Chapitre 28-2
Un grognement guttural et menaçant sortit de la gorge de Charles, en même temps que ses yeux clairs se teintaient d'une lueur ambrée inquiétante.
— Worth ! Conduisez-nous au véhicule...maintenant ! lui ordonnai-je d'un ton sans réplique, espérant qu'il comprenne l'urgence de la situation.
Je sentais que Charles, sous le coup de la colère, était à deux doigts de se métamorphoser et si cela se produisait...l'inspecteur ni survivrait pas. Charles était un ancien parmi les nôtres et se maîtrisait mieux que ça d'ordinaire mais lui et les siens avaient été blessés et torturés, ce qui en faisait un métamorphe dangereux et imprévisible. J'aurais été dans le même état instable que lui si je n'avais pas été si mal en point. Il allait vraiment falloir que Worth apprenne à tenir sa langue sinon, il ne survivrait pas au trajet en voiture qui s'annonçait.
Toutes les personnes présentes, conscientes du danger, passèrent à l'action simultanément et alors que Worth tournait les talons pour obéir à mon ordre, River et Hannah me dépassèrent en trombe, le saisirent chacun par un bras et l'entraînèrent avec eux à la vitesse de l'éclair, Cassie sur leurs talons.
— Isaac, aide ton père à se calmer et rejoignez-nous au véhicule, lui dis-je alors que je m'apprêtais à suivre les autres d'une démarche lente et heurtée.
— Pourquoi se comporte-t-il comme ça ? demanda Charles d'une voix qui revenait peu à peu à la normal, signe que l'alerte était passé.
— Il a vécu des choses...difficiles, qui modifieraient le caractère de n'importe qui ! me contentai-je de répondre en continuant ma progression laborieuse.
« Je ne monterai pas une nouvelle fois dans une de ces boites métalliques bizarre ! » me communiqua soudain Féline. « J'irais plus vite à pattes, on se rejoint là-bas » et sur cette dernière pensée, elle grimpa dans un arbre d'un seul bond et disparue.
Durant ce court, mais intense échange, j'avais malgré moi stoppé ma progression et Charles et Isaac en avaient profité pour me rattraper.
— Il n'est pas le seul apparemment ! commenta Charles en relevant brusquement mon tee-shirt, m'arrachant une grimace et un gémissement de douleur.
À la vue des dégâts, un nouveau grondement lui échappa et il eut un mouvement de recul instinctif tandis qu'une onde de rage et de colère, traversait la forêt, faisant instantanément taire tous les petits animaux environnant.
— Qui t'a fait ça ? me demanda-t-il avant de s'approcher de nouveau de moi pour, à ma grande surprise, glisser d'un geste autoritaire son épaule sous mon bras afin me soutenir, tandis que nous reprenions notre progression.
— Ne me dis pas que ça te choque ? ne pus-je m'empêcher de lui sortir d'un ton amer et ironique, toujours étonné par son comportement.
— Ce que je t'aie fait...je n'aie eu conscience d'être allé trop loin que lorsque j'ai vu ces monstres torturer Isaac devant moi. J'ai laissé le chagrin, la rancœur et la haine m'envahirent, je...
— Tu en mourrais d'envie, ne te le cache pas ! lui répliquai-je bien décidé à crever l'abcès puisque nous en avions enfin la possibilité. Depuis la mort de Célia, tu n'attendais que la bonne occasion pour me le faire payer...et je ne peux pas te le reprocher.
— Si, tu devrais me le reprocher...
— Non ! Tu as eu ta vengeance et je crois que j'avais besoin d'expier ma culpabilité pour pouvoir passer à autre chose. En revanche, ce que tu as fait endurer à Christina...ça je ne te le pardonnerai pas...jamais ! lui balançai-je d'une voix pleine de fiel en tentant de me dégager.
— Et je le comprends. Ne sois pas idiot et économise tes forces, ajouta-t-il en raffermissant sa prise sur mon bras. Mais mon fils était en danger de mort et cette...à ce moment-là, Christina n'était rien pour nous. Dans ma position tu aurais certainement agis comme moi.
— Permet moi d'en douter.
— Tant que tu n'auras pas d'enfants...tu ne pourras pas comprendre.
— Peut-être...m'entendis-je murmurer, tandis qu'un silence léger d'acceptation nécessaire s'installait entre nous.
Nous continuâmes à marcher, l'inégalité du terrain me faisant trébucher de plus en plus malgré le soutient non négligeable de Charles. Il ne s'était écoulé que quelques minutes lorsque nous arrivâmes en vue d'un S.U.V noir de marque Allemande, garé de travers sur le bord d'un chemin de terre défoncé. Worth était déjà au volant, tandis que Cassie et Hannah étaient en train de grimper à l'intérieur et River d'attendre notre arrivée, debout à côté du coffre entrouvert. À leurs vue Charles stoppa net, nous arrêtant dans l'ombre d'un grand Chêne.
— Jude qui t'a fait ça ? Et l'a-t-on fait qu'à toi ou...
— Hannah n'a rien, m'empressai-je de le rassurer. C'est moi et l'inspecteur qui avons tout encaissé.
— Pardon ! Tu veux dire que l'hum...cet homme a subi les mêmes dommages que toi ! s'exclama Isaac d'un ton sceptique. C'est impossible, il devrait être mort ! En plus il n'a aucune marques...
— Il était mourant, leur avouai-je dans un soupir. Comme nous n'avions aucun autre choix, l'un des métamorphes présents avec nous à ce moment-là...lui a donné son sang. Et il semblerait que cela ait eu des conséquences inattendues, terminai-je sous le regard choqué et réprobateur des deux métamorphes qui m'entouraient.
J'étais conscient d'avoir pris un risque en le leur avouant. Mais Worth était imprévisible et le resterait encore pour un temps indéterminé. Si nous voulions avoir une chance de tous survivre à cette cohabitation très rapprochée et forcée...ils avaient besoin de savoir.
— Nous n'avions pas le choix, on ne pouvait pas le laisser mourir après tout ce qu'il avait fait pour nous et pour Hannah. Charles...c'est en grande partie grâce à lui qu'elle est encore en vie.
Charles ne dit rien, se contentant d'essayer d'endiguer la colère que je sentais monter en lui à l'entente de cette transgression majeure aux règles sacrées des métamorphes.
— Au point où vous en étiez, pourquoi n'as-tu pas fait pareil ? me demanda Isaac, en désignant mon corps meurtri et lacéré d'un signe de tête.
— Je suis liée à Christina, répondis-je sobrement.
Cette simple phrase expliquait tout, sans qu'il n'y ait besoin d'en rajouter.
— Qui ? demanda Charles d'une voix sourde en plantant son regard furibond dans le mien.
— Je ne sais pas et je ne veux pas le savoir, lui mentis-je avec tout l'aplomb dont j'étais encore capable. Malgré tout le respect que j'ai pour cet homme...je n'étais pas très favorable à cette idée...j'ai donc monté la garde pendant ce temps-là. Il ne sait rien de tout ça, ajoutai-je (tant qu'à mentir, autant le faire jusqu'au bout !), il n'en a gardé aucun souvenir. Mais nous pensons que son changement de personnalité est temporaire. Évitez de lui parler et tout ira bien !
— Tout ira bien ! On n'a même pas la moindre d'idée des répercutions que votre geste insensé pourrait bien avoir...
— Et ce n'est pas le moment d'en débattre ! Je vous ai dit la vérité, maintenant libre à vous de nous suivre ou non ! m'emportai-je tandis que je contournai Isaac pour m'approcher du véhicule.
River eut l'air soulagé de me voir, lorsqu'il se précipita vers moi en scrutant les arbres alentours.
— Où est la panthère ?
— Elle a pris la voix des arbres, lui répondis-je avec un faible sourire. Vite, partons d'ici !
River ne se le fit pas dire deux fois et après avoir fermé le coffre d'un geste vif, m'ouvrit l'une des portières arrières et m'aida à m'installer à côté d'Hannah, dans le siège en cuir noir.
— Ce n'est pas trop tôt ! commença à persiffler l'inspecteur, alors que Charles et son père s'approchaient de la voiture.
— Vous...si vous voulez survivre...la ferme ! m'écriai-je d'une voix grondante. Taisez-vous et contentez-vous de nous conduire rapidement au complexe.
Je le vis prendre une grande inspiration pour se calmer les nerfs tandis que ses doigts blanchissaient sur le volant. Mais finalement il se contint et réussit à tenir sa langue tandis que Charles prenait place à côté de sa fille, laissant Isaac et River se partager le coffre, heureusement ouvert et assez spacieux pour qu'ils puissent y tenir tous les deux assis.
Puis il partit en trombe, canalisant à l'évidence sa nouvelle personnalité explosive dans sa conduite ! Entre la puissance non négligeable de la voiture et la conduite sportive de l'inspecteur nous fûmes en vue du complexe militaro-scientifique en à peine une demi-heure.
Alors que nous sortions tous de la voiture pour continuer notre chemin à pied à travers bois...un déluge d'émotion me submergea soudain. Tellement puissant que je m'écroulai, terrassé par son ampleur et son intensité.
« Jude ! »
Dans ma tête la voix mentale de Christina résonnait, saturant tous mes sens de soulagement, de bonheur, de joie mais aussi et surtout de fatigue, de panique et...d'une peur intense et dévorante.
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