Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

XIV - Entre Loyauté et Déloyauté - Partie 1

18 juin 1875 — Sultakara

À Sultakara, la générale Grenat prit une grande décision. Un air de profonde tristesse plaqué sur le visage, elle entra dans le salon royal impersonnel, où toutes sortes d'évènements étaient habituellement organisés. Les trônes royaux étaient vides. S'avançant sur les grandes dalles marmoréennes, ses pas résonnant autour d'elle, la générale observait avec minutie le salon, comme si elle souhaitait en imprimer les moindres détails sur sa rétine. Elle gravit les marches garnies d'un riche tapis bleu qui menaient aux assises royales et arriva près d'une table circulaire, tenue entre les trônes, où Assad posait ses effets personnels lors des cérémonies.

Le coeur lourd, Grenat tira son épée, fidèle amie qui la suivait depuis ses débuts dans la chevalerie. La lame immaculée, aux contours parfaits, rutilait naturellement. D'une splendeur peu commune, elle était inscrite dans les légendes sultakaroises depuis des temps immémoriaux et se transmettait de général en général. Elle baissa sa tête et son unique oeil vit son reflet, renvoyé par la surface miroitante. La générale détourna aussitôt sa tête, ne supportant pas de voir le bandeau de soie qui cachait son oeil mort. Il lui rappelait ce jour-là. Grenat fit volte-face et embrassa la pièce de son demi-regard.

— C'est ici que tout a commencé... murmura-t-elle.

Des souvenirs déferlèrent dans son esprit. Elle servait la maison des Sulta depuis tant d'années, qu'elle n'en faisait plus le décompte. Elle se rappelait encore de sa cérémonie d'adoubement et toutes les autres qui suivirent pour chacune de ses prouesses à l'épée, jusqu'à la promotion suprême de général des armées. Tant d'honneur à son égard, tant de respect, et tant d'admiration aussi...

Ses femmes, comme elle appelait tendrement les soldates à ses ordres, ne tarissaient pas d'éloges à son égard. Plutôt intransigeante, Grenat n'en montrait rien mais ça lui faisait plaisir tout de même. Assad se fiait personnellement à elle, lui donnant toujours les missions les plus retors et lui offrant l'honneur d'assurer l'apprentissage de l'épée à Saphir. Shems recherchait toujours sa coopération lorsque cela était possible. Tant d'aimables paroles et de tendres souvenirs qui se confondaient dans sa tête et qui tentaient de la retenir désespérément.

Même la reine, pensa-t-elle non sans un pincement au coeur, lui avait confié ce qu'elle avait de plus précieux.

Dont sa vie... Là où j'ai échoué.

Telle une gifle, cette pensée insidieuse l'arracha de sa contemplation mélancolique du passé. Elle lança un regard peiné à sa lame.

Que c'est ironique...

« Sauver La Reine » était son nom, mais confiée à Grenat, elle n'avait pu retarder le fatal couperet qui avait brisé la reine et brisé Sultakara. La général faillit et tomba un genou à terre. Le poids du remord l'écrasait pleinement, ne lui laissant aucune possibilité de rémission. La souffrance emplissait tout son être. Elle se distillait dans ses veines avec la virulence d'un venin, agitait ses nerfs avec la verve d'un choc électrique, écharpait son esprit de pâles incandescentes.

— J'ai si mal... murmura-t-elle, la voix chargée de chagrin.

Cette douleur, sa douleur, ne devait rien au poison. Pourtant, elle se releva courageusement et compartimenta ses émotions, le temps de quelques instants de recueil. Elle sortit du salon, l'épée toujours à la main, non sans murmurer :

— Adieu...

Elle gagna les jardins royaux, sa peine grandissant à chaque pas. Elle se faufila parmi les haies fleuries, laissant dériver son regard dans ce vaste domaine qu'était son chez soi, et arriva enfin devant un petit lac, cerclé par de grands saules aux branches agités par les remous du vent.

Là-bas, austère, se dressait le mausolée de Zahya, récemment construit. D'un marbre à la blancheur éclatante, veinée parfois de stries verdâtres, ce monument en l'honneur de la reine défunte était un cadeau du peuple qui avait réuni les fonds nécessaires pour la construction. Grenat monta les deux marches qui menaient au tombeau, le coeur dévasté par la culpabilité comme chaque fois qu'elle venait ici.

— Ma reine... murmura-t-elle, d'une voix blanche.

Elle porta la main droite à sa poitrine, à l'endroit précis où longeait son coeur, en guise de salut officieux.

— Ma reine... Pardonnez-moi... Je...

Les retenant depuis plusieurs mois, les larmes affluèrent par milliers dans ses yeux mais ne coulèrent pas. Une douleur insoutenable l'enserrait férocement.

— Je ne vous oublierai jamais, souffla-t-elle en parvenant à ne pas faire éclater sa tristesse au prix d'un effort surhumain.

Solennelle, Grenat leva son épée dont elle tenait le manche avec ses deux mains, jointes comme lors d'une prière. Ses paupières se fermèrent. Elle tremblait légèrement.

— Mes souvenirs reposeront ici... Cette épée est garante de ma fidélité à votre égard.

La générale expira profondément et un geste symbolique vint marquer sa résolution. Elle déposa l'épée sur la pierre tombale et s'inclina légèrement.

— Ma reine... Je pars. Adieu.

Et elle se retourna, décidée à quitter Sultakara. Grenat descendit du mausolée et leva les yeux au ciel. Le ciel nuageux laissait parfois passer un petit rayon de soleil. Mais ce n'était pas assez... Infiniment peu pour réchauffer son âme, meurtrie par les évènements de février. Une larme roula sur son beau visage et vint se perdre parmi la rosée du matin des herbes en contrebas. La générale inspira.

Il est temps.

Elle s'arracha à sa contemplation céleste pour reprendre son chemin... et tomba nez-à-nez avec Assad, haletant. Sa vue lui était tout aussi insupportable que l'étaient ses souvenirs du jour tragique. Son visage émaciée, sa pâleur habituelle, ses yeux injectés de sang, ses orbites creusés, Assad n'était que l'ombre de lui-même. Et tout ça...

... c'est de ma faute.

— V-votre Majesté, salua-t-elle d'une voix hésitante.

— Grenat... soupira-t-il, soulagé. J'ai eu peur... enfin, heureusement... je vous ai trouvé avant que... vous êtes là.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle, inquiète. Quelque chose ne va pas ?

Assad entama le pas et l'invita à le suivre d'un coup de tête. Ils rejoignirent le banc près de l'étang. Assad s'assit en premier et se tourna vers sa subordonnée.

— Oui, Grenat... daigna-t-il enfin répondre à sa question. Il y a quelque chose... ou plutôt quelqu'un... qui ne va pas. C'est vous.

La pauvre générale, qui ne s'était pas encore assise, fit un pas en arrière, le visage déformé par une expression de souffrance atroce. C'était précisément l'entretien qu'elle redoutait : celui où Assad l'accuserait d'avoir lésé son devoir et d'avoir été incapable d'assurer la défense de son épouse. Il la bannirait alors, non sans la couvrir d'opprobre.

— Grenat, appela-t-il avec une douceur qu'elle ne pensait pas entendre. Asseyez-vous, je vous prie.

Elle s'exécuta et se posa sur le banc, la tête baissée vers ses bottines. Le roi décida de jouer franc-jeu dès le début.

— Votre assistante m'a dit... que vous envisagiez de quitter définitivement Sultakara.

La générale trembla imperceptiblement. Elle voulait quitter le royaume incognito sans que personne ne soit au courant mais le besoin de se confier avait été plus grand. Grenat s'en était donc remise à son amie, et accessoirement lieutenant de Sultakara.

Elle m'a vendue, la peste...

— Est-ce vrai ?

Grenat leva son oeil unique vers son souverain et acquiesça. Frémissant, Assad ferma les yeux et demanda la raison de ce départ à mi-voix. Craignant de le mettre en colère, la générale prit du temps à choisir les bons mots. Cependant, ils butèrent au moment de sortir. Seul le silence vint répondre à Assad.

— Répondez-moi juste... Sultakara ne vous plaît plus ? N'est-ce pas votre maison, ici ?

— Si, mais...

— Alors... murmura Assad, en se tournant vers elle. Pourquoi... ?

Croisant alors ses pupilles saphiréennes, la générale réprima de justesse un hoquet de stupeur. Là où elle s'attendait à lire du mépris et de la rancoeur, il n'y avait que douleur et tristesse.

— Pourquoi... voulez-vous nous quitter, vous aussi ?

Le « vous aussi » heurta la générale comme un coup de poing. Elle se releva immédiatement.

— Oh, Majesté... Ne dites pas ! Ne dites pas ça !

— Grenat, je-

La belle femme se mit à pleurer, laissant une averse de larmes trop longtemps retenues déferler sur son visage.

— Sultakara a toujours été chez moi ! cria-t-elle. Mais... mais... mais depuis le décès de la reine, ce n'est plus pareil.

— Grenat, je-

— La culpabilité m'écrase terriblement, la coupa-t-elle. Je souffre comme je n'ai jamais souffert auparavant ! Tout me rappelle la reine et ça ne fait que blesser mon coeur déjà détruit. J'ai failli à mon devoir, je ne mérite que la disgrâce ! Une générale de Sultakara ne doit pas se rater aussi lamentablement. J'ai échoué !

— Grenat, attendez-

— Non, ne dites rien, Votre Majesté... Vous m'en voulez - et c'est normal ! - mais je ne peux plus supporter de voir vos regards déçus. Je vous remercie d'avoir été si bon avec moi pendant toutes ces années, mais je ne peux - je ne veux ! - plus être une charge pour Sultakara.

— Grenat, je-

— Par ma faute, se lamenta-t-elle, la princesse se porte très mal. Chaque fois que je la vois, je suis brisée. Depuis... depuis le jour où vous vous êtes rendus à la Conférence en prenant Shems et pas moi, confia-t-elle, j'ai compris que...

Elle se prit le visage dans les mains pour cacher sa détresse, qu'elle voyait comme honteuse.

— Je n'ai participé à aucun des tours de garde du Palais des Chimères... J'ai été écarté...

Sa voix s'évanouit en voyant le roi se saisir de ses poignets. Touché, il considérait cette affaire avec le plus grand des sérieux.

— Grenat... Calmez-vous...

Elle renifla.

— Pour tout vous dire, je vous ai vue déposer « Sauver la Reine » sur le tombeau de Zahya... Le geste est symbolique et je pensais avoir à peu près saisi la raison de votre départ... Pourtant, ma chère Grenat, j'étais loin, si loin, de la vérité...

Assad porta une main à son coeur, comme s'il prêtait un serment.

— Je vous le jure, Grenat. Je vous le jure, et je prends Dieu comme témoin. Pas un seul jour, pas une seule minute, pas une seule seconde, je ne vous ai tenue responsable de la mort de Zahya. Vous avez effectué votre devoir avec un grand courage jusqu'au bout et je vous en suis éternellement reconnaissant. J'ai moi-même été... battu, ajouta-t-il rapidement, son honneur n'oubliant jamais la cuisante trace indélébile marquée par sa défaite face à Lunera.

Grenat essuya ses yeux, sentant la tension accumulée ces derniers mois sur ses épaules s'évanouir doucement.

— Au final... Il n'y a pas de responsable, si ce n'est cette criminelle. Vous êtes ma vassale, Grenat, une des personnes dans ce bas-monde en qui j'ai le plus confiance. Je ne saurais me défaire de votre honnêteté, de votre droiture et de votre bonté. Avant d'être ma générale, vous êtes mon amie. Un compagnon d'aventure qui m'a soutenu et qui a soutenu Sultakara quand nous étions au plus bas. Grenat, Sultakara a besoin de vous. Saphir a besoin de vous. J'ai besoin de vous. Nous nous remettrions jamais de la perte que serait la votre.

La générale observait le roi avec une grande émotion, bouleversée par ses bonnes paroles.

— Pardonnez les remarques... les regards... et le comportement morne de votre roi.

La voix d'Assad faiblit et il se prit la tête dans les mains, comme soudainement assailli par de violents maux de têtes.

— Avec Zahya, tout s'est éteint, murmura-t-il, se laissant aller aux confidences. Chaque fois que je pense à elle, je me sens défaillir... Les couleurs se confondent... Mes jambes n'arrivent plus à me supporter... L'air manque... Je sombre dans des ténèbres qui m'obscurcissent le coeur...

Assad se leva subitement et porta une main vers le ciel, qui se découvrit d'ailleurs, laissant percer un rayon solaire. Pour Grenat, son apparition n'était pas fortuite, mais plutôt une bénédiction céleste des paroles du monarque.

— Et pourtant, clama-t-il avec plus de force qu'il n'en avait exprimé ces dernières semaines, une lueur m'empêche de choir complètement. Ma fille, Grenat, ma fille... Elle recouvre lentement - mais sûrement ! - la santé. Quand je la vois... Mon coeur se gonfle d'une sérénité que je ne pensais jamais retrouver. Elle arrive à marcher seule, même si elle nécessite un peu d'aide. Ses nuits sont moins agitées, elle dort mieux. Son regard n'est plus éteint, elle réagit parfois... Selon le docteur, c'est un bon signe. À terme, elle pourrait guérir de son aphonie.

Il se tourna vers sa générale et s'agenouilla.

— Non, Majesté ! protesta-t-elle, mortifiée. Je ne méri-

— Grenat, murmura-t-il d'une voix apaisante. Je suis sûr que vous n'êtes pas étrangère à l'amélioration de son état. Vous êtes comme une soeur pour elle... Elle vous a connue depuis toute petite. Vous avez été sa mentor et sa confidente. Pour toutes les fois où je n'ai pas exigé votre présence pour des missions en externe avec moi, ou au Palais, c'est pour que vous puissiez rester aux côtés de ma fille et de prendre soin d'elle. Nous tenons à vous comme si vous étiez un membre de notre famille. Aussi... Je ne m'opposerais à aucun de vos choix. Je vous respecte et vous considère comme une égale.

Ses sourcils se haussèrent, marquant sa stupéfaction. La générale vit du coin de l'oeil une silhouette gracile venir du château.

— Oui, comme une égale... Vous êtes maîtresse de votre vie, faites-en ce que bon vous semble. Vous aurez toujours mon éternel soutien et Sultakara reste et restera votre maison. Donc... si vous désirez p-

C'était Saphir qui approchait.

— Je ne partirai pas, l'interrompit-elle. Je ne partirai pas, Votre Majesté, répéta-t-elle, honorée et ragaillardie par les paroles d'Assad.

Celui-ci se releva et son visage se fendit un sourire tendre. C'était là son premier vrai sourire depuis le décès de Zahya. La frêle princesse arriva à leur hauteur et s'assit sur le banc, comme si de rien n'était.

La confiance de son roi était tout ce qui lui manquait pour rester à Sultakara. Maintenant, prendre le large n'avait plus de sens. Et puis, surtout, elle ferait tout pour aider la jeune princesse à sortir de cette infernale épreuve.

— Merci... merci, Sire Assad.

Il posa une main sur son épaule et acquiesça.

— Allez donc prendre votre épée, maintenant... Elle ne sied à personne d'autre que vous !

Et il s'éloigna, sa cape noire virevoltant allègrement derrière lui, non sans déposer un baiser sur le front de Saphir. Grenat s'approcha de la jeune princesse et lui proposa avec gentillesse :

— Voulez-vous que l'on aille visiter votre mère ?

Saphir ne réagit pas immédiatement. Absente, elle ne répondit d'un coup d'oeil désintéressé qu'au bout de trois appels. Lorsqu'elle comprit l'étendue de la proposition de Grenat, son regard se fit moins rêveur, plus présent. Elle hocha la tête doucement et ensemble elles retournèrent où reposait la regrettée reine sultakaroise. 

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro