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Sept pour cent

La cour était remplie d'élèves en attente. Le brouhaha incessant des discussions perturbait Mathieu. Ses camarades étaient excités, enjoués... Angoissés, peut-être ? Toute cette activité pourrait bien être une cachette utile pour la peur.

En tout cas, lui s'était mis à l'écart. Il ne supporterait pas de discuter comme si de rien n'était alors que son avenir allait se jouer dans les minutes qui suivraient.

Il y aurait d'autres cérémonies d'orientation plus tard, bien sûr, mais la première... La première était déterminante. C'était elle qui déciderait de la qualité des professeurs, de l'environnement de travail. C'était elle qui déciderait de ses chances de survie.

Mathieu observait la marée bleutée des uniformes scolaires avec une nausée grandissante. Comment pouvaient-ils afficher une si grande insouciance ? Peut-être la majorité d'entre eux s'était-elle déjà fait à son sort. La vie est dure, disait-on, injuste. Et on n'y pouvait rien.

Ne voyaient-ils pas ? Ne voyaient-ils pas qu'avec cette mentalité, c'était comme si on les conduisait au peloton d'exécution ?

Il soupira, laissant échapper son anxiété. Il était trop dramatique quand il se laissait aller à ses pensées. Mais sa gorge se serra quand le couperet tomba.

"Box numéro vingt-trois. Cornello Mathieu." 

La voix du planificateur avait retenti, et Mathieu devait y obéir. Il se rendit au box d'attente, traversant au passage les silhouettes floues des lycéens. Son appréhension était trop forte pour les dévisager précisément. D'une main tremblante, il ouvrit la petite porte en bois surmontée du numéro demandé, et s'assit sur le banc qui bordait un des côtés avant de refermer la porte.

Ses doigts agrippèrent le tissu de son pantalon bleu sombre, comme s'ils essayaient d'écraser son stress. L'effet était certainement inverse.

Incapable de rester en place, il tapota des pieds en attente de la suite. Ce ne serait pas si terrible.

Ils n'allaient pas le manger. Après tout, qu'est-ce qui allait se passer ?

On allait lui laisser une chance, n'est-ce pas ?

"Box numéro vingt-trois. Cossenet Cassandra."

Le souffle du garçon se fit plus court. Il ne serait pas seul pour attendre. Il n'aurait su dire si cela le rassurait ou si sa crainte en était amplifiée. Quelques secondes s'écoulèrent avant que la porte du box d'attente ne s'ouvre de nouveau.

Une petite blonde au visage rond se présenta, vêtue de l'uniforme des filles du lycée : jupe plissée et chemise dans les mêmes tons bleutés.

Mathieu détestait le principe de cet uniforme. Et pourtant il ne pouvait s'empêcher de tomber dans son piège. 

Cravate verte : cette fille était en section scientifique. Ses cheveux coupés courts en attestaient également : le port des cheveux longs était interdit dans cette filière. Il eut un autre choc visuel en observant l'insigne brodé à sa poitrine. Ce petit triangle doré signifiait qu'elle faisait partie des meilleurs élèves de son collège d'origine. 

Elle aurait une sérieuse chance de rejoindre les sept pour cent.

Mathieu détestait le fait qu'il puisse avoir une idée préconçue sur cette personne d'un simple regard, et pourtant il ne pouvait rien faire pour s'y opposer. D'ailleurs, la dénommée Cassandra ne se privait pas pour lui rendre la pareille.

Mathieu vit son regard s'attarder sur sa cravate jaune, signe des filières artistiques, et sur son insigne argenté, symbole de résultats moyens. 

Les moins bons élèves portaient un insigne de bronze, et ne se faisaient généralement pas d'illusions sur leurs chances d'atteindre une vie correcte.

Il ne savait comment interpréter le demi-sourire de la jeune fille, mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir attaqué. Peut-être n'avait-elle pas cette intention, mais la situation l'obligeait à ce genre de pensées.

De son côté, Mathieu essayait sans succès de réprimer sa jalousie. Elle ne devait pas être en train de s'inquiéter autant que lui. A vrai dire, il l'avait vu dans ses yeux : elle était soulagée de ne pas être dans la même situation que lui.

Au moins, ceux qui avaient les moins bons résultats pouvaient se résigner à l'avance. Ceux qui se tenaient tout en haut de l'échelle étaient presque assurés de leur réussite. Mais ceux qui, comme Mathieu, se maintenaient entre les deux, nageaient dans un impitoyable océan tourmenté d'incertitudes.

Ce fut Cassandra qui brisa la glace :

"Alors, qu'est-ce que tu comptes leur demander, toi ?"

Mathieu rumina sa réponse.

"Une place à l'omni, je pense. Section arts."

Le visage de la jeune fille s'illumina :

"Ah oui ? Je veux aller à l'omni, aussi ! C'est quoi, ton truc, en arts ?"

"Un peu tout..." fit-il en se grattant l'arrière de la tête. "J'attends un peu pour me décider, mais je suis assez bon en dessin, apparemment. Mon truc, préféré, c'est la musique. Et toi ?"

"Je me débrouille en maths." répondit-elle, avec un air de modestie. "Mais je me concentre sur la chimie. Mes profs me disent que je peux atteindre les cinq pour cent si je continue mes efforts. Je suis en bonne voie."

La réponse de Mathieu mourut sur ses lèvres. Il ne dépassait pas les trente pour cent, sur ses meilleurs scores. Il n'aurait jamais la moindre chance d'obtenir ce qu'il voulait.

L'omni, ou l'omniversité, était l'école rêvée pour la plupart des élèves qui croyaient en leurs chances. Toutes les filières étaient représentées, les meilleurs professeurs y enseignaient, et le nombre d'élèves par classes était minimal. Parfois même des cours particuliers y étaient organisés. Personne n'était laissé sur le côté.

Après tout, que répondre à Cassandra ? Elle savait déjà, elle avait vu qu'elle était meilleure que lui. Son insigne parlait pour son silence.

Elle avait dû deviner son inconfort, parce qu'elle poursuivit :

"Mais ce n'est pas gagné d'avance." dit-elle pourtant sans trace d'inquiétude. "Je dois continuer à travailler... Je sais que la concurrence est rude."

La jalousie de Mathieu aurait dû être apaisée, mais quelque part cette démonstration d'empathie et de modestie l'enflamma encore davantage.

Comment osait-elle prétendre se mettre à sa place ? Faire semblant d'avoir une chance d'échouer ?

Cassandra le fixait, attendait sa réponse. Elle devait trouver son silence obstiné curieux, d'autant qu'il faisait tout pour cacher sa frustration. Il ne tenait pas à se lancer dans une dispute qui le déconcentrerait avant l'entretien. Mais comment pouvait-elle ne pas se rendre compte que son attitude allait l'enrager ?

Elle faisait forcément exprès ! Les candidats sérieux aux sept pour cent aimaient écraser les autres, après tout. Comme pour se rassurer d'avoir échappé au destin médiocre.

"Je ne sais pas si je vais y arriver." lâcha t-il finalement, dissimulant sa haine derrière son amertume.

Le sel de sa réplique avait refroidi l'enthousiasme de la jeune fille.

"Il ne faut pas dire ça..." souffla t-elle.

"Tout le monde a sa chance."

Elle ne l'avait pas dit, elle n'avait pas prononcé la devise de l'école nationale commune, parce qu'elle savait comme lui que c'était un mensonge. Et pourtant, l'idée de cette banalité idiote et trompeuse transperçait à travers sa remontrance gentillette. 

Que Mathieu haïssait sa tempérance, son air tranquille, ses encouragements voilés !

C'était facile d'avoir cette attitude suffisante quand on se tenait en haut de l'échelle !

Elle ne connaissait pas le désespoir de tout tenter, de tout donner, de se tuer en efforts ; et de se voir pourtant noyé dans la masse des élèves "moyens".

Moyens ou mauvais, ils auraient le même destin.

"Je ne sais pas quoi dire d'autre." émit-il, comme en conclusion à ses pensées.

C'est à ce moment que le panneau en bois opposé à l'entrée bascula sur le côté, et laissa apparaître un homme d'une quarantaine d'année, en costume noir complet. Ses yeux laissaient supposer une certaine inflexibilité quand il demanda à voix haute :

"Cornello Mathieu ?"

"C'est moi." fit le garçon en se levant.

"C'est votre tour. Suivez-moi."

Il obéit sans accorder un regard à Cassandra. Il ne voulait pas raviver sa colère, il voulait rester calmer et garder les meilleures chances de réussite. Leurs professeurs leur avaient répété que leur attitude pourrait leur faire gagner des points à l'entretien.

Mathieu s'accrocha à ce maigre espoir, il voulait se convaincre que son avenir n'était pas joué d'avance.

Dès la sortie du box d'attente, il se retrouva dans un bureau exigu, et le fonctionnaire s'installa derrière l'ordinateur en lui faisant signe de s'asseoir en face.

Le jeune homme s'exécuta et tâcha de ne pas se noyer dans son stress alors qu'il attendait en silence que l'inspecteur épluche son dossier.

"Vous n'avez formulé qu'une seule demande." remarqua l'homme d'un ton neutre après une attente interminable.

"Oui, je... Je souhaite intégrer l'omniversité." bredouilla Mathieu, incertain de savoir s'il devait commenter cette affirmation ou non.

"L'omniversité a des critères de sélection stricts." déclara l'inspecteur, tout aussi égal. "Vous ne répondez pas à ces critères."

Une douche glaciale s'était abattue sur le lycéen. Il pensait qu'il défendrait ses chances, il pensait qu'il allait argumenter. Mais la réalité venait de le gifler en plein visage.

Il se rebella contre ce destin, protesta :

"Je... Je peux progresser ! Mes résultats ne sont pas exceptionnels maintenant, mais..."

Un soupir blasé et dénué d'empathie l'arrêta. Mathieu devina à travers ce seul souffle fatigué les milliers de refus que l'inspecteur avait déjà du opposer.

"Les critères sont là pour une raison. L'omniversité ne peut pas se permettre d'accepter des étudiants qui n'ont pas la moindre chance de réussir. Leurs ressources sont précieuses, et leurs places sont chères. Même ceux qui ont de bons résultats à votre âge peuvent échouer, vous savez ? Alors, en partant avec du retard, ce n'est pas la peine d'essayer. De plus, je vois ici que vos professeurs soulignent que votre investissement n'est pas maximal et que votre rapport à l'autorité est problématique."

"Je... Je travaille dur, je vous le jure !" supplia Mathieu, au bord des larmes. "Pas aussi dur que les premiers de la classe, peut-être, mais... Eux ont déjà des problèmes de santé parce qu'ils travaillent trop ! Ils ont dû voir des psychologues, des médecins pour leurs problèmes de sommeil ! Je peux y arriver, je vous le promets ! Ma classe adore ce que je compose, mes professeurs aussi, ils me l'ont dit ! J'ai droit à une chance !"

Le visage carré de l'adulte se tourna de droite à gauche en signe de dénégation.

"Votre dossier indique que vos résultats en musique vous classent dans les trente-cinq pourcents de la moyenne nationale. L'omniversité exige un résultat de huit pourcents au grand minimum, et un investissement au travail optimal. Vous n'avez aucun des deux critères requis, et, même si vous les aviez, votre refus de l'autorité vous disqualifierait de toute manière. Vous n'êtes pas fait pour l'omniversité, jeune homme. Peu de jeunes gens le sont. Très peu."

Abattu, Mathieu se mura dans le silence. Son entretien était fichu. Il était fichu avant même qu'il rentre dans ce maudit box. Il était déjà fichu à sa naissance.

L'injustice de sa situation lui souleva le cœur.

"Il n'y a rien de honteux." ajouta l'inspecteur, sur le même ton. "Il me faut simplement une demande d'orientation valide pour que je l'ajoute à votre dossier. Faisons ça rapidement. Vos camarades patientent."

Dégoûté, Mathieu planta son regard dans celui de l'inspecteur. Il n'arriverait pas à l'apitoyer sur son sort. Son cas était beaucoup trop commun. Il se sentait comme une volaille qui arrivait au bout du parcours de l'abattoir. Aucune chance que le bourreau ne retienne son coup. Il n'était qu'un parmi tant d'autres.

Quelle importance aurait donc l'établissement qu'on voudrait bien lui accorder pour la suite de ses études si ce n'était pas l'omniversité ? Il était de notoriété publique qu'il n'y avait que là-bas qu'on avait une chance sérieuse d'atteindre les sept pour cent. Les autres écoles avaient un taux de réussite ridiculement faible, au point que les élèves qui en sortaient avec ce score étaient vus comme des rumeurs ou des légendes urbaines.

"Je n'ai pas les moyens de quitter la ville." déclara t-il sans entrain. "Alors ce sera l'Institut d'ici, je suppose..."

"L'Institut B104, je présume ? Laissez-moi voir."

Le fonctionnaire fit une recherche rapide sur son logiciel.

"Vous êtes chanceux. Cet établissement accepte les élèves sur la base de la présentation de résultats supérieurs à cinquante pour cent. Je peux vous y inscrire."

"Magnifique." lâcha Mathieu, sarcastique.

"C'est un parcours général." continua l'inspecteur sur un ton dénué d'émotions, comme s'il ne l'avait pas entendu. "Votre filière de formation professionnelle s'ouvre en dernière année. Comme vous le savez certainement, si vos résultats atteignent les sept pour cent de la moyenne nationale dans votre spécialité, cela vous ouvrira droit à une formation spécifique et un emploi assuré dans votre domaine. Dans le cas contraire, vous vous verrez dans l'obligation d'accepter les emplois que vous proposeront le gouvernement."

"Je le sais, oui." acquiesça Mathieu, abattu. "Je le sais très bien."

"Vous recevrez les modalités de finalisation d'inscription à votre domicile."

Le fonctionnaire se leva, puis désigna la porte derrière lui. "L'entretien est terminé."

Toute forme de volonté avait quitté le lycéen. Il ne salua même pas l'inspecteur avant de sortir. Il ne put s'empêcher de se réprimander intérieurement. Pourquoi s'était-il accroché à un espoir si illusoire ? Il savait très bien qu'il n'avait aucune chance. Et pourtant...

Et pourtant il continuait à essayer. On lui avait dit que l'entretien était important, qu'il fallait le préparer. Ce n'était qu'un tri automatique. Un rideau de fumée. On gardait cette cérémonie pour faire croire aux gamins qu'ils avaient raison de continuer à persévérer. Ce n'était qu'un outil de contrôle social, comme tout le reste.

Que se passerait-il si le désespoir était trop grand ? Leur misérable société s'écroulerait d'elle-même, n'est-ce pas ? Elle devait s'écrouler. Ce n'était pas juste !

Les larmes avaient troublé son regard avant qu'il ne s'en rende compte. Il y eut un bruit de reniflement, et ce n'était pas lui qui l'avait causé.

Intrigué, Mathieu regarda à sa droite.

Cassandra venait de sortir du box d'entretien. Elle semblait anéantie.

Des traces liquides noircissaient son visage, quelques mèches blondes y restaient collées. Mathieu, mortifié, n'eut pas à poser la question pour savoir.

Des sensations contradictoires l'assaillaient.

Quelque part, la satisfaction sordide de ne pas être seul.

Et puis, le désespoir grandissant de voir que même l'élite pouvait être écrasée par ce système. Et la peur d'être écrasé à son tour pour de bon.

Enfin, le regret d'avoir pensé à mal. Par son échec, Cassandra s'était rapprochée de lui. Elle était l'un des leurs.

Il n'était qu'un parmi tant d'autres.

Que dire, qui ne serait pas maladroit ? Il eut l'impression que rien n'aurait pu conforter la jeune fille, alors il décida de parler sans se retenir :

"Où est-ce qu'ils t'ont mis, alors ?"

Cassandra laissa encore couler ses larmes quelques secondes avant de répondre.

"Institut B104." lâcha t-elle entre deux sanglots. "C'était mon deuxième choix... Mais je ne pensais pas... Ce n'était pas comme ça que j'imaginais mon entretien."

Un demi-sourire grandit sur les lèvres de Mathieu. Alors comme ça, elle s'était donné la peine d'inscrire un deuxième choix ?

"J'y suis aussi." lui dit-il sereinement.

Curieusement, la déclaration sembla apaiser la jeune fille. Elle passa une main sur son visage en vue de l'essuyer.

"Ce n'est pas fini, n'est-ce pas ? On peut encore y arriver ?" demanda Mathieu, comme s'il cherchait son approbation. Comme si c'était elle qui allait décider s'il valait encore la peine de se battre ou non.

"On peut encore y arriver." confirma t-elle.

Plus que ses mots, c'étaient les flammes dans ses yeux qui parlaient le mieux.

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