MERCREDI 2
JANVIER 2019 

Les flocons tombaient drus ce deux janvier-ci. Il était rare d'avoir autant de neige en janvier pour cette petite ville. Dès lors que cela arrivait, c'était la panique et la vie citadine était complètement gelée. Les transports en commun ne passaient plus, même si c'était pendant les vacances, personne ne pouvait se rendre à son lieu de travail. C'est fou comme un simple manteau blanc pouvait paralyser une ville entière. Bien sûr les plus jeunes étaient aux anges : deux semaines de repos et la possibilité de s'amuser dans la neige fraîche.

Les parcs étaient remplis d'enfants faisant des batailles de boules de neige, construisant des bonhommes de neige ou des igloos.

Malheureusement Caoimhe ne pouvait guère profiter de ce temps, elle avait la tête dans ses révisions pour les partiels qu'elle passait la plupart du temps au café à travailler. Pour combler le tout deux professeurs leur avaient donné un projet à rendre dans la période qui suivait les épreuves. Elle aurait aimé se promener dans les rues, flâner dans les boutiques et se balader dans les parcs à regarder les enfants s'amuser.

La jeune femme regarda sa montre, elle avait déjà plus d'une demi-heure de retard. Il fallait qu'elle se hâte au lieu de rêvasser à côté du parc aménagé à l'anglaise. Caoimhe hâta le pas pour rejoindre l'Antique qui se trouvait dans la rue voisine derrière l'église. Tout en se déshabillant devant les casier réservés au personnel du café, elle réfléchit à une excuse qu'elle pourrait donner à son chef s'il la questionnait sur son retard. Elle fut toute trouvée : transport en commun encombré.

La brune fut rapidement tirée de ses pensées quand elle mit les pieds dans la salle : ses collègues étaient en pleine course folle alors qu'elle rêvassait dans son coin. Quelle gourde ! Elle aurait dû penser que toute la ville serait venue se réfugier dans l'Antique avec le froid et la neige à l'extérieur. Le café était bondé.

Les mouvements de Magalie et Julian étaient devenus aussi mécaniques que des robots. Ce dernier était derrière le comptoir a enchaîné les préparations de cafés et chocolats chauds ajoutant une viennoiserie de temps en temps sur le plateau que Mag' allait emporté jusqu'à la table des clients. Celle-ci se déplaçait rapidement et légèreté, avec toutes ses années de travail dans l'établissement la quinquagénaire maîtrisait à présent à la perfection le maintien des plateaux dans ses mains. Cela impressionnait toujours Caoimhe.

La brune s'avança pour venir en aide à ses collègues. Cela faisait un an et demi qu'elle travaillait ici mais ce n'était pas pour autant qu'elle avait acquis la facilité de Magalie à se déplacer aussi aisément. Le rush dura jusqu'à quinze heures mais les serveurs savaient que cela reprendrait une ou deux heures plus tard à l'heure de sortie du travail généralement. Il y aurait plus de personne pressée de rentrer chez elle après une grosse journée que de grand-mères avec leurs petits-enfants.

Les trois employés de l'Antique s'installèrent sur les chaises hautes à leur disposition derrière le comptoir et commencèrent à discuter puisqu'ils n'en avaient pas réellement eu le temps. Caoimhe sortit aussi un cahier et un stylo pour préparer un devoir qu'elle devait rendre après les partiels. Elle avait beau être en vacances elle était submergée par ses révisions. Julian l'interrogea là-dessus :

— On t'a vraiment donnée une vidéo à réaliser en plus de tes partiels à réviser ? s'offusqua-t-il alors qu'il sortait lui aussi des feuilles pour réviser.

 — Ils vont vous tuer à la tâche, ajouta Magalie.

 — Le pire c'est qu'il faut que j'ai des témoignages de personnes étudiant en Angleterre et je n'ai absolument pas le temps d'y aller. Je dois trouver quelqu'un qui aurait des contacts.

 —  Je suis désolé mais je n'ai pas eu de devoir lié à l'Angleterre. C'était plus centré sur les États-Unis ou l'Allemagne.

 — Je ne suis pas dans la merde..."

La plus âgée lui tapota l'épaule en guise de soutien tandis qu'elle se levait pour débarrasser une table. Les deux étudiants travaillèrent chacun de leur côté. Julian apprenait des tonnes de fiches tandis que Caoimhe rédigeait la première partie de son devoir. Celle-ci était simple car elle portait sur les étudiants en France, il lui avait fallu seulement une demi-heure pour le témoignage. Il ne lui manquait plus que celle des étudiants au Royaume-Uni. La brune avait fait une petite liste des étudiants qui pourrait avoir potentiellement des contacts en Angleterre.

Caoimhe alterna révisions, écriture et service jusqu'à ce que Victoire arrive vers seize heures. Tandis qu'elle préparait la commande son amie, Magalie vint lui souffler à l'oreille :

— Je pense que tu as le temps de rester un peu avec elle, Julian et moi avons déjà eu notre pause. C'est ton tour.

Caoimhe remercia son amie avec un sourire et finit de remplir une deuxième tasse de café. Elle rejoignit Victoire assise à sa table habituelle et s'installa en face.

— Ça va ? Tu n'avais pas l'air dans ton assiette au téléphone hier, commença la brune.

 — Je désespère... Je n'ai pas écouté ce que l'on me disait avec la PACES comme quoi je devrais travailler comme une cinglée et voilà dans la galère où j'en suis.

 — Tu travailles plus quand même ?

 —  Oui, du moins, j'essaie. Seulement je n'arrive pas à me concentrer et ça me donne de moins en moins envie.

 — Tu en as parler avec Léopold ? Il pourrait peut-être t'aider.

 — Justement, il vient moins à mon appartement pour me laisser travailler mais ça ne change pas grand chose.

 — Mince... Déjà tu es sûre de vouloir partir dans cette voie ? Tu sais que c'est difficile en plus...

 — Ouais, je sais. Je voudrais aller en kinésie mais il faut que je fasse tout de même un an de PACES.

 — J'ai cru comprendre que l'on pouvait passer par STAPS ou un autre truc mais je ne me rapelle plus du nom.

—  Vu mon physique et mon aptitude en sport, il faut mieux pas que je fasse STAPS. Déjà quand je vois Léo qui rentre épuisé par toutes ses heures de sport, je suis étonnée.

 — Allez, tu peux encore y arriver ne t'inquiète pas. Si mais non, tu comprends, Caoimhe fit une pause, tu avais mis que PACES dans tes vœux ?

 — J'avais aussi mis des vœux pour des écoles d'archi' en plus mais j'ai été retenu en PACES. J'avais un très bon niveau au lycée alors j'ai compté là-dessus.

— Ne perds pas ton courage. J'essaierai de te motiver si tu veux.

— C'est gentil... Allez, assez parler de moi. Tu es en partiel aussi ?

—  Ouais, j'ai commencé à réviser mais je dois faire un devoir à rendre une, deux semaines maximum après.

—  Sérieux ? Qu'est ce que c'est ?

—  Une vidéo qui compare les étudiants en Angleterre et ceux en France. Je n'ai pas de contacts en Angleterre et il faut que je m'habitue à monter des vidéos. Grosse galère.

— Je ne pense pas que je pourrais t'aider. Bastien a plusieurs amis là-bas, tu pourrais lui demander.

 — Je ne sais pas...

 — Ne t'inquiète pas. Il est cool, il ne te mordra pas.

Les deux jeunes femmes continuèrent leur discussion, alternant sessions de révisions avec éclats de rire. Caoimhe en oublia qu'elle devait retourner travailler ou du moins aller derrière le comptoir pour faire mine d'attendre les clients. Magalie vint la chercher vers dix-sept heures pour l'informer que leur patron ne tarderait pas à descendre. La brune rassembla ses affaires et remercia son amie pour l'agréable moment qu'elles venaient de passer. Elle se dirigea ensuite vers l'endroit réservé au personnel.

La serveuse s'occupa de deux clients tout au plus jusqu'à ce que Victoire vienne se pencher au-dessus du comptoir pour lui dire "au revoir". Elle préférait rentrer car les clients qui sortaient de leur travail commençaient à affluer et elle avait besoin de calme.

— Juste avant que je parte, est ce que ça te dirait de venir avec mes amis et moi à la patinoire mercredi prochain ?

 — Le groupe de l'autre fois ?

 — Oui, Bastien, Susie, Margot et Léo.

 —  Pourquoi pas. Il faut que j'essaie de négocier avec mon supérieur pour qu'il me laisse mon mercredi après-midi. Puis ça nous fera du bien dans nos révisions.

 —  Exactement. Tu m'appelles pour me redire. Bisous"

Caoimhe la salua. Elle remarqua aussi que Léopold l'attendait appuyé contre le mur de l'église en face du café. Ce doit être leur rituel, chaque mercredi il vient la chercher et l'attend, se dit-elle.

La brune les suivit du regard jusqu'à ce qu'ils disparurent de son champ de vision et replongea dans ses fiches tout en préparant un chocolat chaud pour une jeune habituée. Elle réfléchissait en même temps comment elle pourrait aborder le sujet avec son patron. Caoimhe avait tellement de choses à faire et à penser, son esprit était embrouillé. Son stress,quant à lui, était élevé. Vivement la fin des partiels, pensa-t-elle en se rendant à la table de l'adolescente qui avait commandé la boisson chaude.