CHAPITRE 5
MERCREDI 9
JANVIER 2019
La patinoire était tout de même un lieu assez étrange. La plupart du temps on y allait en hiver pour s'occuper mais cela revenait à faire la même chose que si on se promenait dans les rues : glisser sur de la glace. Pourquoi s'embêter à payer un ticket alors que l'on pouvait patiner sur les flaques d'eau ? C'est vrai que même si elles étaient glacées, il était assez difficile de glisser dessus car ce n'était qu'une fine couche d'eau gelée.
Aller à la patinoire est quand même quelque chose de génial. Quand tu es avec des amis, tu peux rire de ceux qui n'ont pas d'équilibre, entre amoureux, un des deux peut jouer le rôle de celui qui n'a jamais mis les pieds dans des patins mais aussi seul, pour s'entraîner ou laisser aller son esprit en regardant les personnes douées réaliser leurs figures artistiques.
À ce moment-là, Caoimhe faisait partie de plusieurs groupes. Elle s'amusait et riait des autres mais elle-même ne tenait pas sur des patins. La brune arrivait tout juste à rester debout en se maintenant aux barrières tandis que ses partenaires faisaient des tours de piste.
Victoire et Léopold étaient synchronisés. Ils se déplaçaient en harmonie et tournoyaient l'un autour de l'autre avec grâce. Avant d'arriver à la patinoire, Caoimhe avait cru comprendre qu'ils avaient passé beaucoup de temps ici au début de leur relation. Et puis Léo avait fait du hockey sur glace, étant petit.
La jeune femme restait donc appuyée sur les barrières en acier qui longeaient la glace, à observer ses camarades. Susie n'était pas la plus à l'aise sur des patins mais arrivait à enchaîner les tours tandis que Margot glissait en marche arrière la tête haute. Caoimhe les encourageait et riait aux grimaces de Bastien ou à ses tentatives de figures maladroites. Malgré cela elle se sentait à part face à ce groupe d'amis qui se connaissaient depuis longtemps. Elle avait l'impression d'être incrustée sans vraiment l'être. Elle avait beau échanger des messages régulièrement avec Victoire et Bastien, ce n'était pas pour autant qu'elle se sentait intégrée.
Ce dernier vint vers elle, grand sourire.
— Alors, tu ne patines pas ?
— Mes jambes ne veulent pas m'aider, répondit Caoimhe en désignant ses jambes croisées.
— Allez, viens je vais t'aider.
— Le cliché est beaucoup trop présent."
Bastien leva les yeux au ciel et poussa la brune sur la patinoire. Celle-ci, pour tenter de garder son équilibre, plia les genoux et écarta les bras, ce qui fit rire son ami.
— Même une grenouille a plus de classe, rit-il.
Caoimhe lui lança un regard noir et voulu avancer vers les barrières pour retrouver son coin. Seulement, le brun l'en empêcha et la tira jusqu'à milieu de la patinoire par les bras tandis qu'elle hurlait qu'il allait trop vite.
— Espèce de cinglé ! On va faire une infraction au code de la glace ! Fais gaffe il y a un gosse qui passe ! Chauffard il y a des handicapés ici !
Leurs amis s'étaient rassemblés autour d'eux et riaient de bon cœur. La scène était particulièrement drôle : Caoimhe qui hurlait et se dandinait alors que ses fesses touchaient quasiment le sol et Bastien qui tirait la jeune femme par les bras, le dos courbé, tout en regardant derrière lui. Il l'entraîna dans un tour de piste à l'allure d'un escargot empoté. Un petit garçon passa à côté d'eux et se moqua de la jeune femme.
Caoimhe grogna et lâcha Bastien pour rejoindre le bord en lui disant que c'était trop dur. Le parcours était très difficile : deux mètres les séparaient et personne ne semblait y patiner. La jeune femme devait tout de même y arriver, mais le destin en avait décidé autrement. Elle perdit l'équilibre, voulut se rattraper à quelque chose en tendant les bras dans tous les sens et elle se retrouva à glisser à plat ventre jusqu'à sa destination. Cet obstacle fut bien trop important pour elle...
Victoire accourut, du moins patina le plus rapidement possible vers son amie, suivie de Léo et Bastien. Les deux autres jeunes femmes restèrent un peu en arrière. La blonde s'accroupit près de Caoimhe pour voir si elle n'avait rien. Celle-ci grognait et se frottait les genoux.
— On peut prendre des cours de patin ? Mon niveau est clairement nul et désespérant, demanda-t-elle.
— J'ai essayé de t'en donner, répliqua Bastien qui l'aidait à se relever, mais tu n'avais pas l'air consentante.
— Mais t'allais hyper vite ! Puis tu m'as prise au dépourvu...
— Cao', il allait moins vite qu'un escargot handicapé, rit Victoire.
— Ouais, ouais mais quand même !
— Wow ! Quel argument ! Et ça se dit future journaliste, la charia le brun.
— Chut, je te laisse dix minutes pour arriver à me faire aimer le patinage mais en silence !
— Tu veux pas plutôt arrêter et qu'on aille se poser dans un café ? Tu viens de faire une sacrée chute, s'inquiéta Léopold.
— Non, non c'est gentil mais ne t'inquiète pas, je ne suis pas en sucre.
Caoimhe se tint aux barrières en attendant que tous rejoignent la piste. Bastien resta près d'elle et l'attira sur la glace pour commencer à la faire patiner. Elle se tint à lui par les épaules et ils firent un tour de piste en position de la chenille. Le jeune homme lui montrait les mouvements qu'il fallait avoir avec les jambes, il lui expliqua qu'il fallait plier un peu les genoux et fixer un point fixe pour avoir de l'équilibre. "Comme lorsqu'on fait du vélo", avait-il dit. Le pari fut tenu et la brune se réconcilia quelque peu avec le patinage et son manque d'équilibre.
La petite troupe décida de partir peu de temps après cette étude pour aller dans un café et boire quelque chose qui les réchaufferait. Caoimhe avait négocié pour trouver un autre endroit que l'Antique afin d'éviter son patron, mais après plusieurs recherches, ils ne trouvèrent guère d'autres établissements. Tout un plan fut alors monté pour plus ou moins dissimuler la jeune femme aux yeux du gérant même s'il y avait peu de risque qu'il ne descende de son perchoir.
Les deux employés du café virent arriver le groupe d'amis et reconnurent Victoire mais ne lui prêtèrent pas plus d'attention au premier regard. Seulement, Magalie vit bien que quelque chose clochait et que c'était étrange qu'un des membres ait un manteau fermé jusqu'au dessus, une paire de lunette teintée ainsi qu'un bonnet enfoncé le plus possible, ne laissant dépasser aucun cheveu. Caoimhe avait la tête enfoncée dans ses épaules et évitait de regarder vers ses collègues. Mag', loin d'être dupe, vint prendre la commande de la petite tablée.
— Et pour toi Cao', ça sera quoi ? Une chirurgie du visage pour ne pas te faire reconnaître ?
— C'est si cramé que ça ? répondit la jeune femme avec les yeux grands ouverts.
— C'était surtout loin d'être discret.
— Argh, tu penses qu'il va descendre ? demanda Caoimhe en enlevant sa paire de lunette et la tendant à Susie.
—Tu as de la chance, il a déjà fait son petit tour dix minutes avant que vous n'arrivez. Je pense que vous avez jusqu'à dix-sept heures trente. C'est l'heure à laquelle tu lui avais dit que tu revenais, ça devrait le faire. Bon tu veux quoi ?
— Merci ! Un chocolat chaud ça ira, elle ajouta en chuchotant, il reste des marshmallows dans mon casier tu peux les mettre dedans ? Merci !
La quinquagénaire repartit en lui faisant un clin d'œil. La jeune femme put ranger son bonnet dans son sac et ébouriffa ses cheveux courts.
— Mission anti-patron réussie à moitié alors, rit Victoire.
— Il fallait pas s'attendre à un grand succès aussi.
La petite troupe partit dans des discussions animées. Ils remarquèrent à peine quand Magalie leur apporta leurs boissons. Caoimhe les observa. C'était une chose qu'elle faisait tout le temps sans vraiment s'en rendre compte : elle s'arrêtait de parler et étudiait chaque geste des personnes autour d'elle. Elle remarqua le tic de Victoire qui passait sa main dans ses cheveux blonds toutes les deux minutes, le haussement de sourcil gauche quand Léopold parlait, le fait que Margot ne pouvait s'empêcher de toucher à son téléphone, la manie constante de Bastien à jouer avec la serviette ou Susie et les plis au coin de ses yeux quand elle souriait. Ils avaient tous un petit truc qui les démarquait les uns des autres comme Bastien et son étoile ou Vic et son sourcil droit coupé en deux à cause d'une brûlure.
Vers seize heures, Margot dut partir pour un rendez-vous. Elle n'avait pas fait beaucoup d'effort pour essayer d'apprécier Caoimhe mais celle-ci se disait qu'elle avait peur d'être remplacée. Elle comprenait ce sentiment qu'elle avait souvent eu avec son groupe du lycée. Le couple partit peu de temps après car Victoire devait réviser. Elle fit signe à la brune qu'elle l'appellerait puis ce fut au tour de Susie de rentrer. Elle serra Cao' dans ses bras avant de quitter les lieux et celle-ci fut assez surprise et gênée.
La brune se retrouva seule à seul avec Bastien peu de temps avant de reprendre son service. Ils eurent une longue discussion et Caoimhe remarqua bien qu'il lui envoyait souvent des petites perches pour la taquiner ou la complimenter.
Ils purent parler de la recherche d'un correspondant étudiant en Angleterre. Bastien lui donna plusieurs contacts avec des recommandations pour chacun : ce n'était pas ses amis mais ils les voyaient tout de même assez souvent lorsqu'il montait à Londres pour ses études. Il commençait à bien les connaître.
Quand la serveuse dut retourner à son travail, Bastien lui donna son numéro. "Ça sera plus pratique pour discuter que par Instagram" avait-il dit. Elle l'avait remercié et il était ensuite parti. Caoihme avait beaucoup apprécié passer cet après-midi avec lui. C'était dommage qu'elle n'ait pas pu parler plus que ça avec Victoire, sachant que c'est elle qui l'avait invitée... La brune se nota qu'elle l'appellerait pour une fois, elle avait prit la mauvaise habitude que ce soit son amie.
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