2 Site de rencontres
Chapitre 2 : Le site de rencontre
Vers ma quatrième bière ou septième, je ne sais plus trop, Clémentine me parle soudain d'un nouveau site de rencontre hyper branché à Paris.
— Non, mais Prune, t'es jolie, intelligente, et même drôle parfois. Tu ne vas pas encore te morfondre cent sept ans. C'est mort. Non, tu vas tester Xinder !
Elle me pique mon téléphone portable.
— Hé, tu fais quoi ? tenté-je de râler sans grande conviction, beaucoup trop saoule et épuisée émotionnellement pour me défendre.
— Je t'installe l'appli, puis je te crée ton profil. Tu me remercieras un jour, tu verras. Bien entendu, je veux être ton témoin à ton mariage, c'est non négociable.
Cinq bonnes minutes plus tard, je me retrouve éblouie par un flash aveuglant sorti de mon iPhone. Clémentine vient de me prendre en photo alors que je suis en train de tirer une tête de merlan frit, ma bouteille de vingt-cinq centilitres à la main.
— Hum, réfléchit-elle à voix haute, et si on mettait poupée russe comme identifiant, qu'est-ce que tu en penses ?
J'avale une gorgée de ma bière tiède.
— Pourquoi « poupée russe » ?
— Ben je trouve que ça décrit tout à fait ta quête du grand amour. Tu cherches ta mini poupée cachée au fond, mais pour pouvoir y accéder, tu dois tester et ouvrir les autres poupées, les grosses, les moins grosses, les moyennes, toutes tes expériences foireuses, les innombrables connards qui cachent l'homme de ta vie quoi.
— Ah, ça se tient comme raisonnement, je crois qu'il y a un film sur ce thème d'ailleurs. Ouais, j'avoue. Par contre, j'espère que ma mini poupée russe cachée dans les autres n'en a pas une toute petite, si tu vois ce que je veux dire, parce que ça craint du boudin si c'est microscopique quand même, autant me débrouiller avec mes doigts.
On éclate de rire en même temps. Un rire communicatif de trentenaires bourrées, désespérées et en manque de sexe, devant le générique de fin de John Wick.
— Et sinon, maintenant qu'on s'est épanchées sur ma vie sentimentale de merde, t'en es où, toi, avec ton crush du moment ?
— Lequel ? me répond-elle, la bouche pleine de pizza supplément mozza.
— Bah, ce n'est pas Gabriel qu'il s'appelle ?
— Ah non, lui, c'est de l'histoire ancienne. J'ai déjeuné deux fois avec Cédric depuis, celui qui avait pris mon numéro à la soirée de Simon. Il est sympa, mais je ne sais pas, il manque le petit plus qui pourrait faire que.
— Le petit plus ?
— Ben ouais, le je-ne-sais-quoi qui change tout.
Je hausse les épaules.
— Hum, trop philosophique pour moi. De toute façon, je n'y comprends rien à l'amour et ses subtilités. J'abandonne ce concept surréaliste.
***
Le lendemain, fini de rire. Les cheveux en vrac, les yeux plissés, je demande à Clémentine si elle peut me filer un doliprane ou un ibuprofène, qu'importe la molécule tant qu'on me retire au plus vite le casque en train de m'écraser la boîte crânienne.
— Han, pourquoi je bois autant à chaque fois qu'on me largue, me plains-je à haute voix. Hier, j'avais seulement le cœur brisé, et voilà qu'aujourd'hui, j'ai la gueule de bois qui va avec. Je suis pathétique.
— Ouais peut-être, mais t'es une fille pathétique qui va devoir se grouiller un peu si elle ne veut pas être en retard à son rencard avec le beau gosse de Xinder.
Je m'étouffe avec mon verre d'eau. Le cachet ovale que j'étais en train d'avaler ressort direct et disparaît en plein dans ma tasse de café.
— Hein ? Quoi ? Quel rencard ?
— Celui que tu as donné hier soir au mec avec qui tu as un peu papoté sur l'appli, me répond Clémentine, le sourire malicieux.
Cette nana a beau être blonde comme les blés avec un petit minois angélique, elle n'en reste pas moins diabolique.
— Et tu m'as laissée faire ? m'égosillé-je.
— Ben ouais. Allez, arrête de tergiverser et file sous la douche, tu empestes l'alcool.
— Même pas en rêve, c'est mort, je n'irai pas.
— Oh que si.
— Oh que non.
— OK, attends, s'exclame-t-elle avant de partir dans le salon.
Deux minutes après, elle revient dans la chambre avec mon téléphone à la main.
— Tiens, regarde, c'est lui, m'annonce-t-elle en me pointant sa photo sous le nez.
Arrêt sur image. Ce mec est canon de chez canon. Si j'avais un genre, ce serait pile celui-ci. Grand, châtain clair, yeux bleus, barbu, mais pas le père-noël non plus. Et ses bras. Avec des bras comme ça, il peut porter n'importe quelle femme dans n'importe quelle position. Je rougis aussitôt en pensant à ça.
Et donc, j'ai obtenu un rendez-vous avec cet homme et ne m'en souviens même pas. Comme quoi, ne jamais sous-estimer le pouvoir d'un pack de bières en promo.
— Bon... je crois que je vais aller me doucher finalement, avoué-je, vaincue.
Deux bonnes heures plus tard, je suis prête. Mes cheveux sont coiffés, mes yeux maquillés, et je n'ai presque plus mal à la tête.
— Tu es parfaite, ma poulette, me complimente Clémentine alors que j'enfile mon manteau noir.
— Euh, je pensais... Tu vas rire, hein, mais comment dire, euh... tu ne veux pas m'accompagner par hasard ? Au cas où ce mec serait un psychopathe, ou pire encore, que ce ne soit pas sa vraie photo, qu'il ait menti et qu'il ressemble à Gollum.
Clémentine court alors jusqu'à son dressing avant d'en ressortir vêtue d'un imper beige et de son chapeau Fedora assorti.
— Je savais que tu me le demanderais, jubile-t-elle. Bien sûr que je te suis, mais regarde, je serai incognito. Pour ne pas tout faire foirer si ce gars te plaît, je resterai au loin, discrète et quasi invisible, telle une ombre, assise à ma table, sirotant un petit thé comme si on ne se connaissait pas.
— Tu t'es prise pour James Bond ou quoi ? me marré-je.
Elle sort de son sac à main ses nouvelles lunettes de soleil. Je la fixe, l'air dubitatif, en train d'enfiler ses Gucci dernier cri avec des montures parsemées de strass argentés. Discrétion assurée pour la filature qui l'attend.
J'attrape le bras de ma meilleure amie et regarde sa montre. C'est l'heure. Il faut qu'on y aille, et vu l'accoutrement de Clem, je m'attends à un sketch. Alors que nous marchons vers l'arrêt de Métro juste en bas, je regarde à nouveau sa photo sur le site de rencontre. Il est vraiment mignon. Je me décide ensuite à relire ou à découvrir plutôt, vu que je ne m'en souviens pas, la discussion que nous avons eue la veille, lui et moi.
— Il s'appelle James, raconté-je à Clémentine pendant que nous arrivons sur les quais, sous terre. Il a trente-deux ans et il est commercial.
— Cool. Dans quoi ?
— Il n'a pas dit. Il a l'air sympa en tout cas. Après, on se n'est pas raconté grand-chose hein, juste des banalités.
— Et tu lui as donné rendez-vous où ça, au fait ?
— Au Milo's, quelle question !. Tu sais bien que quand je suis bourrée, je finis toujours dans ce bar. C'est un peu comme les saumons qui remontent la rivière pour pondre leurs œufs à l'endroit où ils sont nés. C'est instinctif. Je n'ai même pas dû réfléchir au moment où je lui ai proposé de se rencontrer.
— Attends, vas-y, fais-moi lire.
Elle me pique le téléphone des mains. Décidément, c'est à se demander à qui cet iPhone appartient.
— Arrêteuh, c'est ma vie privée Clem, tenté-je de me défendre.
— Ta quoi ? Pas de ça entre nous, Prune, voyons, rétorque-t-elle tout en lisant ma conversation avec James. Waouh, mais t'as vu son dernier message ? C'est chaud bouillant quand même !
J'écarquille les yeux.
— Ah non, mais t'es chiante, je n'avais pas fini. Qu'est-ce qu'il a écrit ? m'impatienté-je.
— « Je veux te voir, jolie poupée russe, quelle que soit ton offre, elle sera la mienne. », me lit-elle en imitant une voix langoureuse et masculine.
— Euh, mais qu'est-ce que ça signifie ?
— Ben, que quoi que tu veuilles, il le fera, non ? Genre, tu as envie de trois mojitos avant de conclure, tu auras tes trois mojitos, supplément Angostura, et plus si affinités. Enfin, je le traduis comme ça moi...
— C'est un peu space quand même, paniqué-je, tout à coup hésitante. Tu sais, moi, les plans cul, je n'en ai jamais vraiment eus, je ne sais pas si j'assumerais.
Je sens que je commence à faire machine arrière, mais c'était sans compter ma meilleure amie pour réussir à me convaincre.
— Oui, c'est peut-être un peu bizarre, mais ce mec a, semble-t-il, flashé sur toi, et si tu veux mon avis, c'est une vraie bombe nucléaire. Donc tu n'as rien à perdre en allant boire un ou deux verres avec lui. Tu verras bien ce qu'il te propose et si tu en as envie. Dans tous les cas, ce sera mieux que de te morfondre le reste de la journée devant Bridget Jones avec ton pot de glace à la vanille.
A suivre...
Prochain chapitre, Prune va enfin (ou malheureusement ? ;-) ) rencontrer sa nouvelle poupée russe. Est-ce que cette fois-ci ce sera la bonne ? Pas sûr que dans le chapitre suivant se passe comme elle l'aurait rêvé...
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