25. Aptitudes ❆
- Comment as-tu pu oser collaborer avec Gérard sans m'en parler avant ?
J'étais furieuse contre Scott. Malgré ce journal qui occupait toutes mes pensées depuis plusieurs jours et que je parcourais chaque soir avant de m'endormir, en apprenant un peu plus sur ma mère, je ne pouvais pas oublier la réalité de Beacon Hills. Ce que Scott avait manigancé avec Gérard ne lui ressemblait pas. Il ne pouvait pas avoir trahi la confiance de Derek sans raison, seulement pour que ce vieillard le laisse en paix. Je soupçonnai le Bêta d'avoir une idée derrière la tête pourtant, il refusait de m'en faire part, quoique je dise.
Scott soupira alors et baissa les yeux vers sa feuille de cours.
- Je te répète que je suis désolé Alexia, je n'avais pas le choix.
- Tu aurais dû m'en parler...
Je marquai un temps de pause et croisai mes bras sur ma poitrine en reportant mon attention sur le professeur. Quand celui-ci eut terminé sa phrase, je soupirai et m'affalai sur la table en m'approchant de Scott, j'avais du mal à lui en vouloir longtemps, surtout avec ce qu'il se passait à la maison.
- Comment tu vas sinon ?, demandai-je, plus doucement.
Le Loup-Garou releva les yeux, étonné.
- Ta mère a découvert ce que nous étions, elle ne nous parle plus et Matt est... mort.
- Il ne méritait pas ça.
J'acquiesçai en silence. La nouvelle était tombée ce matin, Matthew Daehler, le garçon qui nous avait pris en otages pas plus tard qu'hier, qui avait failli tous nous tuer, qui avait utilisé Jackson pour se venger, celui qui avait poussé Scott à montrer sa véritable nature à sa mère, était mort. Il avait été retrouvé noyé dans la rivière de Beacon Hills. Quelle ironie.
Le seul point positif de cette journée était que le Shérif Stilinski avait récupéré sa plaque et qu'il reprenait du service, mis à part ça, rien n'allait. Melissa avait peur de Scott et moi et Allison avait changé. Elle ne m'avait pas parlé depuis la veille, la Chasseuse était distante et froide, je m'inquiétai pour elle. La rage qu'elle suscitait contre Derek la consumait. De plus, le lendemain soir, l'équipe de Crosse de Beacon Hills disputait un match et la mort du jeune Daehler avait plombé le moral de tous.
Mon portable vibra, me tirant de mes réflexions. Discrètement, je lus le message que je venais de recevoir. Stiles m'annonçait qu'il allait chez la psychologue, Mademoiselle Morrell et que nous nous retrouvions au déjeuner. Je soupirai, j'appréhendai mon propre rendez-vous. Je ne pouvais y échapper, lors de la mort d'un camarade, tous les élèves devaient se rendre chez la psychologue pour parler de son sentiment personnel. J'étais triste, certes, mais comment allais-je expliquer que sa mort sauverait plus d'une vie sans pour autant dévoiler la véritable histoire ?
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- Vous saviez que pendant une noyade, on retient sa respiration jusqu'à ce qu'on perde connaissance ? Ça s'appelle l'apnée volontaire... Ça veut dire que vous avez beau être terrorisé, votre instinct de survie est tellement fort que vous gardez la bouche fermée jusqu'à ce que vous ailliez l'impression que votre tête va exploser. C'est quand vous laissez l'eau rentrer que vous arrêtez de souffrir. C'est là que la peur s'arrête, et tout devient paisible.
- Quelque part tu espères que Matt a trouvé la paix en poussant son dernier soupir ?
Stiles releva les yeux vers Mademoiselle Morrell. Au début, il avait refusé de se confier à la psychologue mais ça lui faisait du bien, parler à une personne extérieure de la vie qu'il menait en ce moment.
- Je ressens aucune pitié pour lui.
- Est-ce que tu ressens de la pitié pour le petit garçon de neuf ans qui s'est noyé ?
- C'est pas parce qu'une bande d'abrutis de première l'a balancé dans une piscine alors qu'il savait pas nager que ça lui donnait le droit de les éliminer un par un. D'ailleurs mon père m'a dit, quand ils ont fouillé l'ordinateur de Matt, il y avait tout un tas de photos d'Allison. Et ça va plus loin que ça, il avait même fait des montages pour s'incruster sur les photos avec elle. On le voit en train de lui tenir la main et de l'embrasser. Il s'était construit une relation de couple à partir de ses fantasmes. Alors d'accord, le noyer quand il avait neuf ans ça a dû mettre le feu aux poudres mais dès le début, le bonhomme était déjà sérieusement allumé.
Stiles se garda bien de dire que si ça avait été Alexia ou encore Lydia sur ces photos, ce serait lui qui aurait tué le jeune Daehler de ses propres mains.
- Il y au moins eu un évènement positif dans cette histoire, non ?
- Mouais... mais j'ai l'impression qu'il y a comme un malaise avec lui. Je ressens beaucoup de tensions entre nous deux. C'est pareil avec Scott.
- Vous avez parlez depuis cette nuit là ?
- Non pas vraiment. Il a assez de problèmes à gérer de son côté.
- Et Alexia ?
- Avec elle, ça va. Elle a également ses problèmes mais c'est un peu comme s'il ne s'était rien passé, j'ai l'impression qu'elle me ménage. Mais il s'est bien passé quelque chose...
La psychologue acquiesça.
- Je pense pas qu'ils voient Allison non plus, reprit le jeune garçon. Mais c'est plutôt elle qui prend ses distances, je crois. Jackson ? Hum, c'est derniers temps il est un peu perturbé. Bizarrement, la seule qui semble avoir retrouvé un comportement normal c'est Lydia.
- Parlons de toi Stiles. Est-ce que tu serais un peu anxieux par rapport au championnat qui a lieu demain soir ?
- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
Stiles desserra les dents et laissa retomber sa Crosse qu'il triturait depuis son entrée dans le bureau.
- Euh non, reprit-il. Je suis jamais sur le terrain mais comme un de mes coéquipiers est mort et qu'un autre a disparu qui sait ce qui peut se passer.
- Tu parles d'Isaac ? L'un des trois élèves qui ont fugué c'est ça ? Est-ce que par hasard, tu as eu des nouvelles de l'un d'entre eux ?
- Comment ça se fait que vous prenez aucune note ?
- Je les rédige quand la séance est terminée.
- Et vous vous souvenez de tout ?
- Si on revenez plutôt à toi. Stiles...
- Je vais très bien ! Enfin, mis à part les problèmes d'insomnies, la nervosité et cette peur constante, foudroyante et insoutenable qu'il va se produire quelque chose de terrible.
- Ça s'appelle l'hyper vigilance. Cette peur persistante d'être en danger ou d'être menacé.
- C'est pas qu'une simple impression en tout cas. Ça me provoque des crises de paniques et j'arrive même plus à respirer.
- Comme si tu te noyais ?
- Ouais...
- Et donc ? Si tu sens que tu te noies, et que tu retiens ta respiration le plus longtemps possible jusqu'au tout dernier moment. Qu'est-ce qui se passerait si tu choisissais de ne pas ouvrir la bouche ? De ne pas laisser entrer l'eau ?
- On est obligé d'ouvrir la bouche, c'est un réflexe.
- Mais si tu retiens ta respiration un peu plus longtemps jusqu'à ce que ce réflexe se déclenche, ça peut te faire gagner du temps.
- Un tout petit peu seulement.
- Ça peut être suffisant pour te permettre de remonter à la surface. Ou pour qu'on puisse te porter secours.
- Oui, enfin si c'est pour souffrir le martyr... Il faut que je vous refasse un topo sur cette impression que votre tête va exploser ?
- Si c'est ta survie qui est en jeu, peut-être que ça vaut la peine de souffrir, non ?
- Mais qui vous dit que ça va s'arranger ? Qui dit que la souffrance ne va pas faire place à l'enfer ?
- Dans ce cas, souviens-toi de ce que Winston Churchill a dit un jour : Si vous traversez l'enfer, continuez d'avancer.
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Je soupirai quand personne ne me répondit alors que je toquais à la porte de la chambre de Scott. Celui-ci devait se trouver sous la douche. Je devais lui parler du journal de ma mère, trop de choses tournaient en boucle dans ma tête, il fallait que j'en parle avec lui auquel cas je finirais folle.
Je me décidai à entrer, tant pis si je le trouvais en mauvaise posture. Je poussai la porte et lâchai un cri en voyant Melissa, la queue du Kanima enroulée autour de son cou et les pieds battants dans le vide. J'appelai Scott en hurlant, celui-ci qui déboula avec une simple serviette autour de la taille.
- Comme vous pouvez le constater, Scott et Alexia, la situation a quelque peu évolué. Laissez-moi donc vous faire un petit briefing.
Je baissai le regard sur Gérard Argent, confortablement installé dans un fauteuil. Scott sortit ses griffes acérées tandis que je laissais couler des filets d'eau le long de mes doigts.
- Allons allons Scott, sois un peu réaliste. Tu n'es guère en position de te faire obéir. Pas plus que toi Alexia.
- Laissez la partir.
- Non c'est impossible mais je peux choisir de la laisser vivre. Ça dépend de vous.
- Qu'est-ce que vous voulez ?, crachai-je.
- Je veux qu'on discute puisque vous persistez à ne pas répondre au téléphone.
- Laissez la partir et on pourra parler de ce que vous voulez, assura le Bêta.
- Ce que je veux c'est ce que j'ai toujours voulu et ça depuis le début. Je veux Derek ainsi que toute sa meute.
- Il se cache pour se protéger. Comment vous voulez qu'on sache où ils sont ?
- Vous arriverez bien à trouver une motivation pour les tirer hors de leur cachette. Et au cas où vous n'auriez pas remarqué, je possède maintenant un outil de persuasion qui, vous en conviendrez, est d'une efficacité redoutable.
Le Kanima siffla, Melissa était au bord de l'évanouissement.
- Pourquoi suis-je en mesure de le contrôler d'après vous ?, reprit le grand-père. Vous connaissez le mythe, Alexia et Scott, le Kanima est en fait une arme de vengeance.
- Ça concerne Kate ?, souffla Scott.
- Sache que je ne suis pas venu ici seulement pour enterrer ma fille, je suis venue ici pour la venger.
Sur ce, le Kanima relâcha l'infirmière qui tomba au sol en toussant. Scott et moi nous agenouillâmes près d'elle pour voir comment elle allait. J'attrapai un pot à crayon, le vidai de son contenu et le remplis d'eau avant de le tendre à ma tutrice.
- Tiens bois, elle est potable.
L'infirmière hésita un instant. Après tout, cette eau provenait de mon propre corps, je comprenais que ça puisse paraître étrange. Le sourire encourageant que je lui adressai la fit céder. Elle avala une gorgée et releva la tête vers son fils.
- Tu vas bien ?, lui demanda-t-il.
- Non, je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je ne sais pas ce qu'est cette chose et je ne sais pas ce que vous êtes. Mais je t'en supplie, donne lui ce qu'il veut.
- Maman, c'est pas aussi simple.
- Si on livre Derek à Gérard, Dieu seul sait ce qu'il pourrait lui faire, déclarai-je.
- Faites ce qu'il dit, d'accord ? Donnez lui ce qu'il demande.
- Je sais pas si c'est possible...
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Après les cours, je décidai d'accompagner Scott à son travail. Deaton avait accepté que je les regarde le temps du service du jeune homme. Je n'avais aucune envie de rentrer chez moi et de me retrouver seule dans la grande maison McCall. Stiles ne répondait pas à mes appels, Allison avait trop changé et Lydia, c'était Lydia. Ce fut à ce moment-là que je me rendis compte du peu d'amis que je possédais. A mon retour à Beacon Hills, je m'étais promis de ne pas rester dans les pattes de Scott pour le laisser poursuivre sa vie et être plus ouverte, chose que je n'étais plus depuis la mort de mes parents. Mais je n'avais jamais tenu ma promesse. Scott et moi étions maintenant liés par quelque chose de fort même avant la découverte de notre nature mais ce lien s'était renforcé et était même devenu d'ordre Surnaturel. Je savais que Scott envisageait sérieusement de répondre aux attentes de Gérard. Je trouvais cela trop facile, Derek était peut-être froid et bourru, ça n'en restait pas moins un être humain comme nous. Comme tous ces gens que Matt avait tué, il allait devenir la proie puis la victime du Kanima. J'en avait assez des morts. Isaac, Vernon et Erica y passeraient ensuite et nous aurions quatre cadavres d'adolescents sur la conscience, de pauvres jeunes qui n'avaient pas encore vécu leur vraie vie, n'étaient pas tombés amoureux, n'avaient pas connu les galères. Des jeunes qui n'avaient pas un mauvais fond, mais seulement trop de pouvoirs trop rapidement.
Quelqu'un sonna, me tirant de mes pensées. Le vétérinaire intima à Scott d'aller ouvrir. Tout à coup, les chiens de la clinique se mirent à aboyer en cœur.
- Un Loup-Garou..., soufflai-je.
Nous nous rendîmes dans l'entrée où se trouvait Isaac. Le vétérinaire le laissa entrer à ma grande surprise et nous nous replaçâmes autour du chien malade dont Scott et Deaton s'occupaient. L'homme enfonça une seringue dans son pelage, je frissonnai.
- Pourquoi est-ce qu'il sent comme ça ?, demanda le frisé.
Deaton ricana ce qui nous étonna le Loup-Garou et moi.
- Scott a fait la même remarque il y a quelques mois de ça. Un jour, il a été capable de faire la différence entre les animaux qui étaient en voie de guérison et ceux... qui ne l'étaient pas.
- Il va pas s'en remettre c'est ça ? C'est le cancer ?
- L'ostéosarcome. Ça dégage une odeur très particulière, n'est-ce pas Scott ?
Celui-ci acquiesça. Je déglutis difficilement, c'était triste de voir ces petites boules de poils si malades. Je ne savais pas comment Scott pouvait supporter cela chaque jour.
- Approche, demanda Deaton. Tu sais maintenant ce que tes nouvelles aptitudes peuvent t'apporter. Force décuplée, vitesse accrue, cicatrisation remarquable. Tu t'es déjà demandé ce que ça faisait sur les autres ?
- Les autres ?, m'enquis-je, abasourdie.
- Donne-moi ta main, Isaac. Laisse-toi faire.
Le vétérinaire déposa la main du jeune homme sur l'animal. Des lignes noires apparurent alors, démarquant les veines du Loup-Garou. Je plaquai une main sur ma bouche et m'apprêtai à retirer la main de l'adolescent de l'animal mais Scott m'en empêcha d'un signe de la tête.
- Qu'est-ce que je lui ai fait ?
- Tu lui as enlevé un peu de sa maladie, répondit Scott.
- Juste un peu. Mais parfois un petit geste peut faire toute la différence.
Déboussolé, Isaac sentit sa main, les larmes lui piquaient les yeux.
- T'inquiète pas, annonça Scott. La première fois qu'il m'a montré, j'ai pleuré aussi.
Le jeune garçon sourit, au bord des larmes. Je m'avançai vers le vétérinaire.
- Est-ce que je sais faire ça moi aussi ?
- Pas vraiment, expliqua le vétérinaire. Ta mère pouvait faire cicatriser les plaies d'autres gens également. Je ne sais pas si tu en es capable mais les tissus humains sont imbibés d'eau, ça ne devrait pas être un problème.
Je m'émerveillai de cette réponse. Isaac et moi échangeâmes un sourire bienveillant, finalement, le garçon n'était pas si désagréable que ça.
- Mais faites attention. Cette aptitude a des limites. Il vous faut apprendre à doser pour ne pas vous tuer vous-même.
J'acquiesçai vivement. J'allais enfin peut-être pouvoir, moi aussi, faire des miracles avec cette nouvelle information.
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