Chapitre 15-2
C'est suffocant et couverts de poussières que nous arrivâmes à l'entrée du seul tunnel encore praticable menant à une sortie. Même s'il était certain que cette dernière serait gardée par tout un bataillon de gardes armés prêts à nous recevoir en fanfare, nous n'avions pas vraiment le choix !
— Jude...nous ne pouvons pas passer par là ! dit River entre deux quintes de toux, le visage méconnaissable derrière la pellicule grise qui le recouvrait.
— Tu vois une autre option à notre disposition ? lui rétorquai-je dans un grondement acerbe.
— Non mais...
— Tu peux rester là avec eux pendant que je pars en éclaireur, lui proposai-je ayant déjà envisager cette option.
— Dans ton état ! Tu es fou, c'est hors de question ! Tu as besoin de moi...
— Non, c'est toi qui a raison. Nous jeter là-dedans avec des blessés sur les bras, c'est suicidaire ! En plus, ils s'y attendent ! Ils savent que nous ne voudrons pas abandonner les plus faibles derrière nous et comptent là-dessus pour nous avoir. Si j'y vais seul, j'ai une chance de les surprendre et de peut-être trouver une autre issue.
— Oui mais pas seul ! Sans soutien...tu n'as aucune chance !
— Eux non plus, lui répondis-je en désignant la femme qu'il portait sur son dos d'un signe de tête. On ne peut pas les laisser là sans un minimum de protection...
— Rrrr...et merde ! s'écria rageusement River, son regard désespéré passant de moi à ma sœur, visiblement tiraillé par le désir de nous protéger tous les deux.
Il en profita pour déposer la femme à demi-consciente sur le sol, tandis qu'il faisait signe aux autres de se regrouper.
— Moi je m'en chargerai, je veillerai sur eux, intervint le jeune Thomas d'une voix tremblante mais résolue.
Nous nous tournâmes tous les deux vers lui, surpris de son intervention. Ce gamin était mal en point mais avait du cran ! Néanmoins, même s'il était plein de bonne volonté, il ne semblait pas de taille.
— Je ne crois pas...
— Je serai beaucoup plus efficace sous ma forme animale, coupa-t-il River en avançant d'un pas pour appuyer ses propos.
— Ton animal supportera d'être sous terre ? lui demanda Judith.
Sa question, qui pouvait avoir l'air idiote au premier abord, était en fait très sensée. Car certaines espèces et les oiseaux en particulier, ne supporteraient pas de se retrouver piégé sous terre. Raison pour laquelle nous étions bloqués sous notre forme humaine. Enfin surtout River et ma sœur car dans mon état, toute transformation était inenvisageable. Vu la jeunesse de Thomas, il était possible que ce dernier ne le sache pas et il ne nous manquerait plus qu'un animal paniqué et ingérable sur les bras !
— Sans problème...mon loup n'a pas peur des endroits confinés.
Nous nous regardâmes quelques secondes, puis je me tournais vers Shanelle toujours silencieuse dans les bras de Judith.
— Quel est ton animal ? lui demandai-je d'une voix pleine d'urgence, commençant à m'inquiéter du temps que nous perdions en tergiversations.
— Une biche, nous répondit-elle.
— Pourquoi toutes ces questions ? Nous perdons du temps pour rien, intervint Thomas.
— Maîtrises-tu bien ton animal ? lui demandai-je sans répondre directement à sa question.
— Oui. Je suis jeune mais j'ai obtenu ma forme animale très tôt. Je suis même pressenti pour être le prochain alpha de ma meute. Il n'y aura pas de problème.
— Tu as intérêt à en être certain, car tu seras le seul prédateur au milieu de proies blessées et vulnérable ! Tu comprends où je veux en venir ?
Il déglutit convulsivement et sembla hésiter quelques secondes, avant que son regard ne se pose sur moi.
— Je suis sûr de moi à quatre-vingt-dix pourcents, m'affirma-t-il avec une franchise est un réalisme qui me plurent tout de suite. Mais si je perdais le contrôle, vous vous sauriez me rattraper, vous êtes puissant et vous êtes un dominant...
— En temps normal peut-être, mais pas dans le contexte actuel, le détrompai-je aussitôt, alors qu'un accés de faiblesse me saisissait, m'obligeant à m'appuyer légèrement contre la paroi pour me soutenir.
Un coup d'œil inquiet de River, me prouva qu'il s'en était aperçut et s'inquiétait tout comme moi de la suite des évènements.
— Jude est assurément un dominant mais ce n'est pas un prédateur, répondit River à ma place. Tout au moins pas pour ton loup.
— Pour lui, dans l'état où je suis, je ne serais qu'une proie particulièrement appétissante à ses yeux, mais trêve de bavardage, ce n'est ni l'endroit, ni le moment...Tu t'en sens capable ?
— Oui, me répondit-il avec assurance.
— Et prêt à assumer les conséquences de tes actes si ça foire ? lui demanda River d'un ton lourd.
— Oui...mais ça ne foira pas !
— Alors vas-y et essaye de faire vite. Car s'il y a des métamorphes dans les rangs de nos ennemies, ils comprendront ce qu'il se passe en quelques secondes.
Le jeune homme confia son arme à River, qui était le plus proche de lui et rebroussa chemin pour trouver un endroit à l'abri des regards. Ce que je pouvais comprendre, certains métamorphes n'aimaient pas que l'on assiste à leur transformation, moment délicat et douloureux où l'on était particulièrement exposé et vulnérable. L'onde de puissance qui me percuta lorsque la métamorphose débuta, me confirma qu'il ne nous avait pas menti. Il était puissant...sacrément puissant même ! Il ne restait plus qu'à espérer qu'il se maîtrise, sinon...
— Jude...
Je sursautai légèrement à l'appel timide de ma sœur tellement je devais me concentrer pour ne pas m'effondrer. Sa main légère se posa en douceur sur mon bras, mais même ce contact doux et aérien me fit frémir de douleur.
— Laisse-moi venir avec vous...
— Non. Lui répliquai-je aussitôt d'un ton sans équivoque, doublé par la réponse identique de River.
— Mais c'est ridicule ! s'emporta-t-elle bien qu'elle chuchotât toujours. Je ne suis pas blessée et je sais me battre, je pourrai me rendre utile.
— Tout ce que tu réussiras à faire...c'est faire tuer ton frère ! lui asséna méchamment River.
— River ! l'avertis-je d'une voix sourde.
— Non Jude, il faut qu'elle se rende compte ! me contra-t-il avant de se retourner vers Judith. Dans l'état où il se trouve, ce sera déjà un miracle s'il s'en sort vivant ! Alors s'il doit en plus s'inquiéter pour toi...
Elle ne dit rien, mais le regard blessé qu'elle lui lança indiqua à River qu'il venait de toucher un point sensible.
— Je sais que tu sais te battre et j'ai confiance en toi, lui dis-je doucement pour atténuer les dures paroles de River. Mais tu seras beaucoup plus utile ici à protéger les autres.
Elle était en train d'acquiescer d'un signe de tête réticent, quand je sentis que la transformation s'achevait. Nous l'avions tous ressentis et c'est avec une pointe d'appréhension que nous nous tournâmes vers l'entrée du tunnel, prêts à toutes les éventualités.
Nous entendîmes le bruit de ses griffes sur le sol de pierre avant de l'apercevoir, mais quand il arriva devant nous, nous restâmes tous bouche-bée. Il était splendide mais surtout...immense, enfin par rapport à un loup normal. Il approchait les un mètre quatre-vingt de long, pour une hauteur d'au moins un mètre dix au garrot. Son pelage crème parsemé de différents tons de gris était idéal pour passer inaperçu dans cet environnement pierreux et poussiéreux.
Dès qu'il m'aperçut, son échine se hérissa et un grondement sourd et continu commença à monter de sa gorge, tandis qu'il retroussait ses babines sur ses crocs. River s'interposa immédiatement entre nous, ce qui calma efficacement le canidé.
— Restez ici, jusqu'à ce que l'on revienne vous chercher, leur ordonnai-je ne souhaitant pas perdre plus de temps, ni tenter plus que nécessaire l'animal affamé. Allez vous dissimuler près de l'éboulement...on reviendra vous chercher.
Puis nous partîmes enfin. Les premiers mètres furent dur pour mon corps éprouvé, mais l'afflux d'adrénaline provoquer par la traque, boosta mon métabolisme me faisant momentanément oublier la fatigue et la douleur. Parvenus au niveau de la salle de torture, nous nous plaquâmes chacun contre l'un des murs du tunnel et risquâmes un coup d'œil prudent à l'intérieur...vide !
Je fis signe à River de partir sur la droite tandis que je faisais de même à gauche. Nous nous faufilâmes silencieusement le long des murs, le plus rapidement possible mais lorsque mon regard dériva malgré moi vers le centre de la pièce, je stoppai net et vis que de son côté River avait fait de même.
« Où est-elle passée ? », semblait me murmurer ses yeux interrogateurs et surpris.
Car là où se trouvait le corps de ma mère encore une heure auparavant, on ne distinguait plus qu'une tache sombre sur le sol, là où son sang avait imprégné la terre mais elle...elle avait disparue...
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