Chapitre 8 : La cathédrale
Il y a vingt-sept ans.
Tout a vraiment commencé, il y a vingt-sept ans.
Je marchais dans les rues de cette ville sans perdre de vue l'endroit qui m'attirait, tel un aimant. Les deux tours de la cathédrale transperçaient le ciel. J'entendais les cloches m'appeler, comme des sirènes de bronze. Leur fracas résonnait en moi. Un refrain entêtant.
Je m'arrêtai devant l'entrée principale et laissai mon regard parcourir ses deux flèches de pierre, qui s'enfonçaient dans les nuées. Je comprenais pourquoi les humains se sentaient minuscules face à un tel édifice. Ils avaient besoin de sa beauté imposante pour ressentir l'existence de leur Dieu.
Je ricanai devant l'armée de statues qui veillait sous le porche. Les hommes ne pouvaient pas s'empêcher d'adorer des idoles. Un dieu unique ? Pourtant, la présence de tous ces saints, ces prophètes et ces cohortes angéliques démentait leur foi en un seul dieu. Et ils venaient rendre hommage à leurs nombreuses divinités dans ce temple titanesque, qui tentait de caresser les cieux.
Je sentais leur parfum. Le parfum des croyants... L'odeur de leur âme me parvenait malgré l'épaisseur des murs. Je prévoyais déjà de briser leurs os, de lacérer leur peau et de baptiser la nef de leur sang.
Je décidai de contourner le portail royal afin d'entrer plutôt par le nord. Le regard vide des statues suivait chacun de mes gestes et pesait sur mon corps de chair. Je poussai la porte en bois massif et pénétrai dans la nef, guidé par le chant des fidèles. Les vitraux de l'immense rosace laissaient passer une lumière bleutée. Cette luminosité habillait les piliers gigantesques qui soutenaient la voûte. J'avais à peine fait quelques pas que je fus submergé par les essences mystiques qui saturaient les lieux. Ce n'était pas normal... Quelque chose n'allait pas.
Malgré ce mauvais pressentiment, je ne fis pas marche arrière. Je changeai juste mon apparence, retrouvant mon corps d'énergie pure, et me dirigeai vers le chœur.
Où étaient les fidèles ? Je percevais leur âme, leur voix, mais je ne les voyais pas. Je repris forme humaine et m'approchai de la statue représentant l'Assomption de la Vierge. Cette œuvre était fascinante. Marie était soutenue par des anges qui l'emmenaient au Ciel. J'étais hypnotisé par cette sculpture, figé sous son emprise.
J'aurais dû fuir. Ce n'était pas normal...
C'était un piège.
Soudain, les effluves d'encens s'intensifièrent et les anges de pierre se mirent à bouger. Ils prenaient vie, se mouvant avec grâce. L'énergie rendait le marbre plus tendre et des ailes gigantesques, d'une blancheur aveuglante, se déployèrent sous mes yeux ébahis. Les statues se détachèrent de leur socle pour se dresser devant moi, illuminées par leur beauté terrible. Des Chérubins. Toute une armée d'anges guerriers venue me chasser.
J'étais cerné. Essayant de redevenir énergie, je tentai de m'enfuir, mais l'église avait été transformée en une souricière géante. Des sortilèges et des sceaux issus d'une magie ancienne bloquaient toutes les sorties. J'étais fait comme un rat. Un vulgaire rat d'égout piégé par des exterminateurs célestes.
La bataille fut rude.
Le sang coula à flots, le mien surtout. Il abreuva les dalles de la cathédrale, suivant les dessins du labyrinthe gravé dans le sol. Malgré mon pouvoir, les Chérubins étaient trop nombreux et je ne pouvais rien contre eux. Impuissant, je m'affaiblissais, sentant arriver le moment de mon anéantissement. J'étais trop dangereux pour qu'ils prennent le risque de me faire prisonnier, je ne le savais que trop bien. Ils étaient venus me tuer.
Alors que ma fin était proche, la fortune tourna enfin en ma faveur. Un ange baissa sa garde et m'offrit sans le vouloir une opportunité. Je le saisis à la gorge et parvins dans un effort ultime à lui arracher les ailes. J'utilisai ensuite les plumes célestes comme un bouclier me permettant de traverser le sceau, qui bloquait le portail sud.
Cependant, j'étais trop diminué pour écarter les voiles qui mènent aux Enfers. Je ne pouvais pas rentrer chez moi dans cet état. Il fallait que je me mette à l'abri et que je retrouve assez de force pour guérir de mes blessures. Et mes pas me conduisirent devant un grand bâtiment, duquel s'échappaient des pleurs de souffrances. Des cris silencieux à l'étroit dans des corps malades.
Un hôpital.
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