Chapitre 3 (22) : So, this is the End
.... Je suis de retour-
Toujours le même type de content warning, faites l'amour pas la gerr vous savez-
C'est encore une fois du bisouillage et on sait où ça mène, mais comme cette fois c'est en plein milieu de chapitre j'ai compartimenté avec des ***.
Du coup voilà, je repasse vous prévenir-
J'ai fait un cauchemar.
C'est la première fois depuis plus de deux mois que je rêve de l'endroit où nous sommes. Du danger qui pèse sur nous.
De ceux qui sont morts, de ce danger.
Et quand je me réveille, en sueur, sans doute plus blanc que le drap et le cœur battant, leurs visages mettent un peu de temps à s'effacer de ma rétine.
Leurs visages pleins d'amitié, de rage, de colère, de peur.
D'amour.
Je me suis réveillé vachement tôt pour une fois. Il est huit heures du matin, d'après mon Monodossier, si je pars maintenant je vais être super en avance pour le rendez-vous d'Ade. Mais pour être franc, je n'ai pas vraiment envie de bouger de mon lit. Je viens d'émerger, pourtant je suis presque aussi épuisé que si je venais de courir le marathon.
Du coup je me rallonge, et je réfléchis à la suite.
En priant pour que ce ne soit pas un mauvais présage.
De toute façon, je n'aime pas cauchemarder.
Mais maintenant ? Quelque part, Ansgar, Ade et Moanaura ont raison dans leurs mots. Nous sommes dans un statu quo qui ne peut pas durer. Même si on reste dans le cercle quatre six moins, un an, dix ans, tôt ou tard, il nous faudra sortir. Beaucoup trop d'Ultimes ne peuvent travailler dans ces conditions. Et cette sécurité que nous nous bâtissons pourrait bien finir par devenir illusoire parce qu'au fond de nous, on sait tous qu'on va devoir sortir.
Mais comment sortir ?
Un meurtre ne suffira pas. Il nous en faudrait encore trois pour atteindre le cercle central, le numéro un. Ce qui implique encore perdre six personnes. Et je n'ai aucune envie de jouer à la loterie pour savoir qui mourrait. Même en considérant trois suicides, cette option serait horrible.
Et même, est-ce que sortir nous suffirait ?
Dans quel état on finirait ?
Je secoue la tête. Je n'ai pas vraiment envie de réfléchir à ça de bon matin. En plus, avec mes idées noires, je vais finir par réveiller Emerens, qui dort toujours à côté de moi, et ça, ça me donnerait clairement de quoi regretter.
Autant que je me prépare pour aller au rendez-vous d'Ade maintenant. De toute façon, elle a peut-être une piste, et si sa piste est viable, je crois que je serai ravi de l'exploiter. Ça me donnera quelque chose à faire, au lieu de rester planter là à me faire embrasser par surprise ou draguer de tous les coins de ce maudit par à thème.
Noooon, je ne suis pas du tout salé par rapport à hier et au fait que je n'ai pas pu m'expliquer avec Alannah, je ne vois pas de quoi vous parlez.
Je me redresse, et tente de me hisser du lit aussi péniblement que possible pour quelqu'un d'aussi crevé que moi. Tente, parce qu'à part le poids de mes péchés, autre chose me retient dans le lit. Et cet autre chose, c'est le bras d'Emerens qui vient de fourrer sa tête dans mon dos.
« ... Tu vas où comme çaaaaaa...
— Je bouge mes fesses, je réponds, contrairement à quelqu'un de ma connaissance. Allez, tu me laisses me lever s'il te plaît ?
— Bouger ses fesses c'est surfait, baille l'autre emmerdeur depuis son coin du lit, non sans me retraîner à l'intérieur. Tu veux pas rester encore un peu ? S'il te plaît... »
Je lève les yeux au ciel. C'est qu'il va me mettre en retard, et vu l'heure à laquelle je me suis réveillé, c'est un peu le comble.
« Je peux pas, Emerens. J'ai rendez-vous avec Ade à neuf heures, faut que je me prépare un minimum.
— Ade peut attendre. Moi, pas. Allez, quoi... »
Sa jambe s'enroule autour de la mienne. D'accord, espèce de gros toutou collant, j'ai compris la leçon, mais je vais quand même pas lui poser un lapin ?
Je me recale dans le lit un peu plus confortablement, et Emerens ne perd pas la moindre seconde pour fourrer son nez dans mes omoplates, tirant sur le tissu de mon T-shirt. Ses bras s'enroulent autour de ma poitrine, et je le laisse faire, pour un moment. En essayant quand même de ne pas me rendormir.
Par contre, câlin ou pas, il n'a vraiment pas l'air de vouloir me lâcher.
« Emerens, je tente, une deuxième fois. Je dois vraiment y aller, là.
— Nan, tu dois pas. Y'a des priorités dans la vie...
— T'en es une ? Première nouvelle. »
Il a un petit rire de derrière mes omoplates.
« En tout cas je savais pas qu'Ade en était une. Et puis, depuis quand tu te préoccupes de lui poser un lapin ? »
Je lève les yeux au ciel. Décidément, leur litige va plus loin que ce que je pensais. Qu'est-ce qu'il cherche à saboter ? Mec, je savais que tu l'aimais pas, mais quand même, à ce point ?
« Elle va pas me proposer un rendez-vous amoureux comme la moitié des gens de cette Tuerie, hein, » je grommelle, tentant une deuxième fois de m'extraire de l'étreinte diabolique de mon meilleur ami. « On devait parler supposément d'un sujet complexe.
— Rien à foutre, marmonne Emerens. Je suis trop bien, là, et je vais pas sacrifier mon moment de câlin pour Ade Okafor. Elle avait qu'à te donner rendez-vous pendant l'après-midi.
— Sauf qu'elle l'a pas fait. Donc... ? »
J'avoue que là, je proteste un peu pour la forme, parce que je suis trop bien pour bouger. Nan mais des fois, on est faible ou on ne l'est pas, et moi, pauvre pégu, suis pas franchement ce qu'on pourrait appeler capable de résister à la douceur d'une étreinte à laquelle le responsable semble vraiment tenir. Et puis, si je peux me faire câliner, franchement, je ne dis pas non.
Je me demande juste vraiment ce qu'Ade voulait me dire de si important pour me donner rendez-vous.
Enfin de toute évidence, ce n'est pas si urgent que ça, sinon elle me l'aurait dit hier, pas vrai ? C'est juste un sujet complexe...
***
Pendant que je réfléchis, je sens mon T-shirt s'étirer vers le haut. Et la main responsable passe en-dessous pour venir caresser le contour de mes clavicules.
Dans mon dos, Emerens rigole doucement.
« Si t'es pas encore tout à fait convaincu, je crois que j'ai un excellent argument... »
... Je crois que je le devine. Et au cas où c'était pas assez évident, j'ai bien l'impression, de ce que je sens sur la peau de mon dos, que lui aussi a relevé son T-shirt.
Je sais pas si je dois rigoler ou lui en coller une.
... À la réflexion, plutôt rigoler.
« Sérieusement... ? Tu crois que c'est un argument pour me garder au lit ? C'est un peu démago, ça, monsieur Emerens. »
Il se colle un peu davantage à moi. Je sens la pression de ses lèvres dans mon cou.
« En tout cas, ça a l'air de fonctionner... »
Arrête tout de suite avec cette intonation charmeuse, je sais très bien ce que tu veux et tu ne l'auras p– quoique, la main qui vient de passer de mes clavivules à mon vieux reste de pectoral est plutôt tentante. Tentatrice, même. Le con, il sait comment jouer sur le contact pour me donner envie. Je crois que c'est le résultat de trois mois de câlins, ça.
De nouveau, ses lèvres retournent dans mon cou. Et je ne peux pas retenir mon soupir d'aise.
Ce qui le fait bien rire.
« Tu vois ? »
Je lève les yeux au ciel.
« Oui, oui, je vois très bien, et je sens très bien aussi. Et de bon matin, je trouve que tu es bien présomptueux. »
Certes, on l'a refait une fois ou deux dans le courant du mois d'août, mais quand même, c'est bien la première fois qu'il est aussi insistant. Notez que dans la situation présente, je vais pas m'en plaindre. J'ai besoin d'oublier mon cauchemar. J'ai besoin d'oublier mon stress. J'ai besoin de m'abandonner à quelque chose qui m'empêchera de me dire que rien ne m'attend à la sortie.
Ses bras se resserrent autour de moi. Mon T-shirt est presque entièrement enlevé, et derrière je sens le contact de la peau de son buste sur mes omoplates. Sur lesquelles il descend sans ajouter le moindre mot. Je crois que ses actions parlent d'elle-même.
De nouveau, je lève les yeux au ciel.
« T'es con.
— Un con qui a très, très envie de toi, Thibs, lumière de mes journées, il rigole contre mon omoplate. Bon, tu restes là à te laisser câliner où tu viens t'occuper un peu de moi ? S'il te plaît... »
... Demandé si gentiment difficile de refuser, hein. Ou alors c'est ma libido qui parle.
J'aurais pu protester davantage pour la forme, je me dis, mais à ce stade je crois qu'il ne m'aurait pas cru. Pas alors que je me retourne entre ses bras pour passer les miens autour de son cou, pas alors que je me serre contre lui pour l'embrasser doucement, puis avec de plus en plus de passion.
Je crois que même moi, je ne me serais pas cru moi-même. Et puis, très sincèrement, je crois que j'en avais vraiment besoin.
Tant pis pour Ade. Si c'est vraiment important, elle pourra toujours me le dire plus tard.
***
Au final, je crois que j'ai complètement loupé l'heure du rendez-vous. Parce qu'il est neuf heures trente quand je sors enfin de ma chambre, habillé, lavé et encore un peu dans les vapes avec derrière moi un Emerens affichant la satisfaction la plus totale, et je me doute bien de pourquoi.
Je m'attendais à me refaire charrier sur mon expression matinale par Seo-jun, mais je ne le croise pas dans le couloir qui mène au lounge. D'ailleurs, je crois que je croise de toute façon pas grand-monde. À part Moanaura, qui me fait un clin d'œil sans rien rajouter, avant de bailler à qui mieux mieux et de repartir vers sa chambre. Je crois que je ne suis pas le seul fatigué du coin.
Devant le lounge, en train de jouer avec l'écran de commande de ses drones, par contre, se trouve Alannah, casque sur les oreilles, ce qui ne l'empêche pas de relever la tête alors qu'on arrive. Elle me fait un signe amical avant de ranger son écran, et j'entends bourdonner une mouche à côté de mon oreille que je dois me retenir d'écrabouiller. Par peur de provoquer l'ire de l'Ultime Ingénieure en robotique plus qu'autre chose.
On ne sait jamais.
« Salut, Thibault ! ça va bien ce matin ?
— Pas trop mal, je soupire. Et toi, depuis hier ? »
Elle se triture les doigts avec un certain embarras. Bon dieu, elle est trop mignonne. Et moi derrière puisque mon foutu cerveau est un imbécile je me rappelle de la dernière fois que nous nous sommes vus. Et surtout de ce qu'il s'est passé.
Putain, il va bien falloir qu'on reparle de ce foutu baiser à un moment où un autre.
« Ça va, ça va, répond Alannah, évitant soigneusement mon regard. Je... J'voulais te parler d'hier, mais t'as l'air un peu en train de planer, du coup je sais pas si...
— Ah, ça c'est ma faute, désolé, ricane Emerens. Thibs a pas pu résister à l'appel d'un gros câlin matinal. »
Putain, mec, bonjour la discrétion. Enfin, il aurait pu dire pire, certes, mais je pense que ma tête est assez évocatrice de ce qu'est ce fameux gros câlin matinal. D'ailleurs, Alannah est loin d'être idiote, vu qu'elle en rigole avant de lui filer un coup de coude joueur.
« T'es sérieux Emerens ? Tu veux pas en laisser pour les autres ?
— Pourquoi, il rigole, ça te tente ? Écoute, je te le laisse quand vous voulez, je sais me débrouiller tout seul comme un grand... »
... Merci, me voilà encore plus gêné. Je lève un poing rageur en direction de cet enculé, qui se contente de lever les mains en un geste universel d'innocence avant de me tirer la langue. Hmmm, on va voir si tu continues à me tirer la langue quand j'aurais écrasé mon poing dans ta belle gueule, espèce de sale bâtard ! Ou alors j'vais te mordre, tiens. Ça, ça te calme, visiblement, pas vrai, Emerens ?
Alannah de son côté est morte de rire, et je la vois agiter les mains alors qu'Emerens bloque mon attaque en traître vers sa nuque. Coinçant mon bras sous le sien dans une position très cocasse pour lui, à n'en pas douter.
« Écoute, moi j'voudrais bien mais bon, je crois qu'il faudrait p't'être qu'on discute de trucs d'abord ! Hein Thibault ? »
... Ah oui, ça c'est sûr. Mais pour le coup je sais pas si je suis prêt à cette discussion maintenant. Pas dans cette situation, en tout cas. Pas alors que j'essaie d'étrangler mon sale bâtard de meilleur ami qui n'a décidément rien mérité de mieux, et non ce n'est pas du tout hypocrite de ma part au vu de ce qu'on a fait ce matin, noooon.
En désespoir de cause, je cherche à changer de sujet.
« Au fait, Alannah, t'aurais pas vu Ade ? Je lui ai un peu posé un lapin ce matin, merci Emerens, et du coup j'aimerais bien la trouver au moins pour lui demander ce qu'elle me voulait.
— Ade ? Non, pas vu, réfléchit Alannah, menton entre les doigts. À bien y réfléchir, je crois que je n'ai pas vu grand-monde, ce matin. À part Moanaura tout à l'heure...
— On l'a vue aussi, intervient Emerens. Mais c'est bizarre, non ? D'habitude, les gens passent au lounge voir Ansgar, et tu es quand même postée là depuis pas mal de temps, si j'en crois ta posture ?
— Elle est peut-être arrivée avant moi, répond Alannah. Je suis là depuis... Quelque chose comme une heure ? Je sais pas trop. Et Ansgar arrive souvent dans le lounge à sept heures du mat pour nos rapports... »
... Ouais, Ansgar je veux bien. Et Ade, sans doute aussi, même si sa potentielle présence dans le lounge implique qu'elle aussi, tout compte fait, m'a posé un lapin. Mais les autres ? Même pas Seo-jun ou Nako ? Eux qui sont plutôt voyants d'habitude ?
Alannah grimace. Elle aussi, elle commence à trouver que ça ne sent pas très bon, visiblement.
« Si je devais deviner, soupire Emerens, je dirais que Seo-jun est avec Houshang. Ça fait pas mal de temps qu'il lui tourne autour, j'ai bien envie de savoir s'il a réussi. Ester doit être dans son lit, et Ade avec Ansgar dans le lounge. On a croisé Moanaura, tu es là avec nous, et Kimura... »
Il pouffe.
« Très franchement, si quelqu'un arrive à voir Kimura depuis la dernière fois, je lui dis bravo.
— T'exagères, ricane Alannah. Elle est pas venue te voir il y a deux ou trois jours ? Pour te demander un truc, je crois vu sa tête... »
Le souvenir doit être particulièrement désopilant vu qu'Emerens éclate de rire. Et évidemment, Alannah suit. Super, c'est sans doute une inside joke que je ne connais pas, ça fait toujours plaisir.
« Ah, putain, ne me rappelle pas ça. C'était tellement surréaliste que je me demande même si c'est vraiment arrivé ?
— Vous parlez de quoi, là, oh, je marmonne. Parce que là, je suis complètement largué. »
Emerens s'essuie le coin de l'œil avec un sourire.
« Désolé. C'est juste que Kimura est venue me poser des questions il y a deux ou trois jours. Déjà, ça, c'est surprenant.
— Mais visiblement, les questions, elles étaient hilarantes, ajoute Alannah, parce que deux minutes plus tard t'étais plié en deux sur ta table ! Et elle, elle te gueulait dessus, c'était beau ! Un vrai plaisir à voir... »
Je lève les yeux au ciel. C'est bien beau tout ça, mais en attendant je n'ai toujours pas ma réponse.
« Et elle voulait demander quoi. Hein. Parce que c'est ça un peu le but de ma question. »
Emerens a un rictus ironique.
« Mon amour, j'adorerais enfoncer Kimura du plus profond de mon cœur mais je crois que je ne vais pas trop aimer là où ça va me mener. Du coup, si tu es si indiscret que ça, va donc lui demander, vu que visiblement elle t'écoute...
— Tu parles, je grommelle. Tu sais très bien que ça fait plus de deux mois qu'elle m'évite.
— Pauvre chou, rigole Alannah. T'inquiète pas, elle va revenir. »
Vous y mettez pas à deux, s'il vous plaît, c'est vraiment pas le moment. Et puis j'avais quand même pas l'air si déçu que ça ? Si ? Non, je suis sûr que non.
« En attendant, reprend Emerens, le seul dont je m'inquiète vraiment de la position, ça reste Ibrahim. On ne sait jamais trop où il est, et s'il n'est pas allé voir Ansgar ce matin...
— On devrait peut-être lui demander, non ? A Ansgar. Qui iel a vu ce matin et quand. Ça aiderait.
— Ah non, flemme de bouger ! Et puis restez là, un peu, je vous vois pas souvent, c'est nul, bougonne Alannah. J'ai une meilleure idée. »
Aussitôt, la voilà assise au sol, à fouiller dans son sac avec insistance, jusqu'à ressortir fièrement... L'écran de contrôle de ses drones.
...
Eh, mine de rien, c'est pas une si mauvaise idée.
Je m'assieds à côté d'elle sans trop me faire prier, et Emerens prend son autre côté alors qu'elle allume l'écran de contrôle, non sans s'appuyer sur mon épaule avec une certaine nonchalance.
Okay, c'est clair, c'est le chapitre de la pan panic.
Eeeeenfin bref, on pensera à fourrer son nez dans les cheveux d'Alannah plus tard, c'est même pas clair ce qu'il se passe là en ce moment. Elle allume l'écran de contrôle, et toutes les caméras de ses drones défilent une à une sur l'écran. La plupart sont thermiques, mais sur l'une d'entre elles, celles à images réelles, je vois passer une forme sombre sur l'écran.
« Seo-jun, confirme Emerens en pointant du doigt la tignasse noire du garde du corps. Donc, il n'est pas avec Houshang. »
Je vois que son visage s'est crispé. Et ça ne me dit rien de bon.
Une autre caméra passe devant mes yeux. Avec, encore, quelqu'un dessus. Quelqu'un de vivant, visiblement. Je devrais me sentir mieux de pouvoir me dire que toujours plus de monde est vivant.
Sauf que, loin de me rassurer, cette silhouette souriante me glace le sang.
Emerens plisse les yeux.
« ... Qu'est-ce qu'il branle...
— Je sais pas, mais ça me dis rien de bon, je grimace, me détournant de la caméra. Je sais même pas comment il fait pour nous regarder à travers l'œil des mouches d'Alannah. »
Et pourtant, pas de doute à avoir, c'est bien le Fan, en train de nous regarder à travers la caméra, droit dans les yeux, sans jamais lâcher le capteur vidéo du regard. Même alors que la mouche d'Alannah lui tourne autour, il continue de la suivre des yeux, et nous sourit, avant de faire un petit signe de la main à l'insecte robotisé.
L'espace d'une seconde, je vois toute la soif de sang du monde dans son regard.
Juste une seconde.
Juste assez pour que je me dise qu'elle vient d'être comblée.
Je me recule d'un bond, et Alannah change de caméra dans la panique. Ce qui pousse Emerens a nous passer un bras autour des épaules à tous les deux. Visiblement, on est assez petits pour qu'il puisse atteindre le milieu de mon dos même alors que je suis loin, mais c'est sans doute du au fait que je suis recroquevillé contre Alannah en tremblant, donc je ne vais pas m'en plaindre.
« Putain... J'ai jamais eu aussi peur d'un gars en kigurumi panda puant.
— ça reste un Monokuma, grimace Emerens. Même aussi peu crédible, je pense qu'on peut avoir légitimement peur de lui. Si seulement... »
Mais il n'a pas le temps de continuer sa phrase. Alannah vient de poser un doigt tremblant sur l'écran, sur une de ses images caméras immobiles.
« Les gars.... Regardez ça... »
Elle est blême. Et sa voix tremble plus que jamais.
Sous son doigt, l'image figée de la caméra d'un de ses drones, qui tressaute de temps à autre sous l'effet de je ne sais plus quoi. Et sur l'image.... Sur l'image....
« ...... C'est pas vrai, jure Emerens. Dis-moi que c'est un faux effet de ta caméra. »
Mais impossible de s'y tromper. Sur la caméra, qu'Alannah n'arrive même plus à bouger tant elle est choquée, s'étale l'image d'une main gisant au sol. Immobile. Et recouverte de noir.
Et à ce moment, je l'entends. La voix dans mon oreille. La petite voix de Ruben qui chuchote, d'un ton si innocent et pourtant si accusateur. Un ton qui ne pourrait paraître plus clair. Et quelques mots qui ne pourraient davantage briser un rêve que j'ai cru si longtemps me maintenir à l'abri.
« ... Qu'est-ce que tu fais, Thibault ? »
Je ne sais pas si c'est Ruben ou Alannah qui a parlé. Je ne sais pas. Je ne sais rien. Je sais juste que j'ai bondi sur mes pieds, déséquilibrant l'ingénieure, le cœur qui bat à cent à l'heure et cette fois pas pour les bonnes raisons. Que je tremble de tout mon corps et que le froid qui m'envahit n'a rien de naturel.
« On va voir. Il faut absolument qu'on voie si tout va bien.
— Je te suis, lance immédiatement Emerens en bondissant sur ses pieds. J'ai un mauvais pressentiment, moi aussi.
— C'est dans le couloir du petit salon, là où il y a les trois premières chambres, s'exclame Alannah. Allez, on y va. »
Pas besoin de ça pour me faire prier. Je me précipite dans les couloirs, suivi par Emerens et Alannah qui me suivent tant bien que mal, l'esprit hanté par l'image de cette main, cette main gisant sur le sol et recouverte de noir d'une manière tout sauf naturelle. Priant, priant je ne sais quoi que tout aille bien, que ce soit rattrapable, que je puisse faire quelque chose, n'importe quoi, n'importe quoi, n'importe quoi.
Tout ne peut pas se finir aussi facilement n'est-ce pas ?
Ça ne peut pas se finir comme ça.
Et pourtant, quand je déboule dans le couloir, sur un cri de surprise horrifiée de Seo-jun qui visiblement est arrivé en même temps que nous, ce que je vois ne laisse pas la moindre place à cet Espoir que je recherche.
Pourtant, quand je déboule dans le couloir, et que je la vois, au sol, prostrée, crispée dans une expression de terreur à jamais figée, je comprends qu'il n'y a plus aucun Espoir dans ces lieux maudits.
Parce qu'au sol, ce que je vois est à peine reconnaissable. Entre les terribles cicatrices, les vêtements déchirés, l'œil rempli de cette panique éternelle, et surtout toutes ces veines noires qui lui parcourent le corps, toutes les traces que je vois s'étirer sur sa peau, rêche et abîmée, entre ses côtes plus apparentes que jamais, dans ses yeux horrifiés, je ne reconnais plus rien de ce qui fut un être humain, et pourtant je la reconnais, je ne peux que la reconnaître, et je n'arrive à plus rien voir d'autre que ce qu'elle est devenue, si loin de ce qu'elle a été.
Ester Koppel, Ultime Dentiste, n'a plus aucun Espoir d'être sauvée.
A côté de moi, Emerens marmonne quelque chose en allemand que je ne comprends pas. Mais moi, je n'entends plus rien. Plus rien que le terrifiant silence que cette comptine devenue si familière ne vient même pas briser.
Le moineau s'est arrêté de chanter.
"Maudit soit celui qui cède aux charmes du mensonge"
Enregistrement d'un micro posé dans une salle étrange
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