7 Corps-à-corps
Chapitre 7 : Corps-à-corps
Bien évidemment, cette unique issue aussi est fermée à clé. Et, la seule fenêtre que je vois est également condamnée avec des planches en bois. Mon Dieu, quand est-ce que je vais enfin pouvoir m'échapper de ce merdier ? Et est-ce que je vais m'en sortir vivante au moins ?
Puisque je n'ai rien à faire dans cette chambre riquiqui qui chlingue le renfermé, je décide de coller mon oreille contre la porte afin d'essayer d'écouter des bribes de la conversation.
— Ouais, non, c'est plus compliqué que prévu, explique James à son interlocuteur.
Il n'a pas mis le haut-parleur. Je n'entends pas qui est à l'autre bout du fil ni ce qu'il dit.
— Je n'ai pas la bonne fille...
— Non, ce n'est pas Nina, c'est sûr.
— Laisse-moi gérer ça.
— Oui, je vais voir, t'inquiètes. Au pire, une balle dans la tête.
— Vingt-quatre heures ? OK. Ouais, à plus tard.
Il vient de raccrocher, et moi je suis épouvantée par ce que je viens d'entendre.
Une balle dans la tête de qui au juste ? Dans ma tête à moi ? C'est donc comme ça que je vais finir ? Assassinée parce qu'on m'a confondue avec une pute qui vend ses services sur un site de rencontres ? C'est à la fois sordide et comique. Je ne sais même pas si je dois rire ou pleurer.
Je ne me laisserai pas faire. Non. Je lutterai jusqu'à ce que mort s'ensuive. Idéalement la sienne. Même si, soyons réalistes, j'ai peu de chance de l'emporter au corps-à-corps.
Il monte les escaliers. Je cherche un objet qui pourrait me servir d'arme. Je jette mon dévolu sur la lampe, sortie tout droit des années 60. Vite. Je saute par-dessus le lit, l'arrache du mur et viens me cacher derrière la porte.
Le loquet se met à tourner. Pile au moment où il pénètre dans la chambre, je lui assène un violent coup de lampe de chevet en porcelaine en plein dans la tempe. Il tombe par terre.
— Putain, Prune ! gueule-t-il à mon attention tandis que je déguerpis à la vitesse de la lumière, ou presque.
Je claque la porte derrière lui et tourne la clé. Chacun son tour, mon gars. La seconde d'après, il tente déjà de l'ouvrir. Mon cœur tambourine fort contre ma poitrine. Cet homme est coriace. Mon coup de lampe de chevet vintage ne semble pas avoir eu l'effet escompté sur lui, et mon petit doigt apeuré me chuchote que le vieux bout de bois qui actuellement nous sépare ne va pas tenir très longtemps.
— Prune, je te conseille de m'ouvrir illico, sinon cette histoire va très mal se terminer.
— Parce que tu trouves qu'elle a bien commencé ? rétorqué-je.
Je ravale ma salive. Je dois trouver un moyen de quitter cette baraque. Je cours au rez-de-chaussée, jette un œil alentour, mais je ne vois rien qui pourrait m'aider. Quant au code du cadenas, comment pourrais-je deviner ce qu'il a mis ? Alors que je sens la panique m'envahir, mon regard rempli d'espoir se pose soudain sur son téléphone, toujours sur la table de la cuisine. Mon échappatoire, mon précieux. Je me jette sur le portable pendant que James est en train de donner d'énormes coups dans la porte. Elle va finir par céder, et moi, je suis mal barrée. Il n'y a plus qu'à prier pour que son Android ne soit pas verrouillé. J'appuie sur le bouton du milieu et vois apparaître la demande du code secret.
— Putain, non ! hurlé-je à bout de nerfs.
— Tu fais quoi, Prune ? me demande James, toujours bloqué. Je te donne une dernière chance, viens m'ouvrir s'il te plaît, ma jolie poupée russe.
OK, je suis le petit chaperon rouge et lui le grand méchant loup affamé. Je ne tiens pas à lui répondre. Ça ne ferait que rajouter de l'huile sur le feu. Je suis trop occupée à chercher une solution. Alors que je m'apprête à reposer le téléphone, je réalise que malgré le paramétrage d'un code secret ou d'un code pin, les numéros d'urgence restent quoiqu'il arrive toujours accessibles. J'appuie à nouveau sur la touche du milieu, puis sur le mot Urgence. Alléluia. Je vois enfin le fameux clavier pour contacter le Samu, les pompiers et surtout, la police.
Baaam. Dans un énorme vacarme, je vois la porte de la chambre s'étaler comme une merde sur le sol, juste en haut de l'escalier. L'instant suivant, un James très en colère apparaît sur le seuil. Je blêmis, oubliant presque le portable que je tiens et qui est en train d'appeler la police. L'instant suivant, mon geôlier est déjà en bas. Il saisit brutalement l'appareil et appuie sur le bouton rouge pour raccrocher. Je sursaute puis me mets à trembler comme une feuille.
— Je t'avais pourtant prévenue, souffle-t-il, l'air menaçant.
Il sort de la poche arrière de son jean un gros rouleau de scotch marron.
Il se prend pour Mary Poppins ou quoi ? Combien d'objets flippants et improbables le mec peut-il entrer dans ses poches ?
— Tu ne me laisses pas le choix, Prune.
Je recule.
— Non, je te promets, je vais être sage, ne me fais pas de mal.
Il ne m'écoute plus et m'attrape fermement par le bras pour me monter de force jusque dans la chambre. Je tire de tout mon poids dans le sens inverse. Je traîne des pieds. Il finit par perdre patience et me soulève alors pour me porter. Je crie et me débats comme un mouton le jour d'un méchoui.
Une fois à l'étage, il me pousse sur le lit et se remet à califourchon sur moi. Je sais que c'est loin d'être le moment de penser à ce genre de choses, mais il est canon.
Qu'est-ce que je raconte ?
Non, il faut que je me ressaisisse. Dans le monde réel, celui loin des péripatéticiennes, des proxénètes et des hommes de main, on ne s'entiche pas d'un psychopathe qui nous a droguée et enlevée. Impossible. Impensable.
Il déchire avec ses dents un premier bout de scotch dont il se sert pour d'abord me lier les mains, puis il rapproche mes jambes l'une contre l'autre pour m'attacher aussi les chevilles. Pendant ce temps, je me défends, je le tape, je lui hurle dans les oreilles, mais rien n'y fait. Mes coups sont tels des micros piqûres de moustiques sur la peau épaisse d'un implacable rhinocéros.
— Sache que c'est bien la première fois que je n'écarte pas les cuisses d'une femme allongée sur un plumard.
Je rosis. J'ai les joues en feu. Je ne peux m'empêcher de l'insulter :
— Va te faire voir, James.
Quelque chose dans son regard se transforme. Il n'est plus fâché. Au contraire, il semble content. Étrange réaction.
— Je me demande où tu trouves ce courage pour oser me répondre et me défier de la sorte depuis que je t'ai enlevée. Tu as de la chance d'être tombée sur moi, jolie poupée russe tiret un.
J'écarquille les yeux. Il est sérieux, lui ?
— Pardon ? De la chance ? Tu es conscient de me sortir ça pendant que tu es en train de m'attacher dans une vieille cabane abandonnée qui pue la mort ? Tu es...
Comme pour me demander de me taire, il pose soudain le bout de ses doigts sur mes lèvres
— Tu sais, Prune, si tu me le demandais poliment, j'écarterais tes gambettes sans hésiter au lieu de devoir les attacher, ose-t-il me sortir.
— C'est du chantage ?
— Appelons plutôt cela une proposition.
— Tu peux toujours courir, tu me dégoûtes, tu...
Je comptais le traiter de gros pervers psychopathe, mais après avoir découpé un dernier bout de scotch, il le colle sur ma bouche.
— Là, voilà, c'est mieux comme ça. Je suis navré de devoir couper court à notre petite parade prénuptiale, mais j'ai des trucs urgents sur le feu. Je suis dans la merde par ta faute, je dois aller régler ça. Je pense revenir dans la matinée, tu devrais te reposer en attendant, tu as une sale mine.
J'essaye de rétorquer, mais aucun son potable n'arrive à sortir. Je fronce les sourcils et m'agite pour lui montrer mon mécontentement. Je ne veux pas qu'il me laisse seule dans cet endroit flippant. Je ne veux pas qu'il m'abandonne dans ce lieu insalubre.
Et s'il se faisait arrêter ou tuer ? Quelqu'un pourrait-il me retrouver ici ? J'en doute fort. Je commence à pleurer, ce qui le fait aussitôt réagir alors qu'il était sur le point de partir.
Il s'assoit sur le lit à côté de moi.
— Sèche tes larmes voyons, je sais que je vais te manquer, mais je vais revenir, je te le promets, me dit-il, curieusement attendri.
Puis il s'en va.
A suivre...
Alors ? Team Prune ou Team James ? :-)
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