3 Gueule de bois
Chapitre 3 : Le rencard
— Bon, on y est, meuf. Du coup, c'est là que nos chemins se séparent. Je vais d'abord aller repérer les lieux et si je le vois, s'il est bien le mec de la photo, je t'envoie « go » par SMS, OK ?
— OK, chef, j'acquiescé-je, de plus en plus stressée.
— Par contre, si tu reçois « Couurs, Forest », tu déguerpis comme un lapin, on est d'accord ?
— Oui, oui.
J'ai comme un chat dans la gorge et me mets nerveusement à toussoter.
— Allez, tu me racontes les moindres détails demain.
Elle m'embrasse sur la joue avant de disparaître au bout de la rue.
Me voilà seule, debout, droite comme un piquet devant l'entrée d'une papeterie fermée, à attendre le fameux SMS de ma meilleure amie qui a trop regardé de films d'espionnage. Mon cœur bat la chamade. Je fixe l'écran de mon iPhone. Ma main tremblote. Ce suspens qui n'en finit plus est en train de me mettre dans tous mes états.
James est-il réel ? James est-il un mec sympa ? Mais qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire en fait ? Je ne le connais même pas. Oh là là, ça y est, j'hyper ventile. Je vais finir par avoir des auréoles sous les bras. Il n'y a pas pire que ça ! Ah si, peut-être un truc coincé entre les dents. Un vieux bout de poivre ou de salade mâchée, en plein milieu des incisives, visible au premier sourire que je lui offrirai en guise de salutation.
Soudain, mon téléphone se met à vibrer. Mes deux ventricules cardiaques aussi.
Clémentine vient de m'écrire en insistant bien sur la ponctuation.
Go !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je sens mes jambes flancher sous la bonne nouvelle. Il faut que je me ressaisisse. Et puis, Clémentine a raison, je n'ai rien à perdre. J'inspire et expire une grande goulée d'air. C'est parti. Je prends une allure faussement assurée et me remotive à bloc.
Qui ne tente rien n'a rien, me répété-je en boucle en avançant d'un pas déterminé vers mon rencard.
Lorsque je rentre dans le bar à la déco rock'n'roll, mes yeux se posent sur Clémentine, assise au comptoir, la paille de son mojito à la bouche. Il a bon dos le petit thé sans sucre qu'elle devait prendre à la base. Bien sûr, je fais semblant de ne pas la connaître et jette un coup d'œil alentour pour trouver le fameux James.
Et il est là, installé seul sous une lumière tamisée, à une vieille table en bois, au fond de la pièce dont le plafond jauni par le temps est recouvert de vieux vinyles. Mon cœur manque un battement quand il relève la tête et me fixe en train d'avancer vers lui. Concentration absolue. Je m'applique pour ne pas m'entraver dans un sac à main ou dans mes propres pieds, ce dont je suis capable lorsque je stresse.
Première étape réussie. J'arrive sans encombre à sa hauteur.
— Euh, bonjour, James, c'est ça ? prononcé-je, timide
— Enchanté, jolie poupée russe.
Il me sourit en se levant pour me faire la bise. Il est grand, très grand même, et il sent bon. Mais n'étant pas très tactile, je trouve sa main posée dans mon dos un peu trop insistante à mon goût.
— Je m'appelle Prune, me présenté-je alors plus sèchement que je l'aurais voulu.
Je m'éloigne vite pour m'asseoir sur ma chaise.
Je commence à trouver cette histoire de pseudo que Clémentine m'a donné ridicule. Ça me met mal à l'aise. Lui semble étonné par ma réaction. Il me regarde sans ciller. Je suis sur la défensive. Et avec une paire d'yeux bleus comme les siens en train de me sonder, je me sens dans son viseur de chasseur expérimenté. J'ai le cœur qui bat la chamade, au rythme de la marche nuptiale. Et voilà, comme à chaque fois, je déraille déjà, je m'emballe. Sa photo n'avait pas menti en tout cas, il est très beau et très baraqué. En fait, il est très « tout ». Mais s'il croit à un coup d'un soir, il va vite déchanter, le pauvre garçon, car même en face de Jim Morrison à l'apogée de sa carrière, je n'aurais pas été ce genre de femme à écarter les cuisses pour un mec qui ne me rappellera jamais.
— Tu vas boire quoi, toi ? lui demandé-je en tournant la tête vers la carte des boissons, ce qui me permet de fuir enfin son regard perçant.
— Euh, une bière, je pense, me répond-il, un peu pris de court. Et toi ?
— Hum, moi, je vais m'prendre un gin-tonic. La fin de semaine a été rude. Bon, je reviens, je vais commander, lui dis-je en décampant jusqu'au comptoir, à quelques mètres.
Habituellement, ce sont les hommes qui prennent ce genre d'initiative lors d'un premier rendez-vous, mais fuck les stéréotypes. De toute façon, quand je suis gênée et paniquée, je me sauve, c'est systématique chez moi.
Je pars ainsi patienter juste à côté de Clémentine qui, discrète, me pince le bras en chuchotant :
— J'espère que tu vas profiter de ce putain de beau gosse. Regarde-moi ça, on dirait Thor. Il lui manque juste l'armure et le marteau.
J'ignore ma meilleure amie en m'adressant à la place au barman en face :
— Une bière et un gin-tonic, s'il vous plaît.
— Pimbêche, se marre-t-elle.
Je souris dans ma barbe avant de repartir vers James, nos deux verres à la main.
— Tiens, c'est une blonde, j'espère que tu aimes.
— Je préfère les brunes, comme toi. Les brunes pétillantes et sexy à la bouche gourmande.
Je déglutis. Qu'est-ce qu'il fait chaud ici ! Je décide malgré tout de ne pas me laisser berner pouar son numéro de charme et de jouer franc jeu.
— Tu sais, James, tu m'as l'air assez direct, alors je vais tâcher de l'être aussi. Si tu cherches une fille juste comme ça pour ce soir, tu as choisi la mauvaise personne. Je sors d'une rupture et...
— Pourtant, je croyais que c'était clair entre nous, me coupe-t-il froidement.
Je n'en reviens pas. Donc, il ne s'en cache même pas. Il ne cherche pas à me connaître, il veut aller droit au but. Quel goujat ! Moi ou une autre... tant qu'il y a des trucs à palper et fourrer. Je suis choquée.
— Je... je dois aller aux toilettes, balancé-je en me levant illico presto.
M'enfermer et me cacher dans les W.C. est devenu une habitude ces derniers temps. C'est quoi ce plan ? Qu'est-ce que je fabrique ? Ce gars a beau être canon, j'ai trop de fierté pour être une simple fille d'une nuit que l'on oublie à l'aube, au moment des adieux en renfilant ses sous-vêtements. Je ne sais même pas pourquoi j'y ai cru cette fois, j'ignore pourquoi je suis là, enfermée dans les chiottes mixtes de mon pub préféré. Je me passe un coup d'eau fraîche sur les joues, me recoiffe la frange puis décide de repartir affronter Monsieur Goujat.
— Écoute James, je suis désolée, mais moi, je ne fonctionne pas comme ça.
— J'ai beaucoup de mal à te suivre. Sur Xinder, je...
— Je suis désolée, répété-je maladroitement sans le laisser finir sa phrase.
Au moment où je commence à récupérer mon manteau pour partir, il me rattrape par le bras. Un étrange frisson me parcourt le corps, je sais pas si je dois avoir peur ou me sentir flattée.
— Bois au moins ton gin, s'il te plaît. Maintenant qu'il est servi, ce serait bête.
— Pour quoi faire ? m'enquiers-je, sur la défensive.
— Je ne mords pas, tu sais, ma jolie pou... Oups, pardon, jolie Prune.
Je fronce les sourcils.
— Prune tout court, ça suffira amplement.
A suivre...
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