Chapitre 50 - Stage
Le stage consistait à se rendre en entreprise, donc forcément ça se passait un jour de semaine. Hinata s'attendait à devoir argumenter longuement avec son père, mais l'expérience professionnelle que ça représentait suffit à le convaincre.
Au lieu de partir en cours, le mercredi, le GPS de son portable la conduisit à la bouche de métro qu'elle emprunta jusqu'à l'entreprise. Un scooter s'arrêta près d'elle et Gaara se gara en enlevant son casque. Son arrivée la rassura parce qu'elle venait de voir le panneau de l'interphone et n'avait aucune idée de comment s'en servir – Gaara non plus apparemment, car il passa devant elle et appuya au hasard jusqu'à ce qu'une voix lui demande l'objet de sa visite.
– On est là pour les tests.
La porte se déverrouilla et une femme en tailleur et aux cheveux miraculeusement retenus dans un chignon désordonné sortit d'un ascenseur pour les accueillir.
– Bonjour, je m'appelle Amélia ! C'est moi qui gère les employés, je m'occuperai de vous tant que vous serez ici, donc si vous avez le moindre problème ou même une question, n'hésitez pas à venir me voir, dit-elle en les invitant dans l'ascenseur.
Après leur avoir fait le tour des locaux et des équipes, elle les conduisit à celle chargée des tests, dans une salle remplie d'ordinateurs et de casques de VR reliés à des écrans, dont certains suspendus aux murs.
L'équipe de test les accueillit avec une avalanche de questions plus ou moins spécifiques sur à peu près toutes les fonctionnalités du jeu. Amélia finit par y mettre fin avec un sourire embarrassé.
– Tu restes ici ? demanda Anthony, un des testeurs, en voyant qu'Amélia s'attardait.
Elle enroula une mèche de cheveux autour de ses doigts d'un air coupable.
– Disons... qu'encadrer nos deux recrues fait partie de mes missions...
Anthony éclata de rire.
– Et surtout c'est ici que tous les trucs intéressants vont se passer, acheva-t-il, reste, reste.
Hinata vit certains de leurs collègues échanger des regards entendus qui échappèrent évidemment aux deux concernés. La matinée fut principalement occupée par la démonstration des développeurs et de leurs nouveautés.
– Vous aurez toujours le fameux choix entre magie ou combat en début de jeu, ce sont les spécialisations qui ont été poussées. Par exemple les mages auront aussi accès à la classe des tanks, bien que ce sera différent des tanks non mages !
– Vous aurez plein de nouvelles classes pures au total, par exemple Élémentaliste et Féerique côté mage. Féerique mélange buff ou dégâts, Élémentaliste est très pratique parce qu'elle peut accéder à tout selon l'élément choisi, même si ce sera toujours moins fort qu'une classe spécialisée.
Amélia s'avança, un doigt levé.
– Et il y a la même côté guerrier ! Après y aura forcément des trucs un peu nuls, genre les tireurs qui posent des pièges... bon... Les chasseurs par contre ça va être incroyable ! Ils font moins de dégâts, avec un arc, c'est normal, mais... ! Ils peuvent adopter un familier et carrément fusionner avec, et si le familier vole, ils pourront voler aussi ! J'avais dit que c'était mieux que tireur. Je joue assassin aussi, alors forcément j'ai suivi tout ça de près.
– Oui oui, tireur nul, chasseur trop bien, la coupa un des testeurs.
Gaara se redressa sur sa chaise, captant aussitôt toute l'attention.
– Vous les avez appelées des classes « pures » ?
Des sourires complices fleurirent dans la salle. Amélia fut la première à céder à la tentation de tout déballer.
– Oui ! Bien vu ! s'exclama-t-elle, les yeux brillants. Les classes pures s'opposent aux classes déifiées. Une classe déifiée est renforcée par une seconde spécialisation. Bien sûr accéder à ça ne sera pas facile, il faudra avoir accompli un haut fait reconnu dans le jeu. Ce n'est pas une quête qui le donne, non, non. Il va falloir que nos petits joueurs réussissent à convaincre les dieux qu'ils en valent la peine. (Elle mit une main devant sa bouche, comme si elle leur partageait un secret.) Les dieux, c'est nous.
– Bon, Amélia, tu es sûre que ton rôle dans l'entreprise c'est les ressources humaines ?
Elle pouffa puis recula près d'Anthony pour laisser la place aux autres.
La partie qu'Hinata attendait avec impatience arriva en début d'après-midi, lorsqu'on leur remit des casques de VR. Son avatar ne se matérialisa pas dans le monde de Switch World, mais dans une salle presque entièrement blanche à l'exception du quadrillage qui courait sur le sol et les murs. Gaara apparut devant elle.
L'équipe leur avait expliqué que les tests prendraient la forme d'affrontements dont les images serviraient à la promotion.
Au commencement, il serait toujours proposé aux joueurs le choix entre deux classes. Hinata vit réapparaître le mage et le guerrier devant elle. À l'expression de Gaara, il voyait la même chose de son côté. Cette fois, son choix se porta sur le guerrier, elle avait bien aimé massacrer des gens avec l'assassin...
Leurs combats occupèrent le reste de la journée. Les bugs furent rares, et heureusement parce que c'était sacrément désagréable de se retrouver statufiée à foncer en boucle dans le même mur.
Lorsqu'elle retira son casque, Hinata était épuisée par le demi-milliard de calculs qu'elle avait dû faire pour tenir tête à Gaara. Malgré tout, elle se mit très vite à attendre le prochain mercredi. Le mardi soir, alors qu'elle dormait profondément, elle se réveilla soudain en sursaut, horrifiée d'être en retard. En attrapant son portable, elle vit qu'il était quatre heures et retomba dans ses oreillers en grommelant. Ce qui l'avait réveillée, c'était ce discret tambourinement contre ses volets. Elle relâcha son portable en espérant que la pluie serait passée le lendemain, parce que son père était parti pour la semaine en voyage d'affaires.
Le ciel ignora sa prière. En sortant sur le pas de la porte, un rideau de pluie frappait le chemin de pierre, éclaboussant ses bottes. Sa sœur mit le nez dehors et fit la moue.
– J'aurais préféré que papa soit là pour nous conduire.
– Moi aussi, dit Hinata en ouvrant son parapluie.
– Eh bien bon courage pour ton stage, moi je reste travailler à la maison, dit Hanabi en refermant la porte.
Hinata plissa les yeux, pas certaine que leur père ait validé ça, mais puisqu'il n'était pas là... Elle s'arma de courage et remonta le chemin, aussitôt obligée de lutter contre la trombe d'eau qui s'abattait contre son parapluie. En arrivant dans la station de métro la plus proche, ses bottes et ses collants étaient mouillés jusqu'aux genoux. Elle descendit les marches où l'eau cascadait en serrant son sac contre elle pour le protéger. Dans la rame de métro, les autres voyageurs étaient aussi trempés qu'elle.
Les employés de Switch World étaient relativement secs, eux, puisque la plupart venaient en voiture. Gaara arriva aussi trempé qu'elle et Amélia retourna aussitôt l'entreprise pour leur trouver de quoi se sécher. Les tests reprirent jusqu'à ce que, dans l'après-midi, Amélia revienne avec un air inquiet.
– Ça n'a pas l'air de se calmer dehors. On parle d'alerte rouge, est-ce que ça va aller pour rentrer, tous les deux ?
– J'habite tout près, répondit Gaara.
– Ça ira aussi, assura Hinata.
Elle n'était pas loin de la station de métro, au pire elle serait un peu mouillée en arrivant. En sortant de l'entreprise avec Gaara, elle admit qu'elle avait un peu sous-estimé la violence de la pluie. Plusieurs centimètres d'eau envahissaient les trottoirs et les voitures bouchonnaient toute la rue, leurs phares scintillants comme des feux follets dans la brume.
– Je peux t'avancer un peu, cria-t-elle pour se faire entendre en ouvrant le parapluie.
Gaara refusa, par contre il l'accompagna jusqu'à l'entrée du métro. Devant, un policier faisait évacuer les voyageurs et fit de grands gestes pour signaler que le transport était fermé. Alors qu'elle commençait à paniquer, Gaara lui tapa le bras et indiqua une direction. Ils traversèrent au milieu des voitures bloquées pour aller plus vite... mais pour aller plus vite où ? Hinata avait le souffle court et l'impression de respirer de la pluie. Enfin, ils se retrouvèrent à l'abri dans le hall d'un immeuble, la porte métallique se referma, ramenant un peu de silence.
– Eh ben... marmonna Hinata.
Son regard tomba sur la plaque d'une des boîtes aux lettres. No Sabaku. Il habitait là. Elle allait... rentrer chez lui ?
– Viens, dit-il simplement.
Ils montèrent jusqu'au deuxième étage et Gaara déverrouilla la porte de droite.
Hinata se raidit en entendant des voix. Depuis l'entrée on voyait juste un morceau de salon et de cuisine. Ça sentait le chocolat. Le cœur battant, elle arrangea ses mèches trempées autour de son visage.
– Entre.
Elle obéit et enleva ses bottes trempées qu'elle laissa dans l'entrée avec son parapluie. Son manteau continuait de goutter sur le carrelage. Gaara tendit la main pour le récupérer. Elle le lui donna lentement et le regarda le suspendre à côté de son imper. Il y avait un autre manteau tout à droite, le tissu noir avait une coupe longue et féminine, brodée de rouge, et était suspendu à côté d'une veste à capuche décorée de lignes violettes.
– Ah, Gaara ! fit une voix féminine depuis le salon. Tu es là, on commençait à se demander si tu allais réussir à rentrer.
Une fille blonde à l'air assurée apparut devant l'entrée. Ses cheveux étaient retenus en quatre couettes, ce qui était original, mais ne suffisait pas à lui enlever ce petit côté impitoyable. Elle s'interrompit en voyant Hinata.
– Bonjour ?
– Euh, je...
– Hinata, la coupa Gaara, c'est Temari, ma sœur. Kankuro ne doit pas être loin.
Elle connaissait déjà Kankuro de vue, par contre, aucun adulte en vue.
– Son amie de Switch World c'est ça ? dit Temari en se plantant devant elle, une main tendue.
Hinata la serra. Ses doigts se firent écraser sous sa poigne, mais elle se retint de grimacer pour ne pas paraître impolie.
– Viens, je vais de donner quelque chose de sec.
En passant dans le salon, Temari jeta un œil par une des trois fenêtres. La pluie continuait de se fracasser contre les vitres. Kankuro était assis dans un des canapés et faisait tomber de fines lamelles de bois sur la table basse. L'espèce de scalpel qu'il utilisait donnait peu à peu forme à une silhouette. Il la salua d'un signe de main sans se détacher de son œuvre.
– Avec la tempête dehors, tu penses pouvoir rentrer chez toi ? dit-il, avant d'ajouter : ou t'as besoin qu'on t'héberge ?
– C'est que... j-je...
Hinata attrapa son portable, ses mains humides eurent du mal à en déverrouiller l'écran, et de toute façon à quoi bon ? Son père était en voyage et le risque d'inondation avait fait fermer les transports, elle n'avait aucun moyen de rentrer. Elle se retourna vers l'entrée d'où Gaara l'observait en silence.
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