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ㅤㅤㅤ𝐒𝐀𝐍𝐒 Giselle pour me soutenir, je ne suis qu'une épave.
Les gouttelettes gelés s'agglutinent à mes cheveux. Les corps vibrant sous l'emprise de l'éthanol s'effleurent, se caressent entre deux couplets de cette musique enchanteresse. Les sensations revigorantes affluent comme une pluie torrentielle.
Les bourrasques chaudes éparpillent les effluves alcoolisées aux quatres coins de ce lieu de jouissance. Là où les anges déchus se rencontrent, s'abandonnent à l'ivresse, aux vices extatiques. Les néons scintillent et illuminent son teint hâlé.
Heeseung est là, dans un pull en laine comme le mien.
Parfois, son regard nonchalant s'accroche à quelques silhouettes. Coiffé de ses mèches blondes frisées, il tient un verre de ses doigts aux multiples bagues. Sa boucle d'oreille pendouille dans le vide à chacun de ses mouvements. Une chaîne de bronze orne son cou solide.
Et sur ce dernier, un de ses tatouages y est étalé.
L'envie d'en retracer les contours est toujours présente. Je fais face à ma propre liqueur et me noie dans l'alcool pour oublier les piètres résultats obtenus aux tests de ce semestre. Une première place sans saveur, si ce n'est un arrière-goût aigre d'échec.
J'enchaîne les verres avec facilité.
— C'est vrai que les colombiens ont une bonne descente ?
J'ai comme une impression qu'un moustique vient de siffler près de mon oreille. Peut-être est-ce juste mon imagination. Le sofa en cuir s'affaisse à côté sans que je n'y prête attention.
— J'y suis allé une fois. C'était à Carthagène. J'avais rencontré une de ces nanas, elle m'a taillé la meilleure pipe de ma vie.
Crispé, je lorgne cette compagnie non désirée qui s'invite à ma soirée solitaire.
— Mec tu dois avoir de la chance. T'aurais pas une pote à me présenter ?
J'associe la demande grotesque au personnage, malgré les traits généreux, un brin aguicheur.
— Tu es ? Dis-je d'une voix sèche.
Il se repositionne sur le siège, un sourire étirant ses lèvres charnues, visiblement heureux d'avoir attiré mon attention. Ses yeux allongés abritent des iris brunes, créant un contraste avec son teint opalin. Une mâchoire ciselée pour une mine arrondie.
— Joé Kang. Je suis à moitié coréen, moitié allemand. Tu dois sûrement connaître Vlad n'est-ce pas ? Eh bien, c'est mon grand-père.
C'est un richissime homme d'affaires d'une entreprise d'alcool, dont la marque de leur rhum demeure premier aux classements depuis des années. La mention de ce détail m'annonce la couleur de son initiative de m'adresser la parole.
— Au fait, j'organise une fête bientôt. Ça te dirait de passer ? Et puis, ma sœur est fan de toi.
— Ta sœur ?
— Ouais. T'es plutôt célèbre comme mec.
— Ah oui ? Dis-je d'un ton plat.
Il opine du chef.
— D'ailleurs, félicitations pour ta première place ! Tu es décidément un génie.
Je décroche aux prochaines phrases. Ces dernières ondulent sur ma peau et dévient de mes tympans, s'éparpillant comme les effluves lodées des substances addictives. Alors j'en reviens à mon nectar divin, me délectant de la sensation chaleureuse sur ma langue.
Naturellement, je fouille d'un œil avisé la salle et constate l'absence de Heeseung. Mon cœur tressaute, suffocante.
Est-ce trop tard pour des excuses ? Un retour dans le passé ? Je ferai tourner le disque dans le sens inverse pour jouer, inlassablement, les mêmes airs des mélancoliques.
L'époque des confessions nocturnes aux cieux qui gardaient précieusement nos secrets, à Heeseung et à moi. L'univers abritait nos émois, mère consolatrice de nos tourments.
J'ai réfléchi à milles façons de l'aborder, sans que ce ne soit étrange pour nous deux. Et chaque tentative s'est vu entrecoupé par des évènements soudains. Est-ce qu'il est parti ? Je me lève et part à sa recherche, ignorant les appels désespérés de, de je ne sais plus qui.
Sur la piste de danse, je me perds parmi les faisceaux aux couleurs fantaisistes qui agressent mes rétines, la fièvre d'adrénaline sur les faciès euphoriques des âmes libertines. Elles se balancent, chancelent sous la tonalité suave de l'artiste français, Hamza.
Whine. L'alcool fragilise mon esprit.
Les sensations perdues se ravivent, me renvoyant aux souvenirs dépravés de l'adolescent déphasé que j'étais, un peu vagabond à arpenter les trottoirs, me glissant entre les cuisses de la première venue.
Je vivais chaque minute sans négliger une miette, comme un garçon damné à mourir au jour suivant. Les veilles des lendemains rancés étaient teintées de fluides alcoolisés, l'extase des produits illicites et des caresses charnelles.
Ce Sunoo cherchait hardiment à combler le vide.
Mes pensées s'octroyent quelques libertés et redessinent ces images imbriquées dans mon cerveau que je pensais avoir rayé. La chaleur se décuple et je perds la notion du temps.
Le temps qui défile, ce temps qui m'échappe, me punie en silence. Au loin, je l'aperçois enfin. Heeseung paraît plongé dans une discussion captivante avec une brune qui m'est inconnue.
Je m'approche d'une démarche lente, slalomant parmi la marée humaine. Je sens une main audacieuse au niveau de la poche arrière de mon cargo imprimé soldat. Je me retourne à vive allure, gratifiant le responsable d'un regard noir.
C'est un jeune homme, qui plus est saoule.
Je lui aurais collé mon poing dans la figure. Cependant, l'idée de perdre encore Heeseung de vue, m'empêche de m'arrêter. J'arrive à sa hauteur et capte un bout de leur conversation.
— Je me disais, on pourrait aller au bal d'inté ensemble. Tu n'as toujours pas de partenaire n'est-ce pas ? Minaude la brune, les joues rosies.
Mes yeux s'écarquillent. La moue aux lèvres, elle s'accroche au bras de mon ex meilleur pote qui semble analyser la proposition. À cet instant, je réagis sans réfléchir, possédé par un sentiment tenace semblable à des brûlures dans mon estomac.
Mon cœur se serre, contre l'idée que Heeseung accepte sa demande.
Mes pas m'amènent à eux, et d'une marche mal assurée, je renverse le contenu de mon verre sur la poitrine de la jeune femme. Je fais mine de tituber, me penchant contre l'épaule de Heeseung.
— Oups, soufflé-je, suivit d'un léger rire. Désolé.
— Mais— ! S'écrit-elle, les joues cramoisies de honte cette fois-ci. Ma robe !
Me fixant et croyant à mon état d'ivresse, elle ravale sa frustration et s'en va, non sans marmonner des insultes. Je hausse les sourcils, loin de regretter mon geste sur le champ.
— Tu ne devrais pas boire autant.
Jusqu'à ce que la voix de Heeseung me parvienne. Mon cœur se fige.
Mes émotions s'emballent, chaotiques météores qui filent à vive allure en traversant les galaxies. Le rouge me monte au visage, en partie à cause de la liqueur alcoolisée.
Sa main s'ajoute à la mienne pour me retirer mon verre dans une douceur insoupçonnée. Elle est si grande qu'elle recouvre aisément la mienne. Je cède sans débattre. Et contre toute attente, loin de m'adresser la parole, il se focalise sur son téléphone comme si mon existence n'était qu'un détail insignifiant.
Ici, la musique nous parvient à peine. Certains s'embrassent sans pudeur, leurs mains se baladant sous les vêtements qui les recouvre. D'autres inhalent leurs joints, les pupilles injectés de sang. Je me force à trouver quoi dire. Un mot censé que je laisserai franchir mes lèvres.
Son calme me déconcerte. Sa maîtrise n'a rien avoir avec les vagues sauvages sous lesquelles je coule. Je suis si lâche. Je m'éloigne un peu et me penche contre un mur.
Je soulève mon pull et glisse ma main contre mon ventre, effleurant le navel en forme de serpent. La sensation électrisante qu'elle procure à mon nombril sensible me fait soupirer d'aise, détendant mes muscles crispés.
— Tu fous quoi ?
Je quitte ma transe en fixant les sourcils creuses de Heeseung. J'examine son expression faciale qui ne me dit rien qui vaille. Je pince mes lèvres en me demandant si j'aurais fait trop de bruits.
Notamment des bruits obscènes.
— Quoi quoi ? Dis-je, l'air de rien.
— T'as gémis.
— J'ai quoi ?
— Gémit, répète-t-il sans gêne.
Mes joues s'empourprent.
— T'as entendu des gémissements toi ?
— Vas-y, fais-moi croire que je suis sourd.
— Toi aussi, t'entends des trucs louches, c'est pas de ma faute, le contredisé-je.
— Et qui fait ces trucs louches d'après toi ?
— Le pape ? Really, il est bizarre ce vieux.
Un peu pompette, je ne contrôle pas vraiment mes mots.
Heeseung esquisse un sourire qui dévoile une rangée de dents dont la rangée supérieure est légèrement plus longues que celle du bas. Je me rappelle l'avoir déjà vu avec des bagues. Je les aimes comme ça ses dents, vraiment.
Ça fait Heeseung. Il n'y aurait pas Heeseung sans ça, sans ses yeux de biches, sans ses expressions mignonnes ratées.
— Et tu sais qui d'autres est louche ? Poursuivé-je dans ma lancée.
— Non. Surprends moi.
— Le père noël.
Il hausse le sourcil, me faisant face cette fois-ci, comme s'il s'apprêtait d'avance au monologue sinueux dans lequel j'allais me lancer.
— Sa barbe déjà, j'le sens pas. Et son rire là, c'est pas pour rien s'il y a des mômes que ça fait fuir. Et puis, les pauvres rennes obligés de tirer son traîneau et les milliers de cadeaux, ça doit peser tout ça. Elle fous quoi la police contre la maltraitance des animaux ?
— Ce sont des rennes magiques ? Peut-être qu'ils sentent rien.
— Et alors ? Ça ne veut rien dire ! Tu serais pas en train de faire de la discrimination toi ? Donc parce qu'on est magique, on peut se faire exploiter par un type habillé en rouge qui aime un peu trop les enfants ?
Les éclats joyeux de Heeseung me parviennent aux oreilles. Cela fait si longtemps que je ne les avais pas attendu que durant un moment, je me perds dans la vision mirifique qu'il m'expose. Ses yeux rieurs forment un croissant.
— J'avoue que son obsession pour les gosses pousse à la réflexion, vient-il appuyer d'un air faussement dubitatif.
— C'est comme les dauphins. On les croyait innocents et tout. Bah non, c'est des violeurs.
— On pense que les mamies sont toujours gentilles. Ce sont de vieilles aigries la majorité du temps.
— Les chats font semblant d'être mignons, ils dominent le monde en fait.
— Tu me manques.
Je m'arrête. Les yeux exorbitants.
Mon souffle s'amenuise, mon regard décortique sa face délicate mais aux traits fortement masculins. Ils s'adoucissent cependant lorsqu'un sourire vient égayer son visage. Les mots naissent, puis meurent au fond de ma gorge.
Mes yeux embués menacent à coup de pleurs diluviens.
— Toi aussi... avoué-je dans un silence qui pèse.
Un silence au sein des exclamations hilares qui survolent la musique, rapportés par les courants d'air. Le manque s'est creusé de telle sorte que je n'ai senti qu'elle. Tout au fond, elle m'a hanté et poursuivit dans mes songes les plus morbides.
— Je, je suis désolé. J'ai été bête.
— Je confirme.
Mon cœur se resserre. J'ai fais et dit n'importe quoi, j'en ai conscience. Et je ressens l'amertume au son de sa voix. Tête baissée, mes doigts se tortillent sous le coup du stress.
— J'ai pas été tendre non plus après, complète Heeseung après un silence.
Je ne lui en veux pas. Il a toujours été explosif sous le coup de la colère, un peu comme moi, quoique d'une façon différente. J'ai plus tendance à exprimer mes pensées mesquines en me servant de ma langue.
Là où l'athlète emploie le language corporel. Et connaissant Heeseung, que ça ait été de ma faute ou pas, il ne tolérera pas de s'être montré cru. Alors, pour éviter ses excuses — je me sentirai plus coupable en les entendant — je change de sujet.
— Est-ce que, euhm, on peut redevenir amis ?
En voyant un éclat déçu traverser ses prunelles, j'ai peur d'avoir dit une bêtise.
— Parce qu'on ne l'était plus ?
Mes sourcils se haussent.
— On ne s'est pas quitté en bons termes.
Heeseung soupire lourdement. Tiens, allons cadencer mes lèvres. Puisque j'ai constamment l'impression de dire des bêtises.
— C'est compliqué de te suivre.
— Toi alors ? Lancé-je sur la défensive. Je n'arrive plus à te comprendre. Toi, moi, nous. On a tellement changé. Les choses ne sont plus comme avant. Ça me chamboule tellement que j'ai l'impression de faire de la merde à chaque fois. Je veux juste...
Je fini par soupirer, laissant ma phrase en suspend, le temps que quelques secondes s'écoulent.
— C'était plus simple avant, ajouté-je.
Je débite, sous l'emprise de l'alcool. Et à la fin, je me stoppe, essoufflé, le torse se soulevant d'un rythme trop rapide. Je suis aussi rongé par cette stupide jalousie.
— Désolé, répété-je.
— Pour quoi ?
Je tire sur la manche de mon pull pour me recouvrir les doigts, jouant avec mon piercing sur ma langue.
— T'es pas obligé de me parler de ton mec.
— Quel mec ?
— Jungwon.
Heeseung demeure perplexe, puis, un voile assombrit son regard. Il regarde sur le côté, un peu morose, comme si j'avais titillé la corde sensible. Je me mord la lèvre par réflexe. Mon cœur bat avec violence tout au fond dans ma poitrine, tandis que mon sang est pompé à un rythme irrégulier.
Il revient à moi en soufflant. Son regard est indéchiffrable. Cependant, le fait qu'il se rapproche affole mes sens. Je suis noyé sous l'intensité de ses iris. J'ai du mal à les soutenir, moi Kim Sunoo qui a toujours paru inébranlable face au monde.
Soudain, il assène une tape légère contre mon front.
— Arrête de tirer des conclusions dans son coin.
La mine renfrognée, la drama Queen en moi gémit de douleur et me masse l'endroit endolori.
— C'est toi qui ne me raconte jamais rien.
— Tu ne me demande pas.
— Ok. C'est ton mec ? J'avance, cash.
— Non.
Sa réponse est immédiate. Cependant, je ne m'étais pas attendu à ce qu'il complète, par une nouvelle qui ne me laisse pas indifférent. D'une voix hésitante, comme s'il n'était lui-même pas sûr du terme employé.
— C'est mon... ex ?
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