Chapitre 1: Tarbamoon SpaceRail ✦
Une minute.
Une quinzaine de minutes.
Une trentaine de minutes.
Une heure.
Une heure était déjà passée et ——- n'avait encore rien écrit.
La feuille blanche sur son bureau la narguait, se moquant de son manque d'inspiration.
——- souffla, se leva de sa chaise et alla se chercher un en-cas.
Aucune idée ne lui venait en tête.
Pourtant, elle s'y connaissait, en écriture de livre.
Malgré le fait qu'elle soit âgée de seize ans, elle en avait déjà écrit deux. Un livre marchait mieux que l'autre, elle faisait des petites interviews mais sans réel impact.
Mais elle voulait marquer les esprits, ——- voulait que ses œuvres soient traduites dans le monde entier.
Alors quand son éditeur voulut un nouveau roman, elle se jura que celui-ci sera un best-seller, un roman dont on se souviendra toute sa vie.
Mais voilà, elle n'avait pas d'idée.
Elle voulait un livre original, avec son propre univers et ses propres codes, un livre où tout le monde pourrait s'identifier.
La tête pleine d'idées et de pensées en tout genre, elle se fit une tasse de thé au jasmin avec deux sucres.
Lorsqu'elle était perdue dans ses pensées, elle était dans un autre monde.
Elle mélangea le liquide ambré, but une gorgée, et soupira.
——- ne savait même pas de quel genre serait son prochain livre. Une romance ? Elle n'avait eu aucune relation amoureuse. De la science-fiction ? Non, ça ne l'inspirait pas du tout. Peut-être un recueil de poésies alors. Mais si ——- avait une jolie plume, les poèmes qu'elle avait essayé d'écrire ne lui rendait pas justice.
Elle s'assit sur la chaise de la cuisine. La maison était vide, comme d'habitude. Ses parents étaient divorcés depuis un an. Son père était parti à l'autre bout du monde, et sa mère détestait rester dans un endroit qui lui rappelait son ex-mari.
Alors elle était tout le temps absente, laissant sa fille livrée à elle-même.
Des fois, elle aimerait s'échapper, et partir dans un autre monde.
Un autre monde.
UN AUTRE MONDE.
Mais oui, c'était évident ! Elle n'avait qu'à en créer un, de monde !
Elle posa brusquement sa tasse sur le plan de travail de sa cuisine, laissant quelques gouttes du liquide ambré s'échapper pour courir à l'étage.
Un autre monde. Plus facile à dire qu'à Il fallait imaginer , d'autres cultures, peut-être même une
Elle lui trouva rapidement un nom en mélangeant ses lettres de l'alphabet préférées.
Elle adorait sa sonorité, sa façon de couler entre les lèvres, son écriture.
Tarbamo.
Elle travailla sur son monde pendant des semaines, en s'inspirant de ses rêves, de ses rencontres, de ses films favoris.
Et au bout d'un mois, il fut enfin prêt. Prêt à être habité.
Et ——- mourait d'envie d'y aller. Elle passait des heures à imaginer comment elle s'amuserait dans les prairies de Tarbamo.
Son univers fini, elle rangea son bureau soigneusement, ferma son carnet d'écriture, empila les fiches personnages qu'elle n'avait pas encore utilisés, et elle partit se coucher.
Elle commencera l'écriture demain.
Le sourire aux lèvres, elle s'endormit pelotonnée dans sa couverture lilas, s'évadant dans son monde imaginaire.
Mais son repos fut de courte durée.
Des petits coups frappés à sa fenêtre la réveillèrent quand elle comprit qu'ils ne provenaient pas de son rêve. Même si elle mourait d'envie de retourner dans les bras de Morphée, sa curiosité prit le dessus et elle se dirigea vers l'origine des bruits réguliers, après avoir enfilé ses pantoufles à pompon.
En levant les volets, elle fit mille et une théorie sur la provenance de ces sons.
Mais aucune n'égalait la réalité.
En ouvrant la fenêtre, ——- était nez à nez avec une grande structure métallique lumineuse qui ressemblait étrangement à un train. Et à l'intérieur, une jeune femme en uniforme était accroupie, prête à retoquer contre la vitre.
En la voyant, la jeune femme s'illumina d'un grand sourire et demanda d'une voix claire : " Etes-vous bien ——- —— ? Je me présente, je m'appelle Marie et je suis ravie de pouvoir vous accompagner pendant ce trajet! "
Et elle tendit la main, pleine de bonnes intentions.
Mais ——- ne répondit pas, en état de choc. Son cerveau tournait à plein régime, cherchant désespérément un sens à la scène farfelue.
Comment ce train, si c'en était bien un, pouvait se trouver devant sa fenêtre ? Il n'y avait aucune installation spécifique devant sa maison !
Et cette femme, pourquoi agissait-elle comme si cela était normal ?
——- la détailla attentivement du regard, cherchant une faille dans ce qu'elle voyait.
Elle avait une coupe de cheveux très courte, mais quelques boucles dépassaient de son képi bleu marine. Ses habits semblaient neufs et lui allaient très bien. Le bleu faisait ressortir son sourire étincelant. Elle souriait beaucoup tout de même. Beaucoup trop pour que ça soit normal, à son humble avis. Et puis, comment connaissait-elle son prénom ? ——- était certaine de n'avoir jamais rencontré cette personne. Cette histoire était très louche.
Maintenant, l'être surnaturel faisait des signes étranges avec sa main, la passant devant ses yeux, comme pour essayer d'avoir son attention.
Mince.
Elle devait encore être perdue dans ses pensées.
Elle se ressaisit rapidement, et toussa pour se redonner contenance.
Autre sourire beaucoup trop suspect.
"Excusez-moi, mais que faites-vous devant la fenêtre de ma chambre ? "
Le sourire s'élargit et Marie prit la parole.
"Eh bien, vous avez un aller à votre nom pour Tarbamo. Elle fouilla ses poches et sortit un petit calepin jaune ; c'est noté ici que vous avez effectué 1767 demandes au total avant que nous puissions vous réserver ce billet. Excusez-nous d'ailleurs pour l'attente, mais vous savez, en cette période, c'est difficile d'avoir une place rapidement."
Non, ——- ne savait pas.
Pourquoi cette inconnue lui parlait de Tarbamo, de son monde imaginaire ? Et de quelles demandes parlait-elle ? Cela n'avait pas de sens.
Comme si elle avait lu dans ses pensées, la jeune femme lui expliqua le système des demandes. A chaque fois qu'elle pensait très fort à Tarbamo et d'à quel point elle voulait s'y rendre, une demande à son nom s'affichait et elle était sur une file d'attente pour obtenir son billet de train lunaire.
C'était impossible.
Et pourtant, le train était bien là, en face d'elle. Et cette femme avait tout ce qu'il y avait de plus vrai.
Elle avait beau y réfléchir, elle ne voyait pas de solution logique à tout l'illogisme de la scène.
Fatiguée d'avoir autant cogité en aussi peu de temps, elle salua rapidement Marie, ferma la fenêtre au nez de la jeune femme et elle se remit au lit. Elle ferma les yeux, et elle se rendormit.
Le lendemain, elle se réveilla de bonne heure, prit son petit-déjeuner seule, et monta dans sa chambre, prête à écrire l'œuvre de sa vie.
Elle devait se concentrer.
——- alluma son ordinateur, mis en route une playlist, et ouvrit le logiciel de traitement de texte.
Une minute, une quinzaine de minutes, trente minutes étaient passées et ——- n'avait toujours rien écrit.
La seule chose à laquelle elle pouvait penser, c'était l'étrange apparition d'hier soir.
——- soupira lourdement.
Elle avait surement rêvé cette rencontre, alors pourquoi elle se mettait dans des pareils états ?
Son regard balaya son bureau, et un bout de carton retint son attention. C'était la carte de visite de Marie.
Dessus, était écrit ses horaires. Apparemment, elle allait revenir dans dix jours sur Terre, à la même heure que la dernière fois.
Elle n'avait donc pas rêvé ?
Alors comment expliqué l'étrangeté de la situation ?
Tarbamo était le pur fruit de son imagination, il ne pouvait pas exister ?
Mais pourquoi c'était aussi réel ?
Quelque part dans les notes de son téléphone, elle avait écrit les différentes manières d'aller à Tarbamo et le train lunaire en faisait partie. Il était même la plus pratique des façons.
Et il y en avait eu un devant sa fenêtre.
——- se remit en place devant son ordinateur. Elle essaya d'écrire mais rien à faire.
Elle soupira, et s'allongea sur son lit.
La semaine passa, et elle n'avait toujours pas écrit la moindre page.
Le soir où Marie devait arriver, ——- l'attendait de pied ferme.
Elle devait tirer les choses au clair.
Cette fois, la fenêtre était ouverte quand le train lunaire arriva.
Les portes coulissèrent devant ——-, et Marie apparut, avec le même sourire que la première fois.
— Pour être honnête, je ne pensais pas que tu changerais aussi vite d'avis !
——- haussa les épaules dans un sourire gêné.
— Et pourtant je suis là ! Fais-moi vite monter avant que je ne change d'avis, elle plaisanta.
Marie s'empressa de lui tendre la main et de l'aider à grimper, tout sourire.
Cette terrienne était plutôt sympathique, si on apprenait à la connaître.
Quelques efforts plus tard, ——- se trouva en pyjama lapin dans le Tarbamoon SpaceRail, le train lunaire à "la pointe de la mode" selon les dires de sa nouvelle amie, fière de son lieu de travail.
La première chose qu'elle remarqua aussitôt, c'était l'odeur fleurie qui était diffusée un peu partout dans le train.
Ensuite, c'était le sol. Il était interactif, à chaque pas que les jeunes femmes faisaient pour rejoindre le siège réservé de ——-, il changeait de couleur et de motif.
Elles slalomèrent dans une allée de banquettes bariolées qui leur faisait face, dans un couloir qui devait sûrement mener à la cabine du pilote. Et sur chaque siège, un nombre était inscrit d'une calligraphie différente. Ils n'avaient pas de rapport apparent entre eux, un siège rose à paillette numéroté quinze était le voisin d'un siège vert bouteille numéroté avec un chiffre à virgule. Mais malgré la quantité de couleur et de texture, tout s'harmonisait presque parfaitement.
Leur petite balade à travers le train s'arrêta en face d'un siège assez sobre, de couleur bleu ciel. Il était indiqué dessus le numéro sept cent soixante-sept.
Ravie d'avoir un siège de sa couleur préféré, —- s'assit aussitôt dessus, attendant les autres consignes de Marie.
Elle apprit que le trajet durait vingt-sept minutes, que le train traversait deux portails seulement durant tout le trajet, cela semblait être un exploit, vu la fierté dans le ton de l'employée, aussi, —— hocha vigoureusement la tête d'un air intéressé.
Marie dut regagner son poste car le train allait redémarrer. Après quelques conseils pour s'attacher, elle laissa sa nouvelle amie perdue dans toutes ses sangles non sans un sourire.
Après avoir réussi par je-ne-sais quel miracle à être un semblant accroché à son siège, ——- entendit une voix qui résonna dans tout le train.
"Mes chers passagers, nous allons effectuer le trajet Terre-Tarbamo. Nous vous remercions d'avoir choisi la compagnie Tarbamoon SpaceRail. Nous allons partir dans environ et précisément quatre secondes, et sept centièmes. Veuillez être attachés."
Une sorte de cloche tinta et ——- eut un long frisson d'excitation qui remonta jusqu'à sa nuque.
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