41 Tchin-Tchin
Chapitre 41 : Tchin-Tchin
Lorsque j'arrive enfin à me libérer de ma tétanie, je pousse un petit cri d'hystérie en tapant plusieurs fois des pieds. Ce mec me rend dingue, dans tous les sens du terme. ! Et voilà qu'en plus maintenant, c'est mon voisin. La bonne blague, je n'y crois pas !. Mais ce n'est pas le pire. Non, le pire, c'est qu'il m'a vue dans cette atroce tenue avec cette immonde coupe de cheveux.
Je fonce vers ma porte d'entrée que je claque sans ménagement avant de fermer à clé. Direction la salle de bain où il est temps que je me reprenne en main.
Premier constat en arrivant devant le miroir. Mes sourcils sont à épiler de toute urgence. Deuxième constat, mettre de l'anticerne une fois douchée et habillée. Un jean et un pull feront l'affaire. Pendant un quart de seconde, j'ai failli aller chercher celui de James qui traîne toujours dans mon salon et qu'il a refusé de récupérer. Mais hors de question que je lui donne l'avantage. Ce pull n'est pas mon doudou. Je dois le lui rendre. Ou sinon le brûler. Et puis d'abord, comment se fait-il que depuis notre rupture, je me sois autant enlaidie alors que James, lui, rayonne. La vie est injuste. Depuis le temps, je devrais le savoir et arrêter de m'en étonner.
Après la douche, je m'attelèle à mon ménage. C'est vrai que je me suis complètement laissée aller et qu'il est temps que ça change. J'ouvre les fenêtres pour aérer l'appartement, puis je m'empare du spray de savon noir pour dégraisser et récurer ma cuisine. Comme moi, elle en avait besoin la pauvre, tout comme les autres pièces que je nettoie de fond en comble pendant le reste de la journée.
Il commence à faire nuit lorsque j'ai enfin terminé. Satisfaite, j'inspire une grande goulée d'air. Ça sent le propre. Ça sent le renouveau. Tel le phénix chatoyant, je renais de mes cendres, et pour fêter ça, je jette à la poubelle mes cachetons de Xanax et m'apprête à m'ouvrir une bière. Pile à ce moment-là, quelqu'un sonne à la porte.
En me dirigeant pour ouvrir, je croise les doigts pour ce ne soit pas mon cher voisin.
Hélas, c'est bien lui.
— Qu'est-ce tu veux encore ?
— Toi, répond-il très rapidement, de manière presque imperceptible.
Je me raidis.
— Pardon ?
— Tu aurais un décapsuleur par hasard, s'il te plaîit ? dit-il à la place du « toi » que je suis sûre d'avoir entendu.
— Oui, attends, je reviens. Et tu restes sur le pas de la porte cette fois-ci, lui ordonné-je, méfiante. Pas bouger !
— Oui, chef.
Je mets trois secondes pour lui apporter mon décapsuleur. En l'attrapant, il en profite pour me frôler les doigts. Une légère décharge électrique se met à me parcourir derrière les épaules. Mon corps, ce sale traître... Je retire ma main.
— Bon, eh bien, bonne soirée, lui souhaité-je avant de lui refermer la porte au nez.
Je tourne la clé aussi vite que je peux. Je dois avouer que ça m'a plu et que j'ai ressenti une poussée d'adrénaline au moment où je ne savais pas encore s'il allait m'en empêcher ou pas en me retenant. Il n'en a rien fait. Je crois qu'il a été surpris, qu'il ne s'y attendait pas du tout. Je l'ai eu. Voilà que je me surprends en train de sourire bêtement. Que c'est bon de sourire comme une gamine !
Je retourne dans ma cuisine, fière de moi, quand mes yeux zooment sur la bouteille de bière que j'ai sortie du frigo juste avant l'apparition de James, mais que depuis, je n'ai pas encore eu le temps d'ouvrir. Eh merde. Non, non, non. Je ne m'avouerais pas vaincue. Seuls les faibles déclarent forfait. Têtue, je tente avec les dents, mais impossible, je n'ai pas la technique. Et à force, je vais finir en urgence chez le dentiste. Se taper le vieux dentier de mémé le reste de sa vie pour une question d'eégo, ça n'ene vaut pas le coup.
Et si je cassais le haut en la tapant avec précision contre le rebord de la table ?
Hum, un peu trop risqué, je serais même le genre à m'enfoncer un débris de verre dans la cuisse. S'en suivent les sept douloureuses étapes du deuil. Assise devant ma bière imbuvable, je rumine. Choc, déni, colère, tristesse, résignation... Puis vient la sixième phase, l'acceptation.
Dix minutes plus tard, ma bière chaude à la main, je me décide à aller sonner chez James pour réclamer ce qui est à moi et dont j'ai absolument besoin.
— Tiens tiens, re-bonsoir, chère voisine, frime-t-il en me découvrant sur le pas de sa porte.
Chacun son tour, un partout.
— Désolée de te déranger, mais j'aurais besoin de mon décapsuleur, moi aussi.
Un large sourire se dessine sur son visage victorieux. Il sort un briquet de la poche de son jean puis ouvre ma Kronenbourg avec. La bouche en o, je ne sais pas ce qui me scie le plus. Le fait qu'il n'avait pas besoin de mon décapsuleur ou qu'il y soit arrivé aussi facilement avec un simple briquet. Sachant maintenant qu'il s'est moqué de moi, je sens une immense et incontrôlable fureur en train d'entrer en éruption.
— Tu es un idiot !
Je serre les dents alors qu'au fond de moi, une tempête fait rage.
— Tu ne veux pas venir visiter cinq minutes ? Puisqu'on en est tous les deux à l'apéro, autant trinquer ensemble, cela sera plus sympa, non ?
— Non, réponds-je du tac au tac en tournant les talons.
Mais il me rattrape par le bras. Il n'en faut pas plus pour que mon cœur accélère et mes jambes s'engourdissent.
— Attends, Prune, promis, je ne tenterai rien. Allez, on n'est pas obligé de se fuir comme la peste, surtout qu'on est voisins maintenant. Ce serait cool si on pouvait entretenir des rapports cordiaux, tu ne penses pas ?
Il desserre son emprise. Je le sonde quelques secondes, hésitante.
— Va pour une bière ensemble, mais c'est tout, ça s'arrête là.
J'entre dans son appartement. À deux trois détails près, il est fichu exactement pareil que le mien. Une entrée avec un placard mural intégré, puis à gauche, une porte qui mène à la cuisine, elle-même ouverte sur le salon-salle à manger, plus spacieux que le mien. À droite, il y a un petit couloir étroit jusqu'à la chambre ainsi qu'à la salle de bain et aux toilettes séparées, une chose assez rare sur Paris. Je me souviens même que Madame Gérard me l'avait fait remarquer lorsque j'avais visité son second appartement, celui que je loue depuis quelques années déjà maintenant.
— Alors, pas trop dépaysé ? questionné-je James, ironique.
— Haha, non ça va. Bon, sauf pour les meubles dans la cuisine. Je t'en prie, installe-toi sur le canapé, je vais nous chercher un p'tit truc à grignoter. Tu aimes les olives ?
— Oui, c'est gentil.
En avançant jusque dans le salon, je me rends compte que ses meubles sont flambants neufs.
— Waouh, tu viens de tout t'acheter ?
— Quoi donc ? me demande-t-il depuis la cuisine.
— Ben le canapé, le fauteuil club, le buffet, la table, les chaises, la lampe, la télé, la totale quoi...
Il arrive avec un bol d'olives vertes et noires, lequel qu'il pose sur sa nouvelle table basse en verre, puis il s'assoit juste à côté de moi.
— Oui, j'avais besoin de changement pour ma nouvelle vie de retraité. Allez, à la tienne, très chère voisine.
Nous trinquons avec nos deux bouteilles de bière.
— Mais tu ne vas rien faire d'autre ? Tu ne peux pas être retraité dès aujourd'hui, si ? À quoi ? Trente-cinq ans ?
— J'en ai trente-trois.
— Oups, excuse-moi.
Je m'empourpre aussitôt, c'est vrai qu'on se s'était jamais dit nos âges finalement.
— Haha. T'inquiète, je ne t'en veux pas de m'avoir vieilli, c'est la barbe. Dès que je me rase à blanc, on me prend pour un ado.
— Un adolescent dopé aux stéroïdes alors, vu tes muscles saillants...
Mes yeux ont doublé de volume au moment où j'ai sorti cette phrase. Je ne sais plus où me mettre, tandis que James semble flatté. Lui, qui marchait encore un peu sur des œufs, vient de retrouver sa confiance d'antan. Un sourire fend ses lèvres.
— Tu veux toucher ? me propose-t-il en s'approchant.
— Je... je... non, ça ira, merci, bafouillé-je.
Confuse, je bois d'une traite ma bouteille de 25 cl, quitte à le payer après et en avoir mal au ventre le reste de la soirée, tant pis. James me fixe, incrédule, sans savoir comment réagir ni quoi dire. Trois secondes plus tard, je me lève d'un coup, ma bière vide à la main.
— Euh, j'avais oublié que j'avais un truc sur le feu, il faut que j'y aille !
Je me précipite vers sa porte d'entrée. Alors que je l'imaginais me rattraper pour la centième fois par le bras, il n'a étonnamment rien tenté, me souhaitant de loin un « Bonne nuit voisine, à plus tard. »
Le gros problème, c'est que j'aurais dû trouver ça gentil de sa part de me laisser m'enfuir, délicat même de ne pas brusquer les choses et surtout, de respecter mon choix de vouloir rester seule. Pourtant, en refermant la porte de mon appartement derrière moi, je me sens déçue et j'ai juste envie de faire machine arrière. J'ai l'impression d'être une girouette doublée d'une imbécile. Ça me file le tournis.
C'est n'importe quoi. Je fais n'importe quoi. Incohérence totale.
Je souffle le chaud et le froid, je me barre en attendant qu'il me rattrape comme une adolescente de quinze ans partie bouder dans sa chambre. C'est nul. Je vaux mieux que ça. Je suis une femme mature et si je l'ai quitté, ce n'est pas pour rien, mais pour des raisons valables. Notre histoire d'amour était incohérente et malsaine. Je dois arrêter de fantasmer sur cet homme et tourner la page.
Direction une bonne douche froide, glacée même, puis au lit.
A suivre... :-)
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