachiko collée à mon dos en train de rire vient de me faire mourir d'embarras ! Et pourquoi ils se marrent, tous ?!? C'est vraiment pas drôle !
Ansgar, sans doute la plus raisonnable et la plus calme du lot, se contente de pouffer.
« Avant que Thibault ne meure de déshydratation, je suggère que l'on se trouve un stand de nourriture quelconque pour se désaltérer tous ensemble, est-ce que cela vous convient ?
— ça me va, intervient Emerens. J'ai faim aussi, de toute façon. »
Ouais, ignorons le fait qu'Ansgar vient de faire un commentaire sur toute la chaleur qui m'envahit, ça va pas arranger les choses. Et Sachiko, Alannah et Moanaura qui se marrent, les vilaines.
Cette dernière me rejoint d'ailleurs en fond de file, tandis qu'Ansgar, Sachiko et Alannah forment un petit groupe devant et qu'Emerens, Seo-jun et Ibrahim se mettent à discuter entre eux. Sur son visage, le plus gros sourire de tous les temps.
« Mon pauvre, tu dois souffrir avec tous ces gens beaux autour de toi...
— Sympa de parler en français, je bougonne. Et putain, j'avais pas besoin de toi pour me rappeler que je suis pansexuel. »
Elle rigole, avant de me filer un coup de coude.
« C'est plus rigolo de te charrier dans un langage que je maîtrise ! Et puis sincèrement, je te comprends. J'aime pas beaucoup Ansgar, mais hmmm, qu'est-ce qu'iel est beau.elle...
— Et après c'est moi le gay ?
— Totalement ! Moi j'assume ! »
Je lève les yeux au ciel.
« Sans blague. J'assume totalement d'être pan, moi aussi, je te ferais dire. Juste pas pour Emerens.
— Menteur. Note que je te comprends. Il aurait été un poil plus féminin je me serais posée des questions sur ma potentielle bisexualité, et c'est dire. »
Ouais enfin, j'ai pas besoin de toi pour me dire qu'il est beau. Je panique juste pas sur son cul, hein. Et j'aimerais autant éviter. C'est un ami très cher, il est aro, et notre relation actuelle me convient très bien. Inutile de rajouter une saloperie de sentiment romantique dans l'équation.
Je n'ai pas spécialement envie de souffrir davantage.
Moanaura me fait un clin d'œil.
« Tu trouves pas de quoi nier, hein ?
— Oh ça va, hein, je marmonne. Personne à commencer par moi-même me croirait si je disais qu'il était moche. Ça veut pas dire que j'ai envie de me le faire autant romantiquement que sexuellement. Et je vois vraiment pas pourquoi j'en parle avec toi.
— T'occupes, ricane Moanaura, j'adore être la lesbienne matchmaker. Écoute, moi je trouve que tu te compliques la vie ! D'une manière où d'une autre, t'es gay pour lui, et je crois que tous les mecs du coin le sont tous au moins un peu, et lui c'est assez évident qu'il est méga gay pour toi à sa manière, donc je vois pas ce qui t'arrête ?
— Meuf, il est aro, je grogne. Même si j'envisageais quoi que ce soit, c'est voué à l'échec. »
Elle me file une tape sur l'épaule.
« Qui a parlé de relation romantique ? t'sais rien ne t'empêche de t'inventer tes propres règles ! t'occupes pas des petites cases et fais ce que t'as envie de faire... Et ceux que t'as envie de te faire ! C'est pas une belle philosophie de vie, ça ? »
... Plus facile à dire qu'à faire, Moanaura. Un, c'est plus compliqué que ça en a l'air, deux, je n'ai pas le même je-m'en-foutisme que toi, je me sentirais jugé, ou j'aurais peur de trop en faire, de pousser ma chance trop loin, tout ça. Même si ça reste Emerens, même si je sais qu'il m'abandonnera pas comme ça, même si j'ai confiance en lui, il y aura toujours ce petit doute qui traînera, cette peur d'être trop et qu'il ne m'aime pas à la même intensité que moi je l'aime.
Une petite douce douleur que je me traîne depuis bien sept ans.
Je dois avoir un air sacrément mélancolique puisque Moanaura se rapproche de moi, l'air un peu plus inquiète qu'avant.
« Eh là, mec, ça va pas ?
— Pas le moment de me faire de la psychanalyse, Moanaura, je grommelle. De toute façon, tu comprendrais pas. »
Elle rigole. Doucement, cependant, et je lui sais gré de baisser la voix.
« Me dis pas que t'as un crush.
— J'avais. Et j'ai pas spécialement envie qu'on me le rappelle. »
Je pousse un profond soupir. La belle époque de Saint-Cyr et de la découverte de ma sexualité. Un truc qui en rétrospective me fait bien volontiers rencontrer mon crâne avec la pierre du mur. Rappel perpétuel que j'ai été trop con et qu'avant cette Tuerie, je craignais bien ne jamais revoir la personne que j'ai aimé très, très longtemps sans m'en rendre compte.
Quelle ironie qu'une Tuerie nous ait réunis.
Moanaura sourit. Mais pour une fois, c'est sans la moindre trace de moquerie.
« Vous êtes proches depuis longtemps, hein ? ça m'étonne même pas que tu crush ou aies crushé à un moment de ta vie. Justement, t'as une chance de rattraper le temps perdu, profite !
— C'est pas parce qu'il a gagné au moins vingt points dans sa stat de charisme que j'ai forcément encore plus envie d'aller le pécho maintenant, je grogne, passablement agacé. J'ai eu un crush sur lui avant. Maintenant je le trouve beau. Fin de l'histoire.
— Eh mais dis-donc, Thibs, c'est que tu me fais des compliments dans mon dos ? Et tu disais quoi encore sur mon charme ? »
.... Je rêve ?
Putain, moi qui pensais être tranquille, le voilà qui se ramène avec son sourire en coin de ses morts et une telle satisfaction dans les yeux ?!? Quand on parle du loup on en voit la queue, hein... Mais putain, si seulement je m'étais rendu compte que j'étais repassé sur l'anglais plus tôt...
... Attendez une minute, pourquoi Moanaura le fixe avec une telle surprise ?
Je plisse les yeux, avant de lui jeter un coup d'œil. Prenant grand soin de parler français, cette fois.
« Moanaura, j'ai parlé en anglais, à un moment ? »
Moanaura fait la moue. Mais le pire, sans doute, est le sourire d'autant plus élargi d'Emerens, qui se penche vers moi, les traits pleins de cette satisfaction démoniaque.
« Désolé de te décevoir, Thibs, mais tu ne repasses pas souvent à l'anglais quand tu parles ta langue maternelle... »
...
Okay, cette fois je n'ai pas rêvé.
Passe encore qu'il ait compris ce que je viens de dire, vu la situation ça peut s'envisager. Mais et cette fois je ne peux le nier, il s'est exprimé dans un français parfait. Sans la moindre trace d'accent.
« ... Tu m'expliques ce bordel ? »
Son sourire s'élargit encore.
« Thibs, très cher, je crois que c'est un bon moment comme un autre pour t'annoncer que je parle français depuis plus de cinq ans. Couramment. »
....
Oh putain de bordel de sainte merde, par tous les démons qui existent sur cette terre pour venir me tourmenter, cet enfant de succube, ce fils de chien, ne vient quand même pas de me troller de la pire des manières ?!? Alors que je parle dans son dos en français depuis bien avant d'avoir même rencontré tout le monde dans cette foutue Tuerie ?!? Et que ce que je dis n'est pas forcément innocent ?!?
Je vais le tuer.
Je vais vraiment le tuer.
Putain, je viens littéralement de lui avouer mon ancien crush en direct sans même m'en rendre compte, et un peu plus et j'étais encore plus gay qu'avant !
Je le hais, putain, je le hais, je le hais, je le hais !
Et évidemment, comme je suis extrêmement en colère et consumé par un embarras pas croyable, la première chose que je fais, c'est avoir l'extrême bonheur de laisser partir mon poing vers sa putain de tempe.
« Mais putain de merde tu pouvais pas me le dire plus tôt au lieu de laisser traîner ça pendant deux mois, espèce de sale bâtard ?!? Genre c'est pas compliqué de sortir « au fait Thibs, je parle français maintenant » au lieu de me laisser m'embarrasser tout seul comme un sale con ?!? »
En même temps, mon poing part, et repart, et repart. Et il les stoppe l'un après l'autre avant qu'ils ne puissent rencontrer son salopard de visage avec tout l'amour que je lui réserve. Fils de pute.
« A ma défense, fait-il en rigolant, tu es adorable quand tu parles de moi en pensant que je ne peux pas te comprendre. Mais bon, au vu de ce que j'ai entendu aujourd'hui, je pense que la plaisanterie est terminée, inutile d'en rajouter plus que nécessaire... »
Ah connard. Évidemment, la simple mention de ce que je viens littéralement d'avouer à Moanaura me consume d'autant plus mon pauvre visage. Et lui, salopard qu'il est, ça semble le faire plus rire qu'autre chose. Je le hais tellement.
Moanaura qui est d'ailleurs morte de rire juste à côté de moi.
« Putain mec ! T'es vraiment un bâtard, gros, elle s'exclame, entre deux éclats de rire. Genre tu savais parler français depuis le début de notre rencontre, et tu nous as laissés bitcher sur ton dos sans rien dire juste pour le bien du troll ?
— Eh ouais. Et je suis d'ailleurs très surpris que la ruse ait duré aussi longtemps, puisqu'il suffisait de demander à mes camarades d'école ou même Ade pour découvrir le pot aux roses... »
Putain et t'es fier en plus. Nan mais, arrête de me regarder avec ce petit air fier, je vais vraiment te mordre, on va voir qui fait le con avec une marque de dents en lieu et place de son sourire !
« Je te déteste, putain, je grommelle. Je te déteste vraiment, sur ce coup-là. »
Il sourit. C'est ça, fais le beau, fais le beau, fils de pute.
« Tu pourras me taper dessus autant que tu veux plus tard, Thibs, lumière de mes journées, il rigole. En attendant, je peux avoir un câlin ?
— Ton cas ne se résoudra pas avec des câlins, espèce de salopard.
— ça, je sais. Je peux en avoir un quand même ? »
Je lève les yeux au ciel.
« ... Oui. Oui, tu peux. »
Je sais. Je suis faible. Mais à ma défense, c'est dur de rester fâché contre lui très longtemps. Même quand il me fait pas ses yeux de petit chiot, c'est vraiment pas compliqué pour lui d'exploiter mes faiblesses. Des fois, je me dis que c'est le résultat de quatre mois passés littéralement l'un dans les bras de l'autre.
Ouais, ouais, étonnez-vous que j'aie eu un crush, je vous entends.
Tout content, il ne se gêne pas pour se coller à moi, pendant qu'une Moanaura hilare rejoint le groupe de Seo-jun et d'Ibrahim qui semblent plus paumés qu'autre chose. Sa tête ne tarde pas à rejoindre mes cheveux, et moi, comme je suis vraiment faible, je le laisse faire.
Il sait vraiment comment m'exploiter, le fourbe.
Visage dans mes cheveux, il rigole, doucement cette fois.
« De ce que j'ai entendu, on parlera plus tard, si tu veux, Thibs. Ce n'est pas vraiment le bon endroit pour avoir une conversation privée. »
... Ouais, ça c'est sûr. Et c'est clair que j'y réfléchirai à deux fois avant de penser que la barrière de la langue est une sécurité. Surtout si les gens sont tous autant des trolls qu'Emerens Van Heel.
Ce petit interlude m'aura permis d'arriver enfin au food truck. Ansgar va immédiatement chercher une table, avec Sachiko qui me lance un regard moqueur avant de s'installer en plein sur ses genoux ; de leur côté, Alannah et Seo-jun décident de nous suivre, moi et Emerens, jusqu'à l'étal de nourriture.
Le garde du corps a d'ailleurs un petit sourire.
« Il s'est passé quoi avec Emerens tout à l'heure, dis-moi ? ça avait l'air de beaucoup crier mais comme je n'y comprenais rien...
— Petit quiproquo, rien de méchant, pouffe ledit Emerens en m'ébouriffant les cheveux. Tu prendras quoi, Thibs ?
— Une barbe à papa, pour moi, je grogne, lui jetant un regard mauvais. Histoire d'oublier que t'es un sale con doublé d'un énorme troll. »
J'entends la machine de l'étal, à côté de moi, tourner, et Emerens sourit, avant de me faire un clin d'œil.
« Assumé. Et puis tu l'aimes, ce troll, pas vrai ? »
Je lève les yeux au ciel. Le pire, c'est que je peux même pas nier.
« Et voilàààà, fait une voix joyeuse dans l'étal. Une barbe à papa de prête, une ! »
Ah, enfin. Toujours bien ronchon, je tends la main pour la prendre, et m'apprêtais à croquer dedans lorsque je surprends le regard... à mi-chemin entre la stupéfaction et le dégoût d'Emerens.
Je hausse un sourcil.
« Qu'est-ce que t'as ? Y'a un problème avec mes choix de vie ?
— Euh.... Non, c'est pas ça, Thibs, grimace mon meilleur ami avant de pointer l'étal du doigt. Tu devrais... regarder de plus près. »
Ben voyons. Qu'est-ce qu'il y a de si dégoûtant... Je tourne la tête, un peu agacé, mordant dans ma barbe à papa parce que bon c'est pas bien de gâcher. Avant de cligner des yeux.
Une fois.
Deux fois.
Mais rien à faire, toutes les tentatives de récupérer un semblant de vision normale n'empêcheront en aucune manière que je constate que... bah... Eh bah c'est pas un robot, dans l'étal.
C'est un mec. Un humain, indubitablement, l'odeur qui s'en dégage à peine couverte par le sucre en est la preuve. Cheveux poivre et sel gras et ébouriffés, assez longs pour atteindre son menton, un immense sourire sur le visage dans lequel je ne serais même pas surpris de voir des dents en moins tellement elles sont jaunes. Une moustache digne de Jouslin de Pisseloup de Noray en plus ébouriffée, et la barbe qui va avec. Un œil noir et un œil rouge, brillant de convoitise.
Mais surtout, et sans doute le pire du pire, un kigurumi sali et recouvert de taches, mais qui ne m'empêche pas de reconnaître la créature inspirée. Un ours noir et blanc que je ne connais que trop bien.
D'un seul coup, j'ai plus une once d'appétit, là.
Alannah écarquille les yeux. Et de son côté, Seo-jun grimace.
« ... Est-ce que c'est le début d'une mauvaise blague ?
— En tout cas c'est une très mauvaise manière de m'accueillir, s'exclame l'homme. Mes salutations, mes très chers Ultimes ! Comment est-ce que vous allez en cette si belle journée ?? »
... On va dire que ça va beaucoup plus mal maintenant que ce type est là. Et tout le monde le sent bien, je crois. L'ambiance vient de descendre de trois tons, et Ansgar, suivie par une Sachiko bien plus furieuse que je ne l'ai jamais vue, se précipite sur nous, canne en main.
« Restez prudents. Ce type n'est pas un simple sous-fifre. C'est un autre Monokuma. »
.... Ettttt l'ambiance plonge de nouveau. Cette fois, elle devient absolument glaciale. Même l'affreuse musique à thème du parc prend des accents terrifiants.
Il faut dire que, en présence d'un deuxième Monokuma, tout ne peut que prendre des accents de glace.
Deuxième Monokuma qui d'ailleurs ne se laisse pas démonter une seule seconde. Il se hisse, un peu péniblement, au bord de l'étal avant d'adresser un large signe de la main à Ansgar.
« Ansgar Kasjasdottir en personne, c'est un honneur ! Je suis un grand fan. D'ailleurs, puisqu'on en est là, je me présente, histoire que nous ne nous confondions pas avec ce cher Artiste ! Je suis donc Monokuma, l'Ultime...
— FAN ?!? Je peux savoir ce que tu fous ici, triple idiot ?!? »
... Un malheur n'arrive jamais seul, on dirait. De derrière l'étal vient de surgir notre propre Monokuma, l'Ultime Artiste, l'air à deux doigts de faire une crise d'apoplexie. Son visage est en nage, rouge comme la mèche de ses cheveux, mais il prend à peine le temps de respirer profondément avant de choper le fameux Ultime Fan par le cou pour le secouer comme un prunier.
Ultime Fan qui ne semble pas se départir de sa belle contenance, vu qu'il conserve son sourire.
« Salut Artiste ! Comment ça va, ta Tuerie ? J'interromps rien dans tes petits plans ?
— Tu as tout intérêt à ce que ce sois le cas, espèce d'abruti, lui crache Monokuma au visage. Parce que je n'ai pas passé deux mois de travail et de sapement psychologique pour que tu viennes ruiner tous mes projets ! »
... Ouh là, je n'aime pas du tout le tour que ça prend. Visiblement, la présence de ce... Fan n'était même pas prévue au programme, et vu la gueule de, entre autres, Emerens, Seo-jun et Ansgar, ça ne présage rien de bon. Les trois ont l'air d'avoir avalé une couleuvre. Avec du piment indien.
« ... Je peux savoir ce que c'est que ce bordel ? Intervient d'ailleurs ledit Emerens. Un deuxième Monokuma ? Ici ? Tu te foutrais pas un petit peu de notre gueule, Artiste ?
— Crois bien, Van Heel, que si j'avais mon mot à dire, cette pathétique excuse d'œuvre d'Art se retrouverait balancé dans la jungle amazonienne en moins de temps qu'il n'en faut pour s'exclamer « philistin », siffle notre Monokuma avec un air furieux. Mais j'ai des règles à respecter, malheureusement... »
Emerens souffle par le nez, suivi par Ansgar, et Seo-jun fait une affreuse grimace.
« Putain, comme si un seul ne suffisait pas, maintenant on en a deux pour nous forcer à tuer... »
Une lueur étrange s'allume dans l'œil de l'Ultime Artiste. Mais avant que qui que ce soit n'ait pu ajouter le moindre mot, une vibration se fait entendre dans sa poche.
Et le visage de l'Ultime Artiste se teinte d'une inquiétude profonde.
Je hausse un sourcil, mais de toute façon je n'en saurais pas quoi que ce soit de plus. Notre Monokuma vient de lâcher le Fan, avant de balancer un regard méprisant dans notre direction et de le choper par l'oreille de son kigurumi.
« Tu vas venir avec moi, qu'on cause de sujets importants. Par contre, je te préviens, mon bonhomme, qu'il y a fort à parier que tu n'aies pas le droit d'interférer dans quoi que ce soit. Mobiles, meurtres, rien. Je me suis bien fait comprendre, Fan ? »
Ledit Fan hausse les épaules. Il ne s'est toujours pas départi de son immense sourire.
« Pas que ça me dérange. Je veux toujours avoir mon tour après. Ici, je me contenterai d'admirer, la beauté de tous ces Ultime sacrifiés ! »
L'Artiste lève les yeux au ciel, et ne nous adresse même pas un mot de salutation avant de traîner le Fan au loin par l'oreille de son kigurumi.
Sous les regards effarés et répugnés de tout notre petit groupe.
Comment dire qu'après ça la sortie parc d'attractions me paraît quelque peu avortée ?
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Petit coucou de l'auteur qui est ravi.e de vous présenter ce caméo !
Fan, le Monokuma qui va vous suivre pendant une bonne partie de l'histoire, est le Monokuma de la Tuerie de 2022 Collapsing Justice, écrite par Hugo, ou
Excusez mes mentions dégueu je suis sur ordi, enfin bref-
Je lui fais un peu de pub parce qu'il le mérite, et ça le motivera peut-être à écrire (moi ? démago ? noooooon)
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