J'essayai immédiatement de me redresser pour ne pas rester en position vulnérable, prostré sur le sol, pour ne réussir au final qu'à me soulever de quelques pauvres centimètres avant de retomber lourdement. Hannah, postée devant moi en position défensive, regardait de tous côté s'attendant manifestement à une attaque imminente.

— Tu as sentis...

— L'odeur de sang ?! Oui, m'interrompit-elle d'une voix basse et anxieuse. Mais j'attends que River ait finit de changer. Seul tu es trop vulnérable.

— ça va aller, je vais...

— Non ça ne va pas aller ! s'écria-t-elle à mi-voix d'un ton sourd et coléreux. C'est déjà un...foutu miracle que tu sois arrivé jusque-là et surtout vivant ! Alors arrête cinq minutes de jouer les héros et laisse-nous assurer tes arrières pour une fois !

Au ton de sa voix et au juron qui avait manqué de peu lui échapper, je compris qu'elle était vraiment en colère mais surtout très inquiète, pour moi autant que pour la suite des évènements. Sans compter qu'elle avait raison et que dans mon état actuel, je n'étais qu'un boulet. Au lieu de m'obstiner à vouloir me lever alors que j'en étais clairement incapable, j'essayai de me détendre et de laisser mes muscles tétaniser par les crampes se relâcher. Au moment où je ressentis clairement le pic d'énergie indiquant que la métamorphose de River touchait à son terme, le sac à dos que portait Hannah tomba à mes côtés dans un bruit mou et je m'en saisis d'un geste maladroit. J'avais enfin réussi à m'assoir et à ouvrir la fermeture éclair du sac quand River nous rejoignit, débraillé et échevelé, une vive inquiétude déformant son beau visage sans défaut.

— River, restes avec Jude pendant que je...

— Non ! la coupa-t-il d'un ton abrupte en passant devant nous comme un courant d'air. Il faut que je retrouve mon père, il est blessé...j'ai sentis des traces de son sang à la seconde où nous nous sommes posés entre ces arbres.

— Tu es certain que c'est bien le sien ? lui demandai-je tandis que je remettais mes chaussures, ce simple geste me laissant étourdi et essoufflé.

— Oui, sans le moindre doute. Il y en a peu...mais c'est bien le sien, nous dit-il d'une voix concentrée tandis qu'il s'éloignait prudemment dans l'intention évidente de s'enfoncer dans la forêt sombre.

— Hannah rattrape-le !

Ma voix avait perdue de sa force et à l'évidence aussi de son impact directif, car après avoir esquissé un geste en direction de River, Hannah s'arrêta net.

— Je ne te laisse pas seul !

— Lui non plus il ne faut pas le laisser seul ! lui grondai-je d'une voix sourde et courroucé. Dépêche-toi !

— Non !

— Tu aurais mieux fait de l'écouter petite écervelée ! Mon...fils...a toujours été doué pour anticiper les catastrophes, moins pour les éviter par contre !

La voix froide qui partit d'un rire moqueur, résonna sinistrement à nos oreilles tandis que River réapparaissait dans notre champ de vision, tenu en respect par la lame d'un couteau de chasse posée contre sa gorge dénudée. La personne qui le maîtrisait d'une poigne de fer, s'était habilement dissimulée dans l'ombre de River mais je savais qui s'était...l'horrible femme qui avait pris la place et l'apparence de ma mère durant toutes ces années. Pourtant sa voix m'avait semblé...différente ! Mais aux vues de ses propos, cela ne pouvait être qu'elle, enrageai-je en me redressant avec difficulté, l'une de mes lames dissimulées dans mon dos.

— Tu es encore vivant ! Ça force l'admiration quand même ! persifla-t-elle tandis qu'elle obligeait River à avancer de quelques pas et se décalait légèrement pour pouvoir braquer son regard désormais noir dans le mien.

— Qui êtes-vous ? lui demanda Hannah qui ne l'avait pas reconnu et pour cause !

La femme qui se tenait devant nous avait un visage...étrange...comme s'il n'était pas...totalement abouti. Par certains traits on reconnaissait encore ma mère mais son nez était différent plus long et plus large, ses cheveux semblaient hésiter entre différentes teintes de brun et ses yeux étaient à présent noirs comme un puit sans fond.

— Tu ne me reconnait donc pas très chère ? Je suis sa chère maman, lui répondit-elle avant de partir d'un rire hystérique en appuyant un peu plus la lame contre la peau tendre du cou de River.

Cette femme était folle, c'était une évidence à présent ! Qui qu'elle soit elle était instable et dangereuse et tenait la vie de mon ami entre ses mains...je devais tenter quelque chose !

— Vous n'êtes pas ma mère et vous devriez être morte ! lui crachai-je pour tenter de détourner son attention et peut-être lui faire relâcher un peu sa prise sur son arme, nous donnant une chance de la surprendre.

— Pour ça il faudrait que votre monstre de foire sache mieux viser ! Elle a manqué mon cœur, de peu ça je te l'accorde, mais suffisamment pour que je puisse me régénérer. Comme je savais que si tu survivais, la première chose que tu ferais serait de te précipiter ici, j'ai décidé de vous devancer ! Mais je ne m'attendais pas à un comité d'accueil, gronda-t-elle d'une voix coléreuse et contrariée.

— Où est mon père ? demanda River d'une voix étranglée mais d'où aucune peur ne filtrait.

— Aaaah Euclide ! Depuis le temps qu'il essayait de me prendre en défaut et moi de me débarrasser de lui...on dirait qu'au final...c'est moi qui ait gagné ! Tt...tt...tt...pas de ça ma belle ! s'écria-t-elle au moment où Hannah tentait de se saisir de l'un de ses couteaux pendant que son attention était fixée sur River.

Elle resserra sa prise sur ce dernier et d'une légère pression fit couler un peu de sang le long de la peau diaphane du jeune métamorphe. Il n'émit pas un cri, ni un gémissement mais se débattit contre la prise de sa geôlière, qui se mit à rire de ses efforts inutiles.

— Bon assez joué ! Lui je l'emmène avec moi. Le professeur sera ravi d'avoir un nouveau spécimen. Quant à vous deux...vous êtes trop dangereux pour rester en vie. Tuez-les ! ordonna-t-elle d'une voix froide tandis que des coups de feu se mettaient à retentir autour de nous.

Dans un réflexe primaire, je me jetai au sol et entraînai Hannah avec moi. Nous atterrîmes dans les feuilles à l'instant où une rafale de balles venait déchiqueter l'écorce de l'arbre devant lequel nous nous trouvions encore une seconde auparavant. J'attrapai la main d'Hannah et commençait à ramper en direction des sous-bois dont les buissons touffus nous protégeraient des regards.

— Débusquez-les ! hurla-t-elle alors qu'elle tentait d'entraîner un River de plus en plus remuant derrière elle.

C'est au moment où les deux hommes planqués dans les arbres sautaient de leurs cachettes, que River tenta de se dégager. Il asséna un violent coup de pied dans le tibia de l'usurpatrice et profita de son relâchement involontaire pour repousser son bras et éloigner le couteau de sa gorge, pour finalement se retrouver avec le canon d'un fusil sur la tempe...mauvais timing.

— Très bien, tu as eu ta chance blondinet mais ma patience à des limites ! s'exclama-t-elle alors qu'elle levait son arme pour poignarder River, immobilisé par les deux hommes.

J'étais sur le point de me ruer à son secours, même si je savais que je n'arriverai pas à temps, quand une détonation retentit, la figeant en plein geste. Un éclair de surprise et de douleur traversa son visage alors que du sang commençait à jaillir du trou que la balle venait de creuser dans son abdomen. Elle lâcha le couteau et commença à s'affaisser lentement, les mains plaquées sur sa blessure, une horrible grimace de haine défigurant ses traits.

— Moi je n'ai pas raté mon coup ! lui dit Euclide d'un ton venimeux alors qu'il pénétrait dans la clairière, révolver au poing.

Nous n'attendîmes pas que les deux hommes se remettent de leurs surprises pour passer à l'action. Alors qu'Euclide mettait une balle dans la tête d'un des deux militaires, River se dégageait de leurs prises, ramassait le couteau et enfonçait la lame dans la poitrine du deuxième homme, avant que nous n'ayons eu le temps de les rejoindre.

Sans réfléchir je me ruais sur la femme prostrée au sol et tirant le couteau de ma ceinture, lui en plaquait la lame sous la gorge comme elle venait de le faire avec mon ami.

— Qui êtes-vous ? lui demandai-je d'une voix grondante, obnubilé par le mystère, la haine et le dégout que cette femme m'inspirait.

— Tu n'as pas encore compris ? me demanda-t-elle dans une quinte de toux gargouillant, signe que l'un de ses poumons au moins était touché. Ta chère maman ne vous a jamais parlé de moi ?

— Je ne vais pas être très patient, la menaçai-je.

— Je suis ta tante, articula-t-elle dans un sourire ensanglanté tandis qu'elle se redressait légèrement malgré la lame menaçante placée contre sa peau. Et tu me crois assez bête pour être venue ici sans renfort ?

— Vos renforts sont morts ou en fuite, lui asséna Euclide d'une voix saccadée.

— Ha, ha, ha, ha...se mit-elle à rire en nous fixant tour à tour de son regard fou. Pas ceux que vous n'avez pas pu voir, nous susurra-t-elle alors qu'elle se redressait d'un bond tout en poussant un sifflement strident.

Surpris et déséquilibré par son mouvement, je tombai à la renverse au moment où l'un des monstres mutant se révélait à nous dans toute son horreur et bondissait sur Euclide toutes griffes en avant. Ce dernier tira frénétiquement sur la bête en reculant, mais les balles ricochaient sur son crane comme sur un bouclier.

— Il faut viser les yeux ou le cœur ! leur hurlai-je par-dessus les détonations tandis que je me relevais pour me ruer à la poursuite de ma tante, qui tentait de s'enfuir.

Je l'avais presque rattrapé, lorsqu'une seconde bête surgit essayant de nous prendre en tenaille. C'est alors que ma tête sembla exploser, tandis qu'une sensation à la fois familière et étrange, s'insinuait en moi, matérialisé par une ombre noire qui bondit sur le monstre dans un rugissement furieux...Féline !

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Nouveau chapitre enfin disponible ! Désolée pour le retard :-( Vu l'emploie du temps chargée qui s'annonce pour les semaines à venir, je pense que les publications seront plus de l'ordre d'un chapitre tout les deux jours, pendant un petit temps ! Mais comme l'histoire approche de son terme...cela fera durer le plaisir !! ^o^ !! J'espère que ce chapitre vous aura plu ?!

Des bisous *o*