Chapitre 3 (10) : TV and chill
Le temps file, et en même temps la fête de Moanaura ne me dit absolument rien qui vaille.
Je ne sais pas à quel point elle tient à la préparer en avance, mais en plus du Fan, d'Emerens et d'Alannah, s'est jointe à elle Sachiko, toujours dans les pires des combines, et même Ansgar pseudo-supervise cet infâme bordel à chier...
Nan mais wesh, je suis terrifié, moi. Les fêtes dans les Tueries, en règle générale, c'est jamais une bonne idée, alors rajoutez le fait que ce soit Moanaura qui l'organise et hop, boule de neige, je vais forcément mourir à la fin de cette journée.
Et le pire, c'est que tout le monde est plus ou moins complaisant. Même Houshang et Ester sont allés suggérer des trucs ! Et encore, Houshang, je veux bien, mais foutue Ester, celle qui aime le plus le calme de tout cet endroit de merde, c'est quand même assez surprenant...
Nan, en fait, je crois que la seule qui râle, c'est Ade. Ade, que je n'ai pas revue depuis un certain temps, surtout parce qu'elle le passe visiblement à explorer tout ce qui n'est pas un bâtiment principal. Ade qui, quand je la croise ce matin, me semble d'humeur absolument exécrable et ma présence ne semble pas l'arranger.
Elle m'adresse un regard méprisant avant de se détourner, café en main. Et ça, on va dire que ça ne me plaît pas trop.
« T'as un problème avec moi, Ade ? »
Elle se stoppe. Je vois ses yeux rouler dans leurs orbites avant qu'elle ne se mette à me regarder.
« Es-tu vraiment tant que ça un idiot ou le fais-tu exprès ? »
Bonjour déjà ? Et puis bon, disons qu'il y a plein de raisons pour lesquelles tu pourrais être en colère contre moi, n'est-ce pas madame la fangirl déçue ?
« Je pourrais te poser la même question, je grommelle, agacé. Suis-je en train d'empiéter sur tes plates-bandes à l'égard de mon meilleur ami ou bien me crois tu à ce point stupide pour essayer d'oublier que j'ai causé la mort de quelqu'un ? »
Elle serre les dents.
« Je ne pourrais moins me préoccuper que ce que tu fabriques avec ce monumental imbécile, même si ta manière de céder à tous ses caprices m'insupporte. Mais est-ce que tu pourrais au moins avoir le bon sens de te rappeler que nous sommes dans une Tuerie, entourés de Monokuma et de ses maudites machines, et que par cela même baisser sa garde est tout sauf l'idée du siècle, pauvre crétin ? »
Eh bah on appelle ça une avalanche de sel ! Et elle pourra dire ce qu'elle veut, je suis presque sûre qu'elle est bien plus jalouse qu'elle veut le faire croire. Vous me direz, pas mes affaires, je ne compte pas me mettre en couple et encore moins avec Emerens dans les prochaines semaines.
« Justement, abrutie, j'essaie d'oublier. J'ai dormi seul cette nuit, et laisse-moi te dire que j'en ai ma claque des cauchemars, hein ! À ce stade, je préfèrerais encore me mentir à moi-même ! »
La grimace sur le visage d'Ade est instantanée. Et j'ignore ce qui l'a provoquée, mais elle me fixe désormais avec le dégoût le plus pur.
« Soit ! Perds-toi dans tes fantasmes si tu l'entends, mais ne viens pas pleurer après. De toute façon, j'ai mieux à faire, à savoir, rejoindre la seule personne ici qui semble se préoccuper de la réelle teneur de l'enquête ! »
Parce que quelqu'un enquête encore, ici ? Première nouvelle.
Je hausse un sourcil.
« De qui tu parles ?
— Kimura, siffle Ade toujours imprégnée d'un énorme dégoût, a campé toute la nuit devant la porte Monokuma, persuadée d'avoir vu quelqu'un y rentrer hier. Il s'agit sans doute de Monokuma, évidemment, mais dans le doute, elle guette la sortie dudit quelqu'un...
— Kimura guette le MasterMind ? On devrait peut-être aller voir, non ? »
C'est Seo-jun. Qui s'incruste dans la conversation comme si ce n'était rien, ignorant le regard encore plus méprisant d'Ade. Beau self-control. Si seulement il pouvait le garder.
« Peut-être, je lui réponds, vu que l'Archéologue n'a pas l'air décidée à ouvrir la bouche. Même si c'est voué à l'échec, ça ne peut pas faire de mal, puisque visiblement il faut encore enquêter. »
Sur ces mots, je jette un regard peu amène à Ade, qui souffle par le nez avant de se diriger vers le sous-sol sans même un au-revoir. Seo-jun hausse les épaules, avant de la suivre.
Je fais de même, guidé par un petit reste de curiosité.
Après tout, on a toujours pas résolu le mystère de cette porte Monokuma.
Le sous-sol dans lequel elle se trouve est tout aussi lugubre que le précédent. Sombre, froid, éclairé par des ampoules au néon, on dirait plus des souterrains qu'une salle pour un bâtiment d'agrément. Et évidemment, au fond, se trouve toujours la porte Monokuma, luisante de propreté et au mécanisme indéchiffrable, qui semble presque me narguer de là où elle est.
J'ai cependant la surprise de voir que je ne suis pas seul. Sachiko est plantée devant la porte, assise sur une chaise, avec à ses côtés Ansgar qui semble regarder quelque chose sur son Monodossier. Moanaura et Nako sont assises sur le sol, l'air de profondément s'ennuyer. Moanaura a même sorti une pierre d'affûtage, même si elle n'a pas l'air de vouloir s'en servir. Ade a rejoint Alannah qui semble faire faire un tour à ses drones, vu comment elle est penchée sur son ordi ; Houshang parle doucement avec Ester, un livre dans les mains. Et Ibrahim semble plongé dans une profonde méditation.
C'est calme. Presque trop calme.
On en regretterait presque Flor et sa présence menaçante.
Enfin.
Pas vraiment « presque ».
« Vous êtes là, vous aussi, nous salue Ansgar au moment d'arriver. C'est bon à savoir.
— Il ne manque plus qu'Emerens, fait remarquer Ade. Combien de temps on va l'attendre ? »
Sachiko ricane.
« Qui sait, maintenant que tout le monde se ramène, c'est peut-être par la porte Monokuma qu'il va se pointer...
— Qui va se pointer par la porte Monokuma ? »
Eeeeeh quand on parle du loup... Emerens, qui vient de se pointer du haut des escaliers, l'air plutôt étonné.
Sachiko fait une horrible grimace, avant de regarder la porte Monokuma, l'entièreté du groupe, puis, de nouveau, Emerens, qui a l'air de ne pas trop comprendre ce qu'il se passe.
« ... Qu'est-ce que tu fous là, connard ?
— écoute, j'ai vu Thibault et Seo-jun aller en sous-sol et j'étais curieux, donc je les ai suivis, répond Emerens, l'air toujours un peu perdu. Qu'est-ce qu'il se passe, il y a eu une réunion spéciale ou quoi ?
— Pas vraiment, soupire Seo-jun. Kimura était juste persuadée de pouvoir démasquer l'organisateur en moins de deux. »
Ladite Sachiko est d'ailleurs en train de compter sur ses doigts, blême, les dents serrées.
« ... Onze, douze... pourtant c'est pas possible... Je suis sûre d'avoir vu rentrer quelqu'un...
— Monokuma, peut-être ? J'interviens. Faut dire que si ça se trouve, c'est son passage, au gars...
— Difficilement envisageable, soupire Ansgar. J'ai vu passer l'Artiste et le Fan bien après que Sachiko se soit postée ici. Sans doute faudra-t-il envisager d'autres pistes. »
Sachiko blêmit encore. Sur son visage, l'expression de la plus pure colère. Et puis, elle se lève de sa chaise, bouscule Seo-jun et Emerens sur le chemin avant de se précipiter en haut. Aussitôt suivie par Moanaura, Nako, Alannah et Ansgar, d'un pas plus mesuré. Ade, de son côté, lève les yeux au ciel.
« J'aurais moi aussi aimé que ce soit si facile. »
Avant de rejoindre le groupe de femmes en haussant les épaules, ignorant royalement Emerens. Houshang et Ester ne tardent pas à la suivre.
De mon côté, je hausse les épaules à mon tour.
« Je me disais bien que c'était voué à l'échec. Si ça se trouve, il y a plusieurs portes Monokuma, ou le mec est ressorti avant que Sachiko ne se poste.
— Allez savoir, soupire Emerens. D'ailleurs, pour changer de sujet, tu as bien dormi, sans moi, Thibs ? »
Et il me fait un clin d'œil, avant de m'ébouriffer les cheveux. Salopiaud.
« Aussi bien que faire ce peut avec des cauchemars, je grommelle. Je déteste ta libido.
— Désolé, rigole Seo-jun. La prochaine fois, on fera nos affaires de jour.
— Ou avec toi, hein Thibs, pouffe Emerens. Ça te tente, un de ces quatre ? »
... Est-ce une proposition qui vaut seulement pour lui ou pour les d– peu importe. Dans tous les cas, je vais la refuser, et royalement si je puis dire ! En chopant la chaise laissée par Sachiko avant de menacer les deux insupportables obsédés avec mon arme redoutable. En espérant qu'ils saisissent le message que, la seule chose de moi qui ira au fond de leur cul, c'est cette chaise !
« Allez-vous faire voir, tous les deux, je crache, les menaçant du dossier de la chaise. Je me plains de ma vie sexuelle plus plate qu'une limande mais ça veut pas dire que c'est une raison pour tenter de vous insérer dedans ! »
C'est un Seo-jun hilare qui chope le poignet d'un Emerens prêt à renchérir vu sa tête, et les deux monumentaux abrutis se précipitent dans les escaliers alors que je leur jette la chaise à la gueule. Qui évite leurs deux crânes vides mais rebondit dans le mur avec un tel boucan qu'Ibrahim, le dernier à rester présent sur place, sursaute avant de bondir sur ses pieds. Ses yeux balaient toute la pièce avec un certain empressement, et visiblement ne plus voir personne le surprend, vu qu'il se tourne vers moi, perdu.
« ... Où est passé tout le monde ?
— Remonté, je soupire. La tentative de démasquer le MasterMind de Sachiko s'est révélée un coup dans l'eau. T'avais pas entendu ?
— Non, pas vraiment, sourit Ibrahim. Quand je médite, je suis perdu dans mon sous-espace mental. Cela m'aide énormément à faire de la réflexion sur moi. Mais du coup, c'est rare quand l'extérieur m'atteint réellement, sauf les gros bruits de ce genre... »
Il s'étire avec bonheur, et j'entends ses os craquer. C'est à se demander combien de temps il est resté dans cette position.
« ... Et donc... Tu aimes méditer ? C'est un hobby ?
— Je ne sais pas si j'aime vraiment méditer, me répond Ibrahim avec un sourire. Mais c'est la seule activité qui me calme réellement, que je peux faire. Je me suis juré de ne plus jamais toucher à une arme, et je ne sais réellement rien faire d'autre... »
... Je devrais pas être si surpris, je parle à un Soldat, un Soldat qu'on a tiré de la guerre il y a seulement deux ans. Mais quand même, même à Hope's Peak, il n'a pas trouvé d'autres trucs à faire ? Genre les jeux vidéo ? Ou même lire ? Je ne sais pas ?
Visiblement, ma tête effarée semble bien le faire rire, en tout cas.
« Est-ce donc si surprenant ?
— Bah, je sais pas, je grommelle, embarrassé. T'as quand même... Après la guerre, passé deux ans à Hope's Peak ? T'as rien découvert comme hobbies ? »
Ibrahim se rembrunit.
« J'étais une personne très différente quand je suis arrivé à Hope's Peak, Thibault. Accablé par la haine et par l'horreur de mes crimes, en quête d'une vengeance que je savais ne pas être saine. Je me suis plongé dans mes études pour devenir encore un meilleur soldat avant de commencer à découvrir le monde tel qu'il était en paix, et me rendre compte que je n'avais aucune personnalité en dehors de la guerre. Tuer ton ennemi, le plus grand bien, obéir à ceux qui savent, je n'étais que ça, et rien d'autre. Donc je t'avoue que je ne sais pas grand-chose de moi-même. »
... C'est... Super triste, quand t'y penses. Évidemment, j'y comprends rien, moi, j'ai grandi dans la paix et le confort d'un salaire de classe moyenne. Même le divorce ne m'a pas privé de mon niveau de vie, et j'ai plutôt passé mon temps à m'explorer qu'à explorer les tripes des autres. Mais quand il dit ça comme ça, bah... Je me rends compte que c'est vraiment un sale destin, que d'être un enfant soldat. Ne pas savoir qui on est, ou qui on aurait pu être.
Et pour quelqu'un qui comme Ibrahim, affiche une patience absolument angélique et semble déborder d'amour en apparence, c'est un peu... Je sais pas. Tragique ? Surprenant ? Pathétique ? Je suis mathématicien, moi, pas littéraire...
« ... Tu faisais vraiment rien à Hope's Peak ? Même pas les dernières années, genre les fêtes de l'école, les jeux vidéo, des trucs ?
— Eh bien pas que je sache ? Me répond Ibrahim, menton entre les doigts. J'allais jouer de temps en temps au club de gaming, mais je ne sais pas si j'ai réellement accroché... J'ai participé aux fêtes sans vraiment être là, aussi. Je ne sais pas si ça me plaît ou non. Et à part méditer, je ne fais pas grand-chose...
— Tu regardais même pas de séries ?!? Tu devais t'emmerder, non ?
— Je ne sais pas. Que représente l'ennui, pour toi ? »
... ça commence vraiment à faire beaucoup. Et à ce stade, je me sens de plus en plus mal pour lui. Sortir d'un enfer pour deux ans plus tard replonger dans un autre sans avoir ne serait-ce que profiter de la vie, moi, ça me paraît inenvisageable.
Et je me dis de plus en plus qu'il y a forcément un truc que je peux faire.
« ... Donc si je te propose de découvrir un truc avec moi, en termes vidéoludiques, ça te dirait ?
— Développe ? »
Son ton a repris de la vigueur. Et moi, j'essaie de trouver une manière de présenter la chose sans m'embarrasser moi-même. Il y a des limites, quand même, même devant Ibrahim Nassaoui...
« Eh bien euh... Imaginons qu'on se retrouve dans une des salles home cinema du bâtiment principal ? Avec du pop-corn, la Switch, ou Netflix, un plaid ou deux, et qu'on se pose toute la journée pour rien faire d'autre que regarder s'il y a des trucs qui te plaisent ? Est-ce que... ça te dirait ou non ? »
... Putain, avec ma manière de me triturer les cheveux, il va finir par croire que je lui propose un date. ... Est-ce que c'est un date ? Je ne veux même pas y réfléchir, rien que d'y penser j'ai les joues qui s'embrasent. Moi, proposer un date à quelqu'un, et plus encore à Ibrahim Nassaoui ? Putain, même pas dans un million d'années, aussi adorable que soit cette espèce de nounours !
Ledit Ibrahim me fixe d'ailleurs avec une expression indéchiffrable. Un moment, je crains de me prendre un refus en pleine poire avec tout l'embarras qui irait avec. Et puis, il se penche vers moi, avant de doucement me tapoter la tête, un sourire presque reconnaissant aux lèvres, les yeux brillants.
« Je crois que j'aimerais beaucoup ça, en effet. »
... Ne pas rougir.
Ne pas rougir.
Essayer de penser à autre chose que « ehguégué ».
« Putain il est adorable » ne compte pas.
Contiens-toi, mon vieux Thibault, résiste, c'est juste un petit rendez-vous, rien de plus, rien de plus...
« Euh. Okay. Très bien. Je... Maintenant ?
— Eh bien oui, pourquoi pas maintenant, sourit Ibrahim qui décidément a l'air décidé à me transformer en flaque. Je te retrouve là-haut le temps de chercher ce qu'il faut ? Je peux demander à Emerens pour préparer le pop-corn, ou d'autres casse-croûte que tu voudrais... »
... Eh bien c'est trop tard, je suis un feu rouge. Tout ce que je suis capable de faire dans ces conditions, c'est hocher la tête pendant qu'Ibrahim rigole, retire sa main de mes cheveux –parce qu'elle y était encore, putain de merde je vais mourir– et monter les escaliers d'un pas vif.
Il me faut quelques minutes pour arriver à le suivre.
J'arrive dans le home cinema choisi avec un plateau rempli de biscuits de toutes sortes, de boissons, de pâtisseries et autres, un sac plein de bouteilles diverses et variées mais limitées aux softs malgré toute ma tentation de couper mon coca au whiskey pour oublier que je suis actuellement en rendez-vous, et la tête pleine de railleries d'Emerens, que j'ai mis à profit pour préparer pas mal des trucs.
On peut pas dire qu'il soit très jaloux, le bonhomme, tiens.
Ibrahim m'y attend. Il a branché la télévision, mais à partir de là, semble ne pas trop savoir quoi faire avec. Un tas de plaids nous attend sur le coin du canapé, suffisamment immense pour y caser au moins cinq personnes, mais bon, on se contentera de moi et d'Ibrahim pour l moment, ça fait déjà pas mal. Me voir arriver lui provoque un petit sourire.
« Ah, te voilà ! Emerens m'a aidé à faire le pop-corn avec Seo-jun, et les deux m'ont donné quelques conseils pour ce genre de situations...
— ça explique pourquoi il se cassait en permanence, je marmonne entre mes dents. Il m'a aidé à choisir les biscuits, on manquera pas de bouffe...
— Tant mieux, tant mieux, sourit Ibrahim. Tu veux bien mettre Netflix ? J'aimerais pouvoir regarder quelque chose, plus que jouer, mais si tu veux jouer pendant que je te regarde...
— Non, non, Netflix c'est très bien, je marmonne, essayant de ne pas penser à démontrer mes talents de gamer devant Ibrahim. Donne moi cinq minutes, pour que je branche ça. Tu veux regarder quoi ?
— Ce que tu veux, répond Ibrahim, me prenant le plateau des mains. Peut-être, quelque chose avec un beau message, quelque chose qui a une ambiance assez positive ? »
Hmmm mouais alors on va pas se mentir, je connais pas trop de trucs comme ça. En désespoir de cause, je cherche la réserve d'animes de Netflix, parce que moi les séries live action ça a jamais été trop mon truc ; et soupire de soulagement en voyant que Naruto y est toujours. Pas vraiment ce qu'il recherche, mais si je dois l'introduire aux animes les plus connus, ce n'est pas un trop mauvais début. Fairy Tail empeste le fan service, Death Note est trop sombre, et on va pas se mentir, DBZ a un pacing dégueulasse. Au moins pour Naruto, je n'aurais qu'à sauter les fillers les plus chiants, je les connais par cœur.
Dommage qu'il n'y ait pas One Piece, cependant.
Je branche la série et m'installe sur le canapé, mais avant que je n'aie pu me trouver un plaid tranquille, Ibrahim passe son bras autour de mon épaule et m'attire contre lui, avant de nous enrouler tous les deux dans le plaid.
Je vais tellement mourir en fait.
« ... Qu'est-ce que tu fais ?
— Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire ? Interroge un Ibrahim surpris. Emerens et Seo-jun m'avaient dit que pour profiter au mieux, c'était la meilleure position à adopter... Et je dois reconnaître que c'est confortable, mais si tu te sens pas bien... »
Emerens, Seo-jun, putains de diables issus des profondeurs des Enfers, je vais vous le faire payer de m'avoir enfoncé à ce point. Au centuple. Au putain de centuple. Sauf qu'en attendant, vous voulez que je lui dise quoi, à Ibrahim ? Qu'il est pas confortable ? Que c'est uniquement parce que je suis en train de me consumer sur place ?
En désespoir de cause, je me contente de hausser les épaules.
« Écoute si tu te sens bien on va rester comme ça, hein... Mais eu t'es pas obligé, hein ? Faut pas toujours écouter Emerens et Seo-jun...
— Oh, je me doute qu'ils ne donnent pas toujours des bons conseils, pouffe Ibrahim pendant que le générique se lance. Mais vu que pour une fois ils étaient étonnamment aidants, je me suis dit que j'allais les écouter. »
Il n'empêche que je vais quand même les assassiner en sortant de là. Trois fois. Au moins.
Le générique se termine, et puisque visiblement je n'ai pas trop le choix, je m'appuie sur Ibrahim avant de choper un biscuit et de me concentrer sur les aventures de Naruto Uzumaki. Histoire d'oublier ma situation.
Ça marche plutôt bien pendant au moins le déroulé du premier épisode.
« C'est... Particulier, comme début, finit par dire Ibrahim, alors que le générique de fin se lance. Il était faible au tout début, et pourtant, il a réussi à utiliser une technique pareille ? C'est impressionnant.
— C'est souvent le cas des shonens destinés aux gens de genre, onze douze ans, j'explique, la bouche pleine de biscuit. Ils ont souvent un cœur hyper positif, du genre, avec des efforts et de la volonté tu peux déplacer des montagnes, ou ta plus grande force c'est quand tu protèges quelqu'un, tout ça tout ça. Y'en a qui trouvent que c'est gnangnan et forcé, moi j'aime bien, ça a quand même un certain message d'espoir.
— Très... optimiste, en effet, soupire Ibrahim. J'aimerais bien être en mesure de croire à pareil message. Dans les faits, ce que j'ai vu du monde, ce sont plutôt des trahisons diverses et variées. »
Je hausse les épaules.
« Moi aussi j'aimerais bien. Mais je pense que c'est pas un truc pour décrire le monde actuel. Juste pour dire que c'est un truc qui est dans le champ des possibles.
— Idéaliste.
— Très. Mais nous, dans un monde en paix, on y croit plus facilement, à l'idéal. »
Ibrahim soupire. Sa main se perd dans mes cheveux.
« Vous n'êtes pas les seuls à y croire. Il y a un temps très lointain, j'ai connu un garçon, sans doute de l'âge de Naruto, ou un peu plus peut-être, qui y croyait vraiment. Il croyait à la libération, d'une telle force, avec une telle ferveur que je n'ai pu qu'être fasciné par ses espoirs, moi qui n'avais rien en quoi croire. »
Je lève les yeux. Le deuxième épisode de la série s'est lancé, on commence à voir Konohamaru, mais Ibrahim ne semble pas avoir grand intérêt pour la série, perdu comme ses yeux le sont dans le vide.
« Je suis tombé amoureux de ce garçon, et un temps, on a été très heureux, à croire en l'idéal, ensemble. Mais cet idéal n'était qu'une chimère. Une chimère qui a entraîné les pires bassesses de l'homme sur le champ de bataille. Venant de moi, comme de lui. »
Il pousse un profond soupir. Et moi, je suis silencieux. J'hésite même à mettre en pause Netflix pour l'écouter parler, écouter Ibrahim qui semble se libérer de quelque chose, ici, dans la pénombre de ce home cinema.
« Aujourd'hui, ce garçon n'est plus. Et je crois que l'homme que j'ai aimé est mort bien avant que Daisuke Nakano ne s'éteigne. »
Il reporte son attention sur l'écran, le silence seulement brisé par la petite voix de Konohamaru sur l'écran. Sans doute, en grande partie, parce que je suis incapable de digérer le flot d'informations, et seule la gravité qui règne dans la pièce m'empêche de poser davantage de questions sur Daisuke, et sur la relation qu'ils partageaient avant que l'Ultime Révolutionnaire ne disparaisse dans cette Tuerie.
De toute façon, ce n'est pas à moi d'insister.
Le deuxième épisode se finit, et Ibrahim se retourne vers moi avec un léger sourire.
« Combien de temps cela dure ? Ce n'est pas que je m'ennuie, je peux t'assurer que je me sens très bien, mais j'aimerais savoir combien de temps on va y passer et si on aura fini aujourd'hui.
— Ah, ça, c'est sûr que non, je bougonne un peu, essayant du mieux que je peux de ne pas me perdre dans son regard doux. Naruto fait au moins sept cents épisodes, en comptant Shippuden. Même si on passe les fillers, les trucs inutiles, ça nous prendrait au moins un mois. En restant comme ça toute la journée à chaque fois. »
Ibrahim a un petit rire.
« Eh bien au moins, j'aurais de quoi m'occuper, les prochains mois. J'espère que tu voudras bien continuer de regarder avec moi ?
— Si tu... Si tu veux, je marmonne. Et puis au moins... Avec une longue série... ça te donnera quelque chose dont tu veux voir la fin. »
Silence. Le générique de début se lance, mais moi je ne l'entends pas. Je ne perçois que ce bourdonnement dans mes oreilles, et aussi le rire d'Ibrahim, le sourire d'Ibrahim, les yeux d'Ibrahim qui brillent comme milles étoiles et la main d'Ibrahim sur mon épaule qui la serre avec ce que je ne peux m'empêcher d'espérer être de l'affection.
« C'est bon à savoir, Thibault. Je tâcherai de m'en souvenir. Et de survivre, pour voir la fin de tout ça avec toi. »
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