13 De la visite
Chapitre 13 : De la visite
Le lendemain matin, je réalise que je devrais être en route pour le travail, là.
Ligne 6, arrêt de métro Nation jusqu'à Place d'Italie. Jérôme, mon chef, nous aurait alors proposé une viennoiserie à moi et à mes deux autres collègues, David et Medhi. Le lundi, il passe toujours par la Mie Câline. J'aurais certainement choisi un pain aux raisins. J'adore ça. Ou peut-être un croissant. J'hésite souvent. Puis, on se serait mis au boulot jusqu'à la pause déjeuner. En général, le matin, c'est speed puis l'après-midi, plus relax. Ô bien sûr, ce n'est pas la profession la plus fun qui existe, mais c'est prenant et assez intéressant, la plupart du temps. Ça fait bientôt six ans que je bosse dans la même boîte, alors je suis rodée, je connais assez bien mon métier, et comme James, je suis plutôt douée dans ce que j'entreprends.
Voilà que je repense à toutes les horreurs qu'il m'a racontées cette nuit. Mon Dieu ! Comment peut-on vivre des choses pareilles à un si jeune âge ?
Personne pour l'aimer, personne pour le protéger, le dorloter. Rien que de l'imaginer, tout petit, innocent, battu et humilié par sa grand-mère, j'ai le cœur qui se tort et dégouline, comme lorsqu'on essore une vieille serpillière souillée.
Lui dort encore à poings fermés. Je décide de me lever discrètement pour aller faire un brin de toilette dans la salle de bain. J'espère qu'il y a de l'eau. Je rêve d'une bonne douche chaude.
J'e rentre dans la baignoire dont les joints sont noirs et moisis. L'émail est abîmé à plusieurs endroits. J'aurais envie d'y passer un bon coup d'éponge et de javel, mais je n'ai vu aucun produit ménager dans cette maison. Et puis quelle idée ! Je refuse de me comporter comme Blanche Neige dans la cabane des sept nains. La nana débarque, elle est pourtant leur invitée, et finalement, voilà que pendant que ces messieurs partent au boulot, elle se retrouve à récurer leur logis. N'importe quoi ! Je ne suis pas la bonne à tout faire et bientôt, je serai partie d'ici de toute façon.
Je me demande comment ma vie va être après ça, après lui.
Je tourne le robinet, dégoûtée à l'idée de voir sortir un liquide marronnasse et boueux. Mais à mon grand étonnement, c'est de l'eau claire et limpide qui se met à couler. De l'eau chaude en plus. Et pour couronner le tout, j'aperçois un flacon de bain-douche posé sur le côté.
Une fois savonnée, je prends mon temps pour me rincer. Ça fait un bien fou de sentir enfin le propre. Je me sens revigorée. Je referme le robinet et sors de la baignoire pour attraper la serviette beige étendue sur une vieille chaise en bois avant de m'enrouler dedans.
— Tu veux des vêtements ?
James est apparu sur le seuil de la porte. Les bras croisés, il ne me lâche plus du regard. Il semble apprécier le spectacle. Ça me gêne. Je m'imagine rouge pivoine.
— Oui, c'est gentil, finis-je par lui répondre, toujours à l'abri, cachée sous ma serviette.
— Viens, je range mes fringues là-bas.
Je le suis jusque dans la chambre. Il fouille dans son armoire, puis me tend un tee-shirt à lui. Juste un tee-shirt, rien d'autre.
— Euh..., bafouillé-je, surprise. Tu n'as pas un jogging, un pantalon ou même un caleçon à me prêter aussi, s'il te plaîit.
Il sourit.
— Je ne porte pas de caleçon, rétorque-t-il malicieusement.
— Ben, un boxer alors, t'inquiètes, insisté-je. De toute manière, vu la taille de tes tee-shirts, ça fera l'effet d'une robe sur moi.
— En effet, acquiesce-t-il avec un timbre de voix qui met mes sens en alerte.
Il me saisit par la serviette et tente de tirer dessus. Mais comme je l'ai senti venir, je me suis cramponnée et ne l'ai pas lâchée, ce qui lui a fait rater sa manœuvre.
Je lui lance un regard noir.
— Bien essayé, mais je préférerai m'habiller seule si tu veux bien ?
Il me fixe sensuellement. Je crois que j'ai réveillé la Bête entre ses jambes.
Pourquoi cet homme aime autant les défis ? C'est maladif chez lui. Pourquoi il aime quand je lui dis non ?
— Arrête, et va-t'en.
— Pourquoi tu ne veux pas ?
— Parce que je vais finir par marcher comme un cowboy à force, répliqué-je sans réfléchir.
Apparemment, il apprécie mon sens de l'humour, car il rigole à presque s'en déboîter la mâchoire.
— C'est une bonne raison, abdique-t-il. Va pour l'entracte. Mais tu ne perds rien pour attendre.
Ce mec a le don de me faire rougir comme une tomate. Il commence à quitter la chambre sans m'avoir donné de boxer ni de jogging.
— Et en bas, je mets quoi du coup ? le stoppé-je.
— Hé ho, je suis déjà très généreux en te prêtant ce tee-shirt, et puis, je préfère te savoir accessible pour quand j'en aurais envie, me sort-il en me faisant un clin d'œil.
Il part au rez-de-chaussée, fier de lui, et moi je voudrais le taper. Mais j'apprends de mes erreurs et sais qu'en me rebellant encore, cela risquerait de se retourner contre moi. Puisqu'il ne veut rien me donner d'autre, après tout, je ne vais pas me gêner pour fouiller à sa place dans son armoire. Je rouvre la vieille porte en bois massif pour y récupérer un boxer propre, quand j'entends quelqu'un frapper.
— Qui c'est ? demande James.
— C'est moi.
Je me dépêche d'enfiler le tee-shirt et le boxer. Je flippe un peu. Ami ou ennemi ?
Je ne sais pas s'il faut que je me cache sous le lit ou si je dois demander de l'aide à cet inconnu que James vient de laisser entrer. Dans un premier temps, je trouve plus prudent d'écouter leur conversation sans descendre les rejoindre.
— Bon, tu fous quoi mec ? Jo attend les derniers chiffres, il commence grave à s'impatienter, tu le connais, et Boris va finir par sentir la merde, il est loin d'être con ce fils de pute.
— Et du coup, il t'a demandé de venir me foutre un coup de pression, c'est ça ?
— Roh, mais non, tout de suite, comment tu es ! J'viens prendre de tes nouvelles aussi. Tu me payes une blonde ?
J'entends James ouvrir le frigo puis décapsuler deux bières. À onze heures du mat, ça fait un peu alcoolique quand même...
— Allez, tchin, à nos futurs millions et à toutes les tepu qu'on va pouvoir s'payer avec. On va en fourrer des trous, à s'en abîmer la bite.
Eh merde. Devant la violence de ses propos, je recule par réflexe et m'entrave dans le pied du lit.
— Hé, c'est quoi ce bruit ? beugle l'homme après avoir roté.
— Des rats sûrement, tente de le rassurer James.
— Un très gros rat, si tu veux mon avis, rétorque-t-il. Ça t'ennuie si je vais voir ? Ne me dis pas que tu gardes la fille ici ?
— Oui, ça m'ennuie. Et quelle fille ? Je t'ai expliqué que je n'ai pas encore obtenu de rendez-vous avec Nina. Elle est plus méfiante que les autres, c'est compliqué.
— Je ne parle pas des Russes, mec, mais de la gonzesse que tu as chopée vendredi soir par erreur. J'croyais que tu l'aurais butée depuis l'temps.
— Et depuis quand je dois te rendre des comptes sur ce que je fais et comment je le fais ?. C'est mon problème, t'en mêles pas.
— Elle est bonne, c'est ça ? Tu te la tapes ?
— Franchement, t'es lourd, Jerem. C'est pas tes oignons. Bois ta bière et va cafter à ton frère que j'aurais son info d'ici demain.
— Moi je m'en fous, hein, de qui tu te sers pour vider tes couilles, mais j'connais Jo, et il n'aime pas les cachotteries. Encore moins si cette meuf est recherchée par les poulets. Suis mon conseil, débarrasse t'en avant d'avoir des ennuis et de nous en filer par la même occasion.
— Merci du conseil, Jerem. Allez, tire-toi maintenant ou sinon j'expliquerai à Jo pourquoi je n'ai pas eu le temps de récupérer la dernière série de chiffres. Je vous appelle dès que je les ai.
— OK, OK.
Il rote à nouveau. Quel gros porc.
— Allez, à plus, mon vieux loubard.
La porte claque. Cet odieuxpersonnage est enfin parti.
A suivre... :-)
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