CHAPITRE 6
Le lycée privé Saint-Joseph est incroyablement grand. Il correspond en tout point aux idées que je me faisais d'une école anglaise. Notre directrice est une vieille femme aux cheveux grisonnant et à la monture ronde. Une version ratée du professeur McGonagall dans Harry Potter. Elle nous guide à travers ces couloirs froids. Elle nous explique brièvement le règlement de l'établissement en passant par le port d'uniforme à l'interdiction formelle de téléphone. Pour ainsi dire, on peut oublier les écouteurs dans l'enceinte de l'établissement. Je ne suis pas certaine d'apprécier toutes ces règles, mais il est préférable que nous nous comportions comme des lycéens en échange scolaire.
— Je suis très honorée de vous accueillir dans notre école. Certaines règles peuvent être effrayantes cependant je vous promets que notre établissement est aussi chaleureux que possible.
Elle nous guide jusqu'au réfectoire complètement vide dans lequel nous devrons mangé. J'enfonce mes mains dans les poches de mon jean tout en suivant la directrice. Je me sens décalée à ce monde anglais. Je sursaute en sentant les mains de Benny s'enrouler autour de ma taille. Ce geste ne dure qu'une brève minute, mais cela suffit de réveiller le volcan en moi. Mes joues s'échauffent cependant je me comporte comme d'habitude. Le rapprochement entre lui et moi n'échappera pas aux regards de nos amis, ce n'est qu'une question de temps.
— Je compte sur vous pour respecter le règlement et arriver toujours à l'heure. Ces prochaines semaines seront bénéfiques dans votre enseignement typiquement anglais. Je vous souhaite donc la bienvenue au sein de notre établissement.
Cela fait deux bonnes heures que nous sommes dans cette école à visiter chaque recoin et à écouter cette vieille femme. Heureusement, nous sommes libres de retourner à la maison et débuterons les cours demain. Suzanne est allée acheter nos fournitures scolaires en compagnie de Laïa. Notre nouvelle tutrice ne souhaite pas à ce que Laïa retourne aussi rapidement dans l'enseignement et la préserve donc des cours.
La directrice nous donne une copie du règlement puis nous autorise enfin à quitter l'établissement. En poussant les lourdes grilles de cet établissement privé, je soupire de soulagement. Ce séjour en Angleterre sera encore plus épuisante avec cette école dans laquelle nous n'aurons aucune liberté. Lorsque nous sommes hors de la propriété, Rachel est la première à réagir.
— On est en prison ou quoi ? s'exclame-t-elle.
— Je déteste les uniformes, ajoute Chris.
— Il faut considérer notre arrivée comme une expérience et non un fardeau, rétorque Benny.
Je hoche la tête.
— On va y arriver ! déclaré-je.
— Tellement facile à dire.
Aucun de nous n'est vraiment emballé par cette nouvelle vie, mais c'est une véritable chance de pouvoir reprendre une vie normale. Ce n'est qu'en apparence bien évidemment cependant nous auront un équilibre. Je soupire en sentant une goutte de pluie frôler mon front, nous marchons rapidement afin de trouver un abris. Nous marchons rapidement dans les rues londoniennes lorsque je m'arrête en me sentant observée. Je me retourne tout en regardant autour de moi, la boule au ventre.
— Taylor ?
Benny s'approche de moi, la mine soucieuse.
— Ne t'inquiète pas ça va.
Nous nous arrêtons finalement dans un petit diner afin de ne pas finir complètement trempé. Quelques regards curieux se tournent dans notre direction cependant la plupart le détourne rapidement. J'ai eu l'intelligence d'emporter un peu d'argent sur moi puis commande une boisson pour tout le monde. Je frotte mes mains l'une contre l'autre pour me réchauffer lorsque mon attention est détournée par l'arrivée de la police. Mon coeur bat la chamade et mes mains tremblent légèrement. Les pupilles de Chris prennent une teinte orangée, il est prêt à utiliser ses pouvoirs en cas de besoin. Heureusement, les deux policiers ne nous accorde pas la moindre attention.
Notre commande arrive au bout de quelques minutes d'attente. Je bois immédiatement une gorgée de mon chocolat chaud. Nous restons silencieux tout en observant les policiers installés au comptoir. Aucune raison de nous en faire avec le pouvoir de Chris cependant je ne peux pas m'empêcher d'être inquiète. Comment les choses se passent-elle dans notre ville ? Est-ce que le reste de ma famille est-elle en train de me rechercher ? Suis-je vraiment en sécurité à Londres ?
— Détend-toi un peu, Lena.
Entendre Benny prononcer mon deuxième prénom me ramène tout droit sur terre. En privé, nous pouvons être nous-mêmes, mais en public nous utilisons nos prénoms d'emprunt. Je souffle puis débute une conversation.
— Vous croyez vraiment que les filles sont obligées de porter des jupes toute l'année ?
— Je ne pense pas que cela soit une obligation, les filles peuvent très bien porter des pantalons, ajoute Chris.
Benny envoie un rapide message à Suzanne afin de la prévenir de nous retrouver au diner. En abandonnant nos anciennes identités, il a fallu abandonner nos portables. Grâce à l'argent trouvé dans le bureau de mon père nous avons pu en acheter des nouveaux tout en limitant au maximum notre usage.
— Je refuse de me soumettre à des règles aussi stupides, déclare Rachel.
— Tu n'auras pas vraiment choix, Ruby.
Nous bavardons un moment au sujet du règlement de notre nouvelle école. C'est suffisamment normal pour ne pas attirer l'attention sur nous. Les policiers partent sans nous adresser le moindre regard ce qui calme immédiatement mon angoisse. Je ne serais cependant pas étonnée que nous soyons déclaré en fuite dans les prochaines semaines. Taylor Addison est recherchée par la police ce qui n'est pas le cas de Lena Anderson. Je peux vivre tranquillement ma vie sans craindre les conséquences.
Benny reçoit un message de Suzanne indiquant qu'elle n'est pas loin. Je dépose quelques billets sur la table lorsque je prends conscience de mon erreur. C'est de l'argent américain et non anglais ! A ma grande surprise, mon ami extirpe de son portefeuille quelques billets qu'il dépose à la place des dollars américain.
Nous montons rapidement dans la voiture de notre tutrice puis quittons ce quartier de Londres afin de regagner notre maison. Je regarde à travers la vitre la population se promenant en ville malgré ce temps pluvieux. J'aime la beauté de Londres, c'est une architecture ancienne s'adaptant parfaitement avec l'ensemble de la ville. Nous n'avons pas eu l'occasion de visiter la ville, mais je promets de le faire dès que possible.
— Vous auriez dû me prévenir bien plus tôt ! s'exclame Suzanne.
— Désolée, marmonne Rachel.
La protection de notre tutrice est bien trop exagérée cependant nous ne pouvons pas lui en vouloir. Veiller sur cinq adolescents est une chose presque impossible à faire si nous ne respectons pas ses règles. Je repousse une mèche de mes cheveux bruns puis me tourne vers Benny. Sa main frôle la mienne ce qui me pousse à me décaler un peu plus. Inutile d'attirer l'attention sur nous. Aucune relation n'est envisageable avec tout ce que nous avons à gérer, cela serait de la folie pure.
***
Je retire immédiatement mes chaussures en pénétrant dans la maison ainsi que mon manteau. Benny souhaite me parler cependant j'accorde toute mon attention à Laïa afin d'en apprendre plus sur elle. Celle-ci recule de quelques pas en me voyant lui adresser un petit sourire. Ma présence continue de la mettre mal à l'aise alors qu'elle semble bien plus à l'aise en compagnie de Chris et Rachel.
— Pourrait-on parler ? lui demandé-je.
Elle hoche finalement la tête puis monte rapidement les marches de l'escalier. Je décide de la suivre en ne sachant pas à quoi m'attendre. Je pousse délicatement la porte de sa chambre puis lance un regard circulaire à celle-ci. Tout est identique qu'à son arrivée, on pourrait presque croire que personne ne dort à l'intérieur. Je m'installe sur la chaise de bureau tandis qu'elle prend place sur son lit, les jambes croisées. La nouvelle recrue tient fermement une paire de ciseaux dans la main en me regardant droit dans les yeux. Aurait-elle peur de moi ?
— Je ne suis pas ton ennemie, déclaré-je.
— Simple mesure de précaution, rétorque-t-elle.
Sa voix est douce cependant elle renferme une certaine forme d'autorité. Elle essaie de se montrer forte en me faisant face cependant ma présence la déstabilise de plus en plus. Nous avons pas vraiment eu l'occasion de discuter toutes les deux depuis la fuite des locaux de ma famille.
— Je ne suis pas comme mon père.
— Il faut toujours avoir de la méfiance pour un Addison.
— Ta grand-mère était une bonne personne, elle m'a demandé de veiller sur toi et je compte bien respecter sa requête. Je suis sincèrement désolée de l'image que tu as de moi, mais je peux te garantir que je ne te veux aucun mal.
Elle continue de serrer l'arme improvisée dans la main.
— Les personnes que j'aimais le plus au monde sont mortes à cause de ton horrible famille.
— J'en ai conscience et mes paroles ne rattraperont pas les actes monstrueux de ma famille, mais je ne suis absolument pas comme eux. Tant que je vivrais, cela ne se reproduira jamais.
— Comment être certaine que tu ne me manipules pas ?
Je ferme les paupières afin de faire apparaître mon papillon. Dans un premier temps, il apparaissait pour me prévenir du danger et m'accorder sa protection. C'est uniquement grâce à lui que je suis encore vivante aujourd'hui. Je fais rarement appelle à lui maintenant que je suis capable de faire apparaître mon champ de force à volonté.
— Je suis la première Gardienne de la famille Addison depuis des générations. Mon propre père m'a espionné durant des semaines puis m'a enfermé dans un cage. Il souhaitait simplement acquérir mes pouvoirs et faire de moi une marionnette qu'il pourrait contrôler. Je ne suis pas la Gardienne la plus courageuse, mais je connais mes convictions.
Laïa regarde le papillon virevolter autour d'elle.
— Tu es tout à fait capable de te défendre en cas de besoin.
— Ce n'est pas ton cas ?
Elle secoue la tête en se mordant la lèvre.
— Je suis capable de communiquer avec les défunts.
Je savais que les Gardiens possédaient des pouvoirs différents cependant je n'avais pas encore entendu parler d'un tel pouvoir ! J'ignore si c'est une bonne chose de parler avec les morts, mais c'est le pouvoir de Laïa, elle est contrainte de vivre avec.
— Selon ma grand-mère, ce n'est que le commencement de mon propre pouvoir. Elle était capable de ressusciter les morts durant quelques minutes. Charles Addison nous as enlevé ma mère et moi parce que nous possédions ce même pouvoir.
— Je suis sincèrement désolée de tout ce qui est arrivée.
Je reste silencieuse durant quelques minutes puis décide d'être totalement honnête.
— Pourquoi m'as-tu demandé de me méfier de l'ombre ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Je n'ai aucun souvenir de t'avoir dit une chose pareille, c'est sûrement un défunt qui est entré en contact avec toi à travers moi.
Le pouvoir de Laïa est aussi surprenant qu'angoissant. Elle est non seulement capable de voir les morts, mais ils peuvent également lui emprunter son corps afin de communiquer à travers elle.
— Je ne serais pas d'une grande aide lors d'une attaque, je ne sais pas comment utiliser correctement mes pouvoirs. Je ne suis pas aussi douée que vous et je doute d'être aussi puissante que vous.
— Cela ne fait que quelques mois que je suis une Gardienne.
— Vraiment ?
— J'ai vécu toute mon enfance et adolescence en tant que fille normale. J'aurais aimé le découvrir avant, je serais plus forte aujourd'hui. Nous t'apprendrons à te perfectionner et à ne plus avoir peur de ta propre magie.
J'ai conscience que mes paroles ne changeront peut-être pas nos relations cependant il est important qu'elle apprenne à me connaître.
— J'aime beaucoup les papillons, ils apportent de la lumière dans l'obscurité.
Son esprit vagabonde durant quelques minutes. Ses cheveux châtains encadrent son visage pâle. Je remarque seulement qu'elle porte des vêtements amples ne la mettant pas en valeur. Un jean large accompagné d'un haut blanc révélant une minceur effrayante.
— Combien de temps es-tu restée enfermée dans cette cage ?
— Je fêtais mon dixième anniversaire lorsque ces hommes sont arrivés et m'ont emmené ma grand-mère, ma mère et moi.
Elle a passé sept années de sa vie enfermée dans une cage et à subir un nombre incalculable de tortures psychologiques et physiques. C'est un véritable miracle que celle-ci soit encore vivante à l'heure qu'il est. Laïa est fragile psychologiquement, elle n'arrivera peut-être jamais à se reconstruire après ces années d'enfermement.
— La seule compagnie que j'avais durant mon enfermement c'est mon chat.
— D'une certaine façon, il veille sur toi.
Nous restons silencieuses un petit moment avant que celle-ci ne s'allonge dans son lit. Je comprends qu'elle souhaite être seule, je la remercie d'avoir répondu à mes questions. J'apprends lentement à la connaître et j'espère pouvoir l'aider peu à peu. Je décide de regagner ma chambre lorsqu'un papillon apparaît devant moi en agitant violemment ses ailes. Je l'écarte d'une main en reculant de plusieurs pas cependant mon pied dérape ce qui propulse mon corps dans le vide. Le temps semble ralentir, je redoute la chute et la douleur que provoquera celle-ci. Une main attrape délicatement mon bras, me préservant d'un saut dans les escaliers. Une aura bleuté l'entoure qui s'évapore en un battement.
— Est-ce que ça va ?
— Merci...
Je ne cherche pas à le remercier davantage puis rejoins rapidement ma chambre. Il souhaite que nous ayons une conversation, mais je ne suis absolument pas prête. Le faire serait reconnaître que quelque chose de sérieux se passe entre nous. Tomber amoureuse est la dernière chose que l'équipe ait besoin actuellement. Bien que j'éprouve des sentiments pour lui, je ne peux pas prendre le risquer de l'aimer. Cela pourrait causer ma perte.
28/06/2021
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