Chapitre 14
Ils sortirent alors rapidement du camp et grimpèrent sur une colline. Sous le ciel étoilé, les trois amis s'étaient assis.
- Vous croyez que nous devons leur dire à propos des chiens et des loups ? commença-t-elle.
Le loup blanc assis à côté d'elle haussa les épaules.
- Je n'en sais rien. S'ils sont si nombreux, on ne peut rien faire. Si on voulait les battre il faudrait rallier toutes les meutes. Même si ça se fait, on ne sait pas combien ils sont, ni où ils se trouvent.
Ouragan qui se trouvait en face d'elle se rapprocha.
- Mais on ne peut pas rester comme ça.
- Il serait plus judicieux de se taire, répondit le loup noir. Je pense que Flocon a raison.
Anémone soupirait. Elle connaissait bien le genre de ces animaux qui ne faisaient pas ça pour rien. Lorsqu'elle était encore chez les Sans-griffes, un coyote d'un enclos voisin n'arrêtait pas de la terrifier. Un jour, il avait tué un tout jeune coyote avec lequel il partageait l'enclos. Cette scène s'était déroulée sous ses yeux de louveteau terrifiés. Le pauvre coyote sans défense n'avait rien pu faire. Son prédateur l'avait violemment lacéré le ventre. La jeune louve ferma les yeux. Elle se rappelait encore des cris du petit coyote.
Peu de temps après l'attaque, des Sans-griffes armés de Bâtons-piquants étaient arrivés. Le vieil animal avait sauté sur l'un d'eux et s'était enfui par la porte de l'enclos restée ouverte. Anémone avait appris plus tard qu'il était mort. Devant toutes ses questions, qui souvent demeuraient sans réponse, sa mère l'avait rassurée. Elle se rappelait que sa mère était venue lui dire que quand un animal voulait se venger, il ne renonçait jamais.
Une larme coula le long de sa joue puis une deuxième vint la rejoindre en repensant à tous ces moments.
- Je ne sais pas quoi penser, fit Flocon en la sortant de son souvenir.
Anémone remercia silencieusement la nuit sombre qui camouflait ses larmes.
- Ça va beaucoup trop vite pour moi... continua-t-il, la voix rauque. Entre la mort de papa, l'annonce d'une Assemblée et votre rencontre, je suis un peu perdu.
Anémone leva les yeux vers les étoiles avant de pousser un soupir. Décidément, ça restait compliqué.
- Juste au moment où vous arrivez, on aperçoit beaucoup plus souvent des chiens et des loups puis on subit des attaques, poursuivit le loup blanc dans sa lancée, songeur. Alors que ça ne nous est jamais arrivé...
- Qu'est-ce que tu sous-entends ? demanda Ouragan.
Malgré la pénombre, la jeune louve pouvait voir son ami se redresser et hausser les sourcils. Un grognement s'échappa de sa gorge. Anémone contracta la mâchoire. Un pressentiment lui disait qu'elle n'allait pas apprécier ce qui allait suivre.
- C'est la vérité, insista-t-il. Vous apparaissez, vous, qui soi-disant, venez des Sans-griffes et des Loups des Montagnes. Si ça se trouve, c'est vous qui aviez dirigé les chiens ici.
Anémone sentit son cœur se serrer. Elle ne savait pas quoi répondre. Il n'avait pas tort dans un certain sens. Sa gorge se noua. Leur ami n'était pas dans son état normal. C'est parce qu'il a perdu son père, essaya-t-elle de se rassurer.
- Ou pire, c'est vous qui avez mené l'attaque. C'est vous qui avez tué mon père !
Flocon se releva et croisa le regard de la jeune louve. Il était plein de fureur, de colère et de solitude. Il semblait complètement perdu. Puis en quelques bonds, le jeune loup partit en direction du camp. Ouragan se tourna vers elle.
- Mais qu'est-ce qu'il lui prend bon sang ?
Elle secoua la tête. Trop de choses étaient arrivé ces dernières lunes. Elle ne savait plus. Elle pensait que Flocon était leur ami. Comment peut-il nous accuser ? Anémone regarda le ciel. Sa mère se trouvait quelque part là-haut. Au moins elle était en paix. La jeune louve se leva à son tour :
- Tu ferais mieux de rentrer, il se fait tard.
Ouragan lui lança un regard suspicieux.
- Mais, et toi ?
- J'arrive, ne t'inquiète pas, la rassura-t-elle en lui souriant.
Le loup noir lui jeta un coup d'œil inquiet puis se décida de la laisser seule. Anémone s'allongea dans l'herbe et ferma les yeux. Elle aimait se sentir près du sol. Ça lui rappelait leur enclos. Sa mère qui la grondait, sa mère qui riait, sa mère qui était de mauvaise humeur. Les cris des petits Sans-griffes devant leur cage qui agitaient leurs petites pattes. Elle soupira. Elle aimerait tant remonter un peu le temps pour retrouver sa vie monotone aux côtés de sa mère.
La jeune louve rouvrit les yeux et leva le museau. Quelques étoiles apparaissaient entre les nuages dans le ciel noir. Une légère brise vint lui ébouriffer sa fourrure. Elle sourit. Oui, elle regrettait sa vie d'avant mais à présent elle se sentait plus libre.
Anémone secoua la tête. Toute cette histoire de Mal Noir et de prophétie n'avait décidément aucun sens.
- Maman ? Aide-moi s'il te plaît.
La jeune louve avait besoin de parler à quelqu'un qui la comprenne. C'était un peu idiot d'attendre une réponse d'un mort. Pourtant elle était persuadée que sa mère était toujours là.
Une bourrasque vint la faire frissonner. Le cœur battant, Anémone se retourna vivement. Elle écarquilla les yeux. Une louve grise, entouré d'un halo de lumière, se tenait devant elle. Anémone sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle bâtit vivement des paupières pour éviter de pleurer.
- Comment... ? Tu es morte...
Anémone s'était figée. Était-ce une hallucination de sa part ? Elle ne comprenait plus ce qui se passait. Soudain Hortensia fit quelques pas dans sa direction.
- Oui, je le suis malheureusement.
Son cœur loupa un battement en entendant sa voix, qui paraissait si réelle, si vivante.
- Mais alors comment tu... ?
Sa mère secoua la tête tristement.
- Tu es une louve très spéciale, Anémone. Seuls très peu d'êtres peuvent voir les Loups-esprits.
La jeune louve plissa le museau. Elle ne comprenait pas ce qu'elle voyait. Elle voulut alors la toucher mais elle ne rencontra que de l'air. Anémone la regarda horrifiée.
- Tu...
- Oui, Anémone. Mon corps est mort mais mon esprit, lui, est toujours vivant.
Sa fille déglutit. Toutes ces informations commençaient à lui faire peur. Elle décida alors de changer de sujet.
- Maman ? Les chiens qui nous ont attaqués, c'était dans quel but ?
Hortensia la regarda longuement puis soupira.
- J'aimerais pouvoir t'aider mais je ne peux malheureusement pas...
Anémone fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas.
- Mais... Tu sais beaucoup de choses, non ?
- Oui, beaucoup de choses.
Ses yeux se perdirent un instant dans le vague puis se posèrent sur le visage de sa fille.
- Tout ce que je peux te dire, c'est que parfois les apparences peuvent être parfois trompeuses...
Flocon ? songea-t-elle. En pensant au loup blanc, son cœur se serra.
- Et il faut que tu aies confiance en toi, en tes amis, tes alliés, enchaîna Hortensia en croisant son regard. Va découvrir ce qui cache derrière ces chiens, ces loups et ces attaques.
- Mais...
Hortensia se recula et regarda sa fille dans les yeux.
- Tu as plus d'alliés que tu ne le penses.
Sa voix s'affaiblit et elle commençait à s'effacer doucement.
- Beaucoup de loups croient et ont confiance en vous...
- Maman !
La jeune louve s'élança comme pour rattraper sa mère qui continuait à disparaitre.
- N'oublie jamais Anémone, je suis toujours à tes côtés quoi qu'il arrive.
- Ne pars pas !
- Je reviendrai, je te le promets.
Les larmes aux yeux, Anémone fit quelques pas en direction de la silhouette. La jeune louve resta un moment à regarder l'endroit où elle venait de disparaitre. Puis elle se décida de rentrer. Elle qui pensait trouver des réponses, ses questions s'étaient multipliées par trois. Quel était le but de cette attaque ? Cette question la tiraillait. Elle ne comprenait pas comment ils pouvaient tuer autant d'innocents sans aucun sens. Ils voulaient forcément quelque chose, mais quoi ? Ça elle n'en savait rien ! Pourquoi je peux communiquer avec maman ? Qui le peut aussi ? Dois-je leur dire ? Elle secoua la tête. Flocon n'était pas apte à entendre d'autres choses.
Anémone arriva dans le camp, le cœur serré. Pourquoi sa mère ne pouvait-elle pas l'aider ?
La place centrale était vide. Elle devait être surement la dernière à être rentrée, mise à part les quelques loups partis chasser. Alors elle se dirigea vers la tanière de Nigelle en espérant qu'elle serait plus aimable que son fils.
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