CHAPITRE 17
Mon poing s'écrase sur le mannequin en face de moi qui vacille sous le coup. Je pousse un cri victorieux puis retire les gants. Ces heures d'entraînement m'aide à oublier ce que nous nous apprêtons à faire dans quelques heures. Suzanne sera également présente, mais camouflée afin d'intervenir dans le plus grand secret.
Je tapote mon front à l'aide d'une serviette puis avale une gorgée d'eau. Nous nous occupons le mieux possible. Chris donne des coups dans un sac de frappes tandis que Rachel continue les exercices de Suzanne. Benny est le seul à ne rien faire, il est aussi tendu que nous. Je me rapproche de lui, signale ma présence d'une petite toux. Il lève les yeux de son livre puis me lance un petit sourire.
— Est-ce que tu vas bien ? demandé-je.
— Pour être tout à fait franc, je ne sais pas.
— Il ne faut pas imaginer le pire.
Je me mords la lèvre, croyant peu à mes propos. En réalité, je suis incroyablement angoissée. Il est probable que cela soit un piège concocté par mon grand-père afin de me piéger à nouveau. Cependant, je suis prête à me battre. L'effet de surprise n'existe plus maintenant que la vérité a éclaté.
— Mais on doit y songer, c'est une réalité.
— J'aurais aimé que les choses se passent autrement malheureusement nous sommes les seuls à pouvoir nous battre.
Les autres Gardiens refusent de rejoindre notre cause. Ils préfèrent suivre leurs propres règles ce que je comprends cependant nous serions tellement plus fort ensemble.
— Il est encore temps pour toi de reprendre ta vie et délaisser ta fonction de Gardienne. Nous aurions du te laisser le choix et non t'imposer un tel rôle.
— J'ai une place importante au sein du groupe et je souhaite rattraper les erreurs de ma famille.
Cette vérité est encore aussi puissante qu'au premier jour. Ma famille est responsable de toute cette catastrophe, les Gardiens sont contraints de rester cacher par crainte de mourir. Ils vivaient librement autrefois malheureusement ce n'est plus le cas. J'éprouve peut-être encore une grande crainte à l'idée de combattre ces créatures et risquer ma vie cependant c'est un risque que je suis prête à prendre.
— Ton courage continue de m'étonner.
— Je ne suis pas toujours courageuse, avoué-je.
Je lui vole l'ouvrage qu'il était en train de lire et sourit faiblement.
— De la poésie ?
— C'est un art oublié selon moi.
— Tu es un véritable papy dans l'âme.
Benny me donne un coup sur la tête ce qui provoque mon hilarité. Nous avons peut-être le même âge cependant il se comporte de façon plus mature. Sa façon de réfléchir est tellement adulte que je me demande parfois ce qu'il a vécu pour être ainsi. Je devrais probablement le questionner à ce sujet cependant j'ai peur de paraître impolie.
— Et toi une véritable adolescente capricieuse.
— Capricieuse ?
Suzanne descend les escaliers puis interrompt ce moment de bonne humeur. Nous stoppons nos activités respectives, notre tutrice soupire puis s'installe au centre de cette salle d'entraînement. Ses cheveux roux sont attachés en une queue de cheval haute et elle porte une tenue sombre. Je ne suis pas habituée à la voir avec du noir, elle porte toujours des vêtements colorés en temps normal.
— J'aimerais revoir quelques éléments des événements de ce soir.
Dans un premier temps, nous nous rendrons au lieu de rendez-vous afin de rencontrer ce mystérieux interlocuteur. Je me questionne à son sujet en imaginant un grand nombre de scénarios. Est-ce une nouvelle ruse d'Erin ou bien la vérité ? Suzanne passera par la porte de secours et interviendra en cas de besoin. Son pouvoir est bien plus puissant que le nôtre, elle est aisément capable de tuer ces créatures.
Je repousse une mèche rebelle tombant sur mon visage puis croise les bras. Ce plan est le seul que nous ayons, espérons que tout se passe comme prévu. Je refuse d'être responsable d'un nouveau kidnapping. Mes mains tremblent légèrement en songeant aux catastrophes qui pourraient se produire.
— J'ai également une annonce à vous faire. Laïa décide de nous accompagner à ce sinistre rendez-vous et aucune négociation est possible.
— Est-ce vraiment prudent de l'emmener ? ajouté-je.
Notre nouvelle recrue n'est psychologiquement pas prête à combattre des Abominations. Elle est incapable de contrôler son pouvoir et je doute que celui-ci soit utile lors d'un combat. Je ne comprends pas cette envie soudaine cependant nous ne pouvons pas remettre en doute les ordres de Suzanne. Est-ce une idée d'elle-même ou de notre tutrice ? J'ai la crainte que son envie de se joindre à cette bataille est purement curieux. Il est possible que Laïa souhaite voir notre façon de faire face à nos problèmes et prendre exemple. Ma théorie est farfelue, mais je la garde dans un coin de ma tête.
— Elle restera avec moi, mais elle souhaitait être présente.
Nous hochons la tête sans prononcer un mot supplémentaire. J'espère sincèrement que la présence de Laïa ne causera pas davantage de problème. Je retire délicatement ma bague puis la replace comme à mon habitude lorsque je joue avec elle. Un geste anodin qui n'échappe aux yeux accusateurs de Benny. Un sourire amusé étire ses lèvres ce qui me pousse à déterminer les yeux la première.
Nous restons une heure supplémentaire dans la salle d'entraînement puis regagnons la salle à manger afin de manger. Ce repas sonne comme un adieu alors que ce n'est qu'une simple rencontre. Je découpe un morceau de pain en regardant mes amis bavarder joyeusement malgré l'ambiance lourde. Chris raconte une anecdote sur sa première année de lycée tandis que Benny et Rachel s'esclaffent. Je suis la plus silencieuse d'entre nous, mais ce n'est pas la première fois. Je porte la fourchette à ma bouche en prenant soin de savourer ce repas. Je me sens légèrement à l'écart, ces anecdotes ont eu lieu bien avant mon arrivée.
Je souris faiblement lorsque Rachel évoque l'élimination de sa première Abomination. Je n'oublierais jamais la façon dont les choses se sont déroulées pour moi. C'est uniquement grâce à Benny que j'ai trouvé la force de m'opposer à cette horrible créature. J'attrape mon verre contenant du jus d'orange puis le lève.
— J'aimerais vous remercier de m'avoir accompagner ces derniers mois en m'apprenant à devenir une meilleure Gardienne. Je serais probablement encore cette petite fille effrayée par le monde sans votre intervention.
Nous buvons une gorgée de nos boissons respectives en souriant. Le reste du repas se passe dans une humeur plus calme. J'essaie de balayer mes craintes afin de profiter uniquement de l'instant présent. Je raconte des brèves anecdotes sur Juliette et moi lorsque nous étions au lycée. Elle me manque terriblement et son visage me hante chaque nuit, mais il fallait que je la laisser partir. Ma meilleure amie était morte depuis longtemps, ce n'était qu'un cadavre ambulant. Il reste quelques heures à tuer avant notre rendez-vous ce qui me pousse à me réfugier dans le jardin, à l'écart des autres.
Je m'installe sur le banc en pierre puis regarde les étoiles en souriant faiblement. Le ciel est dégagé ce soir, c'est agréable d'être dans le calme. Juliette et moi avions l'habitude de le faire à chaque soirée pyjama. Nous faisions un vœu même en l'absence d'étoiles filantes, ce n'était qu'une simple activité d'adolescentes normales. Des larmes roulent le long de mes joues que je me presse d'effacer. Ce n'est certainement pas le moment de craquer à quelques heures d'un face à face avec un inconnu.
— Que dirais-tu de boire un bon chocolat chaud puis de filer directement au lit ?
Je me retourne en voyant Laïa me faire face.
— Tu avais vraiment besoin de faire irruption aujourd'hui ? demandé-je d'une voix glaciale.
— Je n'ai pas le droit de faire un petit coucou à ma fille ? L'endroit où je suis n'est pas particulièrement accueillant alors je reste le plus longtemps possible à attendre le bon moment pour te parler.
Mon père refuse de me laisser tranquille et le seul moyen qu'il a trouvé pour communiquer avec moi est de prendre le contrôle de Laïa. Il va falloir que j'aborde ce sujet avec les autres avant que les choses n'aillent trop loin. Même s'il n'est présent que sous la forme d'un esprit, mon père reste une menace.
— Qu'est-ce que tu attends de moi exactement ?
— Je veille simplement sur ma fille.
Un sourire mauvais prend place sur les lèvres de Laïa cependant ce n'est que le reflet de celui de mon paternel. J'ai au moins la confirmation que celui-ci est bien mort malheureusement j'ignore comment le faire définitivement partir de ce monde. Il existe probablement une solution, mais la seule qui est en lien direct avec la mort ne connaît pas grand chose à ce sujet.
— J'aimerais que tu disparaisses de ce monde ! crié-je.
— Pas pour le moment, ma chérie.
Je suis tente de lui balancer mon poing dans la figure cependant cela n'aurait aucune conséquence sur lui. Cela blesserait seulement Laïa et ce n'est pas ce que je veux. Elle n'est pas responsable de la nouvelle torture de mon paternel. Je me contente de souffler et regarder droit dans les yeux mon plus grand ennemi.
— Je trouverais un moyen et je n'aurais aucune pitié.
— Il me tarde de voir ça.
Une main agrippe mon épaule me ramenant dans le monde réel. Je chasse ma colère afin d'adopter un comportement plus calme et neutre. Benny me regarde avec inquiétude puis repousse une mèche derrière mon oreille.
— Qu'est-ce que vous faites ici toutes les deux ? demande-t-il.
— J'avais besoin de prendre l'air, Laïa aussi.
— Il faut que nous préparions nos armes.
Je quitte rapidement le jardin en évitant un maximum le regard de Laïa parce que j'ai la crainte de découvrir le regard sombre de mon père. J'accompagne Benny jusque dans la salle d'entraînement afin de préparer mes armes. Je glisse un canif dans ma chaussure puis hésite à prendre une dague. Mon choix se pose finalement sur un élégant arc noir que je prends immédiatement en main. Je glisse un carquois dans mon dos, les flèches dans mon dos. Chris s'empare d'un long katana à la lame brillante.
— Tu vas crever l'œil de quelqu'un avec ce truc, déclaré-je.
— C'est exactement ce dont nous avons besoin.
Suzanne n'est pas totalement d'accord avec le choix de cette arme cependant il semble bien décidé à l'utiliser. Rachel prend une simple épée suffisamment tranchante pour couper toute une main. Benny est le plus soft d'entre nous, il choisit une dague avec une jolie gravure qu'il glisse dans sa ceinture.
— Il reste un peu moins d'une heure avant le départ, déclare Suzanne.
Une ambiance morbide s'abat brutalement sur la pièce nous rappelant ce que nous nous prêtons à faire. Je remonte les marches de l'escalier en serrant fermement l'arc entre mes doigts. Avoir une telle arme en ma possession me donne un sentiment de puissance incomparable.
***
Un vent glacial caresse délicatement mes joues lorsque nous nous retrouvons devant notre établissement. Saint-Joseph est encore plus terrifiant la nuit. Cela ressemble vaguement à un début de film d'horreur. Je retire une flèche de mon carquois pour la placer sur la corde en veillant à être prête en cas d'attaque. Nous poussons les doubles portes de l'établissement puis pénétrons à l'intérieur.
Mon coeur résonne dans mes oreilles au même rythme que mes pas. Chris marche en tête en serrant fermement le katana dans la main. Un froid glacial remonte dans mon dos ce qui indique clairement que des Abominations traînent dans les parages. Je me sens observée, cela ne me plaît. Mes pupilles prennent une teinte violette, je me prépare à une attaque surprise.
— Bonsoir, déclare une voix féminine inconnue.
Nous nous retournons vers la source de cette voix. Une jeune femme aux cheveux blonds coupés en un beau carré, nous observe de l'autre côté du couloir. Elle porte une jolie tenue noire et blanche accentuant sa beauté.
— Je suis heureuse de vous rencontrer enfin, déclare-t-elle.
Ses talons résonnent sur le sol tandis qu'elle s'approche de nous. Je suis troublée par cette façon calme de nous parler et ne n'émettre aucun geste de menace. Mes amis semblent dans le même état que moi.
— Pardonnez-moi pour les manières de mes camarades, ils ont tendance à se montrer extrême. J'espère que mon invitation ne vous dérange pas, j'ai conscience qu'il existe de meilleurs endroits pour une telle conversation.
— Qui êtes-vous ? demandé-je.
— Oh j'en oublie mes bonnes manières ! s'exclame-t-elle en riant faiblement.
Elle coince une mèche derrière son oreille puis sourit.
— Je m'appelle Tara Addison.
16.01.2022
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