Sans prend le temps de savourer le calme environnant ainsi que la sucette à la pêche qu'il garde en bouche depuis déjà quelques minutes. Confortablement installé sur un banc, ignorant la neige qui humidifie ses vêtements, il a fermé les yeux et somnole, s'apprêtant presque à s'endormir, bercé par le son de la rivière souterraine.

« SANS !!!!! »

Il sursaute à peine et se garde bien de paraître renfrogné, même si voir sa sieste lui glisser entre les phalanges le rend profondément triste. Il attend que les bruits de pas s'arrêtent devant lui, retient un soupir et ouvre les yeux, pour tomber sur le regard pétillant et l'immense sourire de Chara.

L'humain n'a aucun mal à percevoir son agacement et son sourire se fait plus malicieux :

« Qu'est-ce qui y a Sans ? Tu vas pas te faire de vieux os ici quand même ! »

Ça arrache un sourire au squelette : comment peut-il résister à un tel humour ? Il pouffe, rétorque sur le même ton :

« Et toi alors, pourquoi viens-tu me voir ? T'es tombé sur un os ?

— Maintenant que tu es là, effectivement ! »

Le jeune homme se laisse aller au rire. Un joli rire, doux et plein d'innocence, complètement différent du rire machiavélique qu'il s'amuse à faire lors de ses routes génocides.

Sans tapote la place à côté de lui. Son camarade s'apprête à s'asseoir mais hésite, son regard s'attardant sur la neige avant de s'intéresser aux vêtements qu'il a sur lui. Il soupire à l'adresse du squelette :

« Je vais être mouillé jusqu'aux os ! »

Et Sans part dans un fou rire, n'en pouvant déjà plus de cet enchaînement de blagues ridicules. Chara le suit dans son hilarité mais, voyant que le monstre a baissé sa garde, une idée germe dans son esprit. Idée qui le pousse à s'approcher du banc et faire semblant de déblayer la neige ... pour en attraper une poignée qu'il jette sur son ami.

Cependant le squelette le connaît trop bien. Le temps que l'attaque ait lieu, il s'est déjà téléporté derrière Chara et sort sa main osseuse de son sweat, pour attraper le poignet de l'humain et le retourner vivement vers lui pour qu'ils se fassent face.

Chara ne peut dissimuler sa mine stupéfaite et relève la tête vers le squelette. Celui-ci le dépasse de plusieurs centimètres et aborde un sourire narquois, un sourire qui le rend craquant.

« Tu es bien OSdacieux aujourd'hui ! » se moque Sans sans détourner le regard.

Chara en aurait ri si son cœur ne battait pas si fort, si son corps n'était pas si proche de celui de son camarade. Le silence s'installe, long et saturé d'un malaise indescriptible. Chara est-il le seul à ressentir ça ?

Visiblement oui. Il en est sûr lorsque le squelette le lâche pour s'étirer :

« Bon, c'est pas tout ça mais je vais faire un tour au café. Tu m'accompagnes ? »

L'humain retient un soupir, déçu que leur moment d'intimité s'écourte ainsi. Mais la proposition de son camarade lui fait rapidement retrouver le sourire et il s'empresse d'accepter, profitant de l'occasion pour venir s'accrocher au bras du squelette.

Sans ne fait aucun commentaire. Il est habitué depuis un moment aux marques d'affections du jeune homme, et puis s'il souhaite les téléporter il n'a pas d'autre choix que d'être en contact avec lui. Son œil droit se met à luire d'une douce couleur carmin avant qu'une vive lumière ne les engloutisse. L'instant suivant ils se trouvent en ville, face à l'unique café de tout Snowdine.

La devanture est chic, en bois vernis, décorée avec soin par des dessins mauves et bleus. De grandes vitres permettent une vue complète de ce qui se passe à l'intérieur et on s'aperçoit rapidement que la devanture n'est qu'un avant-goût de l'endroit.

Sans est le premier à entrer. Dès qu'il traverse la porte, une douce odeur de café l'accueille accompagné du parfum plus sucré du chocolat. En fond se joue une musique de jazz entraînante alors que, sortant du lot, Muffet slalome entre les tables pour servir les clients, un sourire éblouissant sur le visage.

« Fufufu, ne serait-ce pas Sans et Chara ? s'exclame-t-elle en apercevant les nouveaux venus.

— Howdy Muff' ! salut l'humain. Le commerce tourne bien apparemment !

— Je ne te le fais pas dire, je suis DÉ-BOR-DÉE ! Mais je ne vais pas m'en plaindre ! »

Ils échangent un sourire complice avant de se faire la bise, puis elle retourne à son service alors que les garçons se dirigent vers le bar. Grillby les y attend tout en nettoyant un verre. Un petit sourire se devine parmi les flammes qui constituent son visage, des flammes d'un beau bleu azur et dont la fraîcheur se fait sentir à plusieurs mètres.

Chara frissonne légèrement mais, en voyant Sans s'assoir avec indifférence, il prend sur lui et l'imite. L'homme flamme pose son verre et se penche doucement vers eux, de façon à ce qu'ils puissent entendre sa petite voix parmi le grabuge de la salle :

« Bonjour les garçons. Que puis-je vous servir ?

— Comme d'hab. Grill' ! répond Sans. Un jus de pêche et un chocolat chaud ! »

Le barman hoche la tête et prépare leur commande. Pendant qu'il s'y affaire, Chara s'émerveille :

« Hey Grillby, elle est trop cool ta robe ! C'est le nouvel uniforme ? »

L'homme flamme répond par un tendre rire avant de déposer les verres sur le bar et de regarder l'humain :

« C'est un cadeau de ton frère. Je n'ai pas trop l'occasion de la porter, alors je la mets ici.

— Ahah, j'aurai dû m'en douter, y'a que Frisk pour faire des trucs aussi beaux ! En tout cas, elle te va vraiment bien. Mais celle d'hier était super également !

— Et bien celle d'hier appartenait à Muffet ... Je préférais éviter de toujours lui en emprunter vois-tu ? Et ton frère a eu la gentillesse de me proposer son aide, alors j'en profite pour refaire ma garde-robe. »

Sans les écoute distraitement en se délectant de son jus de fruit, jetant de temps à autres des coups d'œil au reste de la pièce. La conversation finit par être interrompue quand d'autres clients arrivent et Grillby s'éloigne de ses amis pour s'en occuper.

Chara en profite pour boire enfin son chocolat, mais sa déception est grande en réalisant qu'il a refroidi. Il souffle mais boit néanmoins, son envie de sucré étant plus forte que tout.

Sans baille :

« Sinon gamin, le prochain génocide est prévu pour quand ? »

L'humain prend le temps de finir sa boisson avant de répondre, pensif :

« Mm ... Je ne sais pas trop. Maman a pas mal de trucs à faire en ce moment, du coup je préfère éviter de l'embêter. Peut-être la semaine prochaine ? »

Mais Sans ne répond pas, abordant un étrange sourire narquois. Chara hausse un sourcil :

« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu vas être content, ta puberté est enfin arrivée ! »

Le jeune homme, perplexe, ne prend même pas la peine de s'outrer et tourne la tête vers le miroir du bar. Il aperçoit son reflet avec une moustache ridicule de chocolat et l'expression de son visage est telle que Sans explose de rire.

Chara fait une révérence exagérée, imitant grossièrement les aristocrates :

« Ô mon cher, je vous saurais gré de ne point vous moquer de moi ! »

Et Sans, sur le même ton :

« Veuillez m'excuser mon prince, mais votre ridicule vous tuera ! Ô, mais c'est déjà le cas !

— Voyons, comment OSez-vous ? »

Ils sont pris d'un fou rire, s'attirant les œillades des autres clients sans qu'ils n'en aient quoique-ce-soit à faire.

Ils sont ramenés à la raison par une exclamation de stupeur sur leur gauche. Surpris, le duo tourne la tête et son hilarité se métamorphose en colère : un client vient d'agripper Grillby par le bras, avec violence au vue de la grimace que fait l'homme flamme.

« Allez, j'te demande juste un petit tour dehors, c'est pas grande chose ! » insiste lourdement le client.

Grillby tente vainement de se dégager, le corps tremblant. Il n'ose pas soutenir le regard du client et sa petite voix ne lui permet pas d'avoir une once d'autorité :

« S'il vous plaît, lâchez moi ...

— Putain me les brise pas, viens juste ... »

Il ne termine jamais sa phrase : Muffet abat sur son crâne le plateau métallique qu'elle traîne lors de son service. Le silence complet se fait dans la pièce pendant lequel le reste de la clientèle reste ahurie, bien qu'ils devraient être habitués depuis le temps.

La femme araignée se tourne vers eux, un sourire sadique aux lèvres et le regard voilé de haine :

« Quelqu'un d'autre souhaite s'en prendre à mon collègue ? »

Tous repartent à leurs occupations sans demander leur reste. Muffet soupire et reporte son attention sur Grillby qui la gratifie d'un regard reconnaissant. Elle lui offre un sourire amical :

« Mon ptit Grillby, il faut vraiment que tu apprennes à te défendre.

— Ahah, je sais, je suis désolé ! »

Ils échangent un regard complice sous les yeux rassurés de Sans et Chara.

« Ces deux-là font un bon duo, commente l'humain. Crois-moi, faut toujours que je les combatte en un contre un lors des génocides, sinon ils me rétament ! D'ailleurs, on peut éviter de leur dire la prochaine date ? Sinon ils vont faire exprès d'être ensemble ...

— Ahah, bha alors gamin tu perds ton entrain ? C'est pas toi qui te disais 'méchant et invincible' ? »

Le garçon lui tire la langue et essuie le chocolat qui lui sert toujours de moustache. Sans lui fait un clin d'œil :

« De toute façon, que tu arrives à les battre ou non, ça termine toujours de la même façon. »

Son œil se met à luire, faisant frémir l'humain d'excitation. C'est comme si, soudain, ils n'y avaient plus qu'eux, rien qu'eux. Comme si un combat pouvait se déclencher à tout moment, qu'ils se trouvaient dans le hall du jugement ...

Le squelette ricane :

« A la fin, c'est toujours un délicieux moment. »