Je me réveille par un faible soleil de janvier qui pénètre dans ma chambre. Je me redresse. Je sens la peau de mon poignet tirer. Je mors ma lèvre pour m'empêcher de gémir. Je me lève péniblement pour chercher des pansements et couvrir mes plaies encore fraîches.

Je ressens le besoin de sortir, de respirer de l'air frais. J'ai besoin de me ressourcer. Si seulement je pouvais recommencer du début. Effacer tout ce passé. Si seulement la vie était un jeu, un jeu sans enjeu, sans peur de perdre chaque fois que l'on fait un mouvement.

Je marche dans la rue, les joues et le nez rougis par le vent.

- Deuxième fois que je te croise en deux jours ?!

Je me tourne et découvre le mec de la station-service. Génial.

Je tente de lui sourire.

- Je suis obligé de t'inviter.

Mes muscles se contractent immédiatement. Pourquoi voudrais-je rester avec lui ? Et surtout pourquoi voudrait-il m'inviter ?

- Aller tu ne peux pas me refuser ça.

- Mais...

- Juste un café à l'intérieur, tu as l'air de geler. En plus ça ne durera pas longtemps.

- OK, je concède.

- Je connais un endroit pas mal, où on sera très bien, suis-moi.

Je ne me fais pas prier et me mets en marche, faisant attention de garder légèrement mes distances.

Après quelques minutes de marche nous arrivons devant un café qui semble plutôt récent. « Easy Coffee » est écrit sur la devanture. Je ne connais pas cet endroit. Normal, me rappelle mon subconscient, tu ne sors jamais.

Pourquoi ma tête ne se tait-elle jamais ? Je veux juste pour une fois essayer de me changer les idées. Avec quelqu'un que je ne connais pas.

- On y est, me dit le gars de la station-service un sourire aux lèvres.

Il ouvre la porte, me laissant pénétrer la première à l'intérieur. Je m'arrête ne sachant pas où il veut s'asseoir et dirige mon regard interrogateur vers lui. Il pointe du doigt une table dans l'angle de la pièce.

- Là, non ?

J'hoche la tête et le suit jusqu'à la table.

A peine assis, un serveur vient pour prendre nos commandes.

- On va prendre deux cafés, déclare l'inconnu le sourire aux lèvres.

Mais pour qui il se prend ? Jamais je ne lui ai dit que je voulais un café ! Ce n'est pas que ça me dérange d'en prendre mais c'est simplement cette attitude qui m'agace. Cet air un peu hautain et ce sourire en coin.

Je joue avec mes doigts en attendant qu'il se mette à parler. Après tout, c'est lui qui m'a demandé de venir alors je ne vais pas faire le premier pas.

A mon grand étonnement, il ne parle pas. Il pose son dos sur le dossier de sa chaise et m'observe.

Ce mec est vraiment bizarre, j'aurais mieux fait de refuser de venir.

Le serveur revient avec nos boissons. L'inconnu le gratifie d'un grand sourire tandis que je lâche un simple « merci ».

Je baisse ma tête sur mon café et tourne nerveusement ma cuillère dans la tasse.

- Timide, hein ?

Le son de sa voix me surprend et je dresse la tête.

Non, je ne suis pas timide. C'est juste que je n'aime pas les gens.

Je secoue la tête de gauche à droite.

- Ah, tu joues à ce jeu ? me demande-t-il avec un petit rire. Tu fais croire aux gens que tu l'es.

Il me fixe du regard. Je baisse les yeux.

- Oui je le vois dans tes yeux. Tu as cette lumière. C'est la haine contre le monde, c'est ça ?

Mais qui est cet homme, bordel ?

- T'es bizarre, je finis par lâcher.

Il éclate alors de rire. D'un rire fort et grave.

- Je savais que t'allais finir par parler. Je m'appelle Justin.

- Alexa, je réponds.

- Joli nom. Peu commun mais pas mal du tout.

Il prend une gorgée de son café. J'observe comme ses lèvres viennent se poser sur le bord de la tasse et délicatement il la porte à sa bouche.

Mais qu'est-ce qui te prend, Alexa ?

Je secoue la tête et regarde la table à côté.

- Raconte-moi ton histoire.

Je redirige mon regard vers lui.

- Je n'ai pas d'histoire. Je suis juste une fille.

- Juste une fille ? répète-t-il. J'aime bien ça.

- Et toi, ton histoire ? je lui demande.

- Juste un mec, il me répond essayant de cacher son sourire mais il rate misérablement.

Je ris légèrement.

- Ça fait de nous deux être plutôt pathétiques, tu ne trouves pas ? demande-t-il un sourire aux coins des lèvres.

- C'est peut-être la vérité, je réponds pensant chacun des mots que je viens de prononcer.

Il hoche la tête et ses yeux fixent le vide. Il part dans ses pensées et je trouve ça plutôt drôle. Il semble si faible dans cette situation. Ses yeux qui semblaient impassibles quelques instants plus tôt paraissent maintenant doux et tristes.

Soudain, il se lève de son siège affichant de nouveau un sourire.

- Je dois y aller, déclare-t-il rapidement, trop rapidement pour que ce soit vrai.

Ce n'est pas grave, il a le droit d'avoir marre de me parler.

Il se baisse vers moi et approche sa tête de mon oreille.

- C'est dans ces moments- là que la femme donne son numéro de téléphone, murmure-t-il.

- Oh euh... je bafouille.

J'attrape mon sac et fouille dedans pour chercher un crayon mais sa main se pose sur mon bras pour me stopper.

- Attends, dit-il doucement.

Il passe sa main dans sa poche et me tend son portable.

- Écris-le directement ici.

Surprise, je lève les yeux vers lui. Il me fait un clin d'œil alors je tape rapidement mon numéro.

Il passe sa main sur la mienne et récupère délicatement son téléphone. Sa main glisse sur mon bras puis sur mon épaule avant de me quitter.

Je reste dans la même position pendant quelques minutes pour repasser dans ma tête ce qu'il s'est passé.

Je viens de passer un moment avec quelqu'un.