31 A l'abordage !
Chapitre 31 : À l'abordage
Les premiers invités sont arrivés. Je mets un peu de temps à trouver James parmi les gens et les groupes qui ont commencé à se former sur la terrasse de la péniche. C'est magnifique. Alors que le soleil a disparu, il y a des lampions multicolores, esprit guinguette, suspendus partout au-dessus de nos têtes.
— Elle voulait quoi ? me questionne James en me voyant revenir.
— Tu ne me croirais pas, me marré-je. Je te rassure, ce n'est pas intéressant. Une histoire de verre à pied et de liseré.
— Haha, OK. Et elle n'a pas craché sur mon dos ?
— Pff, bien sûr que non, pourquoi tu dis ça ? lui mens-je.
— Non, non, pour rien. Viens par-là, toi.
Il me colle contre lui avant de m'embrasser.
— Tu es trop canon dans cette robe, me complimente-t-il, le regard lascif.
— Pas touche, petit pervers, va.
Au même moment, quelqu'un derrière nous m'appelle.
— Prune ?
C'est une voix masculine que je ne connais que trop bien et que je déteste. Un désagréable frisson me fait alors trembloter, mais je me dois de garder la face. Je n'ai pas le choix. Je suis obligée de me retourner pour affronter... mon ex.
— Tiens, Corentin, quelle surprise, m'exclamé-je, toujours remplie d'amertume. Qu'est-ce que tu trafiques ici ?
— Figure-toi que Julien, le nouveau mec de Clem, est un pote de ma sœur, donc une conversation en entraînant une autre, j'ai été invité à cette soirée. Waouh, elle a fait les choses en grand en tout cas, elle ne rigole pas quand elle organise un truc.
— Techniquement, tu n'as donc pas été invité, en déduis-je d'un ton acerbe.
Je suis en train de le viser avec le bazooka qui me sert d'œil. Si je pouvais lui tirer dessus et lui exploser sa grosse tronche de cafard...
— Moi, c'est James, intervient mon nouveau petit ami en posant avec virilité son bras par-dessus mon épaule. Je suis le copain de Prune, enchanté.
— Ah enchanté, je suis Corentin. Prune et moi sommes sortis ensemble quelque temps, un petit moment en fait.
Oh non, il a osé. Connaissant le tempérament de James, cette conversation risque de tourner au vinaigre.
— Ouais et pourquoi tu m'dis ça au juste ? Tu veux remettre le couvert ou quoi ? fulmine-t-il.
— Euh, bégaye Corentin, mal à l'aise. Non, non, pour rien. Zen, mec, repos.
— Pardon ?
James est à deux doigts de lui mettre son poing dans la figure, je le sais. Au fond de moi, j'aimerais trop voir ça. Je pense que ce serait un moment mémorable, jouissif même. Mais ma satanée conscience, elle, me demande de le stopper avant qu'il ne pète un câble et ne lui brise la mâchoire.
— James, laisse tomber, il n'en vaut pas la peine.
Je le retiens par le bras.
— Viens, allons -nous chercher un verre de punch.
Les deux hommes se toisent de longues et interminables secondes avant que James ne daigne enfin m'écouter et me suive jusqu'au bar.
— Si tu ne m'avais pas arrêté, je t'assure que ce connard serait passé par-dessus bord.
— J'en rêve. Mais tu aurais eu des ennuis, son père est avocat.
— Son père ? Mais il a quel âge le garçon pour compter encore sur son patriarche. Il fait quoi lui ?
— Tu sais, dans ce milieu, les réussites professionnelles et ascensions sociales sautent souvent une génération. Ben oui, tu comprends, son père est blindé, pourquoi son chérubin chéri aurait-il besoin d'avoir un vrai travail ? Il a essayé d'ouvrir un bar dans le 11e avec les fonds de papa il y a trois-quatre ans, mais bien sûr, il a coulé l'affaire. Ensuite, il s'est lancé dans la création d'une marque de fringue, mais il a abandonné, parce que c'était trop d'investissement personnel. Par contre, il est super bien classé à FIFA sur ps4, je me moqueé-je. Et pour répondre à ta question, il a trente-trois ans.
— Si je pouvais lui fourrer sa petite cuillère en argent dans le cul, vocifère James au moment où j'avale une gorgée de punch.
J'ai failli tout lui recracher dessus.
— T'es bête !
Clémentine apparaît, guillerette.
— Hey, les amis !
— Ouh toi, t'as déjà bien entamé le punch, non ? lui fais-je remarquer, amusée.
— C'est que ce truc se boit comme du petit-lait aussi !
Elle me sourit gaiement.
— Tu ne trouves pas qu'il manque un peu de rhum ?
— Non, non, il est parfait.
— Comme toi, ma bichette.
Elle me serre fort dans ses bras. Quand elle est ivre, il faut toujours qu'elle fasse des effusions d'amour. James ne sait plus où se mettre. Je la repousse avec douceur.
— Euh, tu savais que Corentin viendrait ?
— Quoi ? Ce trou de balle est là ? T'es sérieuse ? s'énerve-t-elle aussitôt.
— Oui, il est là, mais t'inquiète pas, on s'en fout, on va l'éviter.
— Mais d'où il est venu à ma fête ?
— Apparemment Bianca est amie avec Julien.
— Bianca ? Sa sœur ? Amie avec Julien, mon Julien ?
— Ouais.
— Putain, quand bien même, de quel droit il débarque sur ma péniche, ce pouilleux ?
— Hahaha, arrête, t'inquiète pas, profite de ta soirée qui est juste grandiose. On passe un très bon moment, hein, James ?
Je vois qu'il est encore sur les nerfs et hésite à valider mes propos. Clémentine le scrute, impatiente d'entendre sa réponse.
— Il te plaîit le punch, mon chéri ?
J'insiste sur chaque syllabe pour le forcer à faire un effort.
— Hum, ouais, il est délicieux. Et ta soirée est top, merci de nous avoir invités, c'est génial, Clem, incroyable, inoubliable ! s'exclame-t-il soudain avec un peu trop d'engouement à mon goût.
Mais ma meilleure amie n'y voit que du feu et sourit aux anges.
— Oh super alors, cool, j'en suis ravie. Allez, les amoureux, je vous laisse, je vais voir mes autres invités un peu. Pas de jaloux.
***
Bientôt minuit. Plus les verres vides s'amoncellent et plus il y a de l'ambiance. Et surtout, plus James se déride un peu. Alors que j'appréhendais sa réaction au milieu de mes amis parisiens, pour la plupart un peu snob, il a su s'intégrer ou en tout cas faire semblant et donner le change. Ses efforts me touchent énormément. Je saurais le remercier en temps voulu, en toute intimité, quand nous rentrerons chez moi.
— Je reviens, il faut que j'aille aux toilettes.
— Tu veux que je t'accompagne ? me demande-t-il en souriant.
— Coquin va. Attends-moi là plutôt, j'en ai pour cinq minutes.
— Fais donc, ma belle, mais méfie-toi, ne t'aventure pas dans un recoin sombre, je rode, je te tiens à l'œil.
— Ne t'avise pas de me suivre, tiens-toi tranquille, Monsieur pervers !.
Je lui souris tendrement avant d'entrer à l'intérieur de la péniche. Le DJ que Clémentine a embauché vient de mettre Kaleida, Think. J'adore cette chanson et soupçonne ma meilleure amie d'avoir passé l'info. Elle est dans la BO de John Wick. Je m'enfonce un peu plus dans le bateau, tout au bout d'un long et étroit couloir dont le plafonnier se met à grésiller. Je plisse les paupières, gênée par la lumière blanche qui clignote très vite. Ça fait mal aux yeux à force. J'ai l'impression de voir des noiraudes. Je continue d'avancer un peu à l'aveuglette, en faisant attention de ne pas m'entraver dans quelque chose. Étourdie, j'arrive enfin devant les W.C. où le loquet de la porte indique « occupé » en rouge.
— Eht merde, ruminé-je à voix haute.
J'ai trop envie de faire pipi. J'ai bu beaucoup de punch. Je patiente cinq bonnes minutes en trépignant sur place. Mon Dieu, que c'est long ! Cette personne fait la grosse commission ou quoi ? Je tape à la porte.
— Hey ho, y a quelqu'un ? Dépêchez-vous, s'il vous plaît.
La porte s'ouvre. Je sens une piqûre dans le cou. Ça brûle aussitôt. Je me retourne, surprise, et vois alors un homme encagoulé avec une seringue à la main. Je suis choquée. J'appelle James à mon secours, mais l'autre personne tapie dans l'ombre des toilettes m'enfile de force un sac sur la tête.
Le noir. Le silence. La musique dehors vient de s'arrêter. Mes muscles me lâchent les uns après les autres, et je me pisse littéralement dessus. Je tangue. Les deux hommes me soulèvent pour me porter tandis que je suis en train de suffoquer. J'essaye de me débattre, mais mon corps ne réagit plus. Le cauchemar recommence. Quelqu'un a rouvert le tome 1 de ma fichue histoire.
Je sombre dans le néant.
A suivre...
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