La jumelle démoniaque ! On se serait cru dans un mauvais roman, ça ne pouvait pas être si simple ?! pensai-je instantanément. J'en étais presque déçue.

— Je n'ai jamais dit qu'elle était ma jumelle, répondit Iphigénia avec un petit sourire forcé, me faisant prendre conscience que j'avais parlé tout haut sans m'en rendre compte !

Je lui jetai un coup d'œil anxieux, craignant sa réaction à ma bourde et à mon commentaire tout sauf diplomate. Mais au lieu de ça elle tourna brièvement la tête vers le petit groupe dont la conversation animée ne semblait mener nulle-part et le docteur Banes très occupée à fouiller tous les tiroirs. Puis au bout de quelques secondes elle se retourna vers moi et se laissa lentement glisser au sol, m'invitant d'un geste simple à faire de même.

— Vous devez vous reposer, préserver vos forces...nous ne sommes pas encore sortis d'ici, me dit-elle d'un ton pensif, le regard perdu dans le vide.

— Vous pensez qu'il y a un risque...que je fasse une fausse-couche ? lui demandai-je en m'adossant au mur.

— Il y a toujours un risque comme dans toute grossesse, mais les contractions sont très fréquentes au début d'une grossesse métamorphe. Comme les embryons grossissent très vite, cela oblige l'utérus à se modifier rapidement, d'où les spasmes que vous avez ressentis et qui sont normaux pour notre...espèce, si l'on peut dire.

Je sentis un soulagement intense m'envahir à l'entente de ces paroles rassurantes et assez logiques quand on y réfléchissait. Mais néanmoins, je ne pouvais empêcher une angoisse sourde de demeurer en moi, un doute qu'il fallait que j'éclaircisse pour me sentir vraiment soulagée même dans ce contexte ultra stressant.

— Alors pourquoi cette femme m'a affirmé que les métamorphes menaient rarement leurs grossesses à terme ? Pour me faire peur...ou parce que c'est vrai ?

— Parce que de ce qu'elle en sait, c'est vrai ! Quasiment aucune des grossesses provoquées ici n'est arrivée à terme...et heureusement ! ajouta-t-elle dans un frisson rétrospectif à cette idée.

— Vous voulez dire qu'ils...

— ...ils faisaient, ils pratiquent toujours des inséminations sur les femmes métamorphes présentes dans ce complexe. Ils ont même essayé avec de la semence d'une de leurs...abominations ! continua-t-elle d'un ton douloureux. La pauvre Julia...elle n'y a pas survécu. 

— Et vous...ils ont ... ?

— Moi ?! Oh non ! Je leur ai fait croire que j'étais bien trop vieille pour avoir encore des enfants et heureusement pour moi...ils m'ont cru ! De toute façon les inséminations ne marchent pas sur nous. Il n'y a que les grossesses naturelles qui peuvent arriver à terme.

— Vous comptez rester le cul par terre encore longtemps où vous comptez nous aider à trouver une solution à ce merdier ?! nous invectiva le métamorphe brun d'un ton très agressif qui ne me plut pas du tout.

Pas plus qu'à Iphigénia qui braqua un regard implacable sur le jeune homme tandis qu'elle se levait d'un mouvement lent mais rempli de puissance et de grâce.

— Parce que le fait de participer à vos joutes stériles et puériles va faire avancer le problème peut-être ? Tant que tu te comporteras en homme de Cro-Magnon en ne tenant pas compte des idées et conseils des autres, tout cela ne nous mènera nulle-part !

— Parce que rester assises par terre, ça va aider ?! lui répliqua-t-il d'un ton cinglant et moqueur, apparemment pas impressionné.

Iphigénia avança de deux pas, semblant prendre de la prestance au fur et à mesure qu'elle avançait. Elle s'arrêta à quelques mètres du métamorphe et lentement, lui sourit d'un rictus froid qui ne monta pas jusqu'à ses yeux. À cet instant elle ressemblait tellement à l'Iphigénia que je détestai que j'eu un mouvement de recul.

— Tu as besoin que je te réapprenne ce qu'est le respect, Khyn ? lui dit-elle d'une voix froide et implacable qui sembla remplir toute la pièce et fit cesser toutes les autres conversations en cours.

Un vent froid et surnaturel s'éleva soudain, émanant d'elle comme une sorte de brouillard. Son aura me percuta, blanche et glacée comme un blizzard d'hiver.

— Tu es nouveau ici et tu ne me connais pas encore, lui dit-elle. Prends ça comme un avertissement...il n'y en aura pas de deuxième !

Puis sur ces mots, elle fit un simple geste de la main. On sentit plus que l'on ne vit un courant d'air froid fuser vers le métamorphe, alors qu'une entaille longue mais superficielle s'ouvrait sur sa joue. Il écarquilla les yeux de surprises et plaqua instinctivement la main sur sa blessure, tandis qu'un soupçon de peur et de haine passait subrepticement dans son regard fixe.

Je la fixai moi aussi et ce que je voyais me rappelait tellement de mauvais souvenir que je baissai le regard.

— La meilleure solution tant que l'on ne sait pas exactement ce qu'il se passe est d'attendre un peu, pour pouvoir saisir notre chance au bon moment, lui dit-elle d'une voix moins agressive alors que son pouvoir se calmait d'un coup, comme si elle s'était rendue compte que cela me perturbait.

— Quand ils se seront débarrassés du mutant, auront remis le courant et se seront lancés à notre poursuite ?! demanda-t-il du même ton ironique et méprisant, n'ayant visiblement pas saisie le message !

— Et si c'est lui qui gagne ! Tu y as pensé ? Vu ta tête ahurie, visiblement non ! lui rétorqua l'une des jeunes filles d'un air excédé. Le seul accès vers la sortie est bloqué, crétin ! Nous devons attendre la fin de la confrontation pour tenter notre chance.

— À moins que nous ne passions par les salles d'entraînements ! insista-t-il d'un ton buté.

Alors qu'ils repartaient dans un débat houleux sans plus se soucier de nous, Iphigénia revint vers moi tout en prenant bien garde à rester légèrement en retrait.

— Désolée si je vous ai fait peur, me dit-elle bien qu'elle ne semblât pas regretter son petit coup d'éclat.

— Ne vous inquiétez pas, ça m'a surprise c'est tout.

— Je vous ai rappeler ma sœur, c'est ça ?

— Oui, lui répondis-je franchement. Si vous n'êtes pas jumelle, comment a-t-elle pu prendre aussi parfaitement votre apparence et surtout...pourquoi l'a-t-elle fait ? lui demandai-je d'une voix hésitante.

Je savais bien que le moment était mal choisi pour ce genre de discussion et que j'aurais sans doute mieux fait de me préoccuper de notre situation plus qu'inquiétante mais j'avais besoin de savoir. Cette femme m'avait...nous avait fait tellement de mal, que j'avais besoin de réponse.

— Ma sœur est née deux ans avant moi et nous nous étions toujours bien entendues...jusqu'à son accident. Un jour qu'elle était partie chassée avec notre père sous sa forme animale, un chasseur l'a prise pour cible. La balle l'a atteinte en pleine tête...mais par un miracle extraordinaire, elle a survécu. Nous étions tellement heureux et soulagés que nous n'avons remarquer son changement de caractère que plus tard...trop tard sans doute. Ma sœur aimante et drôle était devenue une harpie froide, méchante et égoïste, totalement dévorée par la jalousie et la soif de pouvoir. Par la suite les médecins nous ont expliqués qu'elle n'y était pour rien et que c'était la balle qui avait modifié sa personnalité en détruisant une partie de son cerveau. Quelque part...je ne lui en veux même pas, ajouta-t-elle à voix basse en me lançant un petit regard triste. Mais je comprendrai très bien que vous ne puissiez pas en faire autant.

Ça c'était certain ! même si cette histoire était horriblement triste et tragique, je ne pourrais jamais pardonner à cette femme ce qu'elle nous avait fait à Jude et à moi...c'était au-dessus de mes forces.

— Je suis désolée pour vous, dis-je quand même, ne pouvant pas aller plus loin dans la compassion. Elle avait toujours pu prendre votre apparence ?

— En fait ma sœur a hérité d'un talent rare et particulier, elle peut modifier ses traits et sa voix à volonté...bien que dans une certaine mesure seulement. C'est-à-dire que sa taille et sa morphologie ne change pas. Elle ne peut pas se transformer en un homme de cent kilo par exemple. Par contre elle peut modifier les traits de son visage, la couleur de ses cheveux et la tessiture de sa voix.

— Mon dieu ! Elle pourrait se faire passer pour moi ? m'écriai-je, complètement paniquée à cette idée.

— Non pas en si peu de temps, ne vous inquiétez pas. Pour qu'elle parvienne à une ressemblance parfaite cela lui demande beaucoup de temps et d'énergie et plus elle garde une apparence longtemps, plus le passage à la nouvelle est long et complexe.

Ma panique se calma un peu. L'horreur que j'avais ressenti à l'idée de cette femme dans les bras de Jude était...indescriptible !

— Christina, venez voir ! m'appela soudain le docteur Banes, que j'avais presque oublié avec toutes ces révélations.

Je me dirigeai vers elle quand un hurlement inhumain retentit, suivit presque immédiatement d'une nouvelle alarme encore plus stridente que la précédente.

Attention défaut électrique détecté. Quarantaine compromise. Dang...

La voix électronique s'éteignit d'un coup alors qu'un cliquetis mat nous indiquait que la porte venait de se déverrouiller. Mais c'est le son lointain et grinçant d'une grille qui s'ouvrait qui me fit remonter le cœur dans la gorge, tandis que nous nous échangions tous des regards paniqués à la lueur rougeoyante et macabre des veilleuses faiblissantes.

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Désolée qu'il n'y ai pas de scène romantique dans ce chapitre en ce jour de St Valentin...mais le contexte ne s'y prêtait pas vraiment ;-) Bonne fête des amoureux à toutes et à tous et j'espère que ce chapitre, très difficile à écrire pour moi, vous aura plu ?! ^.^

Des bisous *o*