- Qui êtes vous vraiment ?

- Je suis la dernière Gardienne du savoir Lunaire, c'est tout ce que tu as besoin de savoir aujourd'hui.

Je les regarde fixement, hésitant entre laisser libre court à ma colère et ma frustration, ou plutôt aviser sagement. Elles n'ont effectivement pas l'air de me vouloir du mal. Et le titre qu'elle s'est donnée me fait penser qu'elle est un serviteur de la Déesse Lune. Mais qu'est-ce que le Savoir Lunaire ? Et si jamais cela concernait les nymphes ? Cela expliquerait comment elle en sait autant sur moi. Et si mon intuition s'avère exacte, je ne peux pas me permettre de les contrarier.

- Qu'est-ce qui me prouve que je peux vous faire confiance ?

- Rie... commence le corbeau avant d'être brutalement interrompu par la vieille femme.

- Eelen vous entraînera. Elle vous apprendra à non seulement à manier les fouets mais aussi votre magie.

Je fronce les sourcils et les jauge du regard. J'essaie de les sonder, mais je ne vois que de l'assurance en Eelen et de l'empathie chez Tatiana. Ses yeux doux, mais non moins pétillants, me couvent comme si j'étais un bien précieux. Eelen quant à elle est plus réticente, mais quelque part c'est plus rassurant. Comment peut on faire confiance à une personne que l'on vient juste de rencontrer ? D'autant plus que je l'ai blessée. Elle a beau essayer de la cacher, sa main marquée de volutes noires ne passe pas inaperçue.

- Quand ? demandai-je.

- Demain, venez demain et on vous expliquera tout. 

Je fixe ses prunelles brunes pour y chercher la moindre parcelle de malice. Mais je ne vois rien, rien d'autre que son désir que je lui fasse confiance. Alors je reprends une position moins défensive et lui glisse même un petit sourire.

- Alors à demain, dis-je en coupant cours à ma visite du jour.

J'ai besoin d'en parler au lion, savoir ce qu'il en pense. S'il me dit que je ferais mieux de ne pas y aller, j'irai quand même, mais j'y réfléchirai par deux fois. Mais je ne me voile pas la face en réalité je n'ai pas trop le choix, elles semblent être les seules à en savoir sur moi.

- Eelen va vous raccompagner, dit-elle d'une voix autoritaire qui n'insuffle aucun refus.

- Très bien, à demain alors, dis-je avec un sourire rempli de défi. 

Elle incline la tête et nous regarde partir d'un œil attentif. Dans la même course qu'à l'allé je suis Eelen dans les arbres tandis qu'elle vole dans le ciel. Je regarde ses battements réguliers avec une sorte d'envie. Je me suis toujours demandé ce que ça pouvait faire de voler. Non pas que j'ai un désir particulier de liberté, je suis juste curieuse. Sentir le vent, jouer avec lui et transcender les limites terrestres, voilà qui semble plaisant.

Mais peut-être pas autant que de pouvoir contrôler la nature, me dis-je ne regardant ma main.

Je pose la dite main contre un arbre passant et capte en une fraction de seconde son essence. L'essence d'un arbre c'est ce qui le rend unique et différent de tous les autres. C'est un peu comme si je connaissait l'odeur, le nom, l'apparence d'une personne

Un éclair d'or attire mon regard un instant après qu'un bruit aigu ait retenti dans toute la forêt. Toujours dans les airs, Eelen se retransforme en humaine. Je me stoppe pour la voir chuter vers le sol. Elle se réceptionne sans mal sur le sol, prouvant que ce petit tour est assez habituel. 

- Il faut marcher, dit-t-elle sans donner plus d'explication. 

- Que se passe-t-il ? 

Il doit forcement se passer quelque chose. A l'allé nous avons pu faire le chemin sans marcher. 

- Il y a un problème ? insistai-je. 

- Je ne sais pas, je suis les ordres c'est tout. Le signal que tu viens d'entre veut dire:"tous à terre", ajoute-t-elle néanmoins comme si les mots lui coûtait. 

Je réprime un sourire, elle n'est vraiment pas du genre bavarde. Pourtant je dois la faire parler, ne serait-ce que pour en savoir plus sur la blessure à sa mains. Tandis que nous marchons silencieusement, je lui jette des coups d'œil régulier, tentant de trouver une occasion pour discuter. 

- Parle ! crache-t-elle à moitié à bout d'un moment.

Je masque un autre sourire, on dirait un petit chat grognon qui fait ses griffes sur tout ce qui bouge. 

-  Tu comptes vraiment m'apprendre la magie ?

- Ce n'est pas vraiment de la magie, marmonne-t-elle, mais plutôt une capacité des nymphes. Mais oui, ajoute-t-elle en me jetant un coup d'œil par dessus son épaule, j'y compte bien.

Je laisse un petit silence s'écouler, avant de mieux réattaquer.

- Si tu y parviens, je guérirais ta main.

Elle me surprend en s'arrêtant brusquement et en pivotant rapidement pour me faire face. Les prunelles ardentes, menaçantes.

- Tu me fais du chantage ? gronde-t-elle les babines retroussées.

À cet instant, elle me fait plus penser à une dangereuse panthère qu'à un banal corbeau.  Quand à moi, je suis tellement estomaquée par son quiproquo, que je bégaye un instant avant de répondre.

- Je crois que tu m'as mal comprise Eelen, je ne sais pas qu'elle image tu te fais de moi, mais elle est loin de la vérité, tentai-je de calmer le jeu malgré mon irritation.

J'ai mes défauts, j'en suis bien consciente. Mais l'utilisation de ce genre de menaces voilées n'en fait pas partie.

- Si je t'ai dit ça c'est parce que je vois bien que ça te fais souffrir. Tu as beau le cacher, c'est visible comme le nez au milieu de la figure. Et j'ai beau ne pas être coupable, parce que c'est toi qui a touché ce qui ne t'appartient pas, je ne peux m'empêcher de ressentir une part de responsabilité. Voilà pourquoi je te propose de te guérir. Mais je ne pourrais le faire que si tu m'apprends.

Elle se redresse et son visage se décrispe. Je crois même voir un peu de culpabilité dans son regard. Je crois que je vais devoir m'en contenter parce qu'elle n'est pas du genre à avouer.

Tout de même agacée par son comportement, je me détourne d'elle pour reprendre la route. Elle s'élance un instant après et malgré son poids plume, le bruit de ses pas résonne clairement dans mes oreilles. Tout comme son profond soupir.

- Je me suis peut-être emballée un peu, marmonne-t-elle pour toute excuse.

Un peu ? Si j'étais le Larousse, j'appellerais ça un bel euphémisme.  Mais je suis Ingrid et je savais très bien que je ne pouvais pas espérer plus.

Je ne dis rien et elle non plus. On marche en silence, moi devant, elle en arrière. Lorsqu'on arrive enfin dans un embranchement que je reconnais je m'arrête et me retourne de nouveau vers elle.

- À partir d'ici je peux me retrouver, tu peux rentrer chez toi.

- Non, Tatiana me tuerai. Il faut que je...

Elle s'arrête de parler au même instant où un son étrange me parvient. Je prends un instant à comprendre que ce n'est d'autre que la lamentation des arbres qui m'entourent. Alors même qu'une panique sourde et vive se propage dans mon corps entier, Eelen me murmure.

- Ingrid, ton collier.

Je baisse la tête assez vite pour me faire un torticolis, et regarde avec effroi la pierre briller d'une lumière inquiétante. Comme pour en puiser du courage, je sers mon poing autour et dans mouvement tout aussi vif je m'approche de Eelen. Avec ma main libre je m'empare de son bras et la colle à moi.

- Reste très prudente, grinçais-je entre mes dents serrées, une peur effroyable contractant tous les muscles de mon corps, elle arrive.

- Qui ? demande-t-elle en fronçant les sourcils.

- L'ombre.

Comme si la nommée l'avait guidé jusqu'à nous, je la vois apparaître. Toujours aussi sombre et inquiétante qu'une nuit sans lune, elle semble attirer chaque rayon de lumières pour mieux les absorber. Eelen la repère l'instant d'après. Mais elle ne semble pas saisir la menace et fait un pas en avant.

- Qui êtes vous ? gronde-t-elle avec force.

Une fraction de seconde. Voilà le temps qu'il lui a fallut pour qu'elle se déplace et nous projette comme des moucherons d'un revers de mains. Nous nous effondrons toutes les deux, stoppées douloureusement par les troncs d'arbres. En plus de la violence du geste, l'arrêt achève de me couper le souffle. Je tente de reprendre mes esprits tout secouant Eelen à mes côtés. 

-Eelen, eelen, la pressais-je dans l'urgence. 

- Putain, c'était quoi ça ? grogne-t-elle en secouant la tête. 

Je n'ai pas le temps de répondre que déjà, l'ombre fonce de nouveau vers nous. Cette fois j'ai le temps de la voir pour sauver notre peau. Je pousse précipitamment le corbeau et la suit dans sa chute. Je sens le nouveau coup me frôler de justesse suivit du bruit sonore que fait le bois en explosant. Le même tronc que celui sur lequel j'étais adossé il y a quelque instant. Je crois que si j'étais restée sur place j'aurais eu, au mieux, tous les os brisés... 

Je me relève en un éclair, les entraînements suivis par Leindel refaisant surface au bon moment. Je me mets en position défensive, les muscles bandés et concentrée à bloc. L'ombre, ne semble pas s'être blessée malgré le plein fouet qu'elle s'est pris. Au contraire, elle semble même amusée. Son sourire ressort nettement dans l'ombre de sa capuche et me nargue. Tout autant qu'il me terrifie. Pourtant je prends mon courage à deux mains pour lui parler. 

- Vous avez entendu ce qu'elle a dit ? insistai-je. Qui êtes vous et surtout, que me voulez vous ? 

Je fixe la où je pense que se cache ses yeux et essaye de paraître plus dangereuse qu'elle. Peut-être qu'elle aurait répondu, mais ça c'était seulement si Eelen n'avait pas décidé d'agir à ce moment. Profitant du moment d'inattention de notre ennemi, elle s'élance vers lui et essaie de le frapper avec son pied au niveau du thorax. Mais l'ombre l'évite sans peine, en se détournant un peu. Mais le corbeau rebondit vite de son échec et tente un assaut aussitôt après. 

Elle lance son poing gauche au même moment ou sa main droite envoi un poignard. L'ombre aurait dû recevoir soit l'un, soit l'autre ou avec un peu des chances les deux. Pourtant elle intercepte facilement le point de Eelen d'une main et de l'autre elle se débarrasse de la lame volante comme s'il s'agissait d'une vulgaire mouche.

Je prends ma décision en une fraction de seconde, je ne suis pas assez stupide pour croire que je pourrais battre cet ennemi redoutable. Ou même qu'elle ne nous pourchassera pas si on s'enfuit, si d'aventure je réussissais à convaincre Eelen de fuir. Ne pouvant ni me battre ni me carapater, je décide de faire les deux. 

Poussée autant par l'adrénaline, que par la colère, je fonce vers l'ombre. Je cours droit dans la gueule du loup et elle est grande ouverte. Son sourire inquiétant déclenche en moi un puissant frisson et je redoute pendant un instant mon plan insensé. Pourtant je n'ai d'autre choix que de l'appliquer. 

Alors lorsque je suis assez proche pour qu'elle m'attrape, je saute au dessus d'elle. Je me contorsionne en l'air pour me retourner et la frapper dans le dos. J'atterris par terre en même temps qu'elle fait un léger pas en avant pour retrouver son équilibre. Le temps qu'elle se retourne j'ai déjà libéré mes nouvelles armes pour frapper son bras avec. C'est là qu'est la partie la plus folle de mon plan. Le couteau adroitement lancé par Eelen a été repoussé sans peine. Pourquoi des fouets utilisés maladroitement réussiraient à la faire lâcher le bras du corbeau ?

Pourtant à mon plus grand étonnement, elle la lâche dans un cri de douleur rauque. Je ne prends pas le temps de m'ébahir et saute une nouvelle fois sur Eelen. Nous roulons ensembles au sol et lorsque on s'immobilise je lui intime de ne plus bouger. La raison est que durant notre chute j'ai invoqué assez de ronces pour protéger un régiment. En alvéole autour et dessus nous, elles nous protègent de l'ombre. Je retiens mon souffle en espérant que cela suffira à la tenir à distance. Pourvu qu'on nous retrouve vite !  

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Désolé du retards ! Et de la mise en page aussi, je sais pas si vous voyez la sorte de marge bleue. Je vais essayer de reprendre ça demain ^^

J'en profite pour vous annoncer un autre arrêt, désolé, mais ma correctrice part en vacances ! Et oui, chacun son tour. Je vous promets à la rentrée tout retournera dans l'ordre ^^

Gros bisous

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