Mes doigts agrippent si fort le téléphone que j'ai peur de le briser en morceaux. Et je sens une colère monstre m'envahir. Comment il peut se permettre de faire une telle demande. Surtout comment elle peut la transmettre? Elle ne trouve pas la situation déjà assez merdique, il faut qu'elle en rajoute une couche? Si elle m'a appelé pour me faire rire, c'est bien joué.

-Tu me penses assez stupide pour accepter,Lia?

-Oh...ce n'est plus « maman »? Comment tu ose m'appeler par mon prénom?

-Tu as perdu ce droit il y a bien longtemps.

Un ricanement lui échappe. Mais elle se reprend vite.

-Pas grave. Tu n'as jamais été une bonne fille dans tous les cas. Ingrate!

-Alors là, c'est le plus beau compliment que tu ne m'ai jamais fais.

-Pardon?

-Avec ton esprit dépravé et ton immense égo, je ne me suis jamais senti comme ta fille. J'étais juste ce pion que tu aimais utiliser à ta guise jusqu'à l'épuisement. Tu n'avais pas besoin d'une famille, juste d'une couverture large pour cacher ton immonde cœur noir.

-Comment tu ose? J'ai pris soin de toi!

-Tu rigoles, j'espère. Tu ne sais pas prendre soin des personnes qui t'entourent. Pour ça, il faudrait que tu sache déjà aimer. Enfaite, tu ne sais même pas être humaine. Sinon tu ne t'abaisserais pas a abuser de ta fille.

Je crie presque mes derniers mots, sans le vouloir. Le conducteur se tourne pour voir si tout va bien, je lui fais un petit signe pour le rassurer. Je ne voulais pas lui faire peur mais je n'ai pas pu me retenir. Ma voix s'est cassée quand mes larmes ont menacées de tomber. Je ne voulais pas qu'elle le sente. Et, à présent, rien ne les empêche de le faire. Parce que j'ai mal.

Comment elle peut le nier? Comment elle peux faire comme si de rien n'était ? Elle ne ressens rien, même pas un petit pincement au cœur. Comme le monstre sans cœur qu'elle est. Et pourtant, j'avais encore l'espoir qu'elle essayerait de se racheter.

-Tu ne vas pas t'excuser?

-M'excuser pour quoi?

-Le mal que tu m'as fais! Une mère ne st pas sensé...sensé...

-Je ne t'ai rien fais.

Mon cœur rate un battement.

-Je t'ai dressé, Nini. Tu avais besoin de discipline et tu le sais. Tu m'as poussée à le faire.

-Ce n'était pas de ma faute!

-Si! Tu as toujours été une source de problèmes, depuis toute petite. Et ça ne s'arrange pas. Regarde ce que je suis forcé de faire pour te ramener à la raison: punir cette pauvre Lisa qui, à vrai dire, est innocente.

-Non, tu as choisi de t'allier avec Mike pour la piéger, parce que ça te tue que j'aime quelqu'un plus que toi.

-Tu le penses?

Mon ton n'est plus aussi fort et plein d'assurance qu'avant mais je sais ce que me dit mon cœur. Alors pourquoi je la laisse semer le doute dans mon esprit?

-J'essaye juste de protéger ta Lisa que tu aimes tant.

-Oh...et la protéger de quo? Je peux savoir?

-De toi, Nini.

Pardon?!

-Un jour où l'autre tu vas la blesser. Tu le fais toujours. Tu m'as brisé le cœur, alors imagine ce que tu feras à cette pauvre fille...

-Je t'arrête tout de suite!

Et pour une fois, elle se tait enfin. Moi aussi, à vrai dire. Je prends un moment pour réorganiser mes pensées et laisse ma respiration se régulariser.  J'ai tant de rage en moi, pour elle. Je pense à toutes ces fois où j'ai pleuré, après qu'elle m'ai battu. Toutes ces fois où je me suis caché derrière les fauteuils pour lui échapper. Ça ne représente rien pour elle. C'est à peine si elle s'en rappelle. 

-Ecoute moi bien, mégère! Tu as oublié ce que tu m'as fais. Mais ce n'est pas grave. C'était il y a longtemps, ça n'a plus d'importance. Mais si tu ose toucher un cheveux de Lala...

-Quoi, Nini?

-...Je te jure qu'il n'y aura pas de pays assez grand pour que tu puisse t'y cacher! 

-C'est une menace?

-A ton avis? Et va dire à Mike qu'il peut aller se faire foutre avec se propositions à deux sous.

Puis je raccroche. Je n'ai pas besoin d'entendre ses conneries plus longtemps. Si Mike veut voir ses enfants, il le pourra...dans ses rêves! Si Lisa se bat autant pour les éloigner de leur père, c'est pour une belle raison. Et je n'ai pas besoin de la connaitre pour obéir. Lisa est ma petite-amie, je dois la soutenir et rester forte pour elle. Même si elle n'est plus là.

Ses enfants sont sous ma responsabilité. Après tout, je suis leur responsable légal, si quelque chose arrive à Lala. Là, c'est le cas. Mais j'espère que la situation ne s'empirera pas! En tous cas, j'aperçois enfin la prison, en loin. Elle est aussi sinistre et déprimante que je le pensais. Et, lorsqu'on se rapproche enfin assez, je paye le taximan et descend.

-Merci.

Il est temps d'y aller. Je veux voir Lisa. J'en ai besoin mais j'appréhende un peu sa réaction. Et si elle était en colère? Elle a quand-même demandé à Bang de me surveiller et de m'amener chez sa mère. Elle ne s'attend pas à ce que je le sème et débarque ici. Elle ne comprendra pas. Mais j'ai besoin de lui parler, alors autant prendre le risque.

Donc, malgré l'appréhension, j'avance vers le bâtiment. Tout ira bien. Je passe par la grande porte et suis accueillis par deux gardes à la mine bien serré. Ils ne doivent pas aimer travailler ici mais je comprend. Ce boulot n'est pas réjouissant. Pourtant, il va bien falloir faire un effort pour être agréable.

-Bonjour, je lance à celui derrière le guichet.

-Oui?

-Je viens pour une visite.

-Ok. Quel nom?

-Lalisa Manoban.

Ça se passe bien, pour le moment. Mais s'il n'accélère pas, Bang et Chan risquent de débarquer.

-Bien, une seconde s'il vous plait.

Puis il prend son téléphone et lance un appel. La conversation est assez courte et raccroche plutôt vite. Puis il se tourne vers moi, avec un large sourire.

-Elle ne veut pas vous voir.

-Pardon?! Vous en êtes sûr?

-Oui.

Pourquoi je ne suis pas surprise?

-Elle a droit de refuser?

-Evidemment. Nous sommes dans un pays libre, mademoiselle.

-C'est une blague? 

-Non.

-Vous ne comprenez pas. J'ai vraiment besoin de la voir.

-Ce n'est pas mon problème, mademoiselle. La loi est la loi.

-La loi est nulle!

-Peut-être mais pour l'instant, c'est ainsi. Maintenant, si vous le voulez, vous pouvez appeler son avocat ou laisser un message.

Je me demande si ça servira vraiment à quelque chose. Lisa est têtu. Et pourquoi elle ne veut pas me voir? Je n'ai pas fais tout  ce chemin pour rien. J'ai besoin de la voir. Je ne tiendrais pas, sinon. Je suis perdue, inquiète et je ne sais pas quoi faire. Je ne me suis jamais retrouvé dans une situation aussi compliquée avec ma mère qui me rend folle.

-Monsieur le garde, vous n'auriez pas le numéro de cet avocat?

-Malheureusement, non. Et, si c'était le cas, je ne pourrais pas vous la donner. 

-Evidemment...et il y a peu de chances qu'elle change d'avis j'imagine.

-Oui.

J'enrage. J'aurais fais tout ça pour rien? Non. Je sens les larmes perler et m'assois sur la chaise, avant  de perdre mes moyens.

-Je ne peux pas repartir sans la voir...j'ai besoin de...elle doit...

C'est si dur de rester forte là, tout de suite. J'ai dû l'être toute la semaine. Pour soutenir Lala dans cette histoire, mais là je craque. Au point de faire de la peine au garde. 

-Oh, il ne faut pas vous mettre dans cet état, mademoiselle.

-Je sais mais, je suis à bout...

Puis j'essuie cette larme qui menace de tomber. Je ne fais pas ça pour qu'il me prenne en pitié, mon corps me lâche. 

-Je suis désolé de craquer devant vous. Je sais que vous ne faites que votre boulot mais...

-Ce n'est pas grave.

Un moment de silence, avant qu'il ne me tende un mouchoir. Je le prend volontiers. Je n'ai eu beaucoup de réconfort ces temps-ci.

-Merci beaucoup de m'écouter.

-J'aimerais pouvoir faire plus pour vous, mademoiselle. Mais tout ce que je peux vous proposer est de rentrer chez vous.

Malheureusement, il a raison. Mais je ne peux pas m'y résoudre. J'ai vraiment fais tout ça pour rien? Oui. 

-Je ne veux pas vous presser mais...

-Je comprend.

Il est temps de se lever. Ce pauvre homme a fait ce qu'il pouvait mais si Lisa ne veut pas me voir, il ne peut rien faire. Et ça fait si mal. Pourquoi elle me rejette de la sorte? Toutes ces fois où elle promettais qu'on traverserait les obstacles ensemble n'étaient que des paroles en l'air, pour elle? Oui, apparemment. Et j'ai été assez bête pour la croire.

Me revoilà. Nous entamons notre douce descente vers la fin et j'espère que les choses vont s'améliorer.