CHAPITRE 42 - Toi et moi
EVAN
Notre dernière journée à Salem s'était terminée sur une sombre note : la mort d'Ana.
Nous n'étions pas sortis de la maison, le vol de retour pour Los Angeles avait lieu tard dans la nuit, alors cela ne servait à rien de nous fatiguer à faire des activités, surtout pas dans ces conditions. La nouvelle avait apporté une certaine lourdeur dans l'ambiance. Juste après qu'elle l'ait appris, Mika avait passé des heures dehors sans qu'on sache où elle était, puis elle était revenue, mais n'avait pas dit un seul mot. Elle avait passé la porte, était montée tranquillement dans la chambre et avait commencé à faire ses valises pour le voyage de retour. Je lui avais demandé comment elle se sentait, si elle avait besoin de parler ou de quelque chose en particulier, mais elle s'était juste contentée de hocher de la tête à ma première question et ignorer le reste. J'en avais conclu qu'elle avait envie d'être seule. Son silence me pesait, mais je respectais son besoin d'espace.
Je n'étais pas arrivé à lire en elle cette fois. Elle n'avait l'air ni triste, ni heureuse. Juste neutre, avec une expression vide.
Je me doutais bien que malgré le fait que Mika détestait sa génitrice, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être touchée par son décès. C'était peut-être cette sensation-là qu'elle trouvait étrange et dont elle ne savait pas quoi faire.
Pour ce qui était du reste, comment en vouloir à Cassie ? Elle n'avait pas menti sur ses intentions, elle avait essayé de nous préserver de Nate, alors que finalement, il avait bel et bien quelque chose d'important à dire. Or, elle avait aussi ses parts de tort dans cette histoire : nous avoir volontairement caché qu'elle était encore en contact avec lui. Ca serait à rediscuter une autre fois... ou pas. C'était tellement épuisant de chercher à comprendre ce qui se passait dans la tête des filles parfois.
L'heure de rentrer à la maison était arrivée. A l'aéroport, nous avions passé toutes les étapes sans aucun problème, et une fois nos fesses posées dans l'avion, j'eus l'impression que nous étions en train de retourner au bagne. Avoir invité mes amis à Salem avait été une excellente idée, nous avions passé de super bons moments ensemble et maintenant, il fallait retourner à la réalité. C'était l'étrange sensation de fin de vacances, avec une couche en plus de mauvaises nouvelles. Mais, moi, il y avait un couche supplémentaire qui m'atteignait : avoir perdu la Mika que j'avais connu ces derniers jours. Elle et moi n'avions jamais été aussi proches, et elle ne s'était jamais autant montrée ouverte avec moi qu'à Salem. Nous étions si bien partis pour faire évoluer notre relation, je n'avais pas envie qu'on fasse marche arrière. Quoi qu'il puisse arriver, je serais toujours là pour l'épauler et je lui laisserais le temps qu'il lui faudrait pour qu'elle se remette des histoires avec sa mère, mais je croisais fortement les doigts pour qu'une fois que tout cela serait fini, elle redeviendrait celle qu'elle était et qu'elle ne se renfermerait pas sur elle-même, à refuser tout ce que la vie avait de bon à lui offrir.
Je m'étais mis à côté d'elle pour le vol. Les autres n'étaient à pas très loin de nous. Mika restait repliée sur elle-même, absorbée par ses pensées, le regard fixé sur le ciel sombre de la nuit à l'extérieur du hublot. Maddy ne pouvait pas s'empêcher de nous surveiller. Elle devait avoir la même crainte que moi : que Mika fasse une crise d'hypersomnie. C'était imprévisible finalement. Elle pouvait fermer les yeux et s'endormir pendant quelques heures, ou bien, fermer les yeux et s'endormir pour les deux ou trois prochains jours à venir. Ça n'avait pas l'air si grave dit comme ça, mais il fallait aussi avoir en tête qu'une personne qui subissait ce trouble était privée de nourriture, d'hydratation, d'hygiène, et était donc mise en danger, autant sur le court que sur le long terme. Personne n'avait envie de voir Mika dans cet état, et moi encore moins.
Son bras se reposait sur l'accoudoir qui nous séparait et je n'avais envie de faire qu'une chose.
Délicatement, en évitant de la regarder et pour rendre mon geste plus spontané, je pris sa main dans la mienne pour lui transmettre du réconfort. Elle ne réagit pas dans l'immédiat, mais au bout de quelques secondes, elle resserra légèrement ses doigts entre les miens. Un petit sourire soulagé se dessina au coin de ma joue et j'appuyai ma tête sur le coussin de mon siège comme si je pouvais enfin me reposer.
J'avais non seulement fait ça pour avoir un petit bout de sa peau contre moi, mais aussi pour pouvoir sentir si l'étreinte de sa main contre la mienne s'affaiblissait ou pas. Je ne voulais pas qu'elle s'endorme.
[...]
« Chers passagers, nous volons au-dessus de Los Angeles, il est 5h45 et il fait 11°C à l'extérieur. Nous allons atterrir dans 5 minutes. Veuillez donc bien attacher vos ceintures, redresser vos dossiers et remettre vos tablettes en position verticale... »
Ce fut la voix de l'hôtesse de l'air dans le haut-parleur qui me réveilla. Eh merde, c'était moi qui m'étais endormi finalement !
Je m'empressai de regarder Mika à ma droite, nos mains n'étaient plus liées et elle dormait à poings fermés. Merde, merde, merde !
« Mika ! Mika ! Réveille-toi, on va bientôt atterrir à LA ! » chuchotai-je en dégageant ses cheveux de son visage.
Zéro réactions, même pas un soupir ou un mouvement.
Je pris alors la décision de la secouer par l'épaule sans trop la brusquer. Ses membres étaient mous.
Inquiet, je me penchai davantage vers elle, mes yeux scrutant son visage endormi avec anxiété. Sa respiration était régulière, mais elle ne montrait aucun signe de réveil. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, tandis que je cherchai désespérément une solution.
« Mika, réveille-toi, s'il te plaît ! » insistai-je, ma voix trahissant mes états d'âme, puis je donnai trois petits coups sur sa joue.
Soudain, ses paupières papillonnèrent avant de s'ouvrir lentement. Elle me dévisagea, me faisant comprendre qu'elle m'en voulait de l'avoir réveillée. La tension dans ma poitrine se dissipa, et malgré son regard colère posé sur moi, cette expression mal réveillée ne fit que renforcer mes sentiments pour elle. Peu importait les circonstances, elle pouvait faire ce qu'elle voulait, chaque jour qui passait, je tombais un peu plus amoureux d'elle.
« On est à LA ? demanda-t-elle pour la première fois depuis des heures de silence,
- Oui, on atterrit.
- Ok. »
Une fois les pieds sur la terre ferme, nous prîmes nos valises et nous dirigeâmes vers la sortie de l'aéroport. Nos parents ou moyens de locomotion respectifs nous attendaient. Avant de les rejoindre pour rentrer chacun chez nous, nous nous regardâmes tous, des sourires timides au visage, puis nous commençâmes à nous dire au revoir en nous prenant les uns dans les bras des autres ou par un simple bisou sur la joue. Je reçus un tas de remerciements de la part de mes amis.
Petit à petit, chacun s'éparpilla de son côté, et il ne resta plus que Maddy, Mika et moi.
Maddy me prit dans ses bras, me tapota dans le dos et pendant notre étreinte, elle en profita pour me dire quelques mots à voix basse.
« Ne t'en fais pas, Evan. Je vais m'occuper d'elle. Ça va passer.
- Merci... lui répondis-je, reconnaissant. »
Maddy s'éloigna, pour me laisser avec sa sœur, et entra dans la voiture de sa mère après avoir mis sa valise dans le coffre.
Mika s'avança face à moi et me regarda d'en bas. Ses yeux étaient perdus dans l'espace. Ce n'était pas ce qu'elle dégageait habituellement, mais on savait déjà pourquoi elle était comme ça aujourd'hui. Elle semblait ne pas savoir quoi faire ou dire. Est-ce qu'elle voulait qu'on s'embrasse ? Qu'on s'enlace ? Qu'on ne fasse rien du tout ? Il fallait que j'agisse, c'était ça dont elle avait besoin, parce qu'elle n'avait plus la force d'entreprendre quoi que ce soit.
Je lâchai mon sac au sol, m'approchai d'elle un peu plus et pris son visage entre mes deux mains pour lui déposer un baiser sur le front. Puis, je l'enlaçai dans mes bras. Gardant les siens le long de son corps, elle blottit son visage contre moi, fermant ses yeux, et je la serrai encore plus fort. Nous restâmes comme ça un moment et je profitai de l'odeur de ses cheveux. Pour moi, il n'y avait nulle part ailleurs où j'aurais préféré être que dans les bras de Mika, même si elle ne pouvait pas me retourner cette étreinte de la même manière actuellement.
Elle se détacha de moi, me fit un faible sourire et commença à me tourner le dos pour rejoindre sa sœur dans la voiture.
Nous ne pouvions pas nous quitter comme ça. Je n'avais pas envie de la laisser partir. Je ressentais son mal être comme si c'était le mien. Alors, je voulais garder un petit bout d'elle et qu'elle garde un petit bout de moi. Même s'il nous suffisait seulement de prendre une voiture pour nous rejoindre en ville, j'avais l'impression que c'était trop long, trop loin. Bref, pas assez pour nous ramener le plus vite possible auprès l'un de l'autre.
Je pris donc mon courage à deux mains. Tant pis si nous étions en public et que ça briserait peut-être notre promesse initiale qui était de ne pas tomber dans l'amour.
C'était toi et moi. Et plus personne.
Je la saisis par le bras et la fit pivoter vers moi à nouveau. Elle se heurta à mon torse, le regard surpris et bien plus éveillé qu'avant. Je n'attendis pas une seconde de plus pour coller mes lèvres aux siennes pour lui laisser un petit bout de moi et prendre un petit bout d'elle.
C'était un bisou bref, spontané, impulsif, mais sincère. Un bisou qui voulait dire "Rentre bien, repose-toi, je t'aime". Et pour moi, ce genre de bisou était bien plus intime que n'importe quel autre type d'embrassade. Ce n'était pas n'importe qui qui le méritait. Et elle n'était pas n'importe qui.
Nos lèvres se séparèrent et elle me fixa d'un air confus, comme si elle ne savait pas comment réagir à mon geste. Puis, elle vérifia autour d'elle si nous n'avions pas trop attiré l'attention sur nous, et lentement, un sourire en coin timide se dessina sur ses lèvres. Ce n'était pas un sourire éclatant, mais juste un petit signe d'apaisement. Rassuré par ce que je venais de voir, je la lâchai pour la laisser partir cette fois-ci.
Elle se retourna deux fois sur moi, puis s'en alla pour de bon.
Tel un personnage pathétique, je restai sur le quai de stationnement, devant l'entrée de l'aéroport, mes sacs à mes pieds, jusqu'à ce que la voiture des Perez disparaisse. Je n'avais pas pu m'empêcher de sentir un pincement au cœur en regardant Mika s'éloigner. Malgré notre dernier baiser, c'était angoissant de la savoir dans cet état, mais aussi de ne pas savoir comment allait se passer notre prochaine rencontre. A Salem, si tout s'était bien déroulé jusqu'à la fin du séjour, j'étais à deux doigts de lui dire tout ce que je ressentais pour elle et à quel point j'avais envie d'être avec elle. J'avais laissé passer ma chance des milliers de fois et juste au moment où je croyais qu'il était temps de faire bouger les choses, un obstacle s'était présenté.
Je n'en voulais pas à Ana d'être morte, je n'en voulais pas à Mika d'être triste. J'en voulais à cette situation, à toutes ces circonstances qui semblaient s'acharner contre nous en permanence. J'en voulais au monde entier. J'en voulais à Nate pour avoir semé la discorde dans nos vies depuis toujours, à Cassie pour ses secrets, à moi-même pour ne pas avoir agi plus tôt, pour ne pas avoir su comment aider Mika davantage pour tout ce dont elle avait souffert avant. Mais surtout, j'en voulais au destin, à cette cruelle ironie qui avait fait que la tragédie avait frappé au mauvais endroit et au mauvais moment.
Un bruit de tonnerre gronda, m'interrompant dans mon instant de distraction. Il allait pleuvoir aujourd'hui. Mon chauffeur, déjà présent depuis le début, sortit de la voiture pour venir jusqu'à moi.
« Tout va bien, Monsieur Cole ? »
J'hochai de la tête, ramassai mes sacs pour ne pas avoir à encombrer mon chauffeur, et me décidai à m'installer dans la voiture.
MADDY
Lors du trajet jusqu'à la maison, dans la voiture, je m'étais installée devant, et Mikaëla derrière. Ma mère était toute contente de nous revoir et n'arrêtait pas de poser des questions sur notre voyage auxquelles moi seule y répondait, avec plus ou moins d'engouement. C'était compliqué, je ne savais pas de quelle humeur je devais me sentir exactement. Sonia devait être mise au courant pour la mort d'Ana, mais ce n'était pas à moi de le lui dire. A vrai dire, je ne savais pas si ma sœur voulait que je le lui dise. C'était délicat. C'était à elle de prendre cette décision.
Maman l'observait parfois par le rétroviseur, et moi, je regardais discrètement en arrière de temps en temps. Mikaëla n'écoutait pas notre conversation, elle regardait par la fenêtre et était totalement ailleurs. Sonia finirait par lui demander ce qui n'allait pas, c'était certain.
Mon téléphone se mit à vibrer dans mes mains, c'était Cassie. Qu'est-ce qu'elle voulait déjà ? On venait à peine de se quitter ! Elle aurait pu me dire ce qu'elle avait à dire en face ! Je demandai à ma mère d'arrêter de parler deux secondes et décrochai.
« Allô... Oui, on est en train de rentrer là, pourquoi tu m'appelles ? ... Ce n'est vraiment pas le moment de me demander ça ! ... Non, elle ne te fais pas la gueule et je suis sûre qu'elle ne pensait pas un seul mot de tout ce qu'elle t'a dit, chuchotai-je en tournant la tête vers ma fenêtre, Laisse-lui le temps, ok ? Sa mère... Enfin, voilà quoi... Mais ne te prends pas la tête avec ça, c'est passé... Bye. »
Je rangeai mon téléphone dans mon sac et vis que ma mère faisait plus attention à moi que sur le chemin du retour. Je fis mine de ne pas le remarquer, mais elle avait sans doute écouté ma conversation avec Cassie, qui, en effet, cherchait à savoir si Mikaëla était fâchée contre elle. Je ne savais pas si elle l'était ou pas, mais je savais que ça allait vite s'arranger, du moins lorsque ma sœur irait mieux.
Sonia continuait de poser son regard insistant sur moi.
« Quoi ? dis-je,
- Quoi ''quoi'' ? répondit-elle,
- Pourquoi tu me fixes comme si j'avais quelque chose sur le visage ? Regarde la route ! bégayai-je,
- Parce que tu as quelque chose sur le visage !
- Quoi !? Vraiment !? m'affolai-je en baissant le miroir de la voiture,
- Oui, c'est le poids des choses que tu caches à ta mère, juste ici ! elle appuya en plein milieu de mon front, Petite bécasse !
- Aïe ! Maman ! T'es gênante ! je repoussai sa main,
- Il s'est passé quoi ? Vous vous êtes embrouillées toutes les trois ?
- Non !
- Maddy, j'ai l'habitude, tu peux me le raconter ! insista-t-elle,
- Non ! Stop ! »
Je montai le son de la radio pour éviter de continuer la conversation et Sonia se tût, heureusement. Back to Black d'Amy Winehouse fut le prochain titre à passer. Je m'efforçai d'écouter les paroles de la chanson comme jamais auparavant, pour ne pas être abordée par elle à nouveau. Je me rendis pour la première fois compte de leur signification.
"Tu es revenu à ce que tu connaissais. T'éloignant bien loin de ce qu'on a vécu. Je marche sur un chemin déjà emprunté. Mes chances se réduisent. Et je reviens à la déprime... Nous nous sommes seulement dit au revoir avec des mots. Je suis morte des centaines de fois. Toi tu retournes vers elle. Et moi je retourne... Je retourne à nous... Je t'aime beaucoup. Ce n'est pas assez. Tu aimes la poudre et j'aime l'herbe. Et la vie est comme un tunnel. Et je suis une petite pièce qui longe les murs de l'intérieur."
Comment en étais-je arrivée au point d'associer et trouver des points en commun entre une chanson d'amour déprimante et la relation entre une mère et sa fille ? Plus j'écoutais les paroles, plus je voyais l'image d'Ana qui laissait tomber Mikaëla à répétition, pour autre chose, pour les hommes, pour Benjamin, pour la drogue... Au lieu de l'aimer, elle. Ma sœur ne devait pas en avoir conscience, mais elle avait tout donné pour sa mère et avait fini par déprimer. Oui, même si cela ne se voyait pas toujours, pour moi, elle souffrait intérieurement à cause de toute la merde qu'elle avait vécue. Et maintenant qu'Ana n'était plus de ce monde, il ne lui restait plus que la frustration et la dépression, une fois de plus. "Frustration" car toute sa vie, Mikaëla s'était sentie perdue et à la recherche désespérée d'une affection maternelle qui lui échappait continuellement et que, finalement, elle ne retrouverait jamais. Pas auprès d'Ana en tous cas.
J'espérais d'ailleurs qu'elle soit assez distraite par les paysages qu'elle observait à travers la fenêtre pour ne pas écouter la musique. Mais il n'avait pas fallu longtemps avant que s'énerve et passe entre Sonia et moi pour éteindre la radio par un clic violent sur le bouton de l'appareil. Ma mère sursauta, mais ne fit pas de remarque dans l'immédiat. Toutefois elle ne tint pas longtemps dans le silence.
« Et toi, Mika ? Tu as passé de bonnes vacances ? Pourquoi tu n'as pas dit un seul mot depuis tout à l'heure ? »
Je me retournai pour entendre sa réponse, et surtout, pour lui apporter un regard réconfortant. Je vis alors que le sien était déjà planté dans le miroir du rétroviseur, à scruter le reflet de notre conductrice avec effroi et une pointe de haine, comme s'il s'agissait du fantôme de sa mère. C'était curieux et peu rassurant.
« Mika, qu'est-ce que tu as, toi aussi ? Si Maddy ne veut pas me le dire, j'aimerais pouvoir compter sur toi parce que... » répéta Sonia.
Je n'entendais plus le reste de son monologue. J'étais obnubilée par le comportement de Mikaëla. Elle se tenait la tête et se cachait les yeux comme si elle avait la migraine. Est-ce qu'elle allait exploser ?
« Ana n'est pas là, Ana n'est pas là, Ana n'existe plus, Ana est morte, se chuchota-t-elle à elle-même,
- Qu'est-ce-que tu dis ? Je n'entends rien, répondit innocemment Sonia. »
Ok, alors elle avait vraiment vu le fantôme de sa mère dans le rétroviseur ?
Elle marqua un temps de pause avant de répondre à maman. On aurait dit qu'elle essayait de se calmer.
« Ana Jones est morte, déclara sereinement Mikaëla, Je suis désolée Sonia, je ne suis pas d'humeur à discuter. Alors, s'il-te-plaît, arrête de me poser des questions. Tout va bien, d'accord ? Je veux juste rentrer à la maison,
- Oh mon dieu, Mika ! Je suis tellement désolée, répondit Sonia, choquée, Je ne savais pas ! Comment tu l'as appris ? Comment ça s'est passé ?
- Maman, je pense qu'on devrait plutôt en parler à un autre moment, la coupai-je. »
Sonia se tût pour se recentrer sur sa conduite et Mikaëla se réajusta dans son siège et sortit son téléphone pour passer à autre chose.
Lorsque nous arrivâmes devant la maison, ma sœur fut la première à sortir du véhicule. Elle débarassa ses affaires du coffre et s'isola directement à l'intérieur, probablement dans sa chambre, laissant Sonia et moi seules, et perplexes, dans la voiture.
Maman se tourna vers moi, profitant de notre tête à tête.
« Qu'est-ce-que je dois faire, Maddy ? me demanda-t-elle doucement,
- Rien, il n'y a rien à faire. Continue d'être toi-même, c'est ça dont elle a besoin.
- Essaye de lui parler, peut-être qu'elle a besoin de parler, essaya-t-elle d'absolument trouver une solution,
- Maman, ça va bien plus loin que ça, rétorquai-je, hésitante, Je pense que Mikaëla a besoin d'un psy. »
J'étais prête à tout lui raconter, tout ce qui s'était passé à Salem, à Malibu, et tout au long des derniers mois. Je ne me confiais pas souvent à Sonia, mais cette fois c'était nécessaire et j'osais espérer que je puisse lui faire assez confiance pour qu'elle ne fasse pas tout un scandale ou aille tout répéter à mon père. Il ne fallait pas qu'elle me complique la tâche, mais plutôt qu'elle m'aide à soutenir Mikaëla. Parce que malgré l'influence qu'Evan pouvait avoir sur elle, malgré les encouragements du groupe, malgré les coups de pressions que j'allais pouvoir lui mettre, je savais pertinemment à quel point il serait fastidieux de convaincre une personne si renfermée, réservée et têtue, qu'elle allait devoir consulter un psychiatre pour se remettre de ce que la vie lui avait fait endurer.
NATE
La journée était passée assez vite. En même temps, je l'avais passée devant les écrans. Je n'avais fait que ça de mes vacances, en plus de harceler Cassie pour la tenir au courant pour la mère de Mika. Et maintenant c'était fait. Et je me demandais comment elle se sentait. Est-ce qu'elle me détestait encore plus qu'avant ? Ce décès n'était pas de ma faute et elle n'aimait pas Ana. alors il n'y avait pas de raisons pour qu'elle me haïsse tant que ça.
J'avais compris qu'elle voulait Evan, qu'Evan la voulait, et que je la voulais aussi et que je ne la méritais pas. Ça me faisait bien chier, mais je l'avais compris. Et j'avais surtout compris que j'avais été le pire des connards sur le dernier coup que je lui avais fait. J'avais compris que j'étais allé trop loin et que je devais la laisser tranquille. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de continuer d'être attiré par elle, d'être... D'être amoureux d'elle. J'avais testé mille et une solutions pour l'éliminer de mes pensées : j'avais augmenté mes heures de sport, j'avais passé des nuits blanches sur les jeux-vidéos, j'avais été à des soirées avec mes potes, j'avais passé du temps avec mon frère, j'avais couché avec d'autres filles du lycée, d'autres filles inconnues, j'avais même essayé d'organiser des rencarts avec certaines pour me trouver une nouvelle obsession... Tout finissait toujours par foirer ou par me ramener à Mikaëla Perez. Aucune autre fille n'était aussi complexe et parfaite qu'elle pour moi. Aucune activité dans laquelle je pouvais me lancer n'était assez distractive pour qu'il n'y ait pas ne serai-ce qu'un tout petit élément qui me fasse penser à Mika.
Planté devant mon miroir, mettant une dernière couche de parfum sur mes vêtements pour terminer de me préparer pour la soirée à laquelle j'allais ce soir, je soupirai profondément, me rendant compte que mes sentiments pour elle étaient plus douloureux qu'autre chose. Je devais me rendre à l'évidence, je n'étais pas celui qui était fait pour elle et je devais respecter ça. Peut-être que le temps aiderait à atténuer mes sentiments, peut-être que je trouverais un jour une autre personne qui pourrait occuper mes pensées de la même manière que Mika le faisait. Mais pour l'instant, je devais faire face à la réalité et accepter que l'amour n'était pas suffisant.
Je pris une profonde inspiration. Une toute petite partie de moi espérait que l'univers m'ait concocté un retournement de situation improbable qui fasse que Mika soit remise sur mon chemin et que ses sentiments pour moi changent du jour au lendemain, comme si rien de mal ne s'était jamais produit entre elle et moi. Comme si nous avions une chance de repartir de zéro, même si je ne regrettais pas la plupart des choses que nous avions vécues.
« Nate, descends ! Ta petite amie est là ! » cria ma mère en bas des escaliers.
Ma petite amie ? Est-ce que ma mère avait encore un peu trop forcé sur le vin rouge ?
Je me mis en haut des escaliers pour lui répondre. J'avais la flemme de descendre si c'était seulement une hallucination alcoolisée qu'elle était en train d'avoir.
« Mais qu'est-ce que tu racontes, maman ? Je n'ai pas de petite amie ! m'écriai-je,
- Si ! Tu sais bien ! Tu m'en avais parlé ! insista-t-elle péniblement, La brune aux cheveux longs avec les tatouages... je l'entendis claquer des doigts, Son prénom ne me revient plus, mais elle est là, ne la fait pas attendre ! D'ailleurs, je valide, elle est très jolie.
- Quoi !? je fronçai des sourcils,
- Dépêche-toi, Nate ! me réprimanda ma mère. »
Stupéfait par les paroles de ma mère, je restai figé un instant en haut des escaliers, essayant de traiter l'information. Mika était vraiment ici ? Comment était-ce possible ? Je n'avais aucune idée qu'elle était revenue de ses vacances, et encore moins qu'elle viendrait chez moi. L'univers m'avait-il entendu à ce point ?
Je dévalai les escaliers, mon cœur se précipitant dans ma cage thoracique à tel point que j'eus l'impression qu'il allait me sortir par la gorge. Ma mère me fit un sourire complice et m'indiqua la porte d'entrée avant de disparaître dans la pièce d'à côté. Elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Mika n'était sûrement pas là pour me sauter au cou au sens dans lequel j'aurais aimé qu'elle le fasse. Mika n'était pas ma petite amie, loin de là malheureusement.
Un sentiment d'appréhension se répandit dans mon corps. J'avais peur de ce que j'allais ressentir en la voyant, j'avais peur des raisons pour lesquelles elle se trouvait là, j'avais peur d'inévitablement faire de la merde.
J'ouvris la porte.
Je m'attendais à voir quelqu'un de brisé ou en colère. Je m'attendais à voir quelqu'un qui venait de perdre sa mère, quelqu'un un minimum bouleversé, quelqu'un en plein deuil. Mais j'oubliais un détail : Mika n'aimait pas sa mère.
Elle était belle, comme toujours. Ses cheveux noirs impeccablement coiffés tombaient en cascade sur ses épaules et son maquillage ne laissait pas à désirer. Un double trait d'eye-liner rouge pailleté ornait ses paupières, tandis que ses cils étaient soigneusement allongés et mettaient en valeur le noir profond de ses yeux. Quelques recoins de son visage brillaient comme de la porcelaine de valeur. Ses lèvres se dépaignaient au travers d'un rouge à lèvres mat, de couleur légèrement marronée, qui laissait croire qu'elles étaient naturellement pigmentées ainsi. Pour moi, ces deux bouts de chair étaient une invitation au péché, un défi auquel je devais résister à chaque fois que j'avais l'occasion de les regarder. Je n'avais jamais réussi à embrasser Mika et c'était terrible. J'avais raté ma vie.
Même pour traverser quelques pâtés de maisons et les ruelles modestes de Los Angeles, elle se donnait la peine de s'habiller comme si elle se rendait à l'événement de l'année. Je supposais que cela faisait partie de l'alimentation de sa confiance en elle : pourquoi attendre une occasion de bien s'habiller quand on pouvait littéralement le faire tout le temps ? Pourquoi s'adapter aux circonstances si on pouvait les dépasser ?
Elle portait un chemisier rouge, moulant et transparent, qui laissait entrevoir une fine brassière en dentelle noire. Ses jambes se cachaient derrière une jupe courte, des collants noirs et des bottines à motif peau de serpent et talons compensés. Un simple collier de perles autour du cou, de nombreuses bagues argentées autour des doigts et un sac à main bordeaux sous forme de cœur, et le tour était joué. Elle pouvait détruire plus d'un homme avec cette tenue.
Elle était la quintessence de tout ce que je désirais, de tout ce que je craignais, de tout ce que je ne pourrais jamais avoir. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de succomber à son charme, de me perdre dans des films qui se créeaient dans mes pensées.
Je me sentais comme un papillon attiré par une flamme, prêt à me brûler les ailes juste pour ressentir un instant de sa présence.
Elle était à la fois un mystère à percer et une énigme à admirer. Comment pouvait-il exister des humains comme ça sur Terre ?
« Je ne m'attendais pas à te voir ici, chez moi, aujourd'hui, reprenai-je mon souffle,
- Tu as dit à ta mère que j'étais ta copine ? Tu ferais mieux de démentir cette information, annonça-t-elle arrogamment,
- Non, ma mère n'a rien compris...
- J'espère.
- Tu veux entrer ? j'avalai ma salive,
- Non, elle croisa ses bras, Je n'en ai pas pour longtemps. J'avais besoin de te parler. »
Je fermai la porte derrière moi pour sortir et me joindre à Mika à l'extérieur.
Nous nous retrouvâmes face à face sur le palier de ma maison. J'avais une boule dans le ventre, je n'avais aucune idée de ce qui allait se passer. Elle me regarda dans les yeux sévèrement et commença à parler.
« Est-ce-que c'était une blague ?
- Quoi ?
- La mort d'Ana.
- Pourquoi ça aurait été une blague ? je niai les faits qu'elle exposait en agitant ma tête,
- Nate, voyons ! elle leva ses yeux au ciel, Tu es le roi des coups de pute et des hypocrites. Qu'est-ce-qui me dis que tu n'as pas fait ça pour essayer de m'achever ? De gâcher mes vacances avec mes amis ? De te venger de moi pour une quelconque raison que tu t'es mis en tête ?
- Mika, je ne pourrais jamais te mentir sur une chose pareille, c'est horrible, je joignis mes mains pour lui promettre mes paroles,
- Alors pourquoi ? Pourquoi avoir absolument voulu me tenir au courant ? elle ferma ses yeux et secoua sa tête, très confuse,
- C'est quoi cette question ? Tu aurais fait quoi à ma place au juste ? j'ouvris de grands yeux, sans comprendre ce qu'elle attendait de moi,
- Je n'en sais rien, je... elle fit le tour sur elle-même en tapant du pied, Ana et moi nous étions fait nos adieux à Malibu quand vous étiez venus me chercher. C'était la fin, c'était à ce moment-là qu'elle était morte pour moi. Je n'étais plus sensée la revoir ou entendre parler d'elle après ça. Tu comprends !?
- Non ! Je ne comprends pas, je...
- Tu savais pertinemment que c'était comme ça, alors tu as voulu enfoncer le couteau dans la plaie en voulant me reparler d'elle, pour me dire qu'elle était réellement morte ! elle me coupa la parole, Je ne n'avais pas besoin de le savoir !
- Mika, ça n'a aucun sens ce que tu dis ! je passai une main dans mes cheveux, Comment je pouvais deviner que tu voyais les choses comme ça ? Je ne pouvais pas ne rien te dire. Ana était ta mère, peu importe la relation que tu entretenais avec elle. C'était une information importante que tu avais le droit de savoir, c'était ça mon seul objectif.
- Mais pourquoi t'es-tu senti obligé de me tenir au courant au juste ? Pourquoi est-ce que ça te concerne autant ? elle haussa le ton,
- Parce que malgré toutes les conneries que j'ai pu faire, je me soucie de toi, Mika ! criai-je, la frustration montant en moi, Peu importe ce que tu penses de moi, peu importe à quel point tu me détestes, je ne peux pas m'empêcher de me soucier de ce qui t'arrive. »
Elle me fusilla du regard, puis elle fit un aller-retour frénétique dans mon allée, comme si elle s'était décidée à partir mais qu'elle avait oublié de dire quelque chose.
« Ne mens pas, Nate. Tu ne te soucies pas de moi, tu te soucies juste de toi-même. Tu veux te sentir mieux dans ta peau, te donner l'impression d'être un mec bien, mais au fond, tu n'es qu'un égoïste manipulateur qui croit que la partie entre toi et moi est encore d'actualité, elle pointa un doigt accusateur sous mon nez,
- ANA JONES EST MORTE, je décortiquai les syllabes, Ca n'a rien à voir avec toi et moi. Je te l'ai dit parce que tu devais être la première au courant. Je te l'ai dit avant que la police ne remonte jusqu'à toi, frappe à ta porte et te dise ''Surprise, votre mère est décédée ! Vous voulez l'incinérer ou l'enterrer ? Vous devez signer tels ou tels papiers ! Oh et si on parlait de votre héritage ?'', j'imitai ironiquement une certaine voix,
- Tu n'as rien compris, Nate ! ses yeux devinrent rouges de rage,
- C'est vrai, tu as raison, je n'ai rien compris ! Et tu as l'air complètement folle là... crachai-je. »
Mika se figea, son visage se décomposa et elle serra des poings. Pendant un moment, il y eut un silence tendu entre nous, où seules nos respirations résonnaient dans l'air.
« Ne me traites pas de folle ! rugit-elle enfin, Je ne suis pas folle !
- Si, tu es folle ! rappliquai-je, Tu viens jusqu'ici pour m'expliquer un truc qui n'a ni queue ni tête, et tu n'as même pas la décence de reconnaître que j'ai agi par souci pour toi, par respect ! Au lieu de ça, tu préfères jouer les victimes et me traiter comme si j'étais le diable en personne !
- Oh, bien sûr, parce que c'est tellement dans ta nature d'être bon comme ça, n'est-ce pas ? Mika leva un sourcil, un sourire sarcastique aux lèvres, Tu te fiches de tout et de tout le monde, Nate !
- Tu ne sais rien de moi, Mika, j'avançai sur elle pour la menacer, Tu n'as jamais pris le temps de me comprendre, tu ne cherches même pas à me comprendre ! Tout ce que tu vois, c'est ce que tu veux voir !
- Mais on s'en fout de toi, Nate ! elle avança sur moi aussi dans le même but, On est pas ici pour parler de toi ! C'est à propos de moi et de ma mère ! C'est à propos de toi, toi qui a tué ma mère !
- Cette discussion est complètement lunaire, bordel ! je reculai pour reprendre mes esprits loin d'elle. »
Je sentis une bouffée de colère m'envahir, mais je n'en fit rien. Car je réalisais, que, si elle était venue jusque là ce n'était pas seulement pour vider son sac et rejeter toute la faute sur moi. Certes, je savais que je n'avais pas contribué en bien à cette situation, mais non, Mika n'était pas juste venue là pour se défouler. C'était surtout parce qu'elle ne se rendait pas compte qu'Ana avait quitté ce monde pour de vrai. Ou du moins, elle en avait conscience, mais ne savait pas comment digérer l'information et comment jongler avec ses émotions. C'était mon hypothèse.
Je l'observais, ses yeux étaient rougis par une haine qui cachait en fait de la tristesse. Elle était plus perturbée par la mort de sa mère qu'elle ne voulait bien le montrer et le croire.
J'inspirai profondément, essayant de trouver les mots justes pour la rassurer.
« Mika... commençai-je plus calmement, Personne ne t'en voudra si tu ressens du chagrin. Tu as le droit.
- Ne me dis pas ce que je dois faire ! répondit-elle, sur la défensive,
- Est-ce-que tu es triste pour la mort d'Ana ? je me rapprochai d'elle, amicalement,
- Non ! son visage se ferma,
- Alors pourquoi es-tu triste ? je posai une main sur son épaule,
- Je ne suis pas triste ! elle secoua sa tête, ses yeux humides la trahissant,
- Tu en es sûre ? je posai ma seconde main sur son autre épaule,
- Non... Je... Je suis triste parce que je ne ressens rien, avoua-t-elle,
- Tu ne ressens rien ? l'interrogeai-je surpris,
- Je ne ressens rien et j'ai honte de ne rien ressentir, elle commença à pleurer,
- Viens ! je la tirai contre moi pour la prendre dans mes bras. »
J'avais vu tout faux, mais j'avais quand même réussi à trouver la source du problème. Et vu la façon dont elle était en train de sangloter sur mon tee-shirt, sans protester, j'avais été le premier à le comprendre et elle avait besoin de ça. C'était comme si elle se libérait enfin d'un fardeau trop lourd à porter seule.
Je la serrai doucement dans mes bras, la laissant pleurer sans rien dire pendant quelques minutes.
Lorsqu'elle se calma, elle se recula légèrement de moi, sans abandonner complètement mon étreinte. Elle essuya ses larmes du revers de sa main et me regarda. Son maquillage n'avait pas bougé.
Cette scène avait l'air surréelle : Mika enlacée à Nate sur le pas de sa porte, en pleine nuit. Qui l'aurait cru ?
« Je suis désolé, Nate, murmura-t-elle, sa voix tremblante,
- Non, ne le sois pas.
- Je me sens juste vide, comme si une partie de moi avait disparu avec elle, se confia-t-elle,
- Ressens ce que tu as envie de ressentir, peu importe ce que les autres peuvent en penser. Ça n'appartient qu'à toi.
- Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour, mais merci... elle soupira, Merci pour m'avoir dit... pour Ana... Mais ça ne change rien entre toi et moi. »
Je me sentais presque trop honoré d'entendre les confidences de Mika. Même si elle disait que tout était terminé, cet échange me donnait de l'espoir sur quelque chose de nouveau. L'univers me l'avait envoyée lorsque je pensais justement à elle, alors pourquoi ne pas croire en nous ?
Et puis...''Entre toi et moi''. Quand ça sortait de sa bouche, cela sonnait comme de la poésie pour moi. Comme si un ''toi et moi'' avait réellement existé un jour. J'essayais de me battre pour m'en remettre, mais finalement j'aimais vivre dans ce fantasme toxique.
Voilà que quelques simples mots de sa part avaient réussi à réveiller la facette sombre de moi-même. "Toi et moi". La petite voix perfide qui habitait dans mon cerveau se faisait des illusions et essayait de me pousser à profiter de la situation.
Mika était là, dans mes bras, belle, vulnérable, ses larmes tachant mon torse.
Je luttais tant bien que mal contre cette envie malsaine, sachant que ce n'était ni le moment ni le lieu approprié. Mais une partie de moi mourrait pour embrasser ses lèvres, pour ressentir ce contact que j'avais tant désiré, mais jamais obtenu.
Je savais que ce n'était pas correct. Pas maintenant. Pas comme ça.
Pourtant, alors que je la regardais dans les yeux, une tension s'installa entre nous. Elle me fixa avec une intensité que je ne pouvais ignorer. Je sentis un désir irrépressible monter en moi, une pulsion qui cherchait à se satisfaire, peu importait les conséquences.
Elle était là, si fragile, si proche de moi, et je savais que je pouvais faire ce que je voulais. J'oubliai Evan, Ana, tout raisonnement sage et sensé que j'avais pu avoir auparavant et je cédai. Tout ce qui comptait désormais était son corps contre le mien et ce rouge à lèvres éparpillé au coin de mes lèvres. C'était plus fort que moi.
Doucement, presque timidement, tandis que mes bras s'étaient resserrés autour de sa taille pour la retenir en cas de fuite, je penchai ma tête, rapprochant mon visage du sien.
Malheureusement, nos lèvres eurent à peine le temps de s'effleurer qu'elle réagit violemment, me repoussant avec une force catégorique. Je trébuchai en arrière.
J'avais senti la chaleur de son souffle pendant une courte seconde, mais j'avais merdé.
« Nate, non ! » s'exclama-t-elle.
A l'entente de son refus, je la lâchai immédiatement. Bien que j'eus la volonté de lui prouver qu'elle avait eu tort de nier ce baiser, je n'avais pas envie qu'elle se mette à crier et que le voisinage croit que j'étais en train de l'agresser. Néanmoins, cela ne l'empêcha pas de se précipiter sur moi pour me pousser continuellement en arrière jusqu'à ce que mon dos se heurte contre le mur de ma maison.
Je la laissai faire. Elle avait toutes les raisons de le faire.
« Connard ! Je ne peux pas t'accorder une seule seconde de ma confiance que tu te mets à essayer de profiter de moi ! elle me fixa avec dégoût, Tu es tellement prévisible, Nate ! Tu penses vraiment que juste parce que je me confie à toi dans un moment de faiblesse, tu peux me manipuler comme bon te semble et que tout va s'arranger ? Tu te fous de moi ? elle fit quelques pas en arrière après m'avoir infligé une claque, Je ne sais pas jusqu'où tu espérais aller avec ton baratin, mais je peux te dire une chose : ça ne se passera jamais comme ça entre nous. Tu m'entends ? Jamais ! Crève et garde bien ça en tête ! Tu as beau être là, à me regarder avec tes yeux de merlan frit, à me dire que tu te soucies de moi, mais tes actions parlent plus fort que tes mots. Tu agis toujours selon tes propres intérêts. Tu es égoïste, Nate, et tu ne changeras pas. Je suis fatiguée de toi, fatiguée de tout ça ! Alors, écoute-moi bien, parce que je ne le répéterai pas : tu n'as aucune place dans ma vie et tu n'en auras jamais une. Alors prends tes regrets, tes excuses et ta fausse culpabilité, et mets-les toi là où je pense ! »
Je baissai la tête, incapable de lui répondre. Elle avait raison sur toute la ligne et je n'étais pas très fier de moi. J'avais réussi à gâcher le seul moment où on avait eu une once de complicité. Elle avait trouvé le courage de venir jusqu'à la source de ses problèmes pour déballer son sac, comprendre son ressenti, dans l'espoir d'aller un peu mieux, et j'avais fait tout le contraire de ce dont elle avait besoin.
Sans m'accorder davantage d'attention, Mika tourna le dos et s'en alla précipitamment. Le bruit de ses talons résonna dans la rue jusqu'à ce que sa silhouette disparaisse dans la nuit.
J'avais raté la chance que l'univers avait essayé de me donner.
MIKA
Avant de rentrer à nouveau à la maison, j'essuyai mon visage et vérifiai sur la caméra de mon téléphone que cela ne se voyait pas que j'avais pleuré. Je claquai la porte et montai en trombe à l'étage, sans entendre les commentaires de Sonia et Ted, qui étaient devant la télévision, dans le salon.
Je rejoignis Maddy dans sa chambre. Elle sursauta en me voyant entrer, mais mit directement l'ordinateur qu'elle avait sur ses genoux sur le côté, et me fit de la place dans son lit. J'avais passé la journée dans ma chambre, dans le silence, puis j'étais sortie sans rien dire. Elle devait se faire du souci.
« Tu étais passée où !? me demanda-t-elle,
- Il fallait que j'éclaire ce qui se passait dans ma tête, je me jetai dans le lit,
- Alors ? Qu'est-ce que tu ressens ? Maddy attrapa mes mains,
- Rien, il n'y a rien à dire là-dessus. Mais j'ai besoin de remettre de l'ordre dans ma vie et mettre un véritable point final au chapitre, lui expliquai-je nerveusement,
- Quoi ? Qu'est-ce que tu veux faire ? elle serra mes mains,
- J'ai besoin de toi et de personne d'autre ! C'est toi et moi, ok ?
- Oui, Mikaëla ! Je suis là pour toi !
- Alors, accompagne-moi à Malibu. Demain ? lui proposai-je. »
Sans poser aucune question, ma soeur hocha de la tête pour accepter ma demande, puis elle me prit dans ses bras.
L'avoir à mes côtés à Malibu serait symbolique.
Maddy avait marqué un tournant important dans ma vie, avec plein de hauts et plein de bas. Mais surtout des hauts. Qui de mieux qu'elle pour me soutenir ? Elle avait une place assez grande dans mon cœur pour être celle qui m'aiderait à définitivement tourner la page.
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Hello :)
Ce qui se passe dans la tête de Mika = toujours plus complexe ! Mais on la comprend...
Nate est revenu dans le game et on a presque eu espoir qu'il soit un bon garçon et ne fasse pas de pas de travers... Mais mission impossible pour lui, n'est-ce-pas ?
Je ne sais pas vous, mais Evan me fait craquer :(
Que vont faire les deux sœurs à Malibu ?
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