La forêt était calme, en ce début d'après-midi. Les grands arbres aux feuilles vert tendre se dressaient fièrement vers le ciel pendant qu'au sol, de petits pokémons couraient, sautaient, jouaient. Ils ne vivaient pas loin d'un village mais les humains n'étaient plus intéressés par eux depuis l'apparition des "finaux" et leurs projets de destruction.
Puis, quelque chose d'étrange se fit entendre. Des bruits de pas, non, de course. Quelque chose -ou plutôt quelqu'un- courait, comme poursuivi. Normalement, rien ne troublait la forêt. Les bruits se rapprochèrent. On pouvait entendre le son d'une fourrure qui frottait l'herbe. Les Pokémons se tapirent sous des arbres, dans des creux ou dans les troncs. Toute la petite clairière retenait son souffle. On pouvait seulement entendre, de plus en plus fort, la respiration de cet être guidé par la peur et les frottements de ses pattes dans l'herbe.
Soudain, il traversa la clairière, sauta au dessus des quelques obstacles qui se trouvaient sur sa route, dérapant presque à chaque angle et continuant cette course effrénée sans se soucier de sa fatigue, de sa douleur ou du bruit que faisaient ses pattes à chaque fois qu'elle rencontraient le sol.
Le jeune évoli courait, glissait dans un virage, se rattrapait de justesse, sans une seule pause pour reprendre son souffle. Il était persuadé qu'Ils le poursuivaient toujours. Il ne s'arrêterait pas. Jamais. S'il ralentissait -juste ralentir- tout serait fini. Tout ce qu'il... ce qu'Elle avait fait... en vain.
Il faillit tomber à cause d'une racine qu'il n'avait pas remarqué. Il cligna des yeux pour chasser ses larmes de sa vue et accéléra.
Il essaya de penser à autre chose car on ne pouvait changer le passé, annuler une action. Il ne La verrait plus, ne L'entendrait plus. Elle était morte. Morte ! Elle qu'il croyait invincible, sa protectrice, n'était plus de ce monde.
Un craquement retint son attention vers la droite. Il tourna brusquement dans la direction opposée. Il déglutit, serrant sa pokéball entre ses dents. Le craquement retentit une deuxième fois, venant de la gauche, cette fois. Il fit un angle droit et partit à droite. Il regardait derrière lui et essayait de distinguer un être vivant à travers les épais feuillages quand il heurta quelque chose.
Il roula en arrière et lâcha sa pokéball, le souffle coupé. "Aïe !" Avait-il entendu. Terrifié, haletant, il se redressa et observa la forme diffuse qui se dessinait à travers le rideau de larmes qui dissimulait ses yeux. Il cligna des paupières pour le chasser et, en reculant d'un pas, leva craintivement les yeux sur l'autre.
《Non mais ça va pas ? hurla-t-elle.
La petite évolie qu'il avait percuté lui jetait un regard noir, prête à se défendre en cas de besoin.
-J-je... p-pardon...
Il ne trouva rien d'autre à répondre, tellement il avait peur de s'arrêter pour discuter avec quelqu'un.
-Qui est-tu ? demanda l'évolie en se redressant gracieusement, un peu rassurée de se sentir en position de force par rapport à lui.
-R-r-ro...y. répondait-il alors qu'une folle envie de repartir en courant s'emparait peu à peu de lui.
-Roy ? répéta-t-elle. Il acquiesça, elle sourit légèrement. Je m'appelle Lune ! elle marqua une pause. Que fais tu dans la forêt à courir comme un fou ? Où est ton maître ?
Cette dernière question était celle qu'elle n'aurait jamais dû poser. Roy ferma les yeux et inspira profondément pendant que derrière ses paupières closes défilaient en boucle Ses derniers instants.
-Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit-il. Je vis seul, "sauvage".
-Si tel est le cas, alors pourquoi as-tu une pokéball ? continua-t-elle, curieuse.
Roy se concentra et chercha une excuse plausible. Lune était évidemment sauvage vu la façon dont elle se comportait et lui parlait. Son odeur le démontrait également, comme si les arbres, les fleurs et les baies se promenaient sur sa fourrure. Elle portait aussi sur elle une vieille odeur cuivrée, métallique. Roy était certain qu'il connaissait cette odeur mais il n'arrivait pas à la nommer. Elle lui rappelait... sa maîtresse. Ce violent souvenir ressurgit encore de sa mémoire.
Ils entraient. Ils La regardaient... et Ils Les sortirent.
Roy sursauta. C'est... du sang ? Pris d'une soudaine curiosité, il l'observa plus en détail. Il remarqua sa taille en premier lieu. En effet, Lune faisait presque sa taille alors qu'elle devait avoir un ou deux ans de moins que lui. Le col touffu et emmêlé qui entourait son cou et son pelage un peu hirsute prouvaient encore une fois son appartenance à la forêt. Cependant, quelque chose l'intrigua sur sa patte avant gauche. Il n'y avait d'abord pas prêté attention mais maintenant... elle avait deux petites marques parallèles à l'extrémité de son membre antérieur comme si elle avait été profondément mordue par un bébé pokémon.
Roy vit l'expression impatiente de son interlocutrice et se remit à sa réflexion. Il répondit ce qui lui paraissait le plus crédible en pensant que la vie sauvage devait être bien difficile.
-Je l'ai... trouvée avec un ami !
-Et pourquoi courres-tu ? Demanda-t-elle aussitôt, comme si elle n'avait pas écouté la réponse.
-Euh... des humains... nous ont vus ? P-pendant qu'on... jouait ? hésita-t-il, sentant que Lune le croyait de moins en moins.
-Et où est-il ? Je peux le rencontrer ? insista l'évolie alors que Roy s'empressait de trouver une autre réponse.
-Je... s-sais pas où il-l est... o-on est p-partis chacun d'un côté dif-férent ? essaya-t-il, espérant que Lune finisse son interrogatoire au plus vite.
Roy pensa qu'il devait ressembler à une petite boule de poil apeurée mais il décida de ne pas faire paraître sa fierté car il n'avait aucune envie que les griffes ou les dents de la petite Lune ne se plantèrent dans sa chair. Il sentait qu'elle pouvait être dangereuse et il n'était pas pressé de savoir combien.
-Tu l'as abandonné ? renchérit-elle aussitôt, décidée à continuer de poser des questions jusqu'à ce que Roy avoue la vérité -car il mentait très mal-.
-N-non ! J'ai juste p-pas vu où i-il est... allé. J-je croyais q-qu'il me suivait... se défendit Roy qui se demandait si rester plus longtemps était sûr.
-Donc, d'après ce que tu dis, résuma Lune d'un ton peu convaincu en remarquant l'air pressé de Roy, ton copain et toi jouiez avec une pokéball et, sachant que les humains ne viennent jamais dans la forêt, il y en a un qui vous a malencontreusement trouvés et vous a poursuivis. C'est bien cela ?
Roy, profitant de cette occasion, s'empressa de lui répondre :
-Exactement ! Et l'humain qui nous poursuivait est sûrement encore dans les parages, il faut que je rejoigne mon ami.》
Joignant le geste à la parole, il fit mine de partir dans une direction opposée à celle par laquelle il était arrivé mais à peine avait-il posé une patte au sol qu'il s'écroula. Le bruit et la sensation de sa chute au sol lui parvinrent faiblement et la forêt devant lui devint floue. "Ça y est c'est fini ?" Pensa-t-il avant que tout devint noir.