Mon téléphone sonne. Surprenant, il n'est que sept heures, je ne reçois pas d'appel si tôt d'ordinaire. Avant même de ne retourner le portable je sais déjà qui m'appelle: "- Salut, t'as besoin de quoi et quand ?" Je demande d'une voix froide. Il sait pourquoi et à quel point je suis distante avec lui, ça lui convient tout autant qu'à moi. "- Salut Iris. J'ai besoin de toi dans trois heures, je voudrais une rouge et assure toi de mettre le paquet. Ce sont de gros clients. Je t'envoies l'adresse." Avant même que je ne lui confirme que je viendrais Z à déjà raccroché. Reposant le téléphone sur ma table basse je jette un coup d'oeil à mes jambes couvertes par un jogging gris. Quel dommage; j'étais vraiment bien dans cette tenue. Je n'ai pas le choix et, comme promis, je reçois l'adresse et l'immatriculation d'un taxi par message. Z ne jamais dans la demie-mesure, le connaissant mieux que quiconque je me rend à ma porte et patiente devant mon boitier ES, boîtier d'échange social, tout le monde en a un mais le mien est un peu special depuis que je travaille pour Z, il ne se contente plus de m'imprimer les cartes postales de mes parents, de temps en temps je reçois une carte de visite, une invitation et un nom ou mieux, une photo. Cette fois l'invitation sort la première, j'y jette un rapide coup d'oeil:

Vous êtes l'heureux(se) invité(e) du palais des affaires ce samedi soir à partir de 19 heures.
Nous vous accueillerons au 31 place Ferron b6 couloir 23.

Je ne peux m'empêcher de jeter la carte par dessus mon épaule même si je devrais la reprendre ensuite. "Le palais des affaires" jamais une femme comme moi n'aurait pu ne serait-ce qu'envisager s'y rendre pour autre chose que la prostitution. Pour certains c'est un bruit qui court, une rumeur infondée mais les personnes importantes de cette société ne sont-elles pas autant humaines que les autres ?

Le boitier me crache enfin la suite du casse-croûte. Sur la photo est indiqué un nom: Piotr Lawson, un homme petit et trapus aux lèvres minces, les rares cheveux qui couvrent son crâne sont gris, il ne semble pas bien vilain arborant un fier sourire de grand-père mais je sais déjà que ce gars est un sale type. Au dos Z m'a indiqué ce que je dois transmettre. Ce n'a pas l'air bien compliqué.

          Je retourne dans ma pièce, car il s'agit d'une pièce, j'y dors, mange, me lave et me divertis. Les deux seules portes sont celle de la salle de bain et celle de l'entrée. La fenêtre de droite donne sur une cours intérieure et celle au dessus du lavabo de ma cuisine donne sur la rue. Enfin, elle donne surtout sur l'appartement de mon voisin d'en face et je dois dire que j'apprécie faire la vaisselle depuis sur je suis arrivée dans ce studio: c'est très divertissant. J'esquisse un sourire, penser à mes plaisirs coupable m'amuse, je ne suis pas différente des autres femmes, je me rince l'oeil et ne fais rien de mal. "Je veux une rouge" quel pervers, je sais laquelle il veut que je mette; pourquoi ne dit-il pas "Met la robe sexy" c'est ce qu'il pense après tout. Il ne peut en revanche pas se permettre de le dire, si il le pouvait peut-être aurions nous pu être amis... Z a été clair: jamais moi qui représente sa double-vie ne ferait partie de la première. Je ne suis pour lui qu'un atout qu'il rémunère, il ne veut même pas me considérer comme une employée: c'est malheureux je suis, à ce que m'a dit Adénaïs Ortell en classe préparatoire, une fille très sympathique. Cela fait peut-être quinze ans mais qui pourrait autant changer en si peut de temps? D'autant plus qu'Adénaïs ne m'a plus jamais parlé après ça, j'ai du la rendre jalouse. Ou bien elle et sa famille ont-ils reçus un avertissement pacifique de Mr.Kaze. Mon mentor était très strict, sachant mon âge, il a jugé bon de m'empêcher de me faire des attaches inutiles. La seule que j'ai réussi à entretenir dans un élan désespéré d'humanité a très mal tourné. Depuis je me suis rangé de son côté, son avis est devenu le mien, en échange il m'a offert un cadeau unique et m'a fait comprendre que jamais je n'en aurait d'autres. Dans la boîte qui trône sur mon étagère à livre se trouve le seul cadeau que l'on m'ai jamais fait: un ensemble parurier. Je me souviens ouvrir le coffret et toiser mon bienfaiteur d'un oeil mauvais, je déteste ces biboux. Ils me rappelent combien je suis seule. Pourtant ils sont tout simplement d'une qualité splendide, un collier d'or 24 carats orné d'une dizaine de diamants tout aussi purs, un bracelet d'or souple et une bague allant avec le tout elle aussi s'accomodant d'un grosse pierre scintillante. Personne ne s'attendrait à decouvrir une telle merveille dans un appartement moisi de la bulle 130. Même le dernier des roturier de la bulle 20 n'irait pas foutre les pieds ici à moins d'y être contraint. C'est le paradis des connards. Que des gens comme moi, des malfrats gardés, protégés et passés sous silence, après tout nous sommes d'une importance capitale. Comment vivre dans ce monde partant à la dérive sans les gens assez fous pour tenter de le conquérir ? La seule loi de la bulle 130 est celle que l'on se fait soit même, si tu joues tu finis toujours par y laisser quelques pièces et c'est pour ça que Mr.Kaze m'a appris à faire la différence entre jouer et gagner. Si je ne suis pas sûre je ne joue pas, il serait idiot de gâcher mon potentiel bêtement.
C'est lui qui m'a aussi conseillé de prendre un logement ici pour des raisons de sécurité. Je ne suis pas née de la dernière pluie, si je vivais ailleurs mon nom seraitinscrit sur les registres d'habitation de la bulle et tout le monde pourrait me trouver, dans la bulle 130 je suis invisible pour l'administration et si l'on veut me trouver il faut ma permission.

Cependant l'emprise qu'à mon mentor sur moi diminue au fil du temps. Je ne sais pas si il en serait très content mais peu m'importe en réalité, tant que je peux continuer à travailler pour Z et les autres cela me convient.
Une douche prise, des onguents miracles appliqués, maquillée à la perfection, vêtue de cette fameuse robe rouge et un légèr sourire aux lèvres je quitte mon petit appartement. Mais sortir en robe rouge dans les rues de la bulle 130 c'est un risque énorme, j'imagine que la dissimuler sous un manteau long était la seule solution. J'ai rassemblé mes cheveux sous une casquette et rabattu na capuche de mon manteau par dessus. Même ma sœur ne me reconnaîtrait pas; je n'en ai pas, ça doit être pour ça...
Pour des raisons évidentes Z ne sait pas ou j'habite. Le taxi m'attendra dans la bulle 122 et je dois m'y rendre par mes propres moyens.

Les bulles 129 à 121 sont des bulles gigantesques d'exploitation agricoles. Impossible d'y accéder à moins d'avoit la licence adéquate et l'autorisation du ministre. Il en est de même pour les bulles 131 à 167. Elles sont remplies de champs, de réserve d'eau, de pâtures d'élevage ou d'usines de synthétisation des produits organiques et des vitamines. On pourrait croire que nous courrons à notre perte mais c'est tout l'inverse. Selon Mr.Kaze cela fait des milliers d'années que supportée par l'intelligence artificielle l'humanité est partie à la dérive spatiale. Notre système immunitaire c'est régulé progressivement grâce au port de combinaisons tout d'abord et aujourd'hui plus personne n'en a besoin à moins d'être réparateur de sphère: métier le mieux rémunéré après les fonctions diplomatiques car le plus dangereux. Les sphères sont les vaisseaux qui maintiennent un champ électromagnétique stable autour des bulles, il doit y en avoir 5000 par bulles et elles sont auto-regenérantes, même dans l'optique ou un dizaine d'entre elles sont détruites par une météorite dix autres prennent le relai. Cependant tout le monde connaît la terrible histoire de la bulle 207, sur les 846 bulles habitables c'est la seule qui soit morte. Les gens qui y vivaient sont tous morts, il ne reste que les orphelins qui allaient à l'école dans la bulle 206 et quelques employés des bulles 203 et 204. Cette tragédie date d'il y a quinze ans et c'est à peu près en même temps que Mr.Kaze m'a embauchée.

          Arrivée devant Pete Terus je le salue. Pete est mon passeur, il est le passeur de beaucoup de gens  en réalité mais c'est le meilleur après tout. Pete n'est pas grand, le dos toujours droit il caresse sa barbiche et ajuste son couvre-chef qui suggèrait jusqu'à lors sa calvitie. Derrière ses lunettes rectangulaires je vois ses grand yeux s'illuminer:

"- Archie ! Ça fait un bout de temps. Je croyais que tu étais morte aux mains de Mason."

Iris pour un, Archie pour un autre, c'est triste de se dire que je ne peux pas même faire confiance à un mec que je vois pratiquement tous jours mais, c'est une des règles. Pete me prend la main et me met entre celles-ci une petite pièce. Je descend dans les escaliers derrière lui et il se contente de retourner dans sa cabine en levant son pouce vers le haut pour moi. Je  vois une nacelle de transport arriver à toute vitesse et aussitôt qu'elle arrive Pete presse un levier. La bulle freine et je cours vers l'endroit ou elle s'est arrêtée les portes s'ouvrent je saute dedans. Gardant la tête basse je compte une dizaine de paires de pieds. Il chuchotent entre eux certain sans se préoccuper de l'indiscrétion en me pointant grossièrement du doigt. Les nacelles sont des compartiments qui font des voyages entre les sphères. Généralement les gens de la bulle 130 ont leur propre voiture mais je refuse d'amener un objet personnel dans des zones contrôlées : encore une des règles. Quoi qu'il en soit le service nacelle de la bulle 130 est endommagé et personne ne l'a réparé en 30 ans. Les approvisionnements continuent de se faire par les cargaisons mais si l'on veut prendre une nacelle il faut s'y prendre comme je l'ai fait: payer un technicien au mois pour qu'il te fasse passer en bloquant les circuits de la nacelle qui s'arrete donc automatiquement. Dans les autres bulles les nacelles sont des ascenseurs. Elles ne s'arrêtent que si elles sont appelées.

Ce n'est que quelques minutes après que je sois entrée que la lumière de l'objetif de mon voisin vire au rouge. Calmement je prend mon masque et l'attache à mes deux oreilles, je met ensuite une paire de lunettes de soleil. Cet idiot doit croire que l'on n'est pas préparé à la tentative de hameçonnage. Ma tête serait sur tous les reseaux en moins de cinq minutes et en dix relayée à travers toutes les bulles, ma vie et mon job seraient foutus.

Enfin après avoir passé les bulles agricoles je suis descendue à la bulle 122 et je me suis éclipsée le plus vite possible vers là ou m'attendait mon taxi. Ma mission pouvait commencer.