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07. Remords

Au petit matin, Felix se revêtit d'une robe céruléenne et se laissa coiffer et maquiller par Yuqi. Sa mine profondément songeuse et ses yeux anxieux eurent tôt fait d'alarmer la servante.

— Sire ? Est-ce que tout va bien ?

Le Prince ne l'entendit même pas. Il fixait ses petites mains en silence, comme si la réponse à toutes ses interrogations y était gravée. Sans dissimuler son inquiétude, la domestique lui servit son repas qu'il dégusta lentement. Son regard était dans le vague et légèrement embué.

— Quelque chose vous trouble ? se risqua à nouveau la jeune femme.

Cette fois, le blondinet opina du chef, la mine basse.

— Je... Chan...

Il déglutit bruyamment et secoua la tête en forçant un sourire.

— Ne vous inquiétez pas pour moi, Yuqi. Je ferai en sorte que tout se passe au mieux...

La servante le débarrassa sans cesser de le dévisager anxieusement. Puis, elle lui tendit un rouleau doré.

— C'est le dernier, sire.

— Merci...

« Ne devient pas Princesse qui en a envie : se regimber ne suffit pas. Plusieurs ingrédients sont nécessaires pour faire d'une femme un véritable membre de la royauté.

Et voici le grand final ! Saurez-vous faire preuve de courage, de compassion, de discernement et d'intelligence ? Saurez-vous mettre votre instinct de compétition de côté ?

Une Princesse se doit d'être une personne pleine de ressources. »

— J'ai aussi reçu des directives, indiqua doucement la domestique. Une heure après le repas de midi, vous devrez vous présenter dans la cour. Vous avez le droit de prendre une besace avec vous et d'y mettre ce dont vous voulez.

Felix acquiesça sans afficher d'émotion. Il se sentait infiniment las, comme si toute sa détermination était tombée en poussières dès l'instant où le regard répugné de Chan s'était dardé dans le sien.

Gagner, oui, mais à quel prix ? Le Prince l'abhorrait, désormais.

Il avait fallu que cet incident se produise pour qu'il comprenne à quel point tout cela était douloureux. À quel point le dégoût de Chan lui faisait mal.

Le blond avait finalement compris que sa simple admiration s'était muée en quelque chose de plus profond qui le faisait souffrir.

Il resta prostré en boule dans son lit durant le restant de la matinée. Étrangement, il n'était nullement effrayé par la possibilité que le Prince le dénonce. Il avait fini par bien le cerner. Personne dans sa famille ne le croirait. Et puis, il avait considérablement bu, ce qui signifiait qu'il y avait une possibilité qu'il n'en garde aucun souvenir.

Mais l'androgyne n'y croyait pas vraiment.

Son esprit était aussi vide qu'une page blanche. Son regard violacé scrutait le plafond, à la recherche d'un baume pour panser son cœur qui saignait à flots opulents.

Il devrait certainement commencer à se préparer, mais il n'en avait pas la force. Il était tellement désabusé qu'il avait à peine touché à son repas pourtant délicieux.

Lorsqu'arriva l'heure de midi, Felix s'extirpa de sa couette et descendit dans le hall avec nervosité. Il craignait de se heurter au froid glacial du regard écœuré du Prince.

Quand tous les convives arrivèrent, il constata rapidement l'absence de Chan. Il ignorait complètement s'il devait s'en sentir soulagé ou anxieux, mais il avait l'impression qu'un énorme poids venait d'être ôté de ses épaules.

Le Gongdanien se retrouva donc à table en compagnie de Seoho et d'Aisha. Le Prince qui détestait lui aussi les manières spécieuses de cette Princesse n'était pas présent, alors il se sentit d'un seul coup bien seul.

Sans l'opposition de Bora, de Yijeon et de Nagyung, la rouquine avait désormais le champ libre. D'ailleurs, son sourire altier crispait horriblement le blond. « Que mijote-t-elle encore ? » s'inquiéta-t-il.

Il se demanda alors ce qui était advenu de la Reine, qu'il avait accusé ouvertement de tromperie. Depuis qu'il avait mis les pieds dans son Royaume, il ne l'avait encore jamais vue, mais l'absence du Roi et le comportement de l'héritier lui mit la puce à l'oreille.

Ce dernier était bien moins loquace qu'à l'accoutumée. Il arborait une expression neutre, ce qui était contraire à son tempérament volubile et affable. « J'espère que cela signifie que Sa Majesté a craché le morceau », grommela Felix. Ainsi, sa seule ennemie demeurerait Aisha.

« À moins que Chan lui ait appris ce qu'il s'est passé la veille au soir », s'alarma-t-il soudainement.

Il déglutit avec anxiété et essuya ses mains moites sur sa robe.

Extérieurement, ce tableau devait être bien étrange. Il n'y avait plus que trois personnes assises à table, et deux d'entre elles se comportaient de manière inusitée. Seule la rouquine engouffrait son repas sans aucun souci, comme si elle était certaine de remporter la victoire.

Elle décocha soudainement son regard le plus fier à Felix, qui se hérissa. « Il n'est pas question que je la laisse gagner ! fulmina-t-il intérieurement. Chan est peut-être dégoûté par moi, mais au moins, je suis révérencieux envers lui ! Aisha n'a que son propre intérêt en tête... »

Le Gongdanien s'arracha enfin à sa torpeur et sentit sa détermination remonter en flèche. « Une épreuve... et tout sera enfin terminé. Je serai marié et débarrassé de cette sorcière... »

Malgré son manque d'appétit évident, il mangea le plus qu'il put pour prendre des forces, puis quitta le hall avant la rouquine pour l'éviter. Il piqua en direction des cuisines, où il prit un morceau de fromage, du pain et de la viande séchée. Il remonta à ses appartements et dénicha une besace dans ses bagages.

Puisqu'il ignorait tout de l'épreuve, le blond y entassa tout ce qui pourrait lui être utile, en commençant par la nourriture, des braies et une tunique. Il savait que les femmes étaient tenues de se vêtir de robes en toutes circonstances, mais après tout, il n'en était pas une. Il n'avait pas pour habitude d'en porter pour les efforts physiques.

Il ajouta une bouteille d'alcool en guise de désinfectant, une pommade et des bandages qu'il avait quémandés à Yuqi. Enfin, il glissa dans la besace sa dague et une outre remplie d'eau.

— Cela devrait suffire, essaya-t-il de se convaincre.

Felix enfila avec désarroi la robe la moins étriquée qu'il possédait et ses bottes. Sa servante noua ses cheveux pâles sur sa nuque. Lorsqu'elle insista pour tout de même le maquiller légèrement, il se braqua.

— Sire, si vous ne le faites pas, on risque de très mal le percevoir, s'obstina la domestique.

Le Prince exhala un profond soupir et opina du chef. De toute façon, il n'avait rien à y perdre.

Yuqi s'empressa donc de lui appliquer un léger mascara et du fard à paupières foncé. Elle jeta un œil par la fenêtre.

— Il vous reste encore une dizaine de minutes, sire. Désirez-vous autre chose ?

Felix secoua la tête en s'efforçant de lui sourire. À sa plus grande surprise, elle se rapprocha de lui et le serra dans ses bras.

— Faites au mieux, et tout se passera très bien.

Le blond répondit à l'étreinte en silence. Son cerveau tournait à plein régime.

— Yuqi... J'aurais besoin que vous surveilliez Chan pour moi.

— Je vais essayer, fit-elle en guise d'assentiment.

— Merci...

Le Gongdanien se tenait debout dans la cour, en attente de Seoho.

La présence d'Aisha à quelques pas à peine de sa position l'empêchait de se détendre. Tous ses sens étaient en alerte, comme s'il craignait qu'elle ne fasse un geste belliqueux envers lui.

Pourtant, elle n'en fit rien. Elle était étrangement calme, un peu trop même.

L'androgyne décida de ne pas lui prêter attention. Elle ne le méritait pas.

Au prix d'un effort surhumain, il mit ses émotions conflictuelles concernant le Prince de côté. Il se vida l'esprit pour uniquement se concentrer sur l'épreuve à venir. Il essaya de ne pas se faire des idées avant d'avoir été mis au courant. Ce n'était pas le moment de fabuler.

— Alors, très chères, êtes-vous prêtes ? s'annonça l'héritier en s'avançant vers elle.

« Il aime les entrées fracassantes et l'attention », remarqua Felix, amusé.

— L'ultime épreuve ! J'ai bien hâte de voir qui la remportera !

« Il en fait même un peu trop... »

— Mais avant, laissa tomber Seoho en s'assombrissant, sachez que j'ai interdit à la Reine de se mêler de tout cela.

Le blond constata avec beaucoup de satisfaction que le visage d'Aisha avait perdu des couleurs à cette annonce.

— Cette épreuve concernera surtout la survie, poursuivit le jeune homme aux cheveux couleur de miel.

— Où ça ? s'impatienta la rouquine.

Le sourire du Prince s'agrandit. Il tendit le bras et pointa l'entrée de la forêt.

— Les bois, Princesse. Cet endroit grouille de petites épreuves que vous devrez interpréter et réussir. La dernière sera une sorte de... labyrinthe. Vous avez jusqu'à minuit pour vous en dépêtrer et revenir dans la cour.

Le Gongdanien sentit son souffle s'accélérer. Son teint était désormais aussi crayeux que celui d'Aisha.

— Ne vous en faites pas ! s'amusa Seoho. Nous reviendrons vous chercher si vous n'en ressortez pas. Enfin, si vous êtes encore indemnes, évidemment.

« Il est ô combien rassurant... », maugréa Felix en réprimant difficilement son envie de détaler vers le palais.

— Réfléchissez bien à une chose, insista ensuite le dauphin avec gravité. La compétition n'a pas sa place quand la survie est en jeu.

Aisha décocha un regard méprisant à son concurrent. « Elle n'aurait pas pu faire pu clair comme décision », bougonna celui-ci. De toute façon, il n'avait aucune envie de s'allier avec elle, même dans cette situation.

— Bonne chance, mes Damoiselles. Je vous en prie, après vous.

L'héritier indiqua la lisière avec un regard pétillant. « Il a l'air bien enthousiaste à nous savoir nous diriger directement dans la gueule du loup », grommela le blond.

En voyant que la rouquine hésitait, il la devança et s'avança d'un pas déterminé vers les bois. Il s'arrêta à l'orée et prit une profonde inspiration.

— Allez, finissons-en.

Ses petites mains cramponnées à sa besace, il s'enfonça dans la forêt.

Une quinzaine de minutes plus tard, Felix s'était complètement perdu.

Il avait pourtant veillé à ne pas quitter le sentier creusé dans la terre, mais d'un seul coup, il s'était retrouvé au milieu d'une chênaie, et le chemin n'apparaissait plus nulle part.

En refusant de se décourager, il revint sur ses pas pendant plus d'une heure, mais il se rendit rapidement à l'évidence qu'il tournait en rond.

Finalement, les pieds en compote, le blond s'adossa contre le tronc d'un arbre séculaire avec l'intention de se reposer un peu. Il but un peu d'eau et soupira profondément.

— Me voilà dans de beaux draps...

Puisqu'il n'avait rien d'autres à faire, il vérifia que personne n'était dans les parages et ôta sa robe pour enfiler la tunique dispendieuse et le pantalon souple qu'il avait apportés. Même s'il appréciait les vêtements féminins, pour lui, « robe » ne rimait décidément pas avec « effort ». Il se sentait beaucoup plus à l'aise ainsi pour cette excursion en forêt.

Le Prince s'allongea sur la mousse et ferma les paupières. Il était moralement harassé par cette histoire plus que risible. La culpabilité avait commencé à le ronger, même si, en soit, rien de tout cela n'était de son ressort.

Il fut forcé de constater, en sondant ce qu'il ressentait, qu'il en voulait profondément à sa mère. Évidemment qu'il n'avait aucune envie de monter sur le trône de Gongdan, mais faire de son existence entière un pur mensonge lui semblait désormais être une bien plus horrible perspective.

Et Chan, dans tout cela ? « Il mérite de connaître l'amour sincère », songea le jeune homme.

— Son comportement suborneur doit cesser, admit-il, mais forcer son propre fils à épouser une Princesse qu'il ne connaît même pas est un effroyable châtiment. Surtout si l'une d'entre elles est en réalité un homme...

« Que pourrais-je bien faire pour établir entre Chan et moi une relation de respect et d'amitié ? » se demanda-t-il alors.

Le blond avait définitivement rayé le mince espoir qui lui restait quant au fait de pouvoir vivre une histoire d'amour avec le Prince. Mais il comptait gagner, alors il se devait de réfléchir à la manière d'instaurer des compromis.

— Cela semble tellement impossible...

Éreinté, il se laissa petit à petit gagner par le voile brumeux du sommeil. Mais soudain, alors qu'il voguait quelque part entre rêve et réalité, un bruissement lui fit ouvrir les yeux.

Le jeune homme tendit l'oreille, mais le silence avait enrobé les lieux de sa présence apaisante. Seuls les pépiements des oiseaux venaient sporadiquement le troubler.

Il allait refermer les paupières, mais le son récidiva bien plus distinctement, cette fois.

Intrigué, Felix fit l'effort de s'asseoir. Il ne put s'empêcher de grimacer sous le mal de tête qui l'assaillit, et se frotta les yeux. Il rassembla ses maigres affaires et se leva afin de se diriger vers l'origine du bruissement.

Il s'avança précautionneusement à travers les broussailles en restant sur ses gardes. « Ce n'est vraiment pas le moment de tomber sur une vipère », grommela-t-il.

En tombant sur un fourré qu'il écarta du bout des doigts, le blond aperçut avec surprise un petit animal quadrupède qui gisait sur le tapis d'herbes tendres. Sa fourrure brunâtre et ses longues oreilles lui permirent rapidement de l'identifier.

— Un lapin ! s'écria-t-il.

Celui-ci tressaillit à son éclat de voix. Son instinct de survie le poussait à fuir, mais une de ses pattes saignait abondamment, l'empêchant ainsi de se mouvoir.

— Tu es blessé ? s'inquiéta aussitôt le jeune homme en s'agenouillant sur le sol.

Il tendit sa main et caressa du bout des doigts le doux poil de l'animal pour l'apaiser. De l'autre, il arracha une généreuse touffe d'herbes qu'il déposa devant son museau frétillant.

Un peu plus rassuré par la présence de nourriture, le lapin se mit à manger, et Felix en profita pour examiner sa patte.

— Je ne m'y connais pas du tout, fut-il forcé de constater avec découragement.

Il regretta d'avoir toujours refusé d'accompagner les chasseurs. Leurs connaissances lui auraient été bien utiles.

Le blond se contenta alors de verser un peu d'eau mêlée d'alcool sur la plaie pour la désinfecter, puis d'enrouler une petite bandelette autour afin d'éviter qu'elle ne s'ouvre à nouveau. « J'étais loin d'imaginer, lorsque je me faisais réprimander par ma gouvernante parce que je dérobais le maquillage de ma mère, que je prendrais soin d'un lapin au milieu des bois », songea-t-il avec amusement.

Mais au moins, cela lui avait permis, l'espace d'un bref instant, de chasser les pensées houleuses qui l'engloutissaient.

Quand Felix termina de soigner l'animal, il s'assit en tailleur sur le sol et lui caressa longuement le dessus de la tête. En remarquant qu'il se collait à lui, il fronça les sourcils.

— Tu ne m'as pas l'air très sauvage, toi. Tu t'es perdu ?

Le lapin ne lui répondit évidemment pas. Bientôt, il finit de se délecter de l'herbe, et le jeune homme le prit dans ses bras sans qu'il ne cherche à fuir. Attendri, il l'installa sur ses cuisses et se remit à le caresser.

Mais bientôt, ses pensées partirent à la dérive. Les souvenirs débilitants de Chan recommencèrent à le tourmenter. En proie aux remords, il sentit sa poitrine se compresser et son cœur se serrer avec amertume.

Ce fut seulement lorsqu'une goutte humecta sa main qu'il se rendit compte qu'il pleurait. Le blond se frotta aussitôt les yeux pour prestement essuyer ces larmes de faiblesse et de peine.

Mais malgré tous ses efforts, elles coulaient sur son beau visage sans vouloir s'arrêter.

— Ce n'est pas ma faute..., bredouilla-t-il. Alors pourquoi... ? Pourquoi je me sens aussi triste ?

Il baissa la tête sur le lapin qui le fixait avec étonnement. Un petit rire lui échappa.

— Quelle sorte de Prince suis-je ? À aimer les robes et le maquillage, à s'attendrir devant un petit lapin et à pleurer pour avoir attisé le dégoût de quelqu'un, alors qu'on attendait de moi d'être un puissant Roi ? pouffa-t-il avec tristesse.

Les oreilles de l'animal s'agitèrent légèrement sous l'effet d'un son dont il ignorait la provenance. Felix l'observa longuement en silence.

— Je ne mérite pas d'être né dans l'opulence, murmura-t-il finalement. Tous ces gens autour de moi, je n'ai fait que les décevoir, les uns après les autres. Et ma mère... Elle tenait tête au peuple furibond pour me protéger, moi et mes caprices aberrants.

Il ferma les paupières d'où s'échappa un énième torrent salé.

— Si je remporte le titre de promise, que ferais-je ensuite ? Chan me haïra, et je serai contraint d'être seul...

L'animal bougea entre ses mains, comme pour protester.

— Mais je ne peux pas laisser Aisha gagner non plus... Ce serait comme signer l'arrêt de mort de Chan...

Le blond exhala un profond soupir et ravala un sanglot.

— Je vais le faire... pour le Prince..., décida-t-il d'une voix hésitante. Et une fois mariés, je ne l'empêcherai pas de faire ce dont il a envie.

Il rouvrit les yeux pour croiser le regard tristounet du lapin, ce qui le fit sourire amèrement.

— Tu es mignon..., s'attendrit-il.

Il baissa la tête pour enfouir son visage dans sa douce fourrure. Bientôt, il se mit à pleurer à chaudes larmes, et pour se consoler, serra l'animal contre lui.

Une dizaine de minutes plus tard, l'androgyne se redressa, les yeux rouges. Mais même s'il avait honte de s'être laissé aller ainsi, il n'en ressentait pas moins un intense soulagement d'avoir libéré sa peine.

Il reposa délicatement le lapin sur le sol en le remerciant dans un murmure, puis se leva. Ses jambes tremblaient sous l'émotion, mais il n'avait pas vraiment le choix. Le soleil commençait à décliner à l'horizon, et s'il ne se hâtait pas, la nuit tomberait rapidement et l'empêcherait de distinguer son chemin. « Enfin, encore faut-il que je retrouve le sentier... », songea le jeune homme avec une pointe de désespoir.

À peine cette pensée l'avait-il effleuré que le l'animal aux longues oreilles fit quelques bonds avant de s'arrêter.

— Ta patte a l'air d'aller mieux, on dirait.

Il tourna son museau frétillant dans sa direction, comme s'il essayait de lui faire passer un message. « Bon eh bien, je vais te suivre », décida Felix en le rattrapant.

Le lapin sautilla encore plusieurs mètres. Le Prince pouvait désormais distinctement entendre le fracas de l'eau. « Il le savait déjà probablement depuis le début », devina-t-il en continuant de marcher.

Bientôt, ils s'arrêtèrent sur la rive d'une petite rivière. Malgré son exiguïté, les flots étaient tellement tumultueux que le blondinet osa à peine s'en approcher.

L'eau claire lui retombait parfois dessus en fines gouttelettes rafraîchissantes qui lui firent le plus grand bien.

Il surveilla attentivement l'animal, de crainte qu'il ne se fasse emporter par le torrent. Mais étrangement, celui-ci restait figé, le museau pointé vers la rive opposée.

— Traverser ? s'inquiéta aussitôt le Gongdanien. Il n'en est pas question !

Le lapin s'allongea, les oreilles en constant mouvement. Avec un profond soupir de dépit, Felix examina la rivière. « C'est impossible de passer dans l'eau », fut-il forcé de constater.

Il remarqua enfin que les arbres aux alentours étaient si grands que leurs branches tendaient vers la berge en face.

— Oh non...

L'animal se redressa alors brusquement.

— Non, gémit le blond en comprenant ce que cela signifiait. Il doit y avoir un autre chemin...

Après quelques minutes d'hésitation pendant lesquelles il cogita intensément, il finit par se résigner. Il alla caresser le poil brunâtre du lapin pour se donner du courage, puis s'avança vers l'arbre le plus imposant et se hissa sur la branche la plus basse.

Il s'efforça de ne pas jeter un coup d'œil en contrebas et se concentra sur son ascension. À son plus grand étonnement, le Prince constata qu'il était assez leste. « Pour quelqu'un qui n'a jamais grimpé de sa vie, je m'en sors plutôt bien », s'encouragea-t-il.

Les appuis étaient de plus en plus rares à mesure qu'il montait, si bien qu'il devait parfois faire des écarts qu'une robe lui aurait sans doute jamais permis de faire.

L'androgyne finit par atteindre une branche épaisse et très longue qui semblait rejoindre une de l'arbre sur l'autre rive. Il déglutit bruyamment en scrutant les flots impétueux qui s'agitaient plus bas.

Il inspira profondément et se traîna assis sur la branche. Son corps trémulait sous la frayeur qu'il ressentait, et c'est pourquoi il procéda très lentement.

Lorsque le blondinet atteignit enfin la branche qui menait vers la berge opposée, il se sentit mal. Pris de vertige, il sortit l'outre de sa besace et but à grandes gorgées.

— C'est complètement fou, grommela-t-il en sentant les larmes lui monter aux yeux.

Il serra fermement les lanières de son sac contre lui et expira avec peine. Ses mains tremblaient, et bientôt, le souffle lui manqua.

— Qui ne tente rien n'a rien, se souvint-il en inspirant profondément pour se calmer.

Le jeune homme prit le risque de fermer les yeux quelques secondes pour se laisser bercer par les sons de la nature. Cela eut pour effet de le rassurer.

Il ouvrit les paupières et, sans réfléchir, se glissa sur la branche qui s'étendait vers lui telle une délivrance. « Je l'ai fait ! » s'étonna-t-il alors.

Déterminé, il poursuivit son avancée et rejoignit la terre ferme en un temps record.

Felix se laissa tomber sur l'herbe en poussant un cri de joie. Mais en examinant ensuite la rive opposée, il constata avec peine que le lapin avait disparu. Il esquissa une petite moue dépitée.

En levant les yeux vers le ciel qui s'obscurcissait à vue d'œil, il déduit qu'il devait lui rester une heure ou deux avant la tombée de la nuit.

— Je dois me remettre en route, soupira-t-il.

Il avait à peine eu le temps de se remettre de ses émotions qu'il devait déjà repartir. « Traverser la rivière... Était-ce une des épreuves dont parlait Seoho ? » se demanda-t-il alors.

Le blondinet ne trouva malheureusement aucune réponse à cette question. Avec un soupir, il s'aventura entre les arbres et les fourrés en prenant garde aux endroits où il mettait les pieds.

L'épisode du lapin lui avait permis, pour la première fois, de faire face à ce qu'il ressentait. Il n'avait jamais eu l'occasion de le faire, car on l'avait habitué très tôt à se retrancher derrière une indifférence factice. Une nouvelle forme de sérénité l'avait envahi, comme si pleurer avait eu un effet apaisant sur lui. « C'est vraiment contraire à tout ce qu'on m'a enseigné », maugréa-t-il.

Dorénavant, il se promit de baser ses jugements sur ses propres expériences, et non sur des paroles qu'il était dans l'incapacité de corroborer.

Soudain, un hurlement strident fendit son cocon de placidité. Le jeune homme se tapit aussitôt derrière le tronc imposant d'un chêne et s'immobilisa complètement.

— Va-t'en ! cria à nouveau la voix nasillarde.

Le Prince roula des yeux en la reconnaissant. « Ne t'énerve pas, ne t'énerve pas... »

— Au secours !

Il poussa un soupir et se mit à marcher en direction des cris de crécelle qui secouaient toute la forêt, ce qui n'était pas vraiment difficile.

Bientôt, il tomba sur Aisha. Elle était assise sur la mousse qui parsemait le sol, les yeux écarquillés par la peur.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Felix sur un ton qui trahissait son irritation.

La rouquine pointa d'une main tremblante l'écorce de l'arbre en face d'elle.

— Là ! Elle est énorme !

Une chose velue à huit pattes s'y était agrippée et ne se préoccupait pas du tout de ses hurlements.

Pour la faire taire, le blond utilisa une technique radicale. Sans plus de façon, il se pencha pour saisir les avant-bras de la Princesse et la tira violemment en arrière. Elle culbuta sur le sol avec un cri de surprise.

— Êtes-vous devenue folle ?! tempêta-t-elle. J'aurais pu m'érafler la peau !

— Contentez-vous de me remercier. Appeler à l'aide pour une simple araignée... pfft.

— Elle aurait pu me mordre ! Elle se tenait sur ma robe et bougeait ses grosses pattes répugnantes !

— Taisez-vous ! s'exaspéra le Gongdanien. Vous dérangez la faune des bois avec vos cris risibles !

Aisha se mordit la langue pour s'empêcher de répliquer. Elle s'écarta à une bonne distance de l'arbre où se tenait l'arachnide.

Felix soupira profondément et secoua la tête. Il venait de remarquer qu'elle n'était pas du tout vêtue pour une excursion en forêt. Elle portait une longue jupe en dentelle écrue et un bustier serti de petites pierres précieuses. Sa chevelure de feu était complètement ébouriffée et des brindilles s'y étaient glissées. Mais surtout, elle dégageait un parfum terriblement féminin qui le fit grimacer.

Il ne remarqua pas que, pendant qu'il procédait à son inspection, elle fit de même de son côté.

— Que faites-vous ainsi accoutrée ? lâcha-t-elle sans chercher à dissimuler son écœurement.

Pour la première fois de sa vie, le blond remercia le ciel de l'avoir ainsi doté d'un pareil aspect androgyne. Sans cela, il n'aurait jamais pu duper la rouquine plus longtemps.

— Contrairement à vous, j'ai veillé à bien me préparer, répondit-il d'une voix neutre.

La jeune femme lui décocha un regard dubitatif.

— Pourquoi vos yeux sont-ils rouges ? Avez-vous pleuré ?

— Au lieu de m'analyser, l'arrêta le Prince avec froideur, vous feriez mieux de réfléchir à un moyen de sortir d'ici. La nuit se rapproche à grands pas.

— La Reine m'avait promis que cette dernière épreuve serait facile. Mais sans elle, je ne sais quoi faire.

— Preuve que c'est le moment d'utiliser votre cerveau, et non pas vos atouts physiques.

— Je ne vous permets pas, s'offensa Aisha. Je suis parfaitement capable de le faire !

— Alors vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que je vous laisse vous débrouiller seule ? Je préfère de loin continuer sans votre présence irritante.

— Cela me va parfaitement, figurez-vous.

Le Prince haussa les épaules et fit donc volte-face. Il s'enfonça dans les bois, un demi-sourire dessiné sur les lèvres. « Plus que quelques secondes, et... »

— Attendez ! Ne me laissez pas toute seule ici !

Le blond secoua la tête en pouffant. Il avait à peine parcouru quelques mètres. « Le moins que je puisse dire, c'est que tout cela sera riche en rebondissements », songea-t-il avec amusement.

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