promis
Je pleure à chaudes larmes. Dix ans que j'enfouis tout ça dans le creux de mon estomac, comme si ça pouvait le remplir. Au final, ajouter ces putains de ténèbres sirupeuses au vide ça ne fait que le creuser tellement plus encore. Tu me manques. C'est un constat déchirant, et j'essaie de l'oublier, mais là, en tête à tête avec le soldat dont t'as maltraité la monture, c'est tellement vrai que j'arrive plus à l'ignorer.
Je revois ta mine triste, tes yeux rouges et tes lèvres de travers quand c'est arrivé. Moi j't'avais gardé un bout de mon sandwich triangle, celui avec le plus de sauce, comme d'habitude. Et la première chose que j'ai remarqué, c'est que tes Van's étaient pleines de boue. C'est con je sais mais... A cet instant j'ai su que ça allait pas. Et que j'aurais du te garder le sandwich en entier.
Tu t'es assis, t'as laissé ta tête partir en arrière contre l'accoudoir de métal, et tes épaules ont commencé à tressauter.
- Eh, ça va ?
T'as reniflé. Tu t'es redressé, un peu. Tu m'as fixé avec des yeux rouges et bouffis. Et la haine qui en dégoulinaient m'a frappée. J'en ai suffoqué. Je ne savais pas à cet instant que c'était au monde entier à qui tu en voulais, et pas seulement à moi. J'ai accusé le choc. Je me suis dit que cette question était vraiment conne.
J'ai ouvert mes bras, hésitante. Le bout de sandwich s'est écrasé sur mon jean, et la sauce s'y est étalée en forme d'étoile. Mais je m'en suis pas souciée, et tu t'es retourné pour poser ta tête sur mon épaule. Tu te rappelles de ça ? Ta tristesse appuyée contre moi, je la laissais se frayer un chemin jusqu'à mon cœur pour qu'elle arrête de ronger le tien.
Mais ça n'a pas marché. Et les semaines suivantes, t'as arrêté d'aller en cours. T'étais là, sur ce putain de banc, bien avant que j'arrive et bien après que je sois repartie. Plus les jours s'égrainaient, plus je voyais des cadavres de bouteilles d'alcool trouver des places entre tes mains.
Et quand ça t'as plus suffi, t'as commencé à fumer. C'est là que j'ai commencé, moi, à t'en vouloir. On se disputait tellement souvent... Tu me faisais presque peur. Un jour, complétement saoul, tu m'as frappée au visage. J'en ai gardé une ecchymose pendant une semaine.
Et un autre, tu t'es allongé, la nuque appuyée contre l'accoudoir, et tu m'as fait la promesse qui me retient ici alors que ma vie m'attend, comme si ta mort suspendait le temps et me retenait dans ses bras un instant. Comme si ta mort, au final, ne pouvait pas vraiment être oubliée par ma vie.
Après ce soir là, t'as commencé à fumer autre chose que des cigarettes. Et puis t'as essayé pleins d'autres choses. Je ne saurais plus les énumérer. Je voulais t'aider, t'amener voir quelqu'un, te hurler d'arrêter, mais à chaque fois tu me repoussais. Tu disais que de toute façon la réalité c'était de la merde et que tu me haïrais de te trainer dedans, et que tu pourrais plus tenir ta promesse.
Et un jour où je n'ai pas pu venir, t'as fait une overdose. C'est une joggeuse qui t'as retrouvé, une seringue plantée dans le bras, la poitrine immobile, désarticulé sur ton banc. Est-ce que t'es mort à cause de moi ? Ou est-ce que t'avais prévu que ça arriverait ce jour là ?
J't'en veux d'avoir pas été plus courageux. De pas m'avoir laissée t'aider. Putain Nolan, tu te rends compte à quel point tu me manques ? J'en veux à ta jumelle aussi, Elona. Si elle n'était pas morte en premier tu serais assis à côté de moi.
Mais, tu sais, puisque je dois fermer les yeux pour juguler mes larmes, j'ai l'impression que t'es là à côté de moi, que tu me demande pardon, que tu me crie d'aller de l'avant. J'ai l'impression de sentir tes doigts se refermer sur les miens au lieu d'empoigner ces maudits instruments de mort.
J'ai l'impression que tu t'es détaché des étoiles pour venir m'offrir un sourire de Lune. Quelque chose de calme et d'apaisant. Et peut-être que, grâce à ta présence, je vais pouvoir combler mon creux ?
Merci d'avoir honoré ta promesse, Nolan.
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