Il s'avance dans le froid éternel des souterrains. La neige crisse doucement sous ses pas, l'accompagne sur ce chemin qu'il a tant de fois emprunté. Il le connaît par cœur après tant d'années passées ici. Il passe devant la petite boutique de snowdine, le café, la bibliothèque... puis il parvient à la maison des deux frères squelettes.

Chara sait où il en est, connaît la suite des événements. Ses vêtements imprégnés de poussière flottent au vent, lui donnent l'odeur de la mort, le rendent plus intimidant, plus dangereux et terrifiant.
Il fait tourner son couteau entre ses doigts, ses yeux carmins rivés devant lui, tel un prédateur qui guette une proie.

Enfin il arrive sur le chemin désert, à l'écart de la ville. Ce chemin emplit de brouillard où vient bientôt se dessiner l'ombre de son prochain adversaire : un jeune squelette, a l'air enfantin bien trop innocent pour ce monde cruel. Chara en aurait presque pitié si son méfait futur ne le rendait pas si impatient.

« Chara ? interroge le jeune Papyrus, perdu face aux événements. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi..? »

L'humain n'en écoute pas plus, se précipite sur l'enfant, sa lame prête à s'abattre. Surpris, le jeune squelette active sa magie par pur instinct de survie, envoyant une salve d'os bleus pour se défendre. Chara se fait violence pour cesser sa course, incapable de bouger sans risquer d'être blessé.

« Chara ?! Qu'est-ce qui te prends ?! »

Papyrus hurle, au bord des larmes, confus de voir son ami ainsi. Jamais il ne l'a attaqué, jamais il n'a ne serait-ce que osé lui faire du mal ! Mais le Chara qu'il connait n'existe plus, remplacé par ce tueur sanguinaire, cet être malfaisant qui ne cherche qu'à tuer.

Le jeune squelette déglutit lorsqu'il perçoit l'état de fureur dans lequel est l'humain. La peur le prend à la gorge, bloque malgré lui sa magie, fait disparaître les os bleus.

Chara aborde un rictus. Papyrus recule. Le brouillard s'intensifie.

L'humain se lance. Il se précipite vers sa victime, un rire plein de folie lui échappe, gorgeant l'atmosphère de terreur, provoquant une crise de larme à l'enfant qui reste paralysé par la peur.

Et Chara ne saurait expliquer la suite.

D'abord il y a l'absence de visibilité causé par ce stupide brouillard. Ensuite se révèle le verglas qui cause un déséquilibre. Enfin, tout s'enchaîne très vite : le couteau lui glisse des mains, valse plus loin, vient à tomber dans la neige du côté du pommeau. Et Chara, qui tombe la tête la première, s'aperçoit avec horreur qu'il va s'empaler sur sa propre lame.

... Et merde.

[ RESET ]

« MOUHAHAHAHAHAH, FACE À PAPYRUS ? T'AS PERDU FACE À PAPYRUS ?! »

Le rire d'Undyne redouble, tout comme celui de Sans. Chara se renfrogne et se blottit davantage dans le canapé, sous le regard compatissant de Frisk qui a tout de même un air amusé.

« LA FERME ! s'écrit le pauvre Chara l'air boudeur, J'ai glissé, c'est pas ma faute ! Papy m'a pas tué !!

— Techniquement si, puisque tu étais en combat contre lui ! fait innocemment remarquer Asriel, assit à ses côtés.

— AZZY TU M'AIDES PAS ! »

Le petit Papyrus couine en entendant ce hurlement. Le pauvre petit ne s'est pas encore remis de leur précédent combat et s'est réfugié derrière son grand frère. Grand frère qui lui tapote la tête avec fierté en lançant un regard moqueur à l'humain aux yeux rouges.

C'est le moment que choisit Toriel pour entrer dans le salon :

« Le repas est prêt ! Venez vite vous asseoir avant que ça ne refroidisse ! »

Le groupe hoche la tête avec joie et se précipite dans la cuisine d'où vient une délicieuse odeur.

Papyrus, sous l'excitation, rejoint les autres en vitesse, laissant derrière lui son grand frère avec un Chara vexé au plus haut point. Malgré tout, l'humain se décide à y aller aussi, affamé par les derniers évènements. Mais il est interrompu par Sans :

« Boude pas gamin, ça arrive à tout le monde de tomber sur un os ! »

Il y a un silence. Mais Chara est juste incapable de résister à cet humour et ne tarde pas à lâcher un petit rire. Le sourire du squelette s'agrandit et il rejoint l'humain pour lui ébouriffer les cheveux.

Chara s'empourpre malgré lui mais ne cherche pas à reculer. Au contraire, il fait au mieux pour approfondir le contact avec cette main squelettique, cette main grande et réconfortante qui lui procure une douce sensation chaque fois qu'il la touche.

« Mais bon, t'es quand même mort face à Papyrus. »

Le cri de rage de l'humain résonne dans toute la demeure et Sans, mort de rire, prend la fuite en se téléportant.

Chara doit se faire à cette amère vérité : il va avoir la honte pour les prochaines décennies à suivre.