Chapitre 8 : La Véritable Élue ✦
La pièce débordait d'énergie, inondée de la lumière produite par leurs corps.
Alice transpirait à grosses gouttes, tandis que son maître ne montrait aucun signe d'effort. Il balança son bras avec grâce, et la blonde le suivit, essayant de suivre le mouvement. La lumière dorée qui émanait de l'homme roux s'accumula dans sa paume et quand l'entièreté de son énergie rejoignit sa main, il la propulsa à l'autre bout de la pièce. Alice transféra la lumière de son bras au creux de sa main, et l'envoya sur un pilier près d'elle. Mais contrairement à son maître, qui avait réduit la colonne de pierre en petits morceaux, elle n'avait réussi qu'à faire une petite entaille.
Comme d'habitude.
— On recommence.
La voix chaude du roux avait résonné dans toute la pièce, et la jeune femme avait l'impression qu'il était rentré au plus profond de son esprit. Et elle détestait ça.
— Tu ne sais rien dire d'autre ? C'est la seule chose que je t'ai entendue dire depuis le début, et ça fait plus d'un mois que je suis arrivée ! Tout ça est ridicule ! Je refuse de le refaire encore une fois ! Je suis l'Élue, je n'ai pas besoin de cours de magie ! Je suis plus puissante que n'importe qui ici !
Le roux ne bronchait pas, la regardant fixement avec ses yeux, flamboyants à cause de l'effort. Ne me regarde pas comme ça, tu ne vas rien me faire ! Ah, j'oubliais, tu vas encore me faire léviter pendant des heures ! Tu es ridicule, ces cours sont ridicules, tout est ridicule !
— À chaque pilier que je détruis, et je ne t'inclus pas dedans, car tu ne fais que les égratigner, cette salle se fragilise. Le but final de l'exercice est de la détruire, et donc avoir suffisamment de compétences pour se protéger de l'éboulement. Un bon élève prend une semaine pour en finir, et étant donné que tu es censée être La Rêveuse, tu devais la détruire en trois jours maximum. Comme tu l'as très bien souligné, tu es là depuis plus d'un mois, et je doute sérieusement de ta capacité à te protéger de quoi que ce soit.
Alice bégaya, ses joues tintées de rouge, et sortit en trombe de la salle, outrée. Jamais on ne lui avait autant manqué de respect.
Elle entra dans sa suite en claquant les grandes portes en chêne, en faisant le maximum de bruit pour faire savoir au palais entier qu'elle était en colère. Sur la table traînait un assortiment de gâteaux secs, et elle les enfourna dans sa bouche d'un coup, sa main tremblant de fureur. Sa servante, alertée par le bruit, se rendit dans la salle à manger, et trouva Alice en train de s'empiffrer. Quand la blonde l'aperçue, elle se leva d'un bond, et lui jeta le plat dessus, qui atterrit en miettes aux pieds de la jeune fille.
— Toi ! Ton regard ! Arrête de me prendre de haut !
La servante bégaya, terrorisée :
— J-je vous demande p-pardon Madame.
— Je ne veux pas de tes excuses ! Va me chercher d'autres biscuits ! À cause de toi, je les ai gaspillés !
— B-Bien Madame.
Elle se rendit dans les cuisines, le menton tremblant, et Alice se rassit sur sa chaise en se rongeant les ongles. Elle n'aurait pas dû la laisser s'en aller, maintenant, elle n'avait plus personne sur qui se défouler.
La semaine était passée et la colère d'Alice ne s'était toujours pas atténuée. Véra disparaissait pendant des heures sans raison, sa servante ne faisait que pleurer, et le roux qui lui servait de maître était toujours (voir plus) insolant.
D'ailleurs, elle n'avait pas vu son amie depuis le début de la journée, aussi, elle se mit en tête de la retrouver. Elle dégagea sa chaussure des mains de sa servante qui la lustrait, et s'engagea dans le couloir décoré par des lustres.
— Un pied après l'autre, comme ça.
— Je le fais bien là ?
— Oui, parfait. Maintenant tourne.
Véra couina, ——- lui avait marché sur le pied.
— Pardon, c'était l'autre sens, hein ?
Véra rit.
— Tu sais quoi ? Amusons-nous simplement.
Les touches du piano s'enfoncèrent dans des notes claires, animés par les cristaux qui décoraient l'instrument posté au coin de la salle, et les deux amies tourbillonnaient au gré de leurs envies, un grand sourire peint sur leurs lèvres. Comme sur les tableaux qui décoraient les murs, un pied devant l'autre, elles dansaient, entraînées dans des pas de valse improvisée, liées par leur complicité jusqu'au moindre mouvement.
— Véra Vira Bauva ! Que se passe-t-il ici ?!
——- sursauta sous la surprise, et la prise de la blonde se resserra sur ses hanches pour la rassurer.
— Que veux-tu qu'il se passe ? Cesse de crier sans raison, tu vas me donner un mal de tête.
— Que fait-elle ici ?
— C'est la nouvelle gardienne des chiens royaux, elle remplace Méline qui est en congé maternité. Pourquoi cette question ?
Alice l'ignora.
— Et pourquoi elle est dans tes bras ?
— Nous étions en train de danser, avant que tu nous interrompes.
Le regard de ——- jonglait entre son amie, et la jeune femme en colère.
— Ça n'a aucun sens ! Pourquoi tu tolères sa présence dans tes bras ?! Elle vient du peuple !
Les sourcils de Véra se froncèrent quand elle comprit ce qui dérangeait Alice. Elle regarda son amie qui était encore dans ses bras, et lui fit un sourire rassurant.
— ——-, reste ici une seconde, je t'en prie. J'ai quelques mots à lui dire.
La jeune fille hocha la tête, et ses yeux suivirent Véra qui emmenait la blonde à l'écart d'une autre pièce.
— Tu peux m'expliquer ton problème ?! Qu'est-ce qui te prend à la fin ? Depuis quand tu traînes avec le peuple ?
— Mais depuis toujours enfin ! Je ne te comprends pas ! Pourquoi es-tu si hautaine ? Comment peux-tu penser comme ça ? Le cerveau de Véra tournait à plein régime alors que son regard parcourait la pièce sans jamais se poser. Elle avait du mal à croire que son amie, celle qui était censée être l'Élue, ait l'esprit aussi étroit.
— Mais c'est évident enfin ! Pourquoi veux-tu qu'on se mélange avec eux ! Ils ne sont pas dignes de nous !
— C'est complétement ridicule ! Tu voudrais quoi, elle laissa échapper un rire amer, les exterminer ou quelque chose dans le genre ?
— Ne sois pas stupide, je t'en prie Véra. Qui seront ceux qui nous serviront ?
— As-tu conscience de la gravité de tes mots ? Alice allait rétorquer, mais la blonde l'arrêta dans un geste de la main. Ne me réponds pas, ou je te promets que tu ne pourras plus te voir dans un miroir. Je ne veux plus rien avoir avec toi. Tu me déçois terriblement.
Véra sortit de la pièce sans un mot de plus, et passa devant ——- sans la remarquer, trop occupée à calmer ses pensées beaucoup trop bruyantes.
Elle s'assit sur le banc soutenu par une statue blanche, enroula ses bras autour de ses jambes, et posa sa tête sur ses genoux. Son regard retraçait les calmes vagues du bassin rempli d'eau, mais elle n'arrivait toujours pas à s'entendre penser. Des pas se firent entendre sur le sol en terre, et ——- s'assit dans la même position à côté d'elle. Elles se regardèrent, et elles se sourient légèrement. La brune osa essuyer les fines larmes qui roulaient sur la joue de son amie, et elle redirigea son regard vers le bassin.
— C'est elle qui t'a fait pleurer ?
— Non, c'est moi en ayant cru en elle.
Un ange passa.
— J'ai lu dans un livre qu'on déteste ceux qu'on a trop aimés. Peut-être que c'est vrai pour toi ?
— Je ne sais pas. Tu crois ?
— Je crois savoir que je ne suis pas dans ta tête. Elle laissa échapper un petit rire, et ——- se sentit fière. Ça doit être compliqué de savoir ce qu'elle représente pour toi, étant donné que la représentation que tu t'es donné d'elle est fausse. Tu sais, elle tourna sa tête vers son amie, tu n'es pas obligée de tout résoudre dans ta tête, tu peux aussi attendre que tes émotions soient moins violentes, et ensuite avoir une vision plus globale du problème. Ne lui accorde pas autant d'énergie, elle n'en mérite pas.
— Merci, ——-.
La jeune fille lui sourit simplement.
Une cannette de Xopi parfumée par l'énergie de l'Empereur Jung Ho-seok plus tard, Véra retrouva sa bonne humeur, et c'est apaisé qu'elle raccompagna son amie chez elle.
De retour au palais, elle monta dans la cinquième tour, et s'assit à son bureau. Elle sortit son carnet de notes bleu ciel du deuxième tiroir, et l'ouvrit à plat. Elle saisit un stylo du pot rempli de crayon, et écrivit en gros sur la page de droite :" La véritable Rêveuse".
Véra voulait reprendre les recherches à partir du début, tout reprendre à zéro. C'était impossible qu'Alice soit l'Élue avec un tel comportement. Le maître de magie lui avait fait un rapport sur son évolution, et il s'avérait que la blonde était terriblement nulle en magie. Véra sortit le dossier, où il avait écrit en appréciation : "rêve de gloire, mais refuse de faire des efforts pour la mériter".
Pourtant, Véra aurait juré que sur Terre, Alice lui avait donné une bonne impression. Ou alors, elle était aveuglée par la réussite de la mission, et elle s'est absolument convaincue que la blonde était (devait être) l'Élue. Si c'était le cas, elle avait complétement agi comme une débutante, et c'était une mauvaise chose. Elle était la cheffe de la première division de l'Élite, malgré son jeune âge, et elle avait dû faire ses preuves pour en arriver là. Elle ne pouvait pas se permettre de faire des fautes aussi graves. Elle se frotta les yeux, et elle continua à fouiller dans le dossier d'Alice. Les Empereurs avaient écrit leurs avis, et Véra fut surprise de l'extrait de celui de l'Empereur Kim Taehyung. "Maltraitance de Valentin, ton passif-agressif. Problématique jusqu'au bout des dents, à surveiller". Elle fronça les sourcils, Alice n'aurait pas osé ? Avec son état d'esprit, elle était capable de tout, et de bien pire. Si elle avait mal agi envers le servant d'un Empereur, qui sait ce qu'elle pouvait faire avec la sienne.
Oh non, sa servante.
Amandine.
Véra dévala les escaliers à toute vitesse, et arrivée à un palier, saisit le bracelet d'une statue en pierre. En continuant son chemin vers la suite d'Alice, elle demanda à la sécurité la localisation de la jeune fille, à travers le micro dissimulé dans le bijou en pierre. Comme elle le pensait, elle se trouvait dans les appartements de sa maîtresse. Véra ouvrit grand les portes de la chambre, mais la pièce était vide.
Elle la chercha dans la salle de bains, dans le jardin privé, sur le balcon, mais elle était introuvable. La jeune femme s'assit sur le lit, tiré à quatre épingles, et son regard parcourra la pièce à la recherche de la servante. Des sanglots étouffés se firent entendre à sa droite, et elle se rappela du second dressing d'Alice. Elle fit coulisser la porte de l'armoire, et elle aperçut Amandine roulée en boule entre les manteaux d'hiver et les robes et d'été. Elle renifla, et quand elle aperçut Véra, elle se dépêcha de s'incliner devant elle.
— Je vous demande p-pardon, Madame, je n'aurais pas dû m-me cacher dans l'armoire. N-ni pleurer. Pourtant j-je sais bien que Madame A-Alice déteste quand je p-pleure. Je suis confuse, Madame, ne me renvoyez pas !
Véra sentit sa gorge se nouer, et sortit un mouchoir en tissu de sa poche pour essuyer les larmes de la servante.
— Amandine, il n'y a aucune raison pour que je te renvoie.
La jeune fille se confondit en remerciements, et la blonde la releva, embarrassée.
— Voudrais-tu bien me dire pourquoi tu pleures ?
— C-ce n'est rien Madame, seulement, m-ma cheville me fait mal.
En effet, elle était enflée. Véra fronça des sourcils, et elle partit chercher une poche de glace pour soulager sa douleur. Elle assit Amandine sur le lit, et elle s'accroupit en déposant la poche froide sur sa cheville.
— Pourquoi tu n'es pas partie à l'infirmerie ?
— Je ne voulais pas d-déranger, Madame. Et Madame Alice exige de moi d'être disponible à chaque instant, je n'ai p-pas le temps d'être faible.
— Aller te soigner ne fais pas de toi quelqu'un de faible, Amandine. Mais dis-moi, comment tu t'es fait ça ?
— C'est Madame Alice, quand elle m'a jeté le plat en cristal dessus. Mais n-ne vous inquiétez pas, ça aurait pu m'atteindre au visage, alors...
— Elle te traite souvent comme ça ?
— Non ! La plupart du temps, elle ne fait que s'énerver ! C'est vrai que ça m'angoisse un peu, mais c'est de ma faute si je ne s-sais pas gérer mes émotions.
— Amandine, tu n'as rien à te reprocher, c'est elle qui est en tort ! Elle n'a aucun droit sur toi ! Je vais faire de mon possible pour qu'elle soit punie, je te le promets.
— Ne soyez pas trop dure avec elle, elle a un bon fond, j'en suis sûre.
Véra plongea ses yeux bleus dans ceux de la jeune fille.
— J'aimerais en être autant convaincue que toi.
Le soleil se couchait quand Véra finit son rapport. Après que l'information sera montée, Amandine ne sera plus les ordres d'Alice, et sera dédommagée avec une avance de salaire de sept mois. Véra scella la lettre avec un cachet, et la déposa dans un tube qui l'enverra dans la pièce du courrier. Maintenant, elle devait se concentrer sur l'Élue. Elle alluma les lumières pour se repérer dans la pénombre, et elle se rassit sur son bureau. Sur son carnet, était marqué en rouge :" Les Sept savaient".
Oui, ils savaient.
Dans tous leurs rapports, ils dénonçaient l'orgueil d'Alice, et son narcissisme. La question, c'est pourquoi ils ne lui en avaient pas parlé. Si elle passait en revue tous les comptes-rendus des enseignants, tout le monde était au courant. Sauf elle. Véra n'était vexée. Elle était perplexe. Si les Empereurs lui avaient caché la véritable nature d'Alice, c'est qu'il y avait une raison. Mais aussi sage qu'elle fut, maintenant, elle était au courant. Elle jeta un coup d'œil à l'heure, le dîner allait bientôt être servi. Elle fit rouler sa chaise vers une étagère, et elle saisit un micro caché derrière le pot de tulipes.
— Soline, tu veux bien dire au chef de me monter le plat de l'Empereur Namjoon ? Je me charge de lui emmener. Merci !
Véra coupa l'appel, et quelques minutes plus tard, un plateau rempli de mets fumants reposait sur un chariot à l'entrée du bureau. Elle le fit rouler jusqu'à l'ascenseur, et elle descendit au troisième étage de la grande bibliothèque. Elle déplaça un livre à la couverture verte bouteille vers la droite, décala un roman à gauche et l'étagère s'entrouvrit pour laisser apparaitre une porte. Elle se dépêcha de se faufiler avec le chariot avant que quelqu'un la surprenne, et marcha le long du tunnel sombre sans hésitation. Elle arriva à la tour d'astronomie, et elle fut surprise de voir tous les Empereurs réunis autour du globe suspendu. Le chariot arrêta sa course, et Véra s'inclina sous les protestations des hommes.
— Je ne m'attendais pas à tous vous voir, aussi, je n'ai pas apporté le repas pour tout le monde, veuillez m'excuser.
L'Empereur Jung Ho-Seok lui sourit.
— Ne t'en fais pas pour ça, nous avons apporté nos propres plateaux.
Véra s'assit près de l'Empereur SeokJin après avoir servi l'Empereur Namjoon.
— Y a-t-il une raison pour laquelle vous êtes réunis ici ?
— Je pense que tu la connais plus que quiconque maintenant.
L'Empereur Park Jimin saisit une enveloppe qui était sur la table basse.
— Mon département a reçu ça il y a trente minutes. Tu sais de quoi ça parle ?
Bien sûr qu'elle savait. C'était le rapport qu'elle avait écrit au sujet d'Alice. Elle hocha la tête. Les Empereurs se concertèrent d'un coup d'œil.
— L'heure de la vérité est venue. Que veux-tu savoir ?
— Qui est vraiment Alice ?
L'Empereur Min Yoongi ricana.
—Une gamine qui se prend pour le centre du monde.
— Donc ce n'est pas l'Élue ?
Un sourire malicieux prit place sur le visage de l'Empereur Jeon Jungkook.
— C'est amusant que tu penses que l'Élue n'a aucun défaut.
— Alors c'est elle ?
Il haussa les épaules, et Véra étouffa un râle de frustration. Les hommes rirent.
— Non, ce n'est pas elle.
Véra était convaincue qu'Alice n'était pas l'Élue. Mais l'entendre, et avoir sa théorie confirmée, c'était autre chose.
— Depuis quand vous êtes au courant ?
Les Empereurs se regardèrent.
— Tu ne seras pas vexée ?
— Non, absolument pas ! J'ai entièrement confiance en vos décisions !
— Depuis le début. Nous le savions depuis le début.
Les pensées de Véra se bousculaient dans sa tête, et elle comprit toutes les nuances dans les interactions qu'ils avaient eues avec Alice.
— Et l'annonce publique ? C'étaient des comédiens ?
— Non, cela aurait été trop dangereux. Alice a réellement annoncé à Tarbamo tout entier qu'elle était l'Élue.
— Et comment allons-nous leur annoncer la vérité ?
L'Empereur Park Jimin lui fit un clin d'œil, et entama son dessert.
— Ne t'inquiète pas à propos de ça, nous avons déjà quelqu'un sur le coup.
Véra resta silencieuse pendant quelques minutes pour assimiler l'avalanche d'information. Mais une centaine de questions lui brûlaient la langue, et elle ne put rester muette aussi longtemps.
— Et la véritable Rêveuse ? Qui est-elle ?
L'Empereur Kim Taehyung essuya ses lèvres dans un sourire.
— Es-tu réellement en train de nous demander d'accomplir ta mission à ta place ?
Les joues de la blonde s'empourprèrent.
— Mes informations se sont révélées fausses, je cherche seulement des nouvelles pistes.
— Tu n'as pas tort sur ce point. Après tout, tu n'as même pas eu la prophétie dans son entièreté.
Véra s'étouffa.
— La prophétie est incomplète ?
Il fit une moue désolée.
— L'essentiel est que tu sois au courant maintenant, n'est-ce pas ?
Elle soupira.
— Je présume. Y a-t-il autre chose que je dois savoir ?
— Non, pas pour l'instant. Tu sauras bien assez tôt. Une des peluches qui avaient la charge du nettoyage du palais arriva dans la pièce, et elle ramassa les plateaux vides. Et ne t'en fais pas, Alice n'en a pas pour très longtemps ici. Tu veux bien être un peu patiente ?
Véra hocha la tête. Pour les Empereurs, elle pourrait attendre pendant des siècles.
༉₊˚࿐
Le lendemain, avant même d'avoir pris son thé aux violettes, des cernes creusées sur son visage à cause de la nuit blanche, Véra était face à la grande porte des archives, dans la main gauche la carte d'accès qu'elle avait empruntée à l'Empereur Namjoon. La carte bipa, la petite lumière clignota, et la porte s'ouvrit dans un long grincement. Elle entra doucement dans la pièce, et ses pas laissèrent des traces dans la poussière blanche qui recouvrait le sol en bois.
Elle parcourra les allées, et s'arrêta quand elle remonta aux archives qui dataient de quelques mois plus tôt. Elle ouvrit les tiroirs, fouilla parmi les étagères, et sourit quand elle trouva un cristal orange numéroté d'un sept, d'un zéro, et d'un quatre.
Elle le déposa dans un sac qu'elle avait pris soin d'emmener, et elle fit la même chose pour les cinq autres pierres qui reposaient à côté. Elle les emballa dans du film protecteur, et elle ressortit de la pièce comme si de rien n'était.
La tour d'astronomie était vide à cette heure, la lune venait à peine de finir son voyage dans le ciel, aussi Véra ne croisa personne.
Elle monta sur la passerelle qui surplombait le globe décoré de grandes aiguilles, et elle s'asseya sur la chaise en bois. Elle ouvrit avec précaution son sac, et déballa la pierre orange.
Elle la déposa au creux de sa main, et elle ferma légèrement ses doigts sans la compresser. Pour mieux ressentir le flot d'information renfermée dans le cristal, Véra ferma les yeux. Ses sourcils se froncèrent sous l'effort, et elle essaya de lire clairement le contenu de la pierre. Il y avait des choses qu'elle savait déjà ; l'Élue était une jeune fille, qui était née en été, sur Terre. Elle tapa les critères sur le clavier, et le globe brilla, les aiguilles bougèrent et se croisèrent, et des centaines de filles représentées par des points lumineux apparurent autour du globe. Ce n'était pas suffisamment précis. Alors, elle sortit un autre cristal, bleu cette fois-ci. Elle en tira que la Rêveuse était fille unique, qu'elle était née une quinzaine d'années plus tôt, et qu'elle avait une prédisposition certaine pour la magie. Les points diminuèrent, mais ce n'était toujours pas suffisant. Elle sortit un autre cristal de la même couleur. Ses parents étaient séparés, et elle ne savait pas nager. Malgré la prétendue futilité des informations, la quantité de points avait été divisée par deux. Mais ça ne suffisait pas. Elle sortit un cristal jaune. Elle habitait en ville, et elle était allergique aux crevettes. Des dizaines de points s'effacèrent. Elle prit un autre cristal. L'Élue écoutait beaucoup de musique, et adorait la couleur bleue. Les lèvres de Véra se relevèrent dans un sourire, et elle entra les données dans le globe. Plus que deux personnes. Plus qu'un cristal dans le sac. Rouge. Elle respira profondément et laissa le flot d'information venir à elle. Elle avait faim, elle avait soif, et sa tête tournait sous l'effort, mais elle persévéra. L'information fut claire, nette, précise. L'Élue avait une tache de naissance dans la nuque. C'était le genre de particularité qui faisait toute la différence.
Le souffle court, elle rentra l'information sur le globe. Il brilla, cherchant dans son immense base de données, les aiguilles s'agitèrent, et quand il s'arrêta, Véra crut halluciner.
Les points lumineux avaient disparu. Tous.
Elle fronça les sourcils. C'était impossible. Elle fit tourner le globe à l'aide d'une manette, et après l'avoir passé au peigne fin, elle dut se résoudre à l'évidence.
Il n'y avait personne qui correspondait à ces critères.
Son souffle s'épuisa, des points noirs tâchèrent sa vision, et elle s'écroula par terre.
༉₊˚࿐
Véra reprit conscience dans son lit, confuse. Elle ne se souvenait que du globe vide, et puis plus rien. Elle se redressa, mais sa tête tournait encore. Elle grimaça. Sa porte grinça, et ——- apparut dans l'embrasure, un plateau à la main. Quand la jeune fille aperçut son amie réveillée, un grand sourire prit place sur son visage, et elle se dépêcha de la rejoindre à son chevet.
— Tu es enfin réveillé ! Je m'inquiétais, je n'ai jamais vu quelqu'un dormir aussi longtemps, elle rit.
— Je dors depuis combien de temps ?
——- réfléchit.
— Depuis que l'Empereur Namjoon m'a dit de veiller sur toi, ça doit faire toute la journée.
— C'est lui qui m'a ramené ici ?
— Je crois. Je venais d'arriver, et il m'a dit que tu avais besoin de te reposer, et que je serais la personne la mieux placée pour m'occuper de toi.
Véra se laissa retomber sur le matelas. Comment ils faisaient pour toujours avoir un coup d'avance ? Elle se redressa d'un bond.
— Il a parlé de cristaux ?
— Ah, c'est vrai ! Il m'avait dit de te dire qu'ils sont à leur place, et qu'il te souhaitait bonne chance, aussi.
Elle soupira. Rien que de penser au globe vierge de toute indication, un mal de tête lui venait. Son amie dut remarquer son trouble, car elle enchaîna sur un autre sujet :"
— J'ai ramené de la nourriture, t'en veut ? Il y a de tout. La tarte est pour moi par contre.
— Tu ne partages même pas avec une malade ?
— Si, mais tu n'es pas malade.
— Tu marques un point.
Après avoir mangé et rit pendant des heures, ——- se rappela du temps qui filait, et de la lune haute dans le ciel. Elle quitta à contre-cœur Véra, et elle se dépêcha de filer dans les vestiaires pour récupérer ses affaires.
Elle referma son casier avec son cadenas, ajusta son sac sur son épaule, et en sortant de la pièce, elle se cogna contre quelqu'un.
Elle se confondit en excuses, et quand elle releva la tête, ses mots se bloquèrent dans sa gorge. C'était celle qui avait mis en colère Véra. Elle lui fit le regard le plus noir qu'elle put, et elle se décala pour sortir, mais la blonde lui agrippa le bras.
— Où est-ce que tu crois aller ? Je n'ai même pas commencé à parler !
— Qu'est-ce que tu me veux ?
— Qu'as-tu fait à Véra pour qu'elle ne me parle plus ?
— Rien du tout enfin ! Elle ne te parle plus parce que tu l'as déçue.
— Ne me mens pas ! C'est un grand manque de respect envers moi, l'Élue !
— Élue ou pas, ça ne justifie pas ton comportement déplacé !
— Tu l'as manipulée ! Tu es jalouse de notre relation !
——- roula des yeux. Elle avait vite compris que cette discussion ne menait à rien.
— Laisse-moi passer, mes parents m'attendent.
— Tu ne vas pas t'en tirer comme ça ! Tu vas le regretter !
— Mais oui, bien-sûr. Laisse-moi passer maintenant.
Furieuse, Alice la poussa en arrière, et la jeune fille tomba sur le dos.
— C'est quoi ton problème ?
Elle lui serra la gorge, au point de laisser des marques rosées sur la peau hâlée de la brune.
— Mon problème, c'est toi. Laisse Véra tranquille, c'est clair ?
Elle se redressa, et elle quitta la pièce sans un regard.
Le souffle court, les yeux étonnés, ——- massa son cou endolori. Qu'est-ce qu'il venait de se passer ?
A des années-lumières de se douter de la scène qui venait de se dérouler, dans l'aile gauche du palais, Véra se dirigeait vers son bureau. Son corps avait apprécié la longue sieste après avoir été privé de sommeil pendant deux jours, et le repas partagé avec son amie lui avait fait plaisir, mais il fallait savoir se remettre au travail.
Pour accéder à sa tour, elle devait passer par le couloir assez particulier. Décoré par des tableaux qui commémoraient l'âme des morts pour la Révolution, elle se sentait toujours aussi étrange quand elle passait devant. Et comme d'habitude, elle prit soin de s'arrêter devant un en particulier.
Une femme blonde lui souriait, son sourire figé dans la peinture. Ses cheveux dorés lui arrivaient derrière le dos, et était habillée de vêtements simples. Pourtant, un médaillon luxueux décorait son cou.
Véra lui sourit en triturant son collier, qui ressemblait à deux gouttes d'eau à celui qui décorait le cou de la femme peinte.
— Ça va ? Moi, je dois t'avouer que je suis perdue. Le globe n'indiquait personne. Mais il y a forcément une explication, n'est-ce pas ? Les prophéties disent toujours vraies. Ne t'inquiète pas, je finirai par trouver l'Élue. Je ne permettrais pas que Kaon, elle grimaça en prononçant son nom, reprenne le pouvoir encore une fois. Personne ne mérite ça. Elle fit un geste de la tête pour chasser les idées qui commençaient à affluer de partout.
J'ai du travail qui m'attend. Bonne nuit, maman.
Elle monta les marches, et elle arriva dans son bureau, où un homme l'attendait.
— Bonsoir Véra, bien dormi ?
— Oui, merci. Je peux vous aider ?
L'empereur Namjoon, car c'était lui, sourit.
— C'est à moi de dire ça. Du nouveau sur l'affaire ?
Elle soupira, et elle s'assit sur son fauteuil.
— Le globe n'a trouvé personne sur Terre qui correspondait aux critères. Où est-ce qu'elle se trouve ?
— Garde ton sang-froid. Il tira sur un tabouret en bois et il s'assit en face du bureau. Reprends depuis le début. Alice est-elle l'Élue ?
— Non, bien sûr que non.
— Pourtant, tu as bien cru que c'était elle, n'est-ce pas ?
— Oui, j'y ai cru.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas. Elle correspondait aux critères que j'avais, elle semblait avoir une prédisposition pour la magie... J'étais si heureuse de l'avoir trouvé. Et vous aussi ! Vous auriez dû voir la tête de l'Empereur Ho Seok quand les cristaux de la ville ont sonné ! Il rayonnait de bonheur.
L'Empereur lui sourit d'un air amusé.
— Pourquoi vous souriez de cette manière ? Le palais tout entier était heureux quand le ciel- Véra s'arrêta en plein milieu de sa phrase. Elle se tourna vers la fenêtre, mais les rideaux étaient tirés. Ça ne l'empêcha pas de savoir la teinte du ciel.
— "À son arrivée, Tarbamo tout entier espérera... "
—" ... le ciel changera et les cristaux sonneront." Elle n'apparaît pas sur Terre, parce qu'elle est ici ?! L'Élue est l'une des passagères des trains lunaires ?!
Il sourit, et il sortit, laissant Véra, le cerveau en ébullition.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro