Chapitre 1 (15) : Focus, focus, focus
« Alors, Laangbroëk ? »
Tout le monde me regarde. Ansgar, qui me parle toujours avec ce même ton neutre. Emerens, qui me soutient encore par l'épaule. Seo-jun, qui garde la scène de crime. Nako et Aldéric, les plus proches de l'entrée, dont la panique sur le visage est le reflet de celle qui me tord les entrailles. Les différents groupes de recherche, aux expressions fermées. Et Sachiko.
Qui sourit.
Ils attendent tous de voir ce que je vais faire.
Mais je ne sais pas quoi faire.
Je ne suis même pas censé être en charge de cette enquête. Je ne dois ma position qu'à la chance, cette chance qui m'a fourni un alibi presque impossible à démonter, par les propres actions de Monokuma. JE n'ai rien qui pourrait m'aider. Aucune capacité à diriger une équipe. Aucune force mentale devant un corps atrocement mutilé. Je n'ai rien d'autre que mon innocence.
Est-ce qu'on est au fond du trou à ce point ?
J'arrive à peine à parler. Mais le regard d'au secours que je lance à Ansgar veut tout dire. Et évidemment, lae Dictateurice comprend immédiatement, et pousse un profond soupir.
« Très bien, je vois... Seo-jun, Emerens, vu que vous êtes normalement innocents, vous lui donnez un coup de main de la manière que vous souhaitez. Ceux qui veulent aider peuvent mais ne doivent en aucun cas partir seuls. C'est valable pour toi aussi, Sachiko, ajoute-t-iel avec un regard noir vers cette dernière. Ceux qui ne veulent pas aider, je les rassemblerai pour un interrogatoire plus tard. Est-ce que c'est clair ? »
La majorité des personnes présentes, même Ade, laissent échapper un murmure d'assentiment. Sachiko est la seule à ne rien dire. Elle se contente de m'adresser un large sourire ravi, presque goguenard, comme si elle voulait me dire qu'elle l'avait vu venir...
Une conversation avec elle me revient en tête. Je soupire, le plus discrètement possible, pour cacher la soudaine frayeur qui me prend. Si ça se trouve, c'est peut-être le cas. Ou bien elle a eu un coup de chance et prend son talent pour un autre. Au choix. On ne sait jamais à quoi s'attendre de l'Ultime Chanceuse.
En attendant, même si je prends la direction de l'enquête, Ansgar m'a donné des instructions claires, nettes et précises. C'est toujours ça de pris. Je soupire de nouveau, avant de me redresser sur mes jambes, aidé par Emerens qui ne quitte pas mon côté.
« Alors... Qui veut m'aider ?
— Moi, intervient immédiatement mon meilleur ami. M'est avis qu'on ne sera pas trop de deux. »
En effet. Et sa présence me rassure, même si évidemment je ne le dirais jamais à voix haute. Rien que l'idée de retourner sur la scène de crime me donne la nausée... Je vais avoir besoin de lui pour réfléchir. Et je n'ai confiance en personne d'autre en termes de soutien.
A leur tour, Seo-jun et Moanaura se proposent. Alannah échange un rapide regard avec Ade, avant de hocher la tête.
« Je vais le faire aussi... mais juste avec les drones. Certains ont des caméras enregistreuses, ça aidera peut-être...
— Je ne participerai pas à l'enquête, ajoute Ansgar, mais je compte bien assumer mon rôle de base d'informations en plus de surveiller tous ceux qui refuseront de participer activement. Je compte sur vous pour me retransmettre chaque petit détail.
— Evidemment, confirme Emerens. Vos rapports nous seront très utiles. »
Oui, en effet... Surtout si Sparrow est bien mort il y a une semaine. Difficile de retrouver son alibi de mémoire avec une date pareille... Ansgar avait prévu le coup, je suppose... Et ça n'a pas suffi car un meurtre aussi daté veut dire que le meurtrier a trouvé la bonne occasion de contourner les règles.
Ce qui me fait penser...
Je jette un œil à Sachiko. Cette dernière m'adresse un large sourire.
« Je peux enquêter, dites, dites, dites ? »
Je n'ai même pas le temps de dire quoi que ce soit. La clameur qui vient de se dégager du groupe d'Ultimes bloque toute possibilité de réponse. Et ce n'est clairement pas une clameur amicale.
« Kimura à l'enquête ? S'exclame Houshang. Elle est la principale suspecte !
— Sans aller jusque-là, reconnaissez que son comportement est étrange, soupire Ade. Elle pourrait très bien falsifier les preuves.
— Ou être complice ! » Renchérit Moanaura en pointant un doigt vers elle.
Les murmures d'approbation que j'entends de certains ne me rassurent pas quant à la décision que je dois prendre. Même en sachant que de toute façon, Sachiko ne m'écouterait pas... D'ailleurs, c'est à peine si elle se préoccupe des protestations des autres, se contentant de sourire à Ansgar, puis à moi, puis encore à Ansgar. Ansgar qui semble d'ailleurs s'en laver les mains de ce que les autres décideront. Iel me regarde fixement, attendant sans doute que j'exprime une opinion... Quel genre d'opinions ? J'ai vraiment pas envie de me faire gueuler dessus !
La clameur prend une certaine ampleur, sans que ni moi, ni Sachiko, ni Ansgar ne souhaitions y mettre fin, de toute évidence. Je m'apprête à soupirer et dire que ce ne serait peut-être pas la meilleure des idées, au risque de le regretter plus tard, lorsque j'entends un claquement de mains juste à côté de moi.
« Ça suffit. Ce n'est pas un biais qui fait une preuve, encore moins quand c'est ce que vous lui reprochez. Et ce n'est pas votre décision à prendre, que je sache ? »
Abasourdi, je penche la tête vers le côté, mes yeux sans doute ronds comme des soucoupes fixés sur le visage calme d'Emerens ; ce dernier fixe Sachiko toujours avec la même haine dans les yeux, mais c'est pourtant bien lui qui vient de parler, de prendre sa défense alors que c'est son pire détracteur. Je crois d'ailleurs que même Sachiko ne s'y attendait pas ; un bref éclair de surprise passe sur son visage, juste assez longtemps pour que je me pose des questions, avant d'être remplacé par son habituel sourire.
Ansgar aussi, d'ailleurs, semble pris.e au dépourvu. Iel se penche vers Emerens, avant de demander :
« Je ne m'attendais pas à entendre ça de toi. Qu'as-tu en tête ?
— Une enquête neutre, soupire-t-il. Et puis, ce n'est pas parce que le comportement de Kimura est exécrable que ça fait d'elle la coupable automatique. Ce serait trop facile.
— C'est plus... Plus qu'exécrable à ce niveau-là, soupire Ade. Elle est la seule à qui on a laissé complète liberté, et elle en profite pour tous nous antagoniser. Même si elle n'est pas automatiquement la coupable, certes, elle va forcément nous mettre des bâtons dans les roues...
— Ou elle va juste nous aider. De toute façon, on ne va pas pouvoir la retenir, si ? »
Ansgar pousse un profond soupir.
« Non, en effet. Sachiko fera donc partie du groupe d'enquête. Si personne d'autre ne se propose, je vais vous ramener au réfectoire, et préparer les interrogatoires que mènera Laangbroëk...
— Minute. Si Kimura s'y joint, je m'y greffe aussi. Contrairement à certains, je ne lui fais absolument pas confiance. »
Je crois qu'Ade non plus, je ne pourrai pas la retenir. Je hausse les épaules.
« Donc, notre groupe d'enquête, c'est Emerens, Sachiko, Seo-jun, Moanaura, Ade, et moi. Et Alannah utilisera ses drones du réfectoire. C'est bien ça ?
— C'est bien ça, confirme Ansgar. Je vais donc ramener Alannah, Aldéric, Ester, Houshang, Ibrahim, Ruben, Nako et Flor avec moi au réfectoire. Je t'y retrouverai là-bas. Avec les monodossiers dont tu n'as pas besoin. »
C'est vrai que je tiens toujours celui d'Emerens... Je lui tends, et une rapide recherche dans la pile me permet de trouver ceux de notre groupe d'enquête. Une fois chacun en possession de son Monodossier et en train de le regarder avec attention, Ansgar récupère les autres et entraîne le groupe au loin. Je n'ai cependant pas loupé celui que Sachiko a pris de la pile et glissé dans sa poche... Étrange. Je lui en recauserai plus tard.
En attendant, il faut organiser l'enquête.
Je jette un œil à mon groupe. Nous sommes six, aux talents assez hétéroclites, la plupart que je ne saurais pas employer à bon escient. Mais eux, ils savent sûrement. Il va donc falloir les mettre dans une situation où ils sauront réfléchir.
« Qu'est-ce qu'on fait, Thibs ? » Me demande Emerens, toujours à mes côtés.
Je cherche sa main, et serre fort ses doigts. Ce que je vais dire et faire va me demander énormément de force. Sans son soutien, je vais encore m'effondrer.
Heureusement pour moi, il répond à mon geste sans rien dire. Me laissant l'occasion d'expliquer mon plan.
« ... On va aller voir la scène de crime. Tous. Et noter un maximum de preuves. Ensuite, à partir de là, on décidera de ce qu'on fait. »
Ils hochent la tête, et Seo-jun prend la tête du groupe qui se dirige vers l'entrepôt. Sachiko le suit, ainsi qu'Ade qui ne la lâche pas du regard, puis Moanaura. Emerens et moi sommes les derniers à suivre, et c'est surtout parce que j'essaie de regarder ailleurs. La porte, le sol, derrière moi, les battants... Attendez une minute. Qu'est-ce qu'il y a sur le flanc de la porte ?
Je fais signe à Emerens de se stopper et vais regarder de plus près cette étrange brillance que j'ai vue. Oui, en effet, il y a quelque chose sur les battants, sur le flanc du verrou. Quelque chose de brillant, qui donne un peu de volume... Je passe mon doigt dessus, espérant reconnaître la texture, mais c'est tout sec, presque fondu avec le bois. Je ne trouverai pas grand-chose dans ces conditions.
« Tu as trouvé un truc, Thibs ? Me demande Emerens, toujours à côté de moi.
— Oui... Et non, je soupire. C'est peut-être important, mais je ne sais absolument pas ce que c'est. Si ça se trouve, c'est juste un vernis. Mais un vernis appliqué bizarrement.
— Prends des photos et note, suggère-t-il. L'un d'entre nous saura peut-être ce que c'est. »
Ça me paraît être une bonne suggestion. Je m'exécute, note soigneusement tout ce que je peux, puis prend une profonde inspiration, et rentre dans l'entrepôt.
La pièce sent toujours aussi fort le cadavre. La seule différence avec quand je suis rentré pour la première fois, c'est que des animaux sont maintenant placés à plusieurs endroits de la pièce, et que nos quatre autres enquêteurs, en train de fouiller les alentours par groupes de deux, doivent éloigner les mouches de leur visage en permanence. Une masse d'entre elles grouille déjà sur le cadavre de Sparrow. Quelle horreur, quelle putain d'horreur...
Je déglutis, avant de resserrer plus fort les doigts d'Emerens et de lancer à la cantonade :
« Vous avez trouvé quelque chose ?
— Rien de réjouissant, soupire Seo-jun. J'ai jeté un œil au corps, de toute évidence Sparrow a été torturé salement. Cloué à la table, les côtes toutes cassées dans son dos et ouvertes, et les poumons arrachés. C'est la description texto de l'aigle de sang.
— Ses poumons sont là-bas, d'ailleurs ! Rigole Sachiko, l'air pas du tout affectée. Regarde, regarde, petit croyant, les deux masses de chair avec le couteau... Qui sait, c'est peut-être l'arme du crime ? »
Je ravale ma bile et jette un œil auxdites masses de chair. Je suis bien incapable de reconnaître si ce sont bien, oui ou non, des poumons, et je n'ai aucune envie de vérifier ce qui manque. Je vais devoir me fier à Seo-jun et Sachiko, dont j'admire la contenance, pour ça. D'ailleurs, je viens de recevoir un message sur mon Monodossier, on dirait. L'icône me signale un partage de fichiers... j'ouvre et... Ah quelle horreur. Bon, ben... Tout compte fait... je crois que j'ai vérifié.
« Désolé, grimace Seo-jun, j'aurais dû prévenir. J'ai voulu tester l'option de partage de preuves du Monodossier en envoyant tout ce que j'avais noté sur le corps, mais... »
Il ne termine pas sa phrase. Je pousse un profond soupir.
« Il aurait bien fallu que je m'y colle, de toute façon... Elle est où, cette option de partage ?
— En haut, à droite. »
Je cherche rapidement sur le Monodossier, mais rien ne me saute aux yeux. Pas même quand je clique dans le coin que m'indique Seo-jun. Rien. Bizarre. Est-ce que ça veut dire que je ne peux pas partager de preuves ? Et pourquoi ?
C'est étrange, mais pas ma priorité. Je dois réfléchir sur autre chose. Et chercher un maximum d'indices.
La porte était fermée à clé. Vu comment Moanaura tire sur les planches des fenêtres, elles sont inviolables de l'intérieur. Et il n'y a ni trappe dans le sol ni aucune autre sortie. Cela signifie sans doute qu'on a affaire à un mystère de la chambre close. L'un des plus durs à résoudre de toute l'histoire des mystères. Quiconque a fait son œuvre, c'était prémédité : Tu ne prépares pas une chambre close bien foutue dans la panique d'avoir un corps à cacher. Surtout s'il y a de meilleures options à côté. Enfin, je dis ça, mais l'aigle de sang m'indique déjà que le meurtrier avait quelque chose contre Sparrow... Ou beaucoup de cruauté.
Une chose à la fois. D'abord, la chambre close. Ensuite, je m'inquièterai du mobile. Dès que j'aurais épongé cette affreuse scène de crime de toutes les preuves possibles.
La première étape dans la résolution de la chambre close, c'est découvrir comment elle a été faite, voire simulée. Je fais donc signe à Seo-jun de me rejoindre près de la porte... Et à Ade d'aller voir Sachiko. Quoi qu'en dise Emerens, je préfère ne pas les laisser dans le même groupe d'enquête. Par chance, ces derniers coopèrent immédiatement, et Seo-jun se dirige vers moi.
« Tu veux quelque chose ?
— Oui. Quand tu as forcé la porte, est-ce que tu as senti quelque chose ? »
Il prend son menton entre ses mains.
« C'était dur, ouais. Résistant, mais j'ai senti un truc craquer dans la porte au deuxième coup. Le troisième a fait céder le bois. C'est tout ce que je peux en dire, après...
— ça suffira. »
J'ai tout consigné sur le Monodossier. En espérant que je ne me trompe pas et que ça suffise. Voyons... Près de la porte, il y a une chaise brisée, et un morceau de corde déchiré. Hmmm... L'un de ces deux objets est un leurre, c'est quasiment certain. Quand tu fais une chambre close, tu dois penser à ton échappée derrière, ou alors accepter de t'y enfermer la durée du crime... Et pour cette deuxième option, c'est impossible, car nous nous sommes retrouvés à quinze devant, et que si Monokuma commettait un meurtre lui-même, ce serait une première de toute l'histoire de ces foutus jeux de la mort.
Donc l'un des deux trucs, voire les deux, ont créé l'illusion que le meurtre a eu lieu en huis clos. C'est le genre de choses qui se devinent facilement. Mais dans ce cas, pourquoi faire une chambre close... ?
Hmmm... si j'y réfléchis bien, l'incongruité du meurtre même pourrait me donner une sacrée piste. Il faut que je puisse le recréer au mieux, même sans coupable.
Déjà, lequel de ces deux objets est le leurre potentiel ? La chaise brisée au sol pourrait très bien être le craquement que Seo-jun et moi avons entendu, mais une corde serait plus facile à installer autour des battants de manière à faire illusion. Après évidemment, cela pourrait être les deux, mais la résistance de la porte au premier essai d'ouverture m'indique qu'il y avait bien quelque chose qui bloquait. Mais alors quoi ? Le verrou ?
Si c'est le verrou simplement fermé, j'imagine que l'hypothèse du mystère de la chambre close tombe à l'eau. Mais je crois que je ne l'avais pas vu dans mes photos... En plus, il n'y en a pas du côté extérieur. Je jette un œil à mes photos de la porte pour m'en assurer. Le verrou est bien ouvert. L'étrange couche brillante le recouvre aussi, d'ailleurs, excluant le fait que quelqu'un l'ait rouvert en rentrant.
Hmmm. Est-ce que Seo-jun pourrait avoir simulé ? Probablement pas. Le craquement que j'ai entendu ne venait pas de nulle part. Et on peut difficilement simuler une course pour défoncer une porte sans se trahir dans la force donnée... Donc Seo-jun ne pouvait pas savoir comment la porte était fermée.
Ça l'exclut du débat, à moins qu'un complice ne se soit mêlé de l'exécution du meurtre. Mais tout ça... La torture, la chambre close, la mise en scène, ça fait quand même beaucoup de choses pour un premier meurtre. Si j'arrive à trouver pourquoi se donner tant de mal, c'est quasiment évident que je pourrai relier le mobile à quelqu'un. Avec les interrogatoires et les alibis.
En parlant de mobile... Ces messages de haine m'intriguent. Je laisse Seo-jun rejoindre Moanaura et me rapproche d'Emerens, qui fixe le mur du fond. Je comprends tout de suite pourquoi. C'est celui-ci qui en est le plus recouvert, de messages de haine de toute sorte. Certains attaquent la transidentité de Sparrow, d'autres une potentielle homosexualité. D'autres sont plus généraux en termes d'insultes, notamment sur l'intelligence ou l'apparence, mais ils sont moins nombreux. Qui que ce soit qui ait marqué ces horreurs, il a ciblé avec soin son domaine d'insultes.
« Tu en penses quoi ? Je demande à Emerens, à côté de moi.
— Pas grand-chose, me répond-il avec une grimace. Ces trucs me foutent la haine, mais à part ça... Enfin quoique, j'ai l'impression qu'ils ont été écrits avec son sang. Ça commence à faire beaucoup de mélodrame. »
Je retiens une montée de nausée soudaine avant de pousser un profond soupir. Réfléchis. Reprends ta respiration. Fais marcher ton cerveau, bon dieu.
« Est-ce que tu sais si Sparrow s'était disputé avec des gens ?
— Hmmm... Non, j'ai rien vu de tel, soupire Emerens. Par contre, je peux t'assurer d'une chose. J'ai un très bon gaydar, et je suis quasiment certain que les seize personnes enfermées dans ce lieu du démon sont toutes queer à divers degrés. Ces insultes ne sont probablement pas sincères, ou alors on a un refoulé dans nos rangs. »
J'avoue que j'en avais aussi l'impression, à voir tout le monde. Mais ce n'est pas le gaydar d'Emerens qui constitue une preuve viable à mes yeux. Je prends note, en tout cas. On ne sait jamais ce que je peux en tirer. Des insultes, un corps torturé et une chambre close. Emerens a raison, ça commence à faire beaucoup de mélodrame. Le mobile va vraiment devenir très important dans l'enquête...
« Eh ! P'tit croyant, p'tit croyant, viens voir par ici ! Y'a des preuves, là, là ! »
Je lève les yeux au ciel, imité, bien évidemment, par Emerens. Sachiko a vraiment l'air trop enthousiaste pour quelqu'un qui vient de voir un cadavre... Surtout dans le même état que celui de Sparrow. Mais elle a dit « preuves », et je suis toujours intéressé par des preuves. Je me dois donc d'aller voir, au moins pour vérifier qu'elle ne tente pas de me la faire à l'envers.
Je laisse Ade rejoindre Emerens et me dirige vers Sachiko, près de la porte, en train de gratouiller ls oreilles d'un chat. Celui-ci fait jouer de ses griffes sur le sol juste à côté d'un... D'un sac plein de sang ?
« D'après le Monodossier, rigole Sachiko, Sparrow s'est pris un méchant, très méchant coup sur la tête, alors... Je crois que ça devrait t'intéresser, noooon ? »
Je me penche vers le sac. Il est rembourré de quelque chose, on dirait... Des poids ? Je le soupèse, faisant bien attention de ne pas mettre ma main dans la tache de sang. Oui, ce sont bien des poids. À en juger par la sensation sous ma main, ce sont des boules similaires à celles du lancer de poids, pesant au moins un kilogramme chacune. Vu la taille du sac, il y en a au moins une vingtaine. Largement assez pour assommer Sparrow... à condition de pouvoir soulever et lui jeter le sac à la gueule.
Je plisse les yeux.
« Tu as trouvé ça ici ?
— Pour qui me prends-tu ? Pouffe Sachiko. Je ne déplace jamais les preuves, voyons ! le sac était là, abandonné, dans un coin près de la porte... Et vu la trace, je dirais presque qu'il a été traîné au sol depuis l'entrée ! Je vais pas m'embêter à trainer un sac que je peux soulever, surtout en étant sous surveillance pit-bull, tu crois pas ? Tiens, mate ! »
Et, joignant le geste à la parole, elle glisse un bras en dessous du sac sans manifester la moindre difficulté et se lève, sac toujours sous le bras, sans le moindre effort. Et me fait un large sourire sous mes yeux ébahis. Putain, je pensais pas qu'elle aurait une force pareille... Mais si elle me dit la vérité... Je baisse les yeux, et remarque aussitôt la trace dans la poussière, depuis près de la porte jusqu'à ici. Donc, elle ne me ment pas sur ce point. Et je vais pouvoir comme qui dirait prendre quelques photos bienvenues.
J'enregistre la preuve dans mon Monodossier et me redresse, mais le chat qui grattait le sol tout à l'heure ne me laisse pas l'occasion de me diriger vers la sortie. Il miaule comme jamais un chat n'a miaulé, avant de gratter de nouveau le sol un peu plus loin. Je plisse les yeux.
« Qu'est-ce que tu veux, toi...
— Tu devrais le suivre, tu crois pas ? Rigole Sachiko. Les chats ont l'air de vouloir se venger... »
Ben voyons. Elle commence à me faire peur avec ses phrases à double sens ! Mais elle n'a pas tort, ce sont les chats qui m'ont guidé vers cet endroit et fait comprendre qu'il y avait un problème avec Sparrow, ils n'ont pas l'air de vouloir m'emmerder. Je me dirige donc vers le chat, qui se frotte à mes pieds et se dirige vers un étrange truc dans le sol, caché derrière une des caisses. Qu'est-ce que ce machin a d'intéressant ?
Je me penche. On dirait... Une autre boule de métal, comme celles que j'ai senti dans le sac ensanglanté. Elle est recouverte de poussière et d'une espèce de rouille brune qui s'accroche à mes doigts quand je l'effleure... Surmontant une bonne dose de répulsion, je monte mon doigt à mon visage et l'examine. On dirait... Non. Réfléchis, Thibault, réfléchis. Concentre-toi. Ne vomis pas. Ce n'est pas le moment. C'est tout sauf le moment.
Je soupire, et prends une photo. Je suis presque sûr de savoir ce que c'est, et le lien de cette poudre brune avec la scène de crime, mais je dois d'abord en être sûr. Et voir si la scène de crime a autre chose à m'offrir.
Il faut que je réfléchisse. Que je prenne du temps pour moi. Que je relie toutes les preuves.
Sinon... Je vais condamner quatorze innocents à la mort.
Moi compris.
_________
Début de l'enquête!
Et comme vous êtes des petits veinards, vous aurez les interrogatoires en bonus~
Donc à la partie suivante!
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