Ma mère glisse un mouchoir dans la poche de ma veste d'uniforme. Elle essuie une larme coulant sur sa joue et m'adresse un sourire fier. Mon père me donne une tape sur l'épaule et tout deux m'accompagnent jusqu'à la porte en m'aidant avec mes bagages. Devant la porte il y a un homme vêtu d'un trois pièces noir brodé or. Ma mère m'embrasse sur la joue, mon père me prend par les épaules pour me détailler de son regard bleu. Ils ne disent pas un mot mais je lis dans le leurs yeux une grande fierté.

Je leur tourne le dos et l'homme m'ouvre la portière de la voiture. C'est une Mercedes noire 8 places avec un coffre, on dirait presque une limousine. Je monte donc dans la voiture au premier rang de fauteuils. Le chauffeur se saisit de mes bagages pour les mettre dans le coffre.

J'observe mes parents à travers la vitre teintée. L'homme monte à son tour à l'avant et se retourne vers moi. Il me fixe une dizaine de secondes puis attrape une enveloppe dans la poche intérieur de son costume. Il me la tend et me fait signe de ne rien dire. Puis comme si de rien n'était il se retourne et me fixe cette fois dans son rétroviseur central: "- Je m'appelle Maureen. Il en reste deux encore avec vous. Nous aurons 6 heures de route." M'annonce-t'il d'un ton très neutre. Je m'incline légèrement en signe de respect et répond très poliment: "- Moi c'est Abel. Je vous remercie de me conduire."
Il hoche la tête et met ses mains sur le volant. Ça y est, je ne reverrais plus mes parents pendant au moins dix ans. J'accroche mon regard à leurs visages, j'ai pris une photo d'eux mais ils me la retireront une fois sur place et je ne la récupérerais qu'avec mon diplôme. Même eux ignorent beaucoup de l'endroit où je me rend. Un matin nous avons simplement vus débarquer chez nous six personnes avec mon dossier scolaire et mon casier judiciaire en main. Deux femmes et quatre hommes, ils se sont installés dans mon salon et m'ont parlé en présence de mes parents sans donner aucuns détails de l'école Manticius. Mon père s'est pris la tête entre les mains ma mère a écarquillé les yeux et est restée bouche-bée. Je n'ai réfléchi que deux jours avant de renvoyer ma réponse à l'adresse donnée et me voici: septembre 2018 dans une voiture de luxe qui me mène à Manticius une école formant des gens comme moi à devenir ce qui est de mieux.

"Ces documents sont confidentiels et propre à chaque individu qui en reçoit, prenez soin de les détruire.
Vous avez, Abel Pascale Feather, accepté notre proposition d'intégration à Manticius.
Vous ne connaissez rien de cette école et avez cependant eu le courage d'accepter de l'intégrer.
Nous avons décelé en vous un don particulier qui nous laisse à penser que vous serez un atout pour l'avenir de ce monde. Pour cela nous souhaitons vous former à devenir acteur d'un monde meilleur. Vous serons communiquées le reste des informations à votre arrivée à Manticius.
Nous vous remercions pour votre confiance. Faites bon voyage."

Je replis la lettre et la replace dans l'enveloppe. Je ne dois parler à personne de ce message, ils ont déjà commencé à me tester. Je m'enfonce dans mon siège et ferme les yeux, je vais tenter de dormir.
Quand je les ouvre à nouveau mon chauffeur vient de claquer la porte. Intrigué je regarde au dehors, un jeune homme sort d'une maison et serre la main de mon chauffeur, il doit être un des deux autres jeunes choisi avec moi. Un nœud se forme dans ma gorge, de là où je le vois, il ne me plaît pas. Je tente de lire sur ses lèvres en vain, il ne doit pas parler anglais. Je le voir marcher tranquillement vers la voiture en compagnie de Maureen. Je l'aime de moins en moins et me méfie, ce garçon est bien trop à l'aise alors qu'il ne sait pas où il va. Ou alors peut-être a-t'il reçu plus d'informations que moi, lui en soutirer serait sournois et inutile, j'aurais mes réponses dans trois heures de toutes manières, c'est cependant très tentant. Je le vois poser sa main sur la portière et ferme les yeux, je veux qu'il me voit inoffensif et qu'il ne se méfie pas de moi. La porte s'ouvre et un vent frais me caresse la peau, je fais mine de me réveiller avec cela et fixe avec de grands yeux l'inconnu qui lui m'a aussitôt détaillé de haut en bas. Vu son air il ne devait pas être au courant de ma présence ce qui m'arrange, je veux voir comment il se comporte en ma présence pour savoir si il sait des choses. Il me fixe encore quelques secondes avant d'entrer dans la voiture et de me tendre sa main que je serre: "Moi c'est Jean." Je hoche la tête et secoue légèrement sa main poliment: "Je m'appelle Paul, ravi de faire ta connaissance."

Dans son regard passe lueur que je ne saurais pas expliquer, il lâche ma main et se rassoit correctement. J'ai l'intuition qu'il a compris que je lui avais menti. Cela à l'air de lui retourner l'esprit, aurais-je du lui donner mon vrai prénom ? Maureen finira bien par m'interpeller et Jean aura la certitude que je lui ai menti. Je suis maintenant persuadé d'avoir fais le mauvais choix. Je vois dans son regard en coin qu'il se pose des questions sur moi, peut-être pense-t'il à la lettre qu'il a du recevoir et cherche la mienne du regard. J'aimerais bien lui mettre la pression en lui faisant croire que je l'ai remarqué mais dans un même temps cela compromettrait mon secret. Je tourne la tête vers la fenêtre et c'est à cet instant précis alors que j'ai entendu Jean prendre une inspiration afin de parler que Maureen entre dans la voiture en claquant la porte.

Qu'ils se taisent je ne veux pas entendre ce qu'ils ont à dire. Jean semble s'être ravisé pour mon plus grand bien.