Coup de foudre
J'ai toujours adoré ces romans d'amour, où tout se termine bien. Les histoires qui finissent par « il vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ».
Toi, tu aimais bricoler les phrases, trouver un nouveau sens. Tu me disais : « ils vécurent enfants et firent beaucoup d'heureux ».
Encore maintenant, je suis incapable de savoir quelle version je préfère.
Nous avions seize ans.
Nos sentiers se sont croisés à l'activité théâtre du mardi soir au lycée.
L'envie de jouer un autre rôle me dévorait toute entière, me consumait et me faisait un bien fou. Je ne connaissais personne, puisqu'aucune amie ne m'avait suivie dans cette énième idée improvisée.
Tu étais venu, traîné ici par sa meilleure amie. Te ne semblais pas particulièrement ravi de ta présence dans cette pièce. Tu avais traversé la cour sous la pluie, tes cheveux dégoulinaient d'eau. Tu se blottissais dans ton manteau en marmonnant. Je ne t'avais pas vu.
M. Homeir avait frappé dans ses mains.
— C'est bien la première fois qu'il y a autant de monde !
Un sourire était apparu sur mes lèvres. J'ai regardé les autres. Nous étions beaucoup, c'était vrai. Environ une vingtaine, peut-être même un peu plus.
Mon regard a glissé sur chacun des élèves présents. Secondes, premières, terminales, tous mélangés.
Je t'ai regardé en dernier. Peut-être pour me laisser le temps de t'observer, plus que les autres.
Ça a été le coup de foudre. Au même moment, l'orage a tonné.
Tes yeux noirs, tes cheveux bouclés aux couleurs caramel, ton allure tranquille...
Je me suis jetée dans la tempête. Les émotions m'ont ballotée dans toutes les directions, jusqu'à ce que la tête me tourne. Tout ça en un millième de seconde.
Un éclair et je suis tombée amoureuse.
Je suis tombée de bien haut, d'ailleurs. Moi, grande timide quand je ne connais pas, pas très courageuse. Moi qui n'avait aucune expérience avec les garçons.
Coup de foudre et je me suis glissée au milieu de l'orage.
Je n'avais pas peur : tu étais là.
Idiote, idiote, idiote ! Tu ne m'aimais pas. Je l'ai vu alors que les jours s'écoulaient et que tu ne t'intéressais pas plus à moi qu'aux autres. Oui, j'étais gentille, sympa. Oui, j'étais une bonne amie.
Ce n'était pas suffisant.
Les cours de théâtre ont continué. Je me suis rapprochée de toi, moi aussi de tes amis. Cette activité me faisait un bien fou alors que ton amitié me rongeait. Il me fallait plus, plus, plus !
Je pleurais, je hurlais. Seule et loin de toi.
Parfois, tu passais ton bras autour de mes épaules en riant. Tu faisais semblant de me défendre quand les autres l'embêtaient pour jouer. Et d'autres fois, c'était toi qui me soulevait dans les airs et me portait loin dans la cour. Je riais, tu riait, tous riaient. Tu me parlais beaucoup. Pas plus qu'aux autres. Nous étions proches, quand même.
La meilleure année de ma vie.
L'amour me bouffait. Le théâtre m'animait. L'amitié m'illuminait.
Et je t'aimais.
Et je t'aime toujours.
Et tu avais raison, puisque nous ne vécûmes pas heureux et nous n'eûmes pas beaucoup d'enfants. Pas ensemble, du moins.
Cependant, nous vécûmes enfants et fîmes beaucoup d'heureux.
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