Chapitre IV
PDV YunHo
Me plonger dans le travail m'aide à décompresser parfois. Mais pas aujourd'hui. Les couloirs et étages ne sont pas habituellement calmes et mon passage dans les lieux communs me revient en tête chaque seconde. Les chuchotements entre collègues, les regards en coin puis les sourires de compassion ou moqueurs à mon intention. Et surtout l'intervention de Kim JunSu : « Ma femme m'a dit pour ton fils. C'est moche ce qui lui arrive. ». J'aurais bien voulu lui répondre : « En quoi être amoureux est moche ? » mais j'ai juste hoché la tête, faisant semblant de prendre son élan de courtoisie pour un geste amical.
Mais grâce à lui, j'ai compris que ma chère épouse n'a pas pu garder ça pour elle et a dû mettre toutes ses amies, et donc tous nos proches par extension, au courant. Et je suis vraiment mécontent de son acte. À cause d'elle, la vie de notre fils peut devenir infernale et je dois réfléchir à une solution pour que la fin de son année scolaire se passe bien.
Je sursaute lorsque j'entends mon téléphone émettre la sonnerie d'un appel venant de ma secrétaire. Je décroche, curieux de savoir qui peut encore appeler à dix-huit heures trente passées.
_ Un appel pour vous sur la trois, m'informe-t-elle. Ce n'est pas un client.
_ Il a laissé son nom ? Je demande.
_ Un certain Lee HyukJae.
Le petit ami de DongHae ? C'est surprenant.
_ Il a dit vous connaître. Il semble paniqué.
_ Passez-le moi.
Deux secondes plus tard, j'entends une respiration accélérée au bout du fil et un sanglot étouffé.
_ HyukJae ?
_ Monsieur Jung ? Je...C'est Lee HyukJae. Désolé de vous déranger, c'est parce que...je sais pas comment dire...je sais pas ce qu'il s'est passé...DongHae est chez moi...
Je fronce les sourcils. J'ai un mauvais pressentiment suite à ses paroles entrecoupées de sanglots.
_ Il s'est effondré dans mes bras...Je...Je crois qu'ils l'ont frappé...Il a du sang sur lui...Je crois que c'est le sien...Je sais pas quoi faire...
Je me lève de ma chaise d'un bond. Ce que je craignais est arrivé plus vite que ce que je pensais. Mais à quel point DongHae est-il blessé ?
_ D'accord, ça va aller HyukJae. Calme-toi. Est-ce qu'il respire correctement ?
_ Oui...enfin je crois...oui, c'est normal. Il s'est endormi d'un coup.
_ D'accord, c'est une bonne chose.
Et s'il respire normalement, c'est que ses poumons fonctionnent donc pas de côtes cassées. Enfin, je suppose. Bon dieu, qu'est-ce qu'ils lui ont fait ?
_ Est-ce que...
À mon tour de chercher mes mots. Je me prépare à partir, range en vitesse mes affaires, réfléchissant à ce que je dois faire. Je crois être aussi perdu que HyukJae mais il ne faut pas que je me laisse aller. Je dois être là pour DongHae.
_ Est-ce que tu as des anti-douleurs chez toi ?
_ Euh...Je sais pas...de l'Aspirine peut-être.
_ D'accord. Écoute-moi bien : tu vas m'envoyer ton adresse par sms et ensuite, tu vas le réveiller pour qu'il prenne un antidouleur. J'arrive le plus vite possible, d'accord ?
_ D'accord mais...son arcade saigne encore et...je sais pas quoi faire pour stopper le sang.
_ Okay, tu vas...
Bon sang, je suis pas infirmier, qu'est-ce qu'il faut faire ?
_ Essaye d'appliquer un gant de toilettes mouillé dessus. Je fais vite.
Je raccroche, sauvegarde son numéro qui s'affiche sur mon téléphone et sors de mon bureau en trombe. Ma secrétaire se tourne vers moi mais quand elle croise mon regard, elle sait qu'elle ne doit pas me faire de remarques. Je lui lance un « Mon fils a des problèmes » et m'engage vers l'ascenseur. J'espère qu'il n'a rien de grave.
Quand je sors de ma voiture garée devant la maison de HyukJae, je vois la porte de ladite maison s'ouvrir sur un adolescent fin et assez grand aux cheveux teints en blond. Est-ce HyukJae ? Je m'avance vers lui rapidement et à ses yeux rouges et ses traits inquiets, je devine qu'il s'agit bel et bien du petit ami de mon fils.
_ Il a dit quelque chose ? Je lui demande alors qu'il m'invite à entrer.
_ Rien du tout. J'ai fait tout ce que vous m'avez dit. Il s'est rendormi.
_ Dans quel état il est ?
_ C'est pas terrible. Venez avec moi.
Il me fait signe de le suivre à travers la maison et me fait entrer à sa suite dans ce que je devine être sa chambre. Mon cœur rate un battement lorsque je vois mon fils et l'état dans lequel il est. DongHae est allongé sur le lit, son uniforme taché de sang de même que les parties visibles de son corps. Je m'approche doucement pour ne pas le réveiller et m'agenouille à côté du lit. J'aimerais le toucher, passer ma main dans ses cheveux mais j'ai peur de lui faire mal. Il a un énorme coquard à son œil gauche, une entaille aux lèvres, une autre plus profonde à l'arcade qui peine à se refermer d'elle-même et qui laissera très certainement une cicatrice, et je devine qu'il a également saigné du nez.
_ J'ai pas osé le toucher pour le nettoyer. J'ai peur de lui faire mal.
_ Est-ce que tu sais s'il a des blessures ailleurs que sur son visage ? Je demande.
_ Je crois qu'il en a une au ventre. Il ne saigne pas mais j'ai vu qu'il avait la main dessus avant de s'endormir.
Il n'ajoute rien mais nous pensons tous les deux à la même chose. Coups de poings, coups de pied. Peut-être dans le dos également.
_ Est-ce que tu crois qu'il les dénoncera ?
_ Je...je ne sais pas, me répond HyukJae. Le connaissant, il ne dira rien mais je pense que ce sont ceux avec qui ils traînent d'habitude qui lui ont fait ça. Ça ne peut être qu'eux de toute façon. Ce Siwon et ses amis débiles.
Je hoche la tête, sachant très bien de qui il parle parce que je sais par mes chers collègues que DongHae traîne avec leurs fils. Au lycée du moins.
_ Je ne les laisserai pas s'en prendre à lui sans répliquer, je lâche.
_ Qu'est-ce que vous allez faire ? Porter plainte ? Je crois qu'ils s'en moquent. Ils ont tout ce qu'ils veulent. S'en prendre à DongHae, ça a dû être un jeu d'enfants pour eux.
_ J'ai d'autres dossiers sur eux. Et sur leurs pères également. Fais-moi confiance.
Je lui lance un sourire, le regard déterminé, et il finit par hocher la tête.
_ D'accord. Faites comme vous le sentez. Mais honnêtement, je compte répliquer moi aussi et à ma manière, m'avoue-t-il, les poings serrés, les traits tirés par la colère.
_ Je n'ai pas envie que tu aies d'ennuis HyukJae.
_ Vous ne comprenez pas. Ils ne lui ont pas simplement fait du mal physiquement. Ils ont ruiné sa vie. Complètement.
_ Qu'est-ce que tu veux dire ?
Il sort son téléphone portable de sa poche, tape quelques trucs et me montre l'écran.
_ Ils lui ont piqué son téléphone. D'abord, j'ai reçu un « Je te quitte sale PD » puis les insultes et les moqueries sont arrivées. Et il n'y a pas que moi qui les ai reçues. Tous nos amis y ont eu droit. Ils ont également hacké tous ses comptes sur les réseaux sociaux en publiant des choses obscènes, dégoûtantes et humiliantes. Portez plainte si vous voulez mais je sais que ça ne suffira pas à le venger.
Je pousse un soupir résigné.
_ Okay, fais comme tu le souhaites. Je me charge de te couvrir. J'ai déjà appelé mon avocat de toute façon.
_ Merci. Je sais que...que DongHae ne vous a pas toujours porté dans son cœur mais il est vraiment touché par votre réaction depuis qu'il vous a avoué que...enfin, qu'on est ensemble. Il m'a dit qu'il avait l'impression de vous retrouver. Et il m'a raconté pour votre double vie.
Je souris, profondément touché par ses paroles et un peu gêné par la dernière phrase. Un gémissement provenant du concerné se fait alors entendre et nous nous tournons immédiatement vers lui. Son visage est crispé et nous devinons qu'il a mal, même dans son sommeil.
_ On l'emmène à l'hôpital, je décide alors.
_ D'accord. Je le porte, passez devant.
_ Il n'a rien de grave. Son état est stable. Il a juste besoin de repos. Je vous remets son dossier, comme convenu.
Je prends ledit dossier en remerciant grandement le médecin alors que HyukJae pousse un soupir à côté de moi. Après une série d'examens, nous pouvons enfin savoir que DongHae est hors de danger et qu'il n'a rien de cassé. Il a perdu du sang mais pas suffisamment pour qu'il soit dans un état critique.
HyukJae se rassoit sur la chaise qu'il a rapproché le plus près du lit possible et reprend dans sa main celle de mon fils qui, toujours endormi, a l'air plus apaisé qu'il y a quelques heures. Je suis vraiment soulagé de voir que DongHae a un petit ami attentionné et soucieux de son bien être. HyukJae est vraiment quelqu'un de bien. J'ai discuté avec lui pendant que DongHae passait de salles en salles pour différents examens et je n'ai rien vu chez lui qui laisse à penser qu'il ne tient pas réellement et sincèrement à lui.
ChangMin est également passé. Il a recueilli toutes les preuves nécessaires, le dossier médical étant la pièce manquante, pour porter plus qu'une simple petite plainte envers ceux qui s'en sont pris à DongHae. Et évidemment, je laisse à HyukJae la possibilité de faire ce qui lui plaît. Ce n'est pas comme si je pouvais l'en empêcher ni comme si j'en avais envie. Grâce à son téléphone portable, nous avons pu voir toutes les atrocités que ces petits merdeux ont faites à tous leurs amis et à DongHae, non physiquement cette fois, et ChangMin a tout pris en compte. « C'est une violation de vie privée et ça peut aller très loin. ». C'est vraiment un bon avocat en plus d'être un ami très proche et je sais que je peux compter sur lui. Je sais également que je lui en demande beaucoup en ce moment et je le remercie de sa patience et de son travail.
_ Est-ce que je peux rester avec lui cette nuit ?
Je me tourne vers HyukJae. Je lui souris ; la réponse est tellement évidente.
_ Bien sûr. Je dois remettre ça à mon avocat et sûrement rentrer chez moi pour prévenir sa mère.
_ Allez-y, je reste avec lui, je ne bouge pas.
_ D'accord. As-tu besoin de quelque chose ?
_ Non, merci. Passez une bonne nuit.
_ Toi aussi, essaye de dormir. Je repasse demain matin à la première heure.
Il hoche la tête, la détournant la seconde d'après pour à nouveau regarder DongHae dormir tranquillement. J'aimerai également dire au revoir à mon fils mais ça fait tellement longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de le voir dormir que je n'ai pas envie de le réveiller en m'approchant de lui. Je tourne donc les talons avec un peu de regrets mais je sais qu'il est entre de bonnes mains.
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