Chapitre 34 : Da s-vidania

C'est donc un piège.

Voilà le prix à payer pour avoir menti en disant que c'était moi qui avais tué Jerem. Moi qui voulais protéger James,c'est réussi !. Par ma faute, on va mourir tous les deux ce soir. Au top le plan ! Si je pouvais encore bouger, je m'auto congratulerais en m'applaudissant. Bravo, ma fille, tu n'auras même pas eu le temps de faire ta crise de la quarantaine ni même d'avoir des gosses... Que c'est beau une femme enceinte. Nos bébés à James et moi auraient été magnifiques, j'en suis sûre.

Je me remets à pleurer. Je dois avoir plein d'éraflures partout parce que chaque larme salée se met à me piquer très fort la peau de mon visage.

Après avoir envoyé ma photo et les instructions à James, Jo et ses hommes me laissent enfin un peu de répit en remontant au rez-de-chaussée avant de fermer la porte de la cave derrière eux. Je me retrouve seule, toujours ligotée à cette putain de chaise en bois. Je ne sens même plus le bout de mes orteils tellement je suis gelée. J'ai perdu beaucoup de sang, ce qui ne doit pas aider. Je frissonne. J'ai à nouveau des haut-le-cœur. L'idée de mourir bientôt et ici me rend nauséeuse.

Ultime espérance. J'essaye de bouger les mains, attachées dans mon dos, mais rien n'y fait.

L'espoir s'étiole au fil de mes sanglots. Sanglots de plus en plus bruyants et qui m'empêchent de respirer correctement. Je toussote et constate que je crache des caillots de sang. La chute de tout à l'heure en tombant tête la première sur le sol était d'une violence inouïe. Depuis, je sais que quelque chose cloche. Je me sens de plus en plus fatiguée, à bout de souffle, en train de vaciller vers autre chose, un autre monde peut-être. Un monde meilleur, espérons-le.

Soudain, la porte s'ouvre. L'un des deux hommes bossant pour Jo descend les quelques marches qui mènent jusqu'à moi.

— Allez, t'inquiète pas va, t'es bientôt peinarde. James a déjà répondu à Jo, il est en chemin. Ce qui signifie que toi, tu ne nous sers plus à rien. Jo m'a demandé de te trancher la gorge et de dessiner un p'tit cœur rouge à l'encre de ton sang, sur le mur derrière. Il trouve ça poétique. Qu'en penses-tu ?

Je n'ai même plus la force de lui envoyer une réplique cinglante à la gueule. Je me déçois t. Mourir, OK, mais j'aurais souhaité mourir avec dignité, juste après une punch-line intelligente qui aurait laissé tous ces cons sur le cul. Ça les aurait énervés au point d'avoir envie de me ressusciter pour me re-tuer. C'est comme ça que j'aurais voulu partir. Victorieuse, tel Achille durant la guerre de Troie.

L'homme sort un couteau de sa poche. La vue de la lame aiguisée me retourne l'estomac. Il s'avance. Je suis déjà dans un état comateux, le regard hagard, mais j'aurais quand même voulu qu'il m'endorme avec une petite piqûre avant de m'égorger comme du bétail.

— Dylan, arrête, intervient Jo, apparu dans l'embrasure de la porte en haut.

— Eh bien mec, c'était moins une, réplique ce dernier, à deux doigts de me tuer.

Je tourne de l'œil. Malheureusement pas assez pour tomber dans les pommes, ce qui, vu le contexte actuel, m'aurait franchement arrangée.

— Je me méfie de James. S'il veut la preuve que sa meuf est encore en vie, on est niqué. De toute façon, mate-la, elle n'en a plus pour très longtemps. C'est plus ce que c'était les otages de nos jours. Si faible. Je l'ai à peine touchée, et elle est déjà en train de clamser.

J'aurais au moins voulu lui jeter un dernier regard noir, mais je n'arrive même pas à relever la tête. Les muscles de mon cou ne soutiennent plus rien. Ma vue est trouble. Je n'ai jamais eu aussi mal au crâne de toute ma vie. Une migraine puissance mille. Les innombrables cuites que j'ai pu me prendre, c'était de la gnognote comparé au traumatisme crânien qui est en train de m'achever à petit feu. C'est long de mourir quand même. Et très douloureux. Mon opération de l'appendicite, un détail. Je pense à Clem, à mes parents. J'aurais dû davantage soutenir ma mère. J'ai été égoïste, je le regrette. Je veillerai sur elle de là-haut.

Soudain, des coups de feu résonnent dans toute la pièce. Ils proviennent du rez-de-chaussée, juste au-dessus de nos têtes. Il y en a beaucoup. Des dizaines, peut-être même plus. Des acouphènes se mettent à siffler dans mes tympans. Qu'est-ce qui se passe ? Je ne distingue pas grand-chose, mais entends la voix de James au milieu de cet immense charivari.

— Prune ? Bande de fils de putes !

— James, mais qu'est-ce que t'as foutu, mec ? Pourquoi, putain ? aboie Jo avant de se faire tirer dessus.

Mon bourreau tombe juste à mes pieds, ses grands yeux noirs désormais vitreux rivés sur moi. Un filet de sang sort de sa bouche. Il a un énorme trou pile au milieu du front. Pas de doute, il est mort. Adios. Bon débarras !

Je sens des mains chaudes se poser sur mes genoux.

— Prune, mon amour, tu m'entends ? Prune, putain ? Prune ?

C'est James, mon James, mon sauveur et paradoxalement, celui qui a tout déclenché. C'est sa faute si j'en suis là. Sa faute si je souffre autant.

Pourquoi n'a-t-il pas vu ce fichu tiret un accolé à mon pseudo poupée_russe sur Xinder ?

Pourquoi n'a-t-il pas capté dès le début de notre conversation au Milo's que je n'étais pas la bonne fille ? Ai-je l'air d'une pute russe, merde ?

Et enfin, et surtout, pourquoi suis-je tombée amoureuse de mon bourreau, un mec sorti d'un monde qu'on ne voit qu'à la TV en mangeant tranquille des pop-corn et en s'ouvrant une bière ?

— James, maintenant que le plan est terminé, je te conseille de ne plus jamais te trouver en travers de mon chemin. Tou as la chance que ma cousine t'apprécie. On est quitte. Da s-vidania ! Ivan, Anton, Igor, пошли ! моя дочь ждет меня на своем дне рождения и убьет меня, если я опоздаю*3 !

Pendant une brève minute, à écouter ce que je pense être du russe, je me suis crue une nouvelle fois en plein tournage du film John Wick.

Ça tourne.

La minute d'après, plus rien, black-out.

Coupé.

*Au revoir

*On y va

*Ma fille m'attend à sa fête d'anniversaire et va me tuer si j'arrive en retard

A suivre... ;-) Prune va t-elle survivre ?