Chapitre 2 - Perla
(En média, Glorious de Macklemore et Skylar Grey)
Tu ne sais jamais à quel point tu es fort,
jusqu'au jour où être fort reste la seule option.
Bob Marley
jeudi:
7h00: Lever du jour
- Sortir les chèvres, vaches, chevaux
8h00: Finir les semis
13h00: Aider papa à planter avec le tracteur
17h00: Rentrer les bêtes
18h: Préparer les légumes pour le marché de vendredi
Voilà ce à quoi va ressembler ma journée d'aujourd'hui. C'est à peu près la même chose depuis environ un mois, depuis que Mamita est partie. J'ai pris l'habitude de me faire des emplois du temps pour rythmer mes journées. Tout est programmé, et rien ne doit être oublié ni loupé. Si ça ne tenait qu'à moi, j'irai piocher dans ma bibliothèque et m'en irai lire sous mon saule pleureur comme j'en avais l'habitude lorsque je venais en vacances, petite.
Après avoir mangé, Mamita organisait minutieusement sa journée du lendemain. Elle avait pris l'habitude de conserver tous ses carnets pour savoir à quel moment elle avait fait telle et telle chose. Les sortir de la petite boîte de là où elle les rangeait m'avait provoqué un pincement au cœur. Je n'étais pas retournée dans sa chambre depuis son décès. Récemment, mon père a émis l'hypothèse de donner les affaires pour une œuvre de charité, mais je ne me sens pas encore prête à me débarrasser de ses vêtements.
En fait, je ne réalise pas qu'elle ne fait désormais plus partie de ce monde. Mon père dirait que je suis dans le déni, mais je sais que ce n'est pas le cas. C'est juste que je ne suis pas encore prête à la laisser partir pour de bon. Il me faut juste du temps. Oui, c'est ça, du temps.
Je me lève en laissant la liste sur ma table de nuit. Au même moment que mes pieds touchent le sol, Rita et Sam sautent du lit. Leurs griffes résonnent sur le bois du vieux parquet. J'enfile ma combinaison de travail par-dessus un sous-pull, puis sors. Ma chambre se trouve au même niveau que le grenier, alors je dois descendre deux étages.
Nous vivons dans une vieille ferme qui ne demande qu'à être rénovée. Du temps, et encore du temps, c'est ce qu'il nous manque. Le premier étage est essentiellement composé de la chambre de mon père, d'une salle de bain, et d'un grand salon. En cinq ans que je vis ici, nous n'avons pratiquement jamais mis les pieds dans cette dernière pièce. Le rez-de-chaussée est nettement mieux isolé que les étages, alors c'est en bas que nous restons la plupart du temps.
Si ma chambre est la pièce la moins bien isolée de toute, je l'ai choisie car j'ai une grande surface. A notre emménagement, mon père y a installé une arrivée d'eau pour que j'ai ma petite indépendance. Mais même avec ces petits détails, la ferme est en mauvais état et mériterait d'être arrangée. Les murs en pierre se cassent la gueule et j'ai bien peur qu'un jour, le toit me tombe sur la tête.
Mais nous avons un tas de choses beaucoup plus importantes à nous occuper plutôt que ces choses-là. Si nous commençons à nous éparpiller, on ne saura plus où donner de la tête. Une chose après l'autre. Attendons encore quelques mois, laissons passer l'été, et nous verrons bien en septembre si les choses s'arrangent et s'apaisent. Croisons les doigts pour, sinon je vais y péter.
Les chiens me suivent jusqu'à la cuisine où je déverrouille la porte d'entrée pour les faire sortir. Mon père a déjà préparé mon bol qu'il a posé sur la table en bois au centre de la pièce. Je souris à cette attention. Même à l'heure très matinale à laquelle il se lève, il pense à moi. Je ne prends pas la peine de chauffer le lait et le verse directement dans le bol avec du chocolat en poudre que je galère à mélanger. J'y ajoute des pétales de maïs et récupère une cuillère à soupe.
Je passe la porte en faisant bien attention de la fermer à clé et m'assieds sur le banc contre la façade. Je pose mon bol sur l'assise et chausse mes bottes en caoutchouc que j'avais laissées traîner devant la porte. Tout en mangeant, je me dirige vers la grange que nous avons aménagée de sorte à faire des box pour chaque animal. Même si ce n'est pas notre activité première, nous avons toujours eu quelques bêtes pour nous diversifier. Les deux chevaux font office de tondeuses, les trois chèvres de débroussailleuses et un cochon, qui ne sert pas à grand-chose finalement...
Nous avons également une dizaine de vaches qui ne nous appartiennent pas directement car elles sont à un fabricant de fromage. Nous nous contentons de lui prêter des parcelles de prairies et de lui sortir les vaches. Ensuite, c'est lui qui fait tout le travail et qui les rentre le soir. C'est un ami de la famille, donc nous lui devons bien ça. Et puis, étant donné que nous sortons peu à peu de la période hivernale, je ne serais plus obligée de les sortir et de les rentrer car les nuits seront moins fraîches.
Je mâche ma dernière bouchée de corn flakes lorsque j'arrive à la grange. Nous vivons au beau milieu de champs, alors mes arrières grands-parents ont espacé les bâtiments pour combler le vide. On peut compter cinq granges, dont l'utilité est encore à se questionner. Il y a également un étang où des canards ont décidé d'y loger et des centaines d'arbres à perte de vue. Mon préféré est le saule pleureur sous une des fenêtres de ma chambre. C'est mon petit endroit à moi où j'ai installé la roulotte avec laquelle mes arrières grands-parents sont arrivés en Amérique.
Le bruit du tracteur à proximité cache le chant des oiseaux : ça, c'est mon père qui a déjà commencé à semer les betteraves.
Je pose mon bol sur la pierre du rebord d'une fenêtre à la vitre brisée. Je crois qu'elle a toujours été cassée. Je ne l'ai jamais vue en bon état celle-ci. Je tire sur le loquet et entre dans le local. Une forte odeur de crottin s'en échappe mais je ne suis plus gênée. J'ai fini par m'y habituer. Je récupère mon bâton au cas où une bête soit un peu agitée et m'avance dans le couloir. Comme tous les matins, j'ouvre chaque box et ils ne mettent pas longtemps à sortir.
— Aller, dehors tout le monde!
Sam, notre border collie, arrive en courant. Elle sait que c'est à elle de faire le travail. Cela fait deux ans que nous l'avons et nous avons réussi à la dresser de sorte à ce qu'elle s'occupe de rassembler le troupeau. De base, c'est pour les moutons, mais elle s'en sort très bien avec ceux-là. Le cochon tarde un peu plus alors je lui donne un petit coup dans son arrière train pour le faire accélérer. Mon père avait voulu l'appeler Pati, je ne sais pas pourquoi. Moi, je l'appelle "le cochon" car je n'ai pas que ça à faire de retenir tous les prénoms des animaux. J'en ai assez avec les clients. Ça fait de suite bien quand on accueille les habitués en disant "Bonjour madame Byrne, je vous mets comme chaque semaine? Trois poireaux avec un kilo de pommes de terre?" Voilà mon quotidien.
Je laisse les chèvres en liberté, Rita les garde ainsi que les chevaux. Je ne me préoccupe plus d'eux et me rends à la serre en prenant le vélo rouillé. C'est un miracle que les pédales puissent encore tourner tellement il est vieux. Mais bon, pour rien au monde mon père s'en débarrasserait. Il ne jette rien, il garde tout. Soit il entasse, soit il met dans le jardin en guise de décoration. Bref, vaut mieux ne pas marcher pied nus chez nous. A tout moment, on peut s'ouvrir le pieds avec un méchant bout de fer qu'il aurait laissé traîner sous prétexte que c'est joli.
En trois coups de pédales, me voilà déjà devant la serre. En ce moment, c'est l'endroit où je passe la majeure partie de mes journées. Avec la nouvelle chambre froide, elle fait partie de nos derniers achats. Elle nous était nécessaire car celle que mon arrière grand-père avait fabriquée il y a une trentaine d'années – avec du verre récupéré des quatre coins de l'Etat – n'était plus du tout fonctionnelle. À chaque coup de vent un morceau tombait. S'ils ne font pourtant pas réellement partie de la même famille, mon arrière-grand-père et mon père se ressemblaient bien pour ça : toujours à faire tout avec n'importe quoi.
Tout ça pour dire que cette année les semis ont intérêt à tous sortir car c'est la première fois que nous en faisons autant.
Nous sommes les seuls producteurs du coin et la population du village ne cesse d'augmenter, alors nous allons avoir plus de clients. Heureusement pour nous, avec cette évolution, davantage de clients vont affluer. Nous avons donc préféré privilégier le côté primeur au côté agriculture pure, avec le tournesol et le maïs qui sont moins avantageux et qui nous rapportent moins.
Je passe la matinée à remplir des petits pots de terre et à y mettre deux graines à l'intérieur. Jamais je n'aurais cru que j'en arriverais là alors que j'ai seulement vingt et un ans. Dire que je devrais être les fesses sur une chaise, en train d'apprendre de nouvelles choses, sortir avec des amis, ou encore profiter de la vie. Mais non. Je suis coincée là, dans cette serre, avec de la terre partout moi et les ongles sales.
Et pourtant, je ne me suis jamais plaint. Je n'en ai jamais vu l'intérêt. Je suis là, seule avec mon père. Arrêter mettrait l'affaire familiale encore plus à mal. Des semaines que nous nous tuons à la tâche dans l'optique d'enfin voir le bout du tunnel, hors de question de baisser les bras maintenant.
Je soupire lorsque je termine le dernier godet. Ici, lorsqu'une chose est terminée, dix tâches vous tombent entre les bras. Je repousse d'une main une mèche qui s'échappe de mon bandeau qui retient mal mes cheveux. Je suis à peu près sûre de m'être mis de la terre sur le visage, mais au point où j'en suis...
Je récupère l'arrosoir et m'en vais le remplir au robinet à l'entrée de la serre. C'est une des choses la plus physique à faire. L'arrosoir est déjà lourd de base, alors avec de l'eau, il pèse une vingtaine de kilos. D'habitude, je me débrouille pour demander à mon père de le faire, mais aujourd'hui je ne voudrais pas l'interrompre et le déranger.
Mon front est ruisselant, mes bras lourds et mon dos en compote. Physiquement, je suis cuite. Il ne reste plus qu'à se raccrocher au mental. La suite de la journée s'annonce moins compliquée, mais chez les Muñoz, les soucis ne sont jamais bien loin. Il suffirait qu'une bête s'échappe, qu'un tracteur tombe en panne pour semer la panique.
Je pose sans aucune douceur l'arrosoir au sol. Je déteste ce truc. Vivement que mon père répare le tuyau d'arrosage et que j'arrête de faire comme au Moyen-Age. Lorsque je passe la porte de la serre, Sam est couchée, m'attendant sagement au soleil. Cette chienne me suit partout, elle ne me lâche jamais les bottes.
Je rentre à la maison pour récupérer les sandwichs que j'ai préparés hier soir. Mon père doit encore être sur le tracteur, et avec un peu de chance je devrais pouvoir passer un petit moment avec lui avant de repartir.
Comme je l'avais deviné, le tracteur de mon père est au milieu de la parcelle. Je m'assieds sous un arbre qui borde le chemin en terre pour l'attendre. Il me voit et me fait signe qu'il termine avant de venir. Je l'aurais bien rejoint, mais impossible de traverser au risque d'aplatir la terre et d'enfoncer plus qu'il ne le faut les graines qu'il vient d'enfouir dans la terre.
C'est quelques minutes plus tard qu'il arrive, en marchant à grands pas vers moi. Il me sourit et tapote sa main dans ma chevelure pour me saluer. Je la soupçonne de ne pas être tout à fait propre, mais honnêtement, mes cheveux ne sont pas non plus impeccables...
— Couvre-toi bien, tu vas attraper froid, me préserve-t-il en remontant la fermeture éclair de ma combinaison. Tu veux mon blouson? J'en ai un dans le tracteur.
— Merci, c'est gentil. Je l'avais baissée parce que je viens de courir.
— Toujours en train de courir...
Il croque dans son sandwich, laissant en suspens sa phrase. Sur des courtes distances, il n'est pas rare de me voir cavaler, des bottes aux pieds, pour aller chercher quelque chose, informer quelqu'un ou pour tout un tas d'autres raisons. Mamita s'arrachait les yeux en me voyant faire. Elle me criait que j'allais finir par me faire mal et que l'hôpital se trouvait trop loin pour y aller en tracteur – c'était la seule chose qu'elle savait conduire. Heureusement qu'on faisait tout ensemble, aller en ville en tracteur aurait été très peu discret.
— Toujours, affirmé-je en croquant à mon tour dans mon sandwich.
Je regarde le troupeau de vaches de l'autre côté du chemin, dans la prairie d'en-face. Elles broutent l'herbe fraîche qui vient à peine de pousser. Nous sommes mi-mars et les premiers rayons de soleil font leur apparition. A force de marcher au même endroit, leurs sabots s'enfoncent dans la boue. Elles sont sales, mais leur cloche et leurs meuglements qui accompagnent le chant des oiseaux nous prouvent bien qu'elles sont heureuses.
— J'ai terminé tous les semis, déclaré-je. Les derniers ne seront peut-être pas à temps pour le début de l'été, mais si les températures se font clémentes jusqu'en octobre, on aura des récoltes plus tardives et constantes.
— Ce n'est rien de bien grave. Avec cette nouvelle serre, on n'a déjà aucun doute sur la pousse. Enfin, reprend-t-il en balayant l'air de sa main libre, on ne va pas parler tout le temps de ça. Sinon je te connais, tu vas en avoir marre et tu vas refuser de manger tes légumes.
— Je ne suis plus un bébé, papa, rigolé-je tandis qu'il me donne un coup d'épaule taquin.
Je le lui rend en plissant ses yeux, un sourire aux coins des lèvres. Il reprend cependant son sérieux en frottant ses mains contre son pantalon de travail : un vieux treillis qui a dû servir pour la Guerre de Sécession tellement il est usé.
— Tu as fait tout ce que tu pouvais pour qu'on s'en sorte. C'est fabuleux que tu ais pu accomplir autant de choses en si peu de temps. Excuse-moi de t'obliger à travailler avec moi, je sais que ce n'est pas ce dont tu rêvais quand tu étais petite.
Il est embêté. J'ai toujours vu qu'il n'aimait pas me voir sur un tracteur, les mains pleines de terre. Je savais qu'il aurait préféré me savoir dans une salle de classe, en train de lire, d'écrire et d'étudier. Mais c'est la première fois qu'il m'en fait part. Je peux lire sur son visage que ça le bouleverse de m'avoir emmenée ici et, d'une manière ou d'une autre, ne pas m'en avoir donné le choix. Il ne m'a jamais obligée à travailler à ses côtés. C'est faux. C'est moi qui ai voulu être à leurs côtés. Quel genre de fille aurais-je été si je les avais laissés s'embourber dans la boue sans rien faire pour les aider? Seulement, je ne pensais pas que ça durerait cinq ans.
— Ce n'est peut-être pas le meilleur moment pour t'en parler, mais j'ai trouvé une solution.
— Une solution? répété-je, pas certaine de comprendre où il veut en venir.
— Je ne t'en ai pas parlé avant parce que tu étais encore très bouleversée par la disparition de Mamita. Je ne voulais pas encore plus te chambouler.
— Ça concerne la ferme?
— C'est ça. J'ai embauché un artisan pour la rénover.
— C'est une superbe nouvelle! m'enthousiasmé-je malgré le fait que je sois déçue.
Je m'attendais à autre chose. La seule chose que je souhaite vraiment, c'est d'être libérée de certaines tâches qui me tuent à petit feu. L'hiver disparaît et le printemps arrive à grands pas. Avoir de nouvelles personnes à nos côtés n'aurait pas été de trop pour nous soutenir dans cette mauvaise période. Ne pas me réjouir me coûte, j'avais imaginé tout autre chose.
— Pequeña Perlita, ne me mens pas. Je sais que tu t'attendais à mieux.
Je mâche ma dernière bouchée, me donnant un prétexte pour ne pas répondre. Que dire de plus? Il m'a parfaitement cernée. Nous en avons les moyens, mais peu de personnes souhaitent ce genre de vie de nos jours. Tout le monde s'en va en ville en quête de population et de travail, tandis que les petits villages n'intéressent plus personne. Cinq ans que nous cherchons des ouvriers et cinq ans que nous en sommes au même stade. Qui voudrait vivre dans un bousier pareil?
— Tu n'en as pas trouvé d'autres? je demande, méfiante et doucement pour ne pas le brusquer.
Je sais qu'il est comme moi, qu'il est à bout physiquement et mentalement. Même si ce n'était pas sa grand-mère, Mamita était devenue sa seule famille. Il ne dort plus, ne se pose plus et a fait l'équivalent de trois mois de travail en seulement un. Il donne tout pour m'éviter les travaux les plus physiques. Si on continue comme ça, sa santé va commencer à se détériorer. Mes parents m'ont eue jeunes, si bien que mon père n'a que quarante-trois ans. Mais le travail manuel et physique abîme le corps, si bien qu'on pourrait facilement lui en donner cinq de plus.
— Tu me connais, je fais jamais les choses à moitié.
— Ça veut dire quoi, ça? dis-je avec une lueur d'espoir dans la voix.
— Il se pourrait que cet artisan ne vienne pas tout seul...
J'ouvre mes yeux en grand, pose mes mains sur ma tête et me lève d'un bond.
— Non, tu rigoles? couiné-je. Tu ne te fiches pas de moi, au moins?
— Je t'assure que c'est vrai! répond-il sur le même ton excité. Je n'y ai pas cru quand j'ai reçu la réponse, aussi inattendue soit-elle . Il viendra avec ses deux fils.
— Quand tu dis "deux fils", le coupé-je, j'espère que tu ne parles pas d'enfants de cinq ans, tenté-je pour un peu d'humour.
— Ils sont assez grands pour faire ce qui leur sera demandé.
— C'est génial!
Je ne sais pas quoi dire de plus tellement je suis sous le choc. Il se lève à son tour, puis nous marchons en direction de son tracteur. La pause a été plus longue que d'habitude, mais ça en valait la peine. Je ne pouvais pas être plus heureuse que maintenant. Savoir que nous allons enfin pouvoir sortir la tête de l'eau me rend euphorique au plus haut point.
— Ils habitent au village? On les connaît?
— Ils viennent tout droit du Texas. J'ai pensé qu'ils pourraient loger dans l'annexe.
L'annexe est une partie de la ferme. Elle est attenante à l'endroit où nous vivons, si ce n'est pas pour dire quasiment collé. Plus d'une trentaine de centimètres séparent les deux bâtiments. C'est là que vivaient les anciens employés de Mamita avant qu'on arrive. Depuis, rien n'a été touché et j'ai bien peur que ça soit trop insalubre pour y vivre.
— Dans l'annexe? Mais c'est miteux! Ils ne vont pas dormir dans un nid de poussière.
— On prendra une mâtinée pour nettoyer et mettre tout en ordre.
— Ils arrivent quand? je demande en posant une main sur mon front.
— Lundi, me répond mon père comme s'il s'agissait de l'info la moins importante du lot.
— Enfin, papa! Tu comptais m'en parler quand? C'est dans trois jours!
Je suis furieuse qu'il prenne à la légère une chose pareille. C'est complètement en inadéquation avec son discours de tout à l'heure. Si je l'avais su plus tôt, cette nouvelle aurait pu me détendre. Ils arrivent lundi. Je ne suis pas préparée à ça. Des gens que je ne connais pas vont entrer dans ma vie et ce sont eux qui seront à l'origine de ma future liberté. Je ne préfère pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, mais j'ai hâte qu'ils arrivent.
— Ne t'énerves pas pour ça. Ils sont prévenus. Ils savent qu'ils ne vont pas vivre dans un château. Murray et ses deux fils s'installent pour une longue durée indéterminée. Ils auront le temps pour rénover les bâtiments qui tombent en ruine.
— Et comment tu comptes les payer? Ça va nous coûter un bras cette histoire, m'inquiété-je tandis qu'il grimpe sur le tracteur.
— On les loge et nourrit gratuitement. J'ai un accord avec eux. La main d'œuvre est la moitié d'un salaire normal, mais tout ce qu'ils utilisent comme matériaux est payé de ma poche.
Vu que nous produisons la quasi-totalité de nos repas, ça nous revient à très peu de pertes de bénéfices. La viande nous est offerte par l'éleveur à qui nous mettons à disposition nos prairies pour ses bêtes. S'il y a bien un avantage à connaître du monde, c'est de pouvoir se rendre service sans échange pécunier. On troque nos coups de mains, c'est une valeur que j'ai découvert en déménageant ici.
— Le plus grand des fils aidera son père, et quand j'aurais besoin de lui, il viendra avec moi. Pour ce qui est du deuxième, il n'a encore aucune expérience. J'ai pensé qu'il pourrait rester avec toi, ne serait-ce que les premiers mois. Il sera à tes côtés pour t'épauler pour le travail physique. Est-ce que l'idée te plaît?
Super, je vais me retrouver avec un gamin de seize ans qui me servira de larbin. Des mois que je demande de l'aide, je ne vais pas me plaindre alors qu'elle n'a jamais été aussi près...
— Parfait, je me contente de dire en rongeant le coin de mon ongle.
Je n'en reviens pas. Ce qui va arriver me partage en deux : je suis soulagée de savoir qu'on va enfin nous aider et que nous allons pouvoir nous trouver des temps de pause. Mais en même temps, je ne peux m'empêcher d'avoir peur que ces gens-là bouleversent ma vie. Et si on s'en sortait moins bien une fois qu'ils auront posé leurs valises à la ferme? Et s'ils n'étaient pas sérieux et qu'il fallait toujours être derrière leur dos? Non, papa n'embaucherait pas n'importe qui, même si ça fait des années qu'on attend ça.
— Tout va bien se passer, tu n'as pas à t'inquiéter, Pequeña Perlita.
Il se penche pour m'embrasser sur la joue et allume le contact du tracteur. Le bruit du moteur fait vibrer mes oreilles et j'en viendrais presque à me demander comment ça se fait que mon père n'est pas encore sourd.
Après un dernier geste de la main, mon père démarre. Je le regarde prendre le chemin pour changer de champ. Quand il tourne sur un autre chemin, je le perds enfin de vue.
Il me faut quelques secondes pour me remettre de mes émotions. Des gens vont venir travailler avec nous. Je suis trop heureuse, putain!
On va y arriver, Mamita. On va s'en sortir.
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Coucou bonjour, il y a encore des gens ici? Désolée pour l'énorme attente, il faut dire que j'étais énormément prise ces derniers temps! Mais pour ceux qui n'ont pas vu, j'avais continué à poster Just Unforgettable, ça permettait de basculer d'un livre à l'autre!❤️
Je reviens avec le chapitre dont je suis le moins fière parce qu'il ne s'y passe pas grand chose... J'espère qu'il vous aura tout de même plu, je tenais à planter le décor de la vie de Perla. Est-ce que l'environnement vous plaît? Ca change de d'habitude on va dire😅
Est-ce que le chapitre vous a plu? Que pensez-vous qu'il va se passer pour la suite? L'arrivée de quelqu'un? 👀
Gros bisous et bon week-end!
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