CHAPITRE 6
MERCREDI 16
JANVIER 2019
Une semaine passa depuis l'après-midi à la patinoire. Nous étions donc le seize janvier. Les décorations des fêtes de fin d'année commençaient à disparaître des balcons et des fenêtres des habitations. Les vitrines des magasins allaient les garder jusqu'à la fin du mois pour continuer dans l'esprit de Noël. Les festivités terminées, la ville tombait dans la période où l'hiver paraissait morne et glacial. Celui qui mettait le moral à zéro, celui dont tout le monde espérait voir la fin pour ressentir la chaleur du printemps. Celui-ci était encore bien loin.
Ce ras-le-bol général se faisait sentir dans l'humeur des gens, principalement chez les personnes âgées qui venaient se plaindre aux serveurs de l'Antique à propos de leurs os rouillés par leur froid. Il y avait aussi les parents qui n'en pouvaient plus de voir leurs enfants enfermés toute la journée sans aller se dépenser. Quand ils rentraient du boulot, épuisés et démoralisés, ils retrouvaient leurs enfants excités qui se chamaillaient pour un oui ou pour un non. C'était étonnant comme le temps pouvait avoir un impact sur le moral des gens.
Cela se ressentait encore plus chez les employés de l'Antique. Les clients étaient d'une humeur massacrante, ne faisant aucun effort pour les respecter alors qu'ils devaient paraître tout sourire. Caoimhe était habituellement une personne positive, mais à ce moment là c'était trop. Elle venait de se faire crier dessus par une mère qui ne savait pas tenir son gosse. Ce dernier avait renversé sa tasse sur la serveuse et s'était mis à pleurer.
- Qu'est ce qu'il vous prend de le faire pleurer comme ça ?! avait hurlé la mère qui payait au comptoir, allez chercher une éponge au lieu de rester plantée comme ça ici !
Rouge de honte et de rage de s'être faite reprendre comme une enfant de cinq ans, Caoimhe alla allée chercher une éponge en grinçant les dents. Magalie qui avait assisté à la scène vint essuyer la boisson renversée à sa place, laissant la jeune femme encaisser sa cliente. Elle savait comment gérer ce genre de situation avec beaucoup de patience.
Julian était dans le bureau du gérant pour négocier un jour de congé quand la scène s'est déroulée à l'étage inférieur. Il arriva après la crise et aida Magalie à calmer Caoimhe qui hurlait dans la partie réservée au personnel.
- Non mais vous vous en rendez compte ? Elle m'a traitée comme un chien ! Non mais la blague, elle sait pas tenir son monstre en laisse et c'est ma faute s'il court partout dans le café ! Il avait qu'à regarder où il allait le p'tiot ! Comment je fais maintenant ? J'ai les collants trempés, pas de tenues de rechange !
Ses collègues mirent une bonne dizaine de minutes avant de la faire redescendre de ses grands chevaux. Ils l'aidèrent à essuyer ses chaussures tachées de chocolat chaud et à éponger ses collants. Julian lui conseilla d'aller s'asseoir à une table et de se reposer un peu. Caoimhe grogna avant de prendre un livre dans son sac pour s'installer dans un des canapé.
Cela faisait maintenant plus de deux heures qu'elle était au café et l'humeur affreuse des clients l'avait contaminée. Elle tentait de relativiser mais entre les résultats des partiels qui la stressaient, la vidéo qu'elle avait dû bâcler pour la rendre dans les temps, l'étudiante n'en pouvait plus. Elle détestait terminer un travail sans passer plusieurs jours dessus. Même si elle n'aimait guère le résultat, elle était fière de ce qu'elle avait créé. Seulement, sur cette vidéo, Caoimhe n'aimait pas ce qu'elle avait produit et elle n'en était pas fière non plus. Elle était fatiguée. Cette période de l'année était difficile pour la jeune femme.
La jeune brune tenta de relativiser la situation et de se détendre avec des exercices de respiration comme sa mère lui avait appris étant jeune pour oublier ses cauchemars. Une inspiration lente et profonde puis une expiration au même rythme. À répéter plusieurs fois. Cela l'avait toujours calmée et aidée dans les périodes de stress intense. Caoimhe pensa à appeler une de ses amies qu'elle connaissait depuis le lycée mais elles devaient toutes être en train de travailler. L'étudiante était assez triste de ne plus les voir aussi souvent que l'année dernière. Ils s'étaient installés un petit rituel : une soirée tous ensemble chaque samedi. Seulement le rythme des études et l'emploi du temps de chacun ne leur permettaient plus ce plaisir. Ils commençaient tous à s'éloigner.
Caoimhe sortit son téléphone portable de sa poche pour envoyer un message à Victoire. Elle savait que celle-ci ne tarderait pas à arriver. Justement, un tintement signala l'arrivée d'un nouveau client, ce qui fit lever la tête de la jeune femme. Elle espérait que ce soit son amie. Elle fut un peu déçue de voir que ce n'était que Bastien. Caoimhe l'aimait bien mais elle aurait préféré parler de son état à la blonde.
Le brun la remarqua au fond de la salle et lui sourit de toutes ses dents. Il savait qu'elle serait ici cet après-midi alors il avait voulu venir la saluer puisqu'il n'avait rien à faire. Bastien aimait beaucoup la jeune femme, ils s'entendaient bien. Ses petites manies décalées le faisait rire. Il commanda deux chocolats chauds avec des chamallows et alla rejoindre son amie. Celle-ci se leva à son arrivée pour lui faire la bise.
- Alors comment ça va ? On ne s'est pas revu depuis samedi au bar. Il y avait tes amis ?
- On fait aller. Ouais, ce sont ceux du lycée mais je ne les vois plus trop.
- Je vois. Tu n'es pas du coin aussi.
- C'est sûr, on est éparpillés aux quatre coins de la France. Il n'y a que de Paul et Amélie ici. Vous avez la chance d'être de la région.
- Ouais, il n'y a que les filles qui sont à presque une heure de route d'ici. Elles étaient déjà à l'internat au lycée.
- Vous vous connaissez depuis longtemps ?
- J'ai grandi avec Victoire jusqu'à ce qu'elle déménage à la campagne au collège mais on s'est retrouvé au lycée. Puis je lui ai fait rencontrer Léo.
- Et Susie et Margot ?
- On a rencontré Susie en première. C'était l'amie de Léopold et vu qu'il s'est rapproché de Vic', on a commencé à traîner ensemble. Margot est la meilleure amie du collège de Vic'.
Les deux jeunes gens discutèrent chaleureusement. Julian vint leur déposer leurs boissons et repartit sans un mot au comptoir mais il ne manqua pas de lancer un clin d'oeil à sa collègue. Celle-ci lui répondit avec une grimace avant de répondre à Bastien avec un grand sourire. Le jeune homme lui avait fait oublier sa mauvaise humeur assez rapidement avec une ou deux blagues.
Quand Victoire arriva au café, elle remarqua ses amis entrain de discuter gaiement. Elle sourit. Dès le premier jour, elle avait remarqué les regards que Bastien jetait à Caoimhe. La blonde comptait bien aider son meilleur ami à séduire la jeune brune. Avant cela, elle préférait les embêter et les taquiner. Cela faisait un mois que le brun tournait autour de la brune, un mois qu'elle le charriait avec ça.
La blonde alla saluer Magalie et lui commanda un cappuccino. Les deux étudiants ne l'avaient pas remarquée, trop concentrés dans leur conversation. Sa boisson chaude entre les mains, elle les rejoignit. Victoire s'assit à côté de Bastien qu'elle obligea à se décaler un peu. Elle était très contente du grognement qu'il avait laissé s'échapper de sa bouche à son arrivée. Le chasseur était perturbé dans sa quête.
- Oh ! Victoire ! On parlait de toi justement. Bastien me racontait des anecdotes croustillantes à ton sujet !
- Sérieux ? Qu'est ce qu'il a dit ?
- Alors, commença Caoimhe en lança un regard taquin à Bastien, à ce qu'il paraît tu lui as foutu un râteau en CM1. Ça avait blessé son ego de séducteur.
Victoire éclata de rire avec la brune et donna un coup de coude à Bastien qui souriait nerveusement. Il n'aimait pas la manie de la blonde à s'incruster partout. Il savait qu'elle avait un charisme fou mais il avait l'impression qu'elle s'amusait à l'utiliser machiavéliquement. Comme elle le faisait actuellement. Il avait l'impression que Caoimhe n'avait d'yeux que pour elle même si elle lui jetait des regards assez souvent. Victoire la faisait rire mais il préférait quand c'était lui. Le jeune homme tenta de faire des allusions pour que la blonde les laisse à deux comme "Tu n'as pas tes cours à réviser ? Je te croyais en train de crouler dessous". Ce à quoi elle répondait "Il faut bien que je me détende sinon ça ne servirait à rien".
Au bout d'un moment, Victoire se leva, s'étant assez amusée de la situation.
-Je pense que je ferais mieux de vous laisser. Je dois retourner à mes études et vous aviez l'air de bien vous amuser tous les deux.
Elle finit sa phrase en lançant un clin d'oeil à Caoihme qui sentit ses joues rosir. Celle-ci retourna rapidement sa tête du côté de Bastien après avoir saluer la blonde de la main. Le jeune homme relança directement la conversation qui dura encore une bonne demi-heure. Leur petite bulle se brisa une nouvelle fois quand Magalie lança le code noir. La quinquagénaire agita un torchon pour signaler à sa collègue que leur supérieur descendait les escaliers. Caoimhe se leva précipitamment pour donner l'impression de donner débarrasser la table. Bastien l'attrapa par la manche et lui embrassa fortement les deux joues avant de la remercier de l'agréable moment qu'il avait passé en sa compagnie. Caoimhe gênée, hocha de la tête en souriant avant de retourner au comptoir.
Le jeune homme regarda, les sourcils froncés, le gérant qui donnait des ordres ou des commentaires malsains à ses employés sans aucun tact. Caoimhe lui avait déjà expliqué son comportement et il trouvait cela irrespectueux envers elle et ses collègues. Il n'avait aucun droit de les traiter comme des animaux mais bon la jeune femme ne semblait pas en souffrir plus que ça. Il lui lança un dernier regard et quitta l'Antique.
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