35 Le plan
Chapitre 35 : Le plan
J'ai mis une semaine à me réveiller de ce profond sommeil. Une semaine plongée dans un coma artificiel suite à une hémorragie cérébrale, dixit ce que m'a expliqué la chirurgienne qui m'a opérée. Heureusement pour moi, j'ai compris tout ce qu'elle me dit, ou presque, parce que le charabia médical reste une langue étrangère à part entière. Je ne suis pas un légume, je suis toujours une trentenaire comptable qui sait compter jusqu'à dix, faire des multiplications, et je peux même écarter les orteils ou serrer les poings.
Il y a des ballons colorés partout dans ma chambre. Les fleurs sont interdites à l'hôpital alors Clémentine a trouvé une autre solution, the parade. Et quand ma meilleure amie décide de refaire la déco d'une pièce, autant dire qu'elle y met le paquet. J'ai l'impression de fêter mes six ans. J'espère juste qu'elle n'osera pas le clown.
— Coucou, ma chérie, me salue ma mère après avoir toqué à la porte.
Cinq jours que je suis sortie du coma, cinq jours que ma mère ne me lâche plus. Elle arrive tôt le matin dès que les visites sont autorisées et repart tard le soir, lorsque les aides-soignantes la poussent gentiment vers la sortie. J'aurais pensé étouffer, en avoir marre à force. Mais en fait, j'adore ça et savoure chaque minute auprès d'elle. Notre relation a beau être compliquée, je réalise que dans les moments difficiles, elle a toujours été présente. Lors de mon opération des amygdales, elle avait refusé de me laisser dormir seule à l'hôpital et s'était ruinée le dos sur leur lit d'appoint. Puis, à dix-huit ans, ce fut le tour de mes dents de sagesse. Idem. Elle était au petit soin, une vraie mère poule. Aujourd'hui, j'ai dépassé la trentaine et pourtant, elle est là, elle a accouru et peut me tenir la main des heures durant sans jamais s'ennuyer ou avoir une crampe au bras. C'était comme si elle s'oubliait le temps d'une parenthèse, guérissait d'un coup, occultant ses propres maux pour pouvoir s'occuper des miens. Son soutien m'a aidée à guérir plus vite et aujourd'hui encore, ses câlins et son amour font des miracles. Le docteur qui me suit m'a annoncé hier que je pourrais sortir le vendredi qui arrive, soit dans deux jours. Je suis soulagée, je suis tirée d'affaire et sans réelle séquelle.
En tout cas, pas de celles qui sont physiques et voyantes.
Vers quinze heures, ma mère doit exceptionnellement partir plus tôt. Elle a rendez-vous chez sa guérisseuse ou herbologue, je ne sais plus.
Cinq minutes après son départ, quelqu'un d'autre frappe à la porte de ma chambre.
— Oui, entrez, dis-je avec la voix éraillée.
James apparaît sur le seuil. Mon cœur s'accélère. C'est la première fois que je le revois depuis qu'il m'a sauvée de Jo et ses hommes. Clémentine m'a expliqué qu'il avait veillé sur moi pendant que j'étais encore inconsciente, mais qu'avec ma mère qui traînait souvent dans les parages, c'était devenu compliqué pour lui de passer.
— Bonjour, fait-il timidement.
— Bonjour.
— Je ne te dérange pas ? J'ai vu que ta mère venait de partir, alors j'en ai profité.
— Tu m'espionnes encore et toujours à ce que je vois ? essayé-je de plaisanter.
— Je crois bien que c'est devenu maladif, en effet. Je veille sur toi. Enfin, j'essaye, m'avoue-t-il, le visage assombri et rempli de remords.
En tentant de me redresser, je serre la mâchoire de douleur.
— Attends, je vais t'aider, dit-il en se précipitant vers moi.
Il pose l'une de ses mains derrière mon dos et avec l'autre me tire par le coude pour réussir à me relever un peu.
— Merci.
— Tu veux un autre oreiller ?
— Non, c'est gentil, ça ira.
— De l'eau ?
— Non merci.
Il ne m'a toujours pas lâché le bras et me fixe maintenant comme un chaton tout tristounet.
— Je vais bien, enfin, je vais mieux, arrête de faire cette tête de chien battu, ça me stresse. Je sais que je suis encore défigurée avec mes boursouflures et mes bandages, pas besoin de me le rappeler.
— N'importe quoi, tu es magnifique, me complimente-t-il avant de m'embrasser avec une douceur inattendue, comme s'il effleurait la peau fragile d'un nouveau-né.
Je ne suis pas très réceptive, mais pensive plutôt. Depuis mon réveil à l'hôpital, je n'ai pas cessé de me remémorer la scène, le grand final, l'apothéose, et j'ai besoin d'éclaircir plusieurs zones d'ombre.
James sent que quelque chose cloche.
— ça ne va pas ?
— Je me pose plein de questions.
— Lesquelles ?
— C'était Boris, n'est-ce pas, le mec qui parlait une langue bizarre ?
Il prend quelques secondes avant de me répondre.
— Oui.
— Boris, le proxénète ? Boris, le cousin de Nina, la pute avec qui tu m'as confondue ? Boris, le mafieux russe à qui Jo voulait voler son argent ? C'est bien ça ou est-ce que je suis à côté de la plaque ? lui demandé-je froidement.
— Tu n'es pas à côté de la plaque.
— Et donc, Boris et ses hommes sont venus buter Jo et ses hommes ?
— Oui.
— Mais , comment est-ce possible ? Ne m'annonce pas que Boris est un pote à toi, putain !
— Non, pas du tout.
— Alors, pourquoi il ne nous a pas tués tous les deux ? Et comment il a su où trouver Jo ? Qu'est-ce qu'il fichait avec toi ? Il t'a accompagné ? Tu l'as contacté comment ? Sur le bottin des psychopathes et mafieux de Paris ?
— C'est long à expliquer.
Je perds patience :
— Je suis clouée dans ce putain de lit médicalisé, alors j'ai tout mon temps, James. J'ai besoin de reconstituer le puzzle, j'ai besoin de comprendre pourquoi j'ai fini avec le crâne défoncé et pourquoi j'ai quand même survécu. Je pense que tu me dois au moins ça, des explications détaillées, sans me mentir bien sûr.
— Très bien. Que veux-tu savoir exactement ?
— Depuis combien de temps tu étais de mèche avec ce Boris ?
Il semble réfléchir.
— Disons que les choses ont commencé à se mettre en place lorsque j'ai tué Jerem.
— Quoi ? Depuis aussi longtemps ? Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?
— Pour te protéger.
Alors là, c'en est trop. Je ris jaune.
— Waouh, c'était réussi, clamé-je en colère. Franchement, tu devrais te reconvertir dans la protection de la personne, genre garde du corps pour politicien véreux, tu ferais un tabac chez le camp adverse.
— Mais pourquoi tu es aussi remontée contre moi ? Je t'ai sauvé la vie, Prune.
— Une vie en danger à cause de qui, James ?
Il baisse la tête. Il sait que j'ai le droit d'être fâchée, révoltée.
— Et peut-être que si tu m'avais expliqué ton plan dès le début, on n'en serait pas là, je n'aurais pas eu à subir tout ça, ajouté-je en haussant le ton.
— Je... je suis sincèrement désolé. Mais je ne pouvais pas t'en parler.
— Pourquoi ?
— Je ne voulais pas t'entraîner dans ce milieu. Je voulais que tu restes innocente, loin de ces histoires.
— Je sais que je radote, mais c'est vachement réussi !
Je mime un applaudissement avant de poursuivre.
— Il n'y a qu'à voir mon œil au beurre noir et le trou que la chirurgienne a dû me faire sur la tête pour drainer mon sang. C'est sympa, hein ? Et figure-toi que j'ai été à deux doigts qu'on me retire un bout de ma calotte crânienne. Tu en as déjà entendu parler, toi ? Moi j'ignorais même ce mot jusqu'à ce qu'un colloque de médecins l'explique à mes parents. Et tu sais ce qu'ils en auraient fait en attendant de me la remettre ? Ils l'auraient congelée, ouais. Entre les sorbets et les escalopes de poulet. Donc, ton innocence, tu peux te la carrer où je pense, James.
Bon OK, je n'y suis pas allée de main morte. Mais je voulais qu'il comprenne la haine que j'ai en moi et tous les traumatismes subis que je mettrais sans doute des décennies à oublier.
— Je suis désolé, répète-t-il maladroitement.
Je ne peux alors m'empêcher de répliquer :
— Et moi donc... Pour en revenir à Boris... Tu sais, je ressasse le moindre détail depuis mon réveil. J'ai donc eu le temps de cogiter sur la question, mais il me manque des points clés, j'en suis sûre. J'ai cru comprendre que ce type était très puissant, inaccessible donc. Et puis surtout, tu as essayé de le voler sous les ordres de Jo, tu as kidnappé plusieurs de ses prostituées pour récupérer le code d'un de ses comptes en banque. Arrête-moi si je me trompe, hein, histoire que je ne gaspille pas ma salive pour rien ?
— Tu ne te trompes pas.
— OK. Et donc, pourquoi Boris t'a aidé, toi, son ennemi au fond ? Comment tu as réussi à négocier et à faire équipe avec lui, après la mort de Jerem ?
— C'est grâce à Nina.
— Nina ? La prostituée ? Je croyais que tu ne l'avais pas trouvée. De mieux en mieux...
Je soupire.
— En fait... Tu te souviens le jour où je suis revenu avec le tee-shirt plein de sang et des plaies un peu partout ?
— Bien sûr que je m'en souviens, on ne m'a pas lobotomisée.
Il prend une profonde inspiration.
— Il se trouve que ce jour-là, j'avais réussi à mettre la main sur Nina.
A suivre... :-)
Et je suis désolée mais exceptionnellement il n'y aura pas de chapitre publié demain car je ne serai pas chez moi...
A lundi soir pour le dernier chapitre de la deuxième partie du roman ! :-) On commence ensuite la troisième et dernière partie qui s'intitule : AIME MOI ENCORE
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