4• Tatiana
Je ferme la porte en jetant un dernier regard au lion. Lorsque je me retourne, Eelen est de nouveau humaine.
- Il va falloir arrêter de faire ça, grinçais-je des dents en croisant les bras.
Elle hausse les épaules, toujours aussi nonchalante.
- Cette fois au moins j'ai attendu plus longtemps.
- Et tu attends peut-être que je te remercie ? riais-je.
- Suis-moi, dit-elle pour toute réponse avant de se transformer de nouveau.
Je reprends très vite mes esprits en la voyant s'envoler. Dans un saut élégant, je m'élance à sa poursuite, sautant de cime en cime.
Nous ne tardons pas à arriver dans un coin de la forêt où je n'étais jusqu'alors jamais allée. Par ici la végétation est incroyablement dense et forme un épais rideau vert sombre.
Je m'arrête en même temps qu'elle et la suis dans les branchages d'un arbre. Je remarque alors un étrange tipi, astucieusement relié à d'autres cabanes perchées. Elles sont identiques en tout point dans la structure, mais elles se distinguent par les décorations parfois très différentes.
Certains petits paliers regorgent de plantes et fleurs en tous genres, tandis qu'à l'opposé certains tipis sont agrémentés d'os d'animaux reliés par des fils, comme des colliers.
Lorsque je détaille celui où on rentre, je comprends tout de suite mieux. Car il est recouvert d'objets brillants en tous genres : CD, verres, bijoux, pierres... Or les corbeaux adorent tout ce qui brille. J'en arrive donc à la conclusion que chaque type de décoration est spécifique à l'espèce des habitants.
Les tipis recouverts d'os par exemple, doivent appartenir à des chouettes ou des aigles, ou un volatile du genre.
- Si tu as finis de contempler le paysage, raille-elle en indiquant la porte de son abris.
Je ne réponds pas à sa pique. J'ai l'impression qu'elle est du genre sarcastique. Et autant se battre contre un moulin à vent.
Je passe alors le pas de la porte en me glissant sous son bras. Lorsque je relève la tête, Eelen est déjà à mes côtés. Elle m'indique sans un mot le chemin à suivre. Je regarde avec étonnement l'agencement de la pièce. Ça a beau être petit, c'est si réfléchi qu'on ne s'en même pas compte. Chaque espace est utilisé et pour autant ça reste léger au regard.
Eelen m'arrache une énième fois de ma contemplation pour me faire passer un rideau d'objets brillants. Décidément, c'est vraiment son talon d'Achille.
- Incline-toi devant la doyenne du village, dit alors le corbeau en s'empressant d'ajouter le geste à la parole.
Je fronce les sourcils, mais obéit. Je n'ai même pas pu la voir avant. Je l'entends respirer doucement mais sa présence est tellement puissante qu'elle ne peut passer inaperçue. Eelen se redresse et je fais de même. J'affronte alors le regard de la puissante doyenne.
Je tombe des nus en la découvrant. "Incroyable, me dis-je en la détaillant des yeux, je la pensais plus... intimidante."
Parce que la femme qui me fait face, n'est en rien ce que j'aurais pu m'imaginer. En fait je sais pas trop ce que je pensais, mais je ne voyais certainement pas quelqu'un d'aussi "banal".
Entre sa chevelure blanche, mi-longue, ses yeux bruns et sa peau légèrement tannée, elle ressemble à une mamie lambda.
Pourtant en regardant mieux je me rends vite compte que, finalement, elle n'est pas si commune.
Son style vestimentaire d'abord. Elle porte une robe d'un rouge vif éclatant, parsemée de pâquerette. Le tout est relevé par un gros gilet de laine d'un vert prairie très tape à l'œil. Les couleurs me sautent aux yeux et m'emporte dans un tourbillon d'éclats.
Mais aussi son aura. Elle semble entourée de sagesse et de bienveillance. Parfait accord avec ses yeux pétillants de vie et son sourire communicatif. Quelques rides marquent sa peau, mais cela ne la rend pas moins avenante. Au contraire cela lui donne un petit charme qui ne semble être fait que pour elle.
- Bonjour Ingrid, dit-elle calmement mais avec une joie non feinte.
- Bonjour...
- Tatiana, appelle moi Tatiana.
Je hoche la tête, sans trop savoir quoi dire de plus. Pourquoi Eelen m'a-t-elle emmenée voir la doyenne du village ? Quelle est le rapport avec notre marché ?
- Assis-toi je t'en prie, dit-elle en montrant l'exemple, enfin qu'on puisse aborder les questions qui t'assaillent.
Je jette un coup d'œil à Eelen qui s'est déjà mis à côté de la doyenne à même le sol.
Je me mets de l'autre côté de la table basse, face à elles.
- Vous voulez du thé peut-être ? demande Tatiana après une longue minutes de silence.
- Non, je ne suis pas ici pour tourner autour du pot. Eelen et moi avions un marché et je ne vois toujours pas ce qui m'était promis. Dois-je en déduire que ce n'était qu'un guet-apens ?
- Non, répond Eelen tout aussi abruptement que moi, je compte bien tenir ma promesse. Et si nous sommes ici c'est bien pour cela. Mais l'objet qui pourrait t'intéresser ne m'appartient pas encore, il est à Tatiana.
- Exactement, c'est un objet de grand valeur pour moi. Je ne le laisserai pas entre les mains de n'importe qui et tu es là pour que je vérifie qui tu es.
- Et une seule rencontre vous permettra de juger qui je suis ? raillai-je. C'est très limité comme pensé.
- C'est plus un test qu'autre chose, intervient Eelen.
- Un test ? répétai-je en levant un sourcil. Un test d'équilibre, d'agilité, d'intelligence ?
- Non rien de tout ça, me rassure Tatiana. Je veux juste vérifier que tu es bien celle qu'on dit que tu es.
Celle que je suis ? Sous-entend-t-elle par ça ma nature de nymphe ? Comment sait... Bien sûr ! Eelen l'a entendue de Avenroy et l'a répétée. Si tout ce qui se passe au conseil est ensuite colporté par tous les membres, le traître peut-être n'importe qui. Super... Leindel va être ravis d'entendre ça.
- Il vous suffit pour cela de faire pousser une plante, dit-elle en me sortant de mes réflexions.
Je fronce les sourcils en entendant le dernier mot. Je l'ai parfaitement compris, mais pourtant c'est comme si je n'aurais pas dû. Un peu comme si c'était une autre langue. Mais j'ai compris. C'est sans queue ni tête.
Pourtant en y réfléchissant bien, cela me rappelle quelque chose. J'ai eu la même impression lorsque j'ai parlé au Furanis. Je ne m'en étais pas formalisée parce que je pensais qu'il n'était, de base, même pas capable de parler. Ce sentiment bizarre, j'ai cru qu'il en était la cause. Je n'ai pas soupçonné un instant la langue en elle-même.
- Que se passe-t-il si je ne réussis pas ? demandai-je en me recentrant sur la conversation.
Elles échangent un regard, comme pour se concerter silencieusement.
- Je trouverais un autre objet, déclara Eelen.
Vu l'air désapprobateur de la doyenne elle ne semble pas être très d'accord.
- Alors parce que je ne peux pas faire pousser de plantes je ne suis pas une nymphe ? les questionnai-je en disant le mot pour la première fois.
Elles ne répondent pas, leurs regard lourds de sous-entendus étant largement assez explicite.
- C'est insensé. C'est comme dire d'un nourrisson qu'il n'est pas humain parce qu'il ne sait pas encore marcher.
Eelen ouvre la bouche, comme pour protester, mais la referme l'instant d'après. Je souris en coin, cette fois je t'ai clouée le bec sale piaf.
- Eh bien certes, vous avez raison sur ce point. Alors disons que c'est seulement pour voir. Qui ne tente rien n'a rien n'est-ce pas ? se rattrape Tatiana.
Je lève un sourcil dubitatif. Mais pourquoi pas. Après tout si cette objet est aussi précieux que ça, je peux toujours essayer.
- Très bien.
Je tends le bras vers elles et lève la paume vers le ciel. Je ne tergiverse pas trois heures sur mon choix. En un instant je fais pousser quelques ronces. Ça commence d'abord par une petite pouce dans le creux de ma main. Mais très vite elle grandit et se divise en plusieurs branches aux piquants acérés. Quelques-unes m'entourent amoureusement mais les d'autres se mouvent dangereusement vers les deux femmes.
Fascinée, Tatiana tend sa main pour toucher les végétaux mobiles.
- Je ne vous promets pas qu'elles sont inoffensives, la prévins-je avec un sourire carnassier.
Elle rit un petit peu, croyant à une blague, mais retire quand même bien vite sa main.
- C'est parfait, je crois qu'on est fixées Eelen. Tu peux aller les chercher.
Je regarde avec curiosité le corbeau se lever. Que va-t-elle ramener ? J'attends un instant avant de la voir revenir avec une petite boite dans les mains. Au lieu de me donner le coffret, elle le pose sur la table basse et l'ouvre. Le couvercle m'empêche de voir ce qu'il contient. Qu'est-ce qui peut être aussi petit ?
Mais avant que je ne puisse chercher, elle m'apporte la réponse en soulevant deux bracelets de la plus délicate des manières.
Je suis déçue, je l'avoue. Pourtant l'expression de pur adoration des deux femmes me laisse sous-entendre qu'ils sont peut-être plus qu'ils ne laissent le paraître.
Je la laisse me mettre les deux bracelets en or à mes deux poignets différents. De près c'est vrai qu'ils sont beaux, mais encore une fois, j'attends beaucoup plus.
- J'imagine que c'est plus que de simples bijoux, dis-je en continuant à les fixer.
- Beaucoup plus, me répond énigmatiquement Tatiana.
Pour passer le temps, j'en caresse un. Mais c'est alors qu'il se met à bouger. Je sursaute en faisant un bon tellement je suis surprise. Je suis surprise ou folle. Comment un bijoux peut-il prendre vie merde ? Je regarde avec effrois les bracelets se couper, et se transformer en fils d'or mouvants. Ils contournent mon pouce et se logent dans mes deux paumes. Puis s'arrêtent de bouger. Mais ils ne restent pas immobile très longtemps. Car ils se mettent à grossir jusqu'à ce que je puisse bien le tenir en main. Lorsque je me retrouve avec deux poignets en or dans les mains, je ne suis pas au bout de mes surprises. Un nouveau fil d'or au bout de la poignet pousse et s'allonge infiniment.
- Merde ! m'exclamais-je, c'est quoi ça ?!
Je suis presque tentée de les jeter par terre. Mais j'ai bien trop peur de la réaction des deux femmes qui ont toujours le même air d'adoration sur le visage. Trop occupées à observer les deux fils d'or, elles ne me répondent pas. Lorsque je regarde de nouveau ce qui se tient entre mes mains, j'ouvre grand la bouche de surprise.
- Nom d'un bigorneau ! C'est bien ce que je crois être ?
- Que pensez-vous que ce soit ? demande Tatiana en souriant malicieusement.
- Des fouets ? demandais-je hésitante.
- Exactement, affirme-t-elle, l'arme des nymphes. Les fouets d'or, fait de poussières d'étoiles.
- De poussières d'étoiles ? répétais-je, ahurie. Sérieusement ?
- Non, se moqua Eelen en levant les yeux aux ciels, ce n'est qu'une vieille croyance romancée.
- Ça tu n'en sais rien, réfute Tatiana en la regardant d'un mauvais œil.
Puis elle revient vers moi et m'offre son plus beau sourire.
- J'aime croire que c'est la vérité, je trouve cela plus... commence-t-elle en cherchant ses mots.
Je regarde de nouveau les fouets entre mes mains. Ce qu'il vient de se passer c'est...
-...Magique.
- Exactement ! C'est ça, je trouve ça encore plus magique, confirme-t-elle.
Alors les nymphes utilisaient ce genre d'arme ? Plus j'y pense et plus je trouve ça... Badass. Ouais, voilà, c'est carrément stylé putain ! J'ai hâte d'apprendre à m'en servir ! Peut-être qu'elles aussi s'en servaient en plus de savoir que les nymphes les utilisaient.
Attends, une seconde, comment...
Je redresse ma tête, aussi rapide qu'une Furie, et regarde avec méfiance Eelen et la doyenne. Elles sentent aussitôt mon changement d'humeur et échangent un regard. J'aimerai croire qu'il est surprit, mais j'ai plutôt l'impression qu'il n'amène rien de bon.
- Comment ? demandais-je, accusatrice.
- Comment quoi ? répète Tatiana, la voix douce.
- Comment pouvez-vous savoir toutes ces choses sur les nymphes, alors qu'avant que j'apparaisse tout le monde croyait que les nymphes étaient des légendes ?
Elles se regardent de nouveau avant de me faire face.
- Crachez le morceau, feulais-je.
- Ecoute Ingrid, c'est compliqué et...
- Même si vous m'expliquez, je ne comprendrais pas. C'est ça ? me moquais-je en finissant la phrase de Eelen.
- Oui, tente-t-elle.
- Je ne me contenterais pas de ça, la menaçai-je en plissant des yeux.
- Nous... commence le corbeau.
- Très bien, s'exclame Tatiana, nous allons tous te dire.
- Mais... s'indigne sa compère.
- Il n'y a pas à discuter Eelen, nous devions lui dire tôt ou tard de tout façon.
- Très bien, si nous sommes d'accord, interviens-je, je suis toute ouïe.
Je regarde la vieille droit dans les yeux et demande :
- Qui êtes-vous vraiment ?
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Et oui ! Telle est la question ! Qui est-t-elle ? Pourquoi elle en sait autant ? Pourrait-t-elle être une nymphe ? O.O Je vous le demande.
Tatiana = une vieille mamie "normale" ?
ou
Tatiana = une vieille mamie hyper louche qui garde un cadavre dans son placard ?
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