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Chapitre 3 (20) : Thank you for you

Deux semaines après ce petit épisode.

J'ai du mal à m'ajuster à ma nouvelle situation mais quelque part, je ne m'en tire pas plus mal. Est-ce que je suis célib' ou pas je n'en sais rien, mais en tout cas, je m'en fous pas mal et ça fait du bien de pas trop se préoccuper d'un truc. Les termes viendront plus tard.

Par contre, apparemment, s'il y a bien un truc qui a pas été compris dans notre établissement de relation, visiblement, c'est le niveau de tactile. Emerens a tenu une semaine avant de se transformer en golden retriever. C'est même plus qu'il se colle à moi dans les pires situations. Maintenant, c'est limite s'il ne se jette pas à mon cou quand j'arrive. Et ma personne allongée sur le canapé prend visiblement des allures de traversin à ses yeux puisque la première chose qu'il fait en m'y voyant c'est s'étaler sur moi comme un gros chien.

C'est d'ailleurs dans cette situation que je suis actuellement. Un sandwich entre le canapé et mon meilleur ami qui visiblement est devenu plus que ça, et qui semble adorer la jointure de mon épaule vu comment il y a fourré son visage.

Je commence à comprendre ce qu'ont subi Sharon et Louna.

Enfin en attendant, c'est elles qui survivent et moi qui décède sous le poids de cet énorme salopard qui m'a bien l'air sur le point de s'endormir. Et si vous saviez à quel point j'aimerais le virer. Mais non, à la place je lui gratouille la tête et je regarde comment ça le fait encore plus fourrer son visage dans mon cou, tellement je suis faible...

En une semaine de temps, ce genre de visions est devenue assez commune. Et je suis évidemment le seul à souffrir en plein mois de juillet amazonien parce que je suis le seul à qui un certain abruti se colle en pleine journée. Tout le monde ou presque se balade avec des boissons fraîches ou des brumisateurs. Sachiko m'a d'ailleurs arrosé plusieurs fois.

Sachiko, d'ailleurs, je la vois de moins en moins souvent. Très certainement à cause de l'autre pot de colle, puisqu'elle ne se pointe que quand je suis seul. Mais même alors qu'Emerens me laisse quand même de l'air de temps à autres –et je n'ai absolument pas envie de savoir à quoi il s'occupe– c'est devenu de plus en plus rare d'apercevoir Sachiko. Encore plus seule. En ce moment, soit elle est avec Ansgar, soit elle cause avec Ade.

Après, les lieux sont grands et nous ne sommes que douze. J'aimerais bien pouvoir faire les comptes, puisque nous sommes quand même dans la même situation qu'au premier meurtre, dans l'impossibilité de détecter un cadavre caché ; mais Ansgar compte les rapports chaque matin et cette fois, iel y met du zèle, cherchant à savoir tout ce qu'il lui est possible de savoir.

C'est rassurant à bien des égards.

Dans ceux que je vois souvent, aussi, il y a Ester. Cette dernière est d'une humeur rayonnante malgré sa faiblesse physique de plus en plus alarmante, et très souvent lorsque je la croise, elle chante une comptine en allemand ou en estonien et nous salue avec amitié. Emerens s'arrête de plus en plus souvent pour lui parler. Visiblement, elle est très contente de le voir.

J'aimerais bien pouvoir faire profiter de ma chance à Moanaura et Nako, aussi. Mais de leur côté, ça ne progresse pas. La Capitaine et la Game Designer s'évitent toujours un petit peu, et j'ai beau essayer de tâter le terrain, tout ce que j'arrive à tirer de l'une, c'est des félicitations ronchonnes, tandis que l'autre me dit que sa petite amie lui manque et qu'elle n'a pas franchement envie de me parler de relations à cet instant précis.

Ça se vaut, Nako, mais j'essaie de t'aider, moi.

D'ailleurs, Ester aussi a l'air de vouloir tenter sa chance. Depuis que Moanaura a totalement laissé tomber le côté de sa crush, je vois de plus en plus souvent la Dentiste essayer de parler à Nako. Souvent sur le prétexte du travail de son anglais. Elle fait des progrès phénoménaux, parle de plus en plus et on voit bien que son avancée la rend heureuse puisque maintenant, elle adresse la parole en anglais et joyeusement à qui veut l'entendre, mais je la vois toujours ressortir déçue lorsque Nako la quitte sa leçon finie.

Je suis presque sur le point de demander à Emerens de m'aider à dépatouiller cette situation pour le moins compliquée, et c'est dire. Mais bon, il a réussi à matchmaker Nako avec sa cousine, et Willelmien, sans vouloir t'offenser, Willy, est un peu un cas désespéré par moments.

Comment ça j'en suis un aussi ? Je vois pas de quoi vous voulez parler, la preuve, le gros tas dans mes bras.

Mais bon. Je suis pas encore désespéré à ce point-là. Surtout qu'en ce moment, j'ai plus envie de le dégager de mes poumons que de lui demander de l'aide, à ce fameux gros tas.

D'ailleurs, il serait peut-être temps que j'essaie de respirer de nouveau.

Je secoue Emerens de toute la force qu'il m'est possible de mobiliser, et ce dernier grommelle en resserrant ses bras autour de moi. Okay, c'était pas l'effet voulu.

« Y'a écrit traversin sur mon front, Emerens ? » Je grommelle, continuant de secouer le dragon. Enfin j'espère bien qu'il ne s'est pas endormi...

« Nan, y'a écrit « à moi », me répond l'autre empaffé d'une voix à moitié endormie, tout en se redressant sur ses coudes. Je peux avoir un bisou ? »

Je lève les yeux au ciel.

« N'essaie même pas de me prendre par les sentiments, Van Heel. Sur le front, le bisou. »

Comment ça ce sont deux phrases contradictoires ? je vois pas de quoi vous voulez parler. En plus, ça a l'air de lui faire plaisir, vu qu'il s'exécute direct... En ayant au moins le mérite de se redresser sur ses coudes après. Pour le passage d'Ester, d'ailleurs, qui arrive dans le salon en chantonnant sa comptine, et nous fait un large signe de la main en nous voyant toujours plus ou moins entremêlés.

Emerens lui répond avec un certain enthousiasme, et elle le salue d'un signe de tête avant d'aller s'asseoir, livre à la main, toujours chantonnante. Ce qui le fait sourire.

« Ester est vraiment d'excellente humeur ces derniers temps. Je me demande à quoi c'est dû.

— Bonne question, je grommelle en essayant d'oublier notre conversation le fameux lendemain de cette nuit de soirée. Une bonne nouvelle, sans doute. J'espère que ça va durer.

— Je vais paraître un peu pessimiste mais sans doute pas. Elle est de plus en plus faible, soupire Emerens en s'asseyant sur le canapé. Un jour où l'autre, j'ai peur qu'elle ne nous claque entre les pattes. Et j'avoue que je ne sais pas quoi faire pour empêcher ça.

— T'as une idée de pourquoi elle s'affaiblit autant ?

— Pas la moindre. »

Il hausse les épaules, avant de se caler plus confortablement dans le canapé et de me faire signe de le rejoindre. Je passe donc d'un entremêlement à un autre en moins de cinq minutes, et j'avoue, cette version est beaucoup plus confortable.

Emerens, toujours inchangé, m'attrape la main qui n'est pas passée autour de sa taille et la porte à ses lèvres. Allez savoir pourquoi je le laisse faire. On va dire que c'est agréable. Ça a un je ne sais quoi d'apaisant d'être dans cette situation à se faire câliner. Je crois que c'est le fait que je me sens aimé.

Je me rends pas compte d'à quel point c'est rare.

Oublions les manières habituelles. Je me laisse aller contre lui, prêt à me faire chouchouter pour un bon moment.

Évidemment, c'est le moment que choisit Ibrahim pour rentrer dans la pièce.

Il ne met pas longtemps pour nous remarquer entrelacés de la sorte. Mais trop tard pour prétendre ne pas nous avoir vus. Je le vois monter une main devant son menton, avant de soupirer.

« Excusez-moi. Je n'avais pas vu que vous étiez là.

— Pas que ça me dérange, rigole Emerens. Y'a Ester, aussi. T'en fais pas pour ça. »

L'argument n'a cependant pas l'air de convaincre Ibrahim. Qui se contente de hausser les épaules.

« Non, non, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Profitez bien. »

Avant de tourner les talons et de sortir de la pièce sans aucune autre forme de cérémonie. Yes. Donc, désormais, ma présence chasse Ibrahim ?

Parce que je ne suis pas stupide. Je vois très bien qu'il a ce comportement à chaque fois qu'il me voit. Seul, ou avec Emerens.

Ça fait chier.

Vraiment ça fait chier.

« Putain, encore un qui m'évite, je grommelle. Ça va faire deux semaines et je me rappelle très bien du dernier a qui c'est arrivé.

— Tu lui as mis un râteau ou quoi, Thibs ? » Pouffe Emerens, mais je sens le sérieux dans sa question. « Parce que là, sans vouloir te vexer, ça y ressemble un peu.

— Mais non, je râle. J'en ai même pas... Spécialement envie. C'est juste, je sais pas, il m'évite comme ça depuis deux semaines ? Depuis que je t'ai roulé cette énorme pelle à la fête de la Pride, maintenant que j'y pense...

— On a fait un poil plus que se rouler une pelle si tu te rappelles bien, ricane Emerens en me pinçant la joue. Mais je me demande... Hmm. »

Il prend son menton entre ses doigts, abandonnant ma main, avant de sourire et de se lever d'un bond.

« Attends-moi là, tu veux bien, Thibs ?

— ... Qu'est-ce que tu vas faire ?

— Te donner un petit coup de main. Allez, reste bien sage, et tu vas voir ça va te plaire...

— Redis moi encore une fois de rester sage et on va voir qui est le gentil garçon de nous deux, je ricane avant de me redresser. Tu tiens vraiment à me provoquer comme ça ? »

Il pouffe, avant de s'éloigner non sans me caresser les cheveux au passage.

« Qui sait. Allez, je file, moi. Tu bouges pas d'ici, hein Thibs ! »

... Et où veux-tu que j'aille, espèce d'empaffé. En tout cas, je n'ai pas vraiment le temps de protester, le voilà parti du salon, ne laissant derrière que moi et la comptine d'Ester. Qui est en train de... De tisser des perles, je crois. J'arrive pas trop à voir ce qu'elle fait mais ça brille et ça roule sur la table, donc bon, j'imagine que c'est pas du fil de laine.

Enfin, j'ai pas à attendre trop longtemps. Trente secondes plus tard, et Emerens rentre dans la pièce avec un immense sourire de troll, en train de pousser un Ibrahim qui semble particulièrement apprécier la texture de sa queue de cheval devant lui. Et par là j'entends que ses doigts la font tourner dans tous les sens avec une certaine frénésie. Tout ça pour l'amener en plein devant moi.

« Et voilà mon chaton, ton soupirant préféré pour te servir, et cette fois je parle pas de moi, eh eh eh ! »

.... Et il a le culot de rigoler ! Je sais pas si je suis rouge tomate à cause du surnom où à cause du fait que le qualificatif de soupirant semble désigner Ibrahim et que je ne sais pas du tout ce que ça implique... Mais avant que j'aie pu lui poser la moindre question, Emerens relâche sa pression sur le dos de ce dernier, ce qui manque de lui faire perdre l'équilibre, avant de se carapater à toute allure dans les jupes d'Ester en rigolant comme jamais.

Putain, Emerens, tu cherches la merde, en fait.

Ibrahim tousse. Je détourne le regard. Et nous voilà partis pour de longues secondes de silence embarrassé. Chouette, j'adore ma vie.

Quelques instants s'écoulent avant qu'Ibrahim ne finisse par soupirer.

« ... Désolé pour cette scène.

— Pas... Pas grave, je marmonne entre mes dents. De toute façon, quand Emerens est impliqué, ça finit toujours comme ça.

— C'est... C'est vrai. »

Et arrête de rigoler dans ton coin, Emerens, je peux sentir ton petit sourire goguenard peser sur mon dos sans même avoir à le voir ! je te déteste si fort, je me vengerai, tiens. On va voir comment tu réagis sans ta dose de câlins quotidienne !

Ibrahim finit par toussoter de nouveau, avant de se rapprocher un peu de moi.

« Je voulais aussi te dire... Désolé de t'avoir évité, ces deux dernières semaines. Emerens m'a fait comprendre que ce n'était pas forcément sympathique envers toi, et que.... Hem. Enfin bref. »

Il me sourit. Et évidemment j'ai le cœur qui se met à battre à cent à l'heure.

Je ne me rendais pas compte à quel point son sourire m'avait manqué.

...

Je suis vraiment dans la merde, hein ?

« Je voulais aussi te demander... Est-ce que notre arrangement pour regarder cette série tient toujours ? Parce que j'aimerais bien savoir la suite, et je t'avoue que je n'ai pas très envie de regarder sans toi... »

... Ok, ouais, pas de doute, je suis vraiment dans la merde.

Si Ibrahim ne se doutait de rien jusqu'à présent, ce qui n'est même pas sûr, je crois que ma splendide éruption de chaleur sur mon pauvre visage bien malmené est largement suffisante pour lui faire comprendre que je ne suis plus au point de le considérer comme un simple camarade de galère. Je crois que là on a atteint le niveau au-dessus. Voire celui dans la stratosphère au-dessus.

Je dis ça je dis rien, mais au bout d'un moment, s'il se rend pas compte que je lui crush dessus comme un malade, je ne sais pas ce que je peux faire pour lui.

J'arrive à peine à hocher la tête à sa question, je suis un phare rouge piment et je crois que mon regard dévie un poil trop vers ses lèvres. Mes pensées aussi, d'ailleurs. Mais il ne dit rien là-dessus. Il se contente de sourire un peu plus. Seigneur, ça me fout des fourmis dans tout le corps.

« Super ! Je prépare tout dans le salon d'à côté, ça te va ? »

... Priez pour mon âme parce que je crois qu'il a rien compris. Je laisse échapper un petit « oui oui » étranglé et le voilà parti précipitamment, l'air de bien meilleure humeur que tout à l'heure. Ne laissant derrière lui que moi en train de mourir, le rire d'Emerens et Ester qui chantonne. Ester qui tape dans ses mains en le voyant partir.

« Encore des gens heureux ! j'aime ça, j'aime !

— ça fait plaisir, pas vrai Ester, pouffe Emerens. Je sens qu'on va avoir un nouveau couple heureux dans les prochains jours, pas vrai Thibs ?

— Oh la ferme, je marmonne, toujours plus rouge qu'une tomate. Je retiendrai mon décès comme étant de ta faute ! »

Il éclate de rire, suivi par Ester rayonnante, avant de se lever et de se diriger vers moi.

« Je pense plutôt que tu vas retenir cette journée comme étant celle où tu vas exorciser le célibat, mon chéri. Allez, haut les cœurs, tu vas avoir un date avec un gars comme Ibrahim, ça se fête... »

... Putain, je le déteste. Et qu'il essaie pas de m'avoir avec son petit air mignon où je vais le tuer au moins dix mille fois.

« C'est ça, je marmonne en levant les yeux au ciel. Et tu lui as dit quoi, d'abord, pour qu'il réagisse comme ça ? »

Son sourire en coin s'élargit.

« Que tu étais polyA. »

... AH !

AH ! AH ! AH !

TRES BIEN !

Je viens donc d'avoir un bug de cerveau ! Et Emerens, ce troll, décide encore plus d'en rajouter vu qu'il se penche sur moi avant de me plaquer un gros bisou sur le front ! S'il savait à quel point je le hais ! C'est ta faute la situation qui arrive, bon sang, je te ferai des câlins plus tard, espèce de salopard !

Il se relève toujours aussi moqueur, avant d'essuyer ce que je suppose être la trace de son rouge à lèvres sur ma peau.

« Allez, péchote bien mon amour. Moi, je t'attends dehors avec Ester, je suis sûr qu'elle et moi seront ravis d'apprendre que tout s'est passé au mieux... »

N'espère pas m'avoir avec les petits surnoms, espèce de salopard ! Je retiendrai pour l'éternité que tu m'as envoyé à l'abattoir et ce de la plus moche des façons ! quand j'aurais fini de m'enfuir à toutes pattes pour retrouver ledit date sans trop me faire attendre, parce que bon, y'a des limites quand même...

Justement, quand je sors de la pièce, regardez un peu qui arrive, Ibrahim Nassaoui en personne avec un énorme pot de pop-corn plein les mains. Il a même pensé à le caraméliser. Si Dieu existe qu'il bénisse son âme et lui accorde le paradis, amen.

« Ah, tu es là, Thibault ! vas-y, installe-toi, j'ai fini de tout préparer... »

Ma succession de pets de cerveau m'empêche de répondre quoi que ce soit à part rentrer dans le salon où Netflix est déjà allumé et m'installer dans le canapé avant de m'enrouler dans un plaid. La clim est à fond, visiblement, et je vois même sur la table trois carafes de poissons et deux bols de chips qui semblent attendre leur collègue le pop-corn. Qu'Ibrahim dépose sur la table avant de récupérer la télécommande et s'installer juste à côté de moi.

« On s'en était arrêtés où, la dernière fois ?

— Épisode 16, je crois, je croasse entre deux bouchées de chips pour essayer de me redonner une contenance. Dans ces eaux-là, en tout cas. »

Inutile de lui dire que j'ai retenu le numéro de l'épisode, le résumé Netflix, le compteur de temps et le synopsis dudit épisode depuis la dernière fois qui était quand même il y a au moins trois semaines. Et je suis généreux. Inutile qu'il ne me trouve davantage bizarre encore, déjà que je lui offre pas le meilleur spectacle.

Par chance, il ne questionne pas trop, avant de lancer la série à l'épisode que je lui indique. Et nous voilà partis dans un monde de ninjas et –oh mon dieu il a passé son bras autour de mes épaules je vais tellement mourir.

« Dans ce monde aussi il y a des atrocités, commente Ibrahim alors que nous finissons l'arc du pays des Vagues. Haku ne méritait pas ça.

— Non, c'est sûr. Mais tout ne peut pas être tout rose, non plus, hein.

— Malheureusement. Mais visiblement, Naruto, lui, ça l'a inspiré. »

Mouaif. Après c'est un grand classique de shônen, ça, le mentor dans le frigo. Même si dans le cas précis, le mentor était un ninja sanguinaire qui un épisode plus tôt portait encore le titre d'ennemi.

Mais je n'ai pas spécialement envie de me montrer rabat-joie devant Ibrahim alors qu'il a l'air tellement investi.

« J'ai une question qui n'a sans doute rien à voir, finit par dire Ibrahim le temps de lancer la saison suivante, mais... Emerens, et toi, c'est ta première relation ? »

... Alors celle-là je m'y attendais pas. Quitte à ce qu'il me pose des questions à ce sujet, j'aurais pensé qu'il parlerait davantage de la nature de ladite relation, ou d'autres trucs du genre, mais non.

Je suis tellement surpris que j'en oublie de me dire que c'est super indiscret de sa part.

« Deuxième, techniquement. J'ai eu quelques passages au collège mais ça a duré quelques semaines à peine donc je peux pas vraiment le considérer comme tel.

— Je vois. Ça lui fait beaucoup plus d'expérience que n... que toi en la matière, j'imagine. Tu n'as pas peur... Qu'il aille trop vite, que tu te sentes submergé ? »

Je pousse un profond soupir.

« ... On va dire que parfois si. Mais derrière, on se connaît pas depuis trois mois, mais depuis plus de huit ans. Je pense que derrière, je rattrape énormément le temps perdu. Et au moins il m'écoute. Je sais, on dirait pas avec le zigoto, mais quand je me plains, il en tient compte. »

Depuis le début d'ailleurs. Depuis avant qu'on finisse par partager quelque chose de bien plus fort qu'une amitié. Et je crois que c'est un peu pour ça que je lui laisse la bride sur le cou. Je me dis que je n'ai que quelques mots à dire pour qu'il se calme au besoin.

... Est-ce que je suis vraiment en train de parler de mon copain à mon crush, là ? Bravo, Thibault, paye ta méthode de drague !

Ibrahim n'a pas l'air de trop s'en préoccuper, toutefois. Et putain il ne s'est même pas détaché de moi. Je chauffe, là. Je suis un radiateur.

« ... Tant mieux, ça me rassure. Connaissant le bonhomme, je m'inquiétais un peu, mais si tu me dis que ça va, je peux te faire confiance.

— Ouais enfin. Ça va aller. Et puisqu'on parle de ce sujet-là, dis-moi, Ibrahim, ça donne quoi sur le plan relationnel ? »

... Putain je me jette tellement à l'eau que j'ai le temps de me noyer trois fois. D'ailleurs le mec vient de tiquer, avant de se tourner vers moi, un petit air surpris sur le visage.

« ... Pourquoi tu poses cette question ?

— Eh bah, euh, chacun son tour d'abord, je bougonne dans ma barbe inexistante. Et puis la fois dernière, tu m'avais dit que t'étais sorti avec l'Ultime Révolutionnaire... Si on peut dire ça. Du coup, bah, je suis curieux. »

Et je n'essaie pas du tout de tâter le terrain. Pas du tout, nooooon.

Ibrahim, heureusement, ne capte pas mes intentions pas très innocentes et se contente de pousser un profond soupir.

« C'est vrai, j'ai eu une relation avec lui. Mais l'histoire n'est pas très belle, ni aussi romantique que pourrait être la vôtre. C'est une histoire de coups de couteaux dans le dos et de dissimulation. »

Il pause la série avant de prendre une poignée de chips.

Oublions son commentaire sur le romantisme je suis déjà assez un four comme ça.

« Commençons par le début, si tu veux bien. Nous vivions une relation entre deux hommes, tu vois. Au Laos, ce n'est pas forcément bien vu, statut de chef de guerre de Daisuke ou pas. Du coup, nous devions, de base, nous cacher. J'ai dû prétexter un changement de foi pour expliquer mon revirement, changement qui s'est au final révélé réel. »

Il pouffe, un peu amèrement avant de resserrer sa prise sur moi.

« Chaque instant était volé, bonheur caché entre deux coups de fusil. Il nous fallait être très ingénieux pour pouvoir se voir comme on voulait se voir, et même derrière la peur d'être surpris, la guerre continuait. Il allait se battre, et moi je l'attendais, soldat devenu demoiselle en détresse. Ce n'était une situation viable ni pour lui ni pour moi. »

Je crois que je peux comprendre le truc. La Belgique de mon adolescence était plutôt tranquille avec les relations homosexuelles, on avait juste, si on peut dire ça, les habituels connards qui tabassaient dans un coin et le système policier qui n'aidait pas énormément à prendre les plaintes. Mais si tu connaissais les endroits safes, t'avais relativement rien à craindre. Comparé à un pays ou le moindre écart te fait trucider, je crois que je suis pas vraiment à plaindre.

Mais mine de rien, je connais cette peur. La peur que ce mec dans la rue n'apprécie pas de me voir embrasser un autre. Ou qu'une mère un peu trop emportée ne tue un de mes amis parce qu'il lui a fait son coming-out. Des petits faits divers qui malheureusement sont toujours bien présents.

« Le pire n'était pas tant de devoir se cacher, continue Ibrahim d'une voix atone. Mais de devoir vivre un amour en temps de guerre. J'espérais de tout mon cœur qu'il trouve un moyen d'y mettre fin. Et je croyais que lui aussi. Jusqu'à ce que mon ancien supérieur lui propose une trêve. »

Il pousse un profond soupir. Et moi, je l'écoute, en silence.

« Cette trêve, pour moi, c'était l'occasion rêvée. Une paix relative, des négociations, peut-être, et de l'inquiétude en moins pour moi, à son égard. On aurait toujours dû se cacher, mais enfin, peut-être, les combats allaient cesser. Je m'en fichais pas mal d'être la monnaie d'échange. Naïf comme j'étais, je pensais que je pourrais toujours refuser de me battre. »

Sauf que ça ne s'est pas passé comme prévu, pas vrai ? Daisuke n'est pas arrivé au pouvoir avec une trêve, encore moins quand on considère ce coup d'État sanglant qu'Ibrahim me décrit. Mais je n'ose pas lui poser la question. Ibrahim a l'air beaucoup trop perdu dans ses souvenirs.

« Sauf que la trêve n'a même pas eu lieu. Pendant l'échange, un des hommes de Daisuke a abattu mon général devant moi. Je n'oublierai jamais le son du fusil sniper, il grimace, les yeux vides. Ou l'expression horrifiée de l'homme qui devait nous apporter la paix alors que le sang la recouvrait, nous recouvrait. Évidemment, toutes négociations se sont arrêtées net, il soupire. Daisuke nous a ramené au camp avant que les combats ne dégénèrent pour nous. Mais de plus en plus d'offensives ont éclaté. Et mon espoir de paix explosait sous mes yeux à grands coups d'obus des deux camps. »

De nouveau, il soupire. Sa prise se resserre sur moi, mais je ne suis même pas sûr qu'il remarque encore ma présence. Je suis juste un énorme nounours.

Notez que je ne m'en plains pas.

« Après ça, je ne savais plus quoi croire. Est-ce que l'idéal de Daisuke méritait de ne pas être négocié, est-ce qu'une boucherie pareille était préférable à une paix relative ? Pourtant, derrière, je ne pouvais oublier que mon ancien camp était un modèle de tyrannie, et, je le sais maintenant, soutenu par les Monokuma. J'étais tellement tiraillé entre deux opinions que j'ai décidé d'oublier la foi et le bon sens. Et de laisser seulement la haine guider mes actes. La suite... Je n'ai pas à en dire plus. »

Je grimace. Ouais. La suite, son retour dans le camp adverse, son crime de guerre, la boucherie de civils, le coup d'État. Je crois que je vois pourquoi il l'avait aussi mauvaise envers Daisuke.

Mon grognement semble cependant lui rappeler ma présence. Puisqu'il sursaute, avant de fixer l'écran en pause de la série, puis, la forme recroquevillée sous son bras que je suis.

« Désolé, Thibault... Je voulais pas briser l'ambiance.

— Y'a pas de mal, je grommelle avant de relancer la série. Ça peut pas faire de mal de se lâcher de temps en temps.

— ... Sans doute. Mais pour la question que tu m'as posée, je suis sans doute allé un peu loin.

— Peut-être. Mais ça me fait plaisir que tu me parles un peu de toi. »

... Je crois que c'était le truc le plus honnête que je serais en mesure de dire. Et le plus proche de « tu me plais énormément s'il te plaît laisse-moi te bisouiller jusqu'à ce que mort s'ensuive ». ... Enfin non, peut-être pas mort. Pas bien, la mort. Mais bref.

J'arrive même pas à croiser son regard et mes poings sont contractés sur sa veste. Je crois que là, s'il me pose pas des questions, c'est la providence qui m'aide. Mais la Providence semble visiblement faire bien plus que m'aider. Puisqu'Ibrahim se penche vers moi. Et que je manque d'exploser au contact de ses lèvres sur mon front.

... Putain. Putain. Putain. Je pars au paradis des gays, ça y'est je suis mort. Priez pour mon âme car je suis en train de brûler de toute la force de mes sentiments. ... Et waw, c'était vachement lyrique, ça.

Ibrahim rigole doucement. Je sens le déplacement d'air sur ma peau. Calme-toi, mon pauvre cœur, je vais vraiment finir par claquer.

Sa main me caresse doucement les cheveux alors que je l'entends me murmurer à l'oreille un mot.

Un simple mot qui pourtant suffit à m'envoyer au septième ciel.

« ... Merci. »

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