CHAPITRE 36 - Enterrer les secrets
MADDY
Suite au départ d'Evan et Peach vers Miami, Cassie était venue me rejoindre à la maison pour que nous puissions nous tenir compagnie l'une à l'autre. C'était compliqué de rester seule dans ce genre de moment, surtout ne sachant pas grande chose sur les moyens employés par Evan pour soutirer des informations à Nate. Il avait préféré ne rien nous dévoiler, et Peach avait également décidé de ne pas en parler. Mais après réflexion, cela m'importait peu tant qu'ils avaient réussi. Nous n'avions d'ailleurs pas eu de nouvelles depuis le dernier appel où Peach nous donnait l'adresse exacte de chez Ana Jones au cas où ils auraient des soucis.
Ce soir, très tard dans la nuit, ma mère vint dans ma chambre pour me réveiller. Et pourtant, il y avait cours le lendemain, et elle savait très bien que Cassie et moi étions crevées en permanence ces derniers temps. Alors lorsqu'elle me secoua légèrement, je rouspétai.
« Maman ! Je ne sais pas ce que tu veux, mais laisse-moi dormir...
- Figure-toi que je dormais très bien moi aussi, avant que ce garçon ne vienne sonner à notre porte ! elle mit ses mains sur ses hanches pour exprimer son mécontentement, Je croyais pourtant que c'était fini entre vous deux !
- Mais de quoi tu parles, bon sang !?
- Allez, Maddy ! Va voir ce qu'il veut et tu lui diras que ce n'est pas une heure pour venir te courtiser ! elle jeta ma robe de chambre en soie sur mon visage et quitta la pièce,
- C'est bon, j'y vais ! »
Je me levai et m'apprêtai assez rapidement pour régler ce problème. J'étais encore dans les vapes, alors je n'arrivais pas trop à comprendre de qui ma mère pouvait bien parler.
En constatant mon absence, Cassie se mit à bouger dans le lit et se réveilla petit à petit.
« Tu vas où comme ça, Maddy ? me demanda-t-elle avec sa petite voix du matin,
- Il y a un gars qui demande à me voir apparemment.
- Attends, je viens avec toi, c'est dangereux. »
Cassie se leva à son tour, mit un gros pull et me suivit jusqu'à la porte d'entrée.
Lorsque j'ouvris la porte, nous tombâmes nez à nez avec Nate, et notre réaction, à toutes les deux, fut de prendre peur et sursauter en arrière. Si au départ nous étions à moitié réveillées, désormais nos yeux étaient grands ouverts. Nous nous attendions à n'importe qui sauf lui. Nous avions tous pris nos distances et il devait bien se douter qu'actuellement nous le détestions plus que jamais. De plus, le voir débarquer tard dans la nuit, tout vêtu de noir, c'était plus que cauchemardesque.
Cassie enlaça mon bras au sien et nous nous regardâmes un court instant dans les yeux l'une de l'autre. Je savais ce que tout cela signifiait. Cela voulait dire que si nous étions ensemble et soudées, rien ne pourrait nous arriver. C'était un réflexe de notre ancienne amitié et aujourd'hui, face au garçon qui avait réussi à détruire tout ce que nous avions, ce geste prenait encore plus de sens. J'aurais eu du mal à l'admettre si on me posait la question, mais avoir Cassie à mes côtés à cet instant précis, me donnait du courage et diminuait un peu la terreur que Nate causait en moi par sa simple présence.
« Qu'est-ce que tu veux, Nate ? dis-je pour briser la glace,
- Désolé de me pointer à cette heure-ci, mais les circonstances font que les choses ont dû se faire ainsi.
- Oui, franchement, c'est dérangeant. T'aurais pu attendre de nous voir au lycée, ajouta Cassie,
- Non, justement... il se gratta la nuque puis s'adressa directement à moi, Mika est là, on l'a ramenée.
- Quoi !? »
Je me figeai sur place, tanguant entre croire ou ne pas croire ce que Nate venait de dire. D'un côté je ne savais pas s'il avait fait la route jusqu'à Malibu avec Evan et Peach, et de l'autre, c'était lui le coupable du départ de Mikaëla, alors pourquoi aider à la ramener finalement ? Je me méfiais de lui depuis que j'avais compris que venant de sa part, tout pouvait être un coup monté.
Cassie avait davantage serré mon bras, elle était aussi surprise et perdue que moi.
« Si c'est une blague, Nate, ce n'est vraiment pas drôle ! le menaçai et pointant un doigt sur le bout de son nez,
- Non, je te le jure, elle est là, dans le fourgon avec Evan et Peach, il se décala pour nous laisser voir le véhicule,
- Pousse-toi ! le bousculai-je tout en abandonnant le bras de Cassie, qui au passage, vint vérifier avec moi. »
Gagnée par un mélange d'émotions que je ne saurais décrire, j'ouvris brutalement l'une des portières du fourgon et retrouvai Peach et Evan qui faisaient de grands gestes pour que j'arrête d'être aussi bruyante. Et parmi eux, au milieu de ce sombre fourgon en bordel, je découvris ma sœur. Elle était là, à quelques mètres de moi, profondément endormie, posée telle un nouveau né dans les bras d'Evan. Je mis une main sur ma poitrine et me remit à respirer comme si cela faisait 3 semaines que j'étais restée en apnée. Et quelque part c'était le cas.
Je n'allais quand même pas remercier Nate, il avait fait le stricte minimum. Mais j'étais soulagée que ce ne soit pas un piège de sa part.
Tandis que lui et Cassie se tenaient à l'extérieur du véhicule, mais ayant toujours accès à ce qui s'y passait dedans, j'entrai dans le fourgon pour regarder Mikaëla de plus près. Le sourire béat que j'arborais les secondes précédentes s'effaça doucement. De vieilles traces de sang parsemaient son corps et ses vêtements me laissant croire que le séjour chez sa mère n'avait absolument pas été une partie de plaisir. Cela m'horrifiait.
« C'est quoi ça ? interrogeai-je le trio,
- On ne sait pas encore tout ce qui s'est passé, murmura Evan, Elle s'est évanouie dans mes bras dès qu'on est montés dans la voiture, elle était très faible, donc on a pas pu lui poser de questions pour l'instant.
- Laissez-moi la réveiller, je veux savoir ce qui s'est passé ! lançai-je en haussant le ton. »
Tout le monde se mit à protester en chuchotant. Ils voulaient tous que ma sœur se repose et moi aussi, mais ces tâches de sang étaient des preuves à utiliser immédiatement si quelque chose de grave lui était arrivé. Ne jamais attendre que le temps passe après une quelconque agression, c'était la règle d'or pour pouvoir espérer s'en sortir.
Sans me soucier de la désapprobation des autres, j'approchai une main du visage de Mikaëla et mes doigts effleurèrent doucement sa joue pour tenter de la réveiller avec délicatesse. Je prononçai également son nom plusieurs fois d'une voix calme et rassurante. En quelques secondes, son visage révéla une légère crispation et elle émergea lentement de son sommeil. Ses yeux s'ouvrirent avec difficulté, dévoilant un regard confus et fatigué. Elle semblait désorientée, tentant de comprendre sa situation et qui étaient toutes ces personnes autour d'elle.
« Mikaëla, c'est moi, Maddy. Tu es de retour à la maison. » murmurai-je, essayant de dissiper ses angoisses naissantes.
Les autres firent le silence et Evan se montra contrarié par ce que je venais de faire. Mikaëla cligna des yeux, cherchant à reconnaître l'environnement dans lequel elle se trouvait. Puis elle se releva légèrement de l'étreinte d'Evan, et après quelques instants qui parurent une éternité, elle me tira dans ses bras pour me faire un câlin bien serré. Puis elle parla d'une voix faible et tremblante.
« Maddy, tu ne peux pas savoir comment je suis contente de te voir pour de vrai, tout près de moi ! Si tu savais à quel point c'était l'enfer d'être en vie dernièrement, elle se mit à sourire,
- Moi aussi ! je lui rendis son sourire et la taquinai, C'est fini tout ça maintenant, tu es avec moi. Ne pars plus jamais comme ça, petite idiote !
- J'essayerais... répondit-elle en dévisageant Nate,
- Excuse-moi de t'avoir réveillée comme ça, je passai directement aux choses sérieuses, mais il faut vraiment que tu nous dises ce qui s'est passé chez ta mère.
- Quoi ? Mais pourquoi ? elle grimaça en fermant ses yeux, Non, je viens à peine de rentrer, j'ai juste envie d'oublier tout ça et revenir à la vie que j'avais avant avec vous... Sauf Nate, bien évidemment, ne prends pas en compte ce que je dis, s'il te plaît ! C'est pas parce que tu as aidé à me retrouver qu'on va devenir potes.
- Mika, Nate leva les yeux au ciel et soupira, Ce que Maddy essaye de dire c'est que si tu en parles maintenant, ça sera plus facile de porter plainte contre tes parents. »
Comme quoi, parfois, Nate pouvait être intelligent, puisqu'il était visiblement le seul à comprendre pourquoi j'essayais si précipitamment de tirer les vers du nez de ma sœur.
« Mais je ne porterais pas plainte contre eux ! s'exclama Mika,
- Comment ça !? se stupéfia Evan,
- C'est moi qui irais derrière les barreaux si je fais ça ! Vous n'avez pas encore compris ? se désespéra-t-elle,
- Mais pourquoi ça serait toi !? s'indigna Cassie, Qu'est-ce que tu as fait ?
- Tu n'es pas obligée d'en parler maintenant si tu n'en as pas envie, Mika, ne te mets pas la pression, la rassura Evan, plutôt inquiet par son état, Et puis, il faut aussi que tu prennes le temps de réfléchir... C'est n'importe quoi de laisser Ana et son mec en liberté !
- Mais si, je vais vous dire ce qui s'est passé et vous allez me comprendre ! elle croisa ses bras et s'adossa violemment contre son siège, Mais Nate, tu pars ! »
Nous plaquâmes tous des regards foudroyants sur Nate en espérant qu'il décide d'écouter les ordres de Mikaëla. Mais bien au contraire, il ne bougea pas, il devait se sentir digne de savoir ce qu'il lui était arrivé étant donné qu'il avait participé au plan pour la sauver.
« Comme tu voudras, Mika. Je sais que j'en ai assez fait comme ça, mais je suis très inquiet pour toi, je le promets ! J'aimerais que tu saches à quel point je suis désolé pour ce que je t'ai fait. Je sais que j'ai merdé. Je ne peux pas changer le passé, mais je peux essayer de faire mieux à l'avenir. Plus jamais...
- Oh, ta gueule ! le coupa Peach,
- Je m'en fiche de tes excuses, Nate ! répondit Mikaëla, Mais tu sais quoi, je veux bien que tu restes finalement parce que tu mérites d'entendre ce que j'ai enduré par ta faute. Et si tu t'avises de te servir de ces informations contre moi, je peux te jurer que je vais bousiller ta santé mentale. »
Nate baissa la tête sur ses pieds, très gêné par la situation. Il ne riposta pas, il resta silencieux. Il savait qu'il était en tort et que rien de tout cela n'effacerait ce qu'il avait fait ces derniers mois.
Mikaëla se forçait à être dure et cacher ses émotions pour ne pas nous inquiéter, nous faire croire que rien n'avait changé. Mais je savais qu'elle était épuisée et à fleur de peau. La profonde inspiration qu'elle prit avant de prendre la parole à nouveau tout en fixant un point dans le vide en était la preuve. Elle essayait de rassembler le courage nécessaire pour partager sa situation avec nous.
« Vous devez comprendre, commença-t-elle d'une voix contenue, que malgré ce qui s'est passé, je vais retrouver un semblant de normalité, les cicatrices de ce qui s'est passé chez moi se fermeront vite. Je ferais comme j'ai toujours fait et je m'en sortirais, sans passer par la case commissariat ! Alors n'insistez pas avec ça. »
Une fois de plus, elle évita le contact visuel avec nous, comme si elle redoutait notre réaction à ses confidences. Je pouvais sentir la vulnérabilité derrière sa façade de force. Evan s'était crispé. Je ne savais pas s'il était agacé par le fait que nous ayons un peu forcé la main à Mikaëla ou s'il avait peur d'entendre ce qu'elle avait à dire.
Après avoir longuement serré des poings et laissé planer un suspense hostile, Mikaëla nous avoua tout... Comment elle avait été isolée du monde, interdite de sortie de sa ville, condamnée à se prendre des vagues de haine dès qu'elle osait ouvrir la bouche, mais surtout... Comment elle avait failli être la proie d'une agresseur sexuel et comment elle s'était défendue, raisons pour lesquelles elle était blessée et peinte de sang.
L'atmosphère était devenue lourde. Je me sentais à la fois en colère et triste comme si j'étais autant coupable de la situation que Nate. J'aurais voulu être là pour empêcher ces attouchements. J'aurais aimé pouvoir remonter le temps pour écouter Evan et aller la chercher bien avant.
Cassie, à deux doigts de pleurer toutes les larmes de son corps, fut la première à briser le silence et les visages choqués.
« Il faut porter plainte Mika, c'est très grave !
- Mais ce n'est pas ça le problème, enfin ! elle s'énerva, Je me suis défendue à l'arme blanche ! J'ai blessé quelqu'un ! Même si c'était de la légitime défense, je serais la fautive. Parce que peu importe ce que j'ai subi entre leurs mains, tout ce que la justice retiendra c'est que j'ai planté un couteau sur quelqu'un. Ca a toujours été comme ça dans ce pays ! La peur m'a poussée à faire ce que j'ai fait, mais je refuse d'être condamnée pour avoir protégé ma vie. Puis il sera bien plus facile de prouver un coup de couteau qu'une tentative de viol. C'est triste à dire, mais qui voudra me croire ? Les lois sont censées protéger les victimes, mais la réalité est souvent toute autre.
- Alors on va juste faire comme si rien ne s'était passé et laisser ces deux tarés vivre leur vie normalement ? se stupéfia Evan,
- On y passera tous si on les dénonce pour quoi que ce soit... Je vous rappelle qu'on a joué de faux rôles et fait un pseudo-kidnapping, intervint Peach, Dans tous les cas, on sera dans la merde jusqu'au cou.
- Vous êtes fous ou quoi ? Je refuse de fermer les yeux sur ce qui s'est passé ! Il faut qu'on trouve quelque chose ! protestai-je, Et s'ils reviennent ? Et s'ils veulent la reprendre ? On ne va pas refaire le même schéma deux fois !
- On peut toujours porter une plainte anonyme pour détention de stupéfiants et négligence de vie, suggéra Nate, Comme ça, ils n'auront aucun élément sur nous et au moins, ils iront en prison pour quelque chose.
- Ils finiront bien par remonter jusqu'à Mika avec les interrogatoires, vous ne croyez pas ? dit Cassie,
- Peut-être, mais si Ted assume enfin son rôle de père sur le papier et devient officiellement son tuteur légal, on court moins de risques s'il y a inspection. On pourra inventer n'importe quelle excuse en notre faveur, ça sera notre parole contre celle de deux junkies, affirma Evan. »
Ma sœur était restée dans le silence pendant tout ce temps et avait l'air de réfléchir minutieusement à chaque phrase prononcée.
« Ana ne reviendra plus jamais et ne fera rien pour remonter jusqu'à moi, j'en suis certaine, dit-elle d'un ton assuré, Mais on va quand même faire ce que Nate et Evan proposent pour enterrer correctement le secret, mettre fin à cette histoire et commencer un tout nouveau chapitre. C'est ce dont j'ai besoin pour tourner définitivement la page, ok ? »
Nous nous regardâmes tous entre nous, certains semblaient plus ou moins d'accord avec cette alternative, la soif de justice était plus forte, mais nous n'avions pas vraiment d'autre choix que de l'accepter, parce que Mikaëla était la seule personne légitime de décider de son sort et nous, nous devions le respecter quoi qu'il en soit.
« Nate et moi allons nous occuper de la plainte, n'est-ce pas, Nate ? Evan menaça ce dernier,
- Oui, consenta-t-il sans hésiter,
- Maddy, toi et moi, il faut qu'on s'occupe de Ted, lança Mikaëla,
- Oui, mais il faudra aussi tout raconter à lui et à maman... Maman va devenir folle et voudra tout faire sauf mettre cette affaire dans l'ombre !
- On ne va rien leur dire, Maddy. Je raconterais que je suis revenue de mon propre gré et que je n'ai pas envie d'en parler, je suis sûre que Sonia comprendra et nous sera encore plus utile pour convaincre Ted.
- Bon, d'accord... Mais ne te fais pas de soucis pour mon père, il pourrait signer n'importe quel papier les yeux fermés tellement il est attentif et présent, dis-je ironiquement. »
Mikaëla soupira un grand coup comme pour libérer un lourd poids de ses épaules, puis elle se tourna vers Cassie.
« Viens là, toi ! »
Cassie s'approcha, elle la prit dans ses bras et lui fit un câlin comme si elle n'attendait que ça depuis le départ. Une fois ce geste d'affection terminé, Mikaëla remit le sujet sur la table pour une dernière fois.
« Vous pouvez tout raconter à Luke parce qu'il faut bien qu'il soit au courant de tout ça, mais moins on parle de ce sujet, mieux je me porte. C'est notre secret et on l'emporte dans la tombe, compris ? » son regard insista sur Nate.
Nous acquiesçâmes tous.
Au fond, je savais que ma sœur faisait ça pour protéger plus que son intégrité physique et nos peaux. Derrière ses yeux déterminés, je percevais une blessure invisible qu'elle tentait vaillamment de dissimuler, mais aussi une lueur de honte, de la honte par rapport à ses parents et de la honte par rapport à l'agression qu'elle avait subie. C'était comme si elle craignait que reconnaître sa douleur la rende vulnérable à nos yeux, brisant l'image de la femme forte face à toute épreuve. La décision de garder le secret et d'éloigner ce chapitre sombre de sa vie n'était pas simplement motivée par la peur des autorités, mais aussi par un désir de préserver sa résilience. Mikaëla était courageuse et je l'admirais pour ça, mais j'avais aussi conscience que derrière sa façade de force se cachait une fragilité humaine que le monde extérieur ne devait pas connaître et elle se sacrifiait en permanence pour ça.
Aujourd'hui, je réalisais que j'aimais inconditionnellement ma sœur.
MIKA
Après une soirée tumultueuse et riche en émotions, Evan, Nate et Peach étaient rentrés chez eux, l'esprit plus tranquille. Tandis que Cassie, Maddy et moi avions décidé de terminer la nuit ensemble, dans le même lit, comme des gamines qui venaient de faire une pyjama party.
J'étais entrée dans la maison à pas de loup pour ne pas réveiller Sonia et Ted, j'avais mis mes affaires dans ma chambre et je m'étais vite glissée dans la douche. J'en avais besoin.
Chaque goutte d'eau chaude qui tombait sur mon corps effaçait les traces rouges qui avaient marqué ma peau. Parcourant le long de mon anatomie, le sang se mélangeait au liquide transparent, et j'observais cet horrible cocktail se diluer et disparaître à tout jamais sous mes pieds. La douche devenait un rituel de purification, un moment où l'eau agissait comme un pansement et emportait silencieusement les résidus de ma torture, mais aussi de ce qui devait rester un secret. Au contact de l'eau et du savon, l'entaille que j'avais au ventre se mit à picoter. Je grimaçai un instant, puis une étrange sérénité m'envahit. L'irritation initiale s'était transformé en une sensation curieusement réconfortante. J'étais vivante, bordel.
La prochaine étape était de me libérer de ce bracelet qui servait à me tenir prisonnière de quelque chose qui n'existait désormais plus. Je savais qu'il se faisait tard, mais cela ne pouvait pas attendre. Je ne voulais plus que quoi que ce soit me rattache à mon passé. Ma sœur fut alors volontaire pour casser le bijou autour de mon poignet avec un outil de Ted, puis elle le jeta dans les flammes de la cheminée du salon pour le détruire. Le crépitement du feu accueillit le métal froid du bracelet dévorant les derniers vestiges de ce qui avait été autrefois le symbole d'un lien oppressant.
Nous rejoignîmes toutes les trois le lit de Maddy.
Ça faisait du bien d'être revenue là où je me sentais chez moi, auprès de personnes qui tenaient vraiment à moi. Malgré les enjeux et les traumatismes causés par mon séjour chez Ana, mon cœur était désormais plus apaisé. Et j'étais prête à tout pour enfouir ces mauvais souvenirs dans un petit coin bien isolé de ma tête comme d'habitude, et cette fois-ci, si le destin le voulait bien, cela serait pour toujours.
J'étais très reconnaissante envers mon groupe d'amis pour tout ce qu'ils avaient fait pour me ramener à Los Angeles. Jamais je n'aurais pensé qu'un jour j'aurais eu tout ce petit monde pour se battre à mes côtés. Je n'avais jamais connu ça avant, et s'ils étaient prêts à aller jusque là pour moi, j'avais envie de leur donner le triple en retour.
Apparemment c'était Evan qui avait remué ciel et terre pour réussir son coup. Je ne voulais pas savoir comment il avait fait, tout ce que j'avais retenu c'était qu'il avait réussi. Je n'oublierais jamais le moment où nos regards s'étaient croisés après ces 3 longues semaines sans se voir, je n'oublierais jamais comment il m'avait prise dans ses bras pour me protéger de Benjamin, après autant de temps sans pouvoir se toucher, sentir la présence l'un de l'autre, et juste exister ensemble. Ce fut à ce moment précis que je compris qu'il m'était impossible d'avoir le contrôle de mes sentiments. Je pouvais contrôler tout ce que je voulais, mais pas ça. L'amour était indomptable. L'amour était plus fort que moi, et il avait trouvé son chemin à travers les fissures de ma résistance.
Quant à Nate, impossible de ne pas lui en vouloir. Certes, il avait aidé à me ramener et avait voulu reconnaître ses torts, c'était la moindre des choses, mais c'était trop tard. Il avait fait ce qu'il ne fallait pas faire, l'erreur de trop. Je pouvais tout supporter venant de sa part : les pièges, les caprices, les rapprochements pervers et les paroles déplacées, mais être allé fouiller dans mon passé pour me faire souffrir était la limite à ne pas franchir. Le petit jeu auquel nous jouions avait duré trop longtemps, et là, c'était la fin de la partie.
[...]
« Maddy ! Cassie ! Levez-vous, vous allez être en retard pour les cours ! Le réveil n'a pas sonné ou quoi ? Vos téléphones ne servent donc à rien ! » s'écria Sonia en tirant la couette que nous avions toutes les trois montée jusqu'à nos têtes dans la nuit.
Nous étions encore endormies jusqu'à présent. Mais lorsque Sonia découvrit trois têtes dans le lit de Maddy au lieu de seulement deux, elle fronça dramatiquement ses sourcils et crût halluciner.
« Désolée maman ! On s'est couchées tard puisque Nate, qui est venu frapper à notre porte hier soir, est venu nous ramener Mikaëla ! Maddy sursauta du lit pour essayer d'expliquer les choses à Sonia, TADAAA !
- Euh, on voulait l'annoncer autrement, mais voilà... Tadaaa ! ajoutai-je gênée. »
Cassie mit ses mains sur son front pour cacher son visage et faire comprendre qu'elle avait honte de notre fameux "Tadaaa". J'avouerais que moi aussi je n'aurais jamais sorti cette expression en temps normal, mais Maddy était nerveuse et je l'avais juste suivi dans sa lancée. Sonia bégaya un moment avant de réussir à faire une phrase correcte.
« MAIS COMMENT ÇA SE FAIT ? OÙ ETAIS-TU PASSÉE ?
- Je n'étais pas heureuse chez Ana, je lui ai dit que je me sentais mieux ici, donc elle m'a laissée partir... Ca ne te dérange pas que je sois revenue, hein ? demandai-je embarassée. »
Dans ma réponse, je n'avais pas totalement dit la vérité, mais je n'avais pas non plus totalement menti. J'espérais seulement que cette conversation ne tournerait pas à l'interrogatoire. Sonia était dans un état de choc, mais ne tarda pas à réagir.
« Bien sûr que non ! Au contraire ! elle vint me prendre dans ses bras, J'étais très inquiète pour toi, et ta sœur et tes amis aussi. Ils passaient leurs journées à te chercher, et moi avec ton père, on réfléchissait au meilleur moyen de pouvoir avoir de tes nouvelles... C'était très dur de ne plus t'avoir à la maison ! Comment as-tu fait pour revenir ? Ta mère et sont copain avaient l'air strictes.
- Oh... Euh... Mes relations n'ont jamais été très bonnes avec ma mère, alors on a juste toutes les deux admis que nous n'étions pas faites pour vivre ensemble... Et Nate est venu me chercher parce que c'est mon ami ! mentis-je, Voilà... Mais je n'ai pas très envie de parler d'Ana, ça me fait trop de peine. Je veux juste profiter d'être revenue dans ma vraie famille ! je lui fin un large sourire,
- Ma pauvre chérie, je comprends, il n'y a pas de problèmes ! elle rassembla ses mains comme pour faire une prière, Sache que je suis très heureuse de retrouver ma deuxième fille et c'est tout ce qui compte ! »
Maddy, Cassie et moi échangeâmes des regards qui disaient clairement que tous les bobards que j'étais en train de raconter marchaient et que c'était l'occasion parfaite de passer aux choses sérieuses.
« A ce propos, Sonia... J'aimerais beaucoup de Ted et toi puissiez devenir mes tuteurs légaux. Ca sera plus facile à l'avenir, pour moi, au niveau de mes documents, et puis, quoi de mieux pour officialiser mon retour ? j'haussai les épaules,
- Oh, elle arbora une expression enchantée et mignonne, Ce que tu me demandes là, je le ferais avec grand plaisir ! elle m'enlaça à nouveau. »
Derrière son dos, Maddy et Cassie mirent un pouce en l'air pour me féliciter pour mon efficacité, puis elles se mirent à se sauter l'une sur l'autre en se secouant comme des enfants contents d'avoir mangé un bonbon. Je souris et roulai des yeux, j'étais également plus détendue qu'au départ.
« Maintenant, vous allez toutes les trois vous habiller pour aller en cours ! Et que ça saute ! Je vais vous préparer un déjeuner à emporter chacune.
- Moi aussi ? Je retourne en cours ? m'étonnai-je,
- Oui, je vais appeler le lycée et ça sera réglé en quelques minutes ! me rassura-t-elle, Ne te fais aucun souci, vis ta vie comme si tu n'étais jamais partie. Tout va redevenir comme avant. »
Sonia ne le savait pas, mais elle était comme une bouffée d'air frais dans ma vie, un rayon de soleil. Cette scène dans la chambre était à la fois chaotique et réconfortante, un mélange de rires, de cris de joie et de soulagement. Lorsqu'elle quitta la pièce, j'entrai dans le moment de folie qu'étaient en train de partager ma sœur et ma meilleure amie.
Los Angeles, cette fois, je ne partirais plus.
CASSIE
Ce matin, en arrivant toutes les trois au lycée, tous les regards étaient braqués sur nous. En effet, Mika avait mystérieusement disparu, puis soudain, elle était à nouveau là, alors les autres élèves étaient confus et se posaient probablement des milliers de questions. En fait, on pouvait plutôt dire que c'était sûr, puisque la plupart d'entre eux lançaient des regards et faisaient des messes basses de tous les côtés. Malgré tout, mon amie gardait la tête haute et essayait d'ignorer toute cette attention portée sur sa personne.
Les garçons et Peach étaient vers la machine à café et discutaient tranquillement. Luke était le seul à ne pas avoir vu Mika jusqu'à présent, mais Evan s'était déjà chargé de tout lui expliquer avant que nous arrivions. En nous voyant traverser les couloirs de l'établissement, ils n'hésitèrent pas à laisser tomber leurs boissons chaudes pour nous sauter dessus et faire un gros câlin groupé. Mika se retrouva au milieu du cercle, plus heureuse que jamais, cela se remarquait dans son sourire et dans ses rires. D'un jour à l'autre, elle était passé d'une personne complètement brisée à la personne la plus comblée de l'univers. Je trouvais cela étrange qu'elle se remette aussi facilement des événements, mais la connaissant, elle devait volontairement refouler l'énergie négative que son expérience avait eue sur elle.
Après cet agréable moment d'affection, Luke mit un bras derrière mes épaules, me tira vers lui et me fit un bisou sur le front. C'était sa façon de me dire bonjour depuis que nous nous étions rapprochés et je trouvais cela adorable. C'était presque si ce rituel me manquait s'il oubliait de le faire un jour ou l'autre. Il n'enleva d'ailleurs pas son bras de cet endroit, me gardant tout près de lui, tandis que nous formions un cercle avec nos amis et nous mîmes à discuter de plein de choses, comme avant. C'était réconfortant d'avoir ma ''safe place'' au complet.
Sans le vouloir, je me détachai un instant de la conversation, et vis Nate à quelques mètres de nous. Il rangeait des affaires dans son casier et nous observait avec un air désolé dans le regard, comme s'il avait envie de nous rejoindre, mais qu'il savait qu'il n'était pas le bienvenu. Un sentiment de peine me parcourra. Il devait se sentir bien seul et avoir la conscience très lourde. Puis, je me rappelai qui était cet homme : la source de tous nos problèmes et déceptions. Mais d'un côté, j'étais sûre que quelques bonnes séances de psy et un entourage sain d'esprit était ce qu'il lui fallait pour devenir une meilleure personne... En attendant, nous ne pouvions rien faire pour lui.
« Bah alors Mika, ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vue dans le coin ! Mon binôme de sciences m'a manqué, tu sais ? J'ai eu de sacrés bâches depuis que t'es partie ! »
La voix de Rue me coupa dans mon moment de distraction en entrant dans la conversation.
« Ohh désolée Rue, on va rattraper ça ! répondit Mika en s'esclaffant chaleureusement,
- Non, mais c'est cool, ça fait plaisir de te revoir ! Rue fit un sourire, Pourquoi t'as été absente tout ce temps ?
- Des problèmes personnels, rien de grave ! répondit Mika légèrement gênée,
- Laisse-moi deviner... elle réfléchit un instant, Cure de désintox ? Non, mais entre nous, tu peux le dire, moi-même j'y suis allée plusieurs fois et c'est pas ouf, t'en as pensé quoi toi ? Parce que...
- Non, Rue ! intervint Maddy en rigolant tout comme le reste du groupe, Mikaëla n'a pas de soucis d'addiction, ne t'en fais pas !
- Alors tant mieux si ce n'est pas ça ! elle haussa des épaules et fit un sourire, ses yeux à moitié ouverts, Je ne vous embête plus ! elle partit en direction de Jules et d'autres amis. »
Mika riait jaune face aux questions de Rue.
« Vous croyez que les gens parlent tous de ça et font des théories loufoques sur mes semaines d'absence ? elle fit semblant de ne pas paniquer, Je n'ai vraiment pas la tête à jongler avec des rumeurs...
- On est là pour toi Mika, ça va le faire ! Luke mit une main sur son épaule,
- Tu sais comment ça se passe au lycée, non ? Aujourd'hui ils bitchent sur ton retour, demain, ils bitcheront sur autre chose, la rassura Peach,
- Les choses vont redevenir comme avant, on te le promet, ajoutai-je en appuyant sur sa joue pour la faire sourire.
- Merci la famille ! elle esquissa un léger sourire tout en ajustant son sac sur son dos. »
Le bruit agaçant de la sonnerie se fit entendre et nous nous dirigeâmes tous vers le cours d'histoire. Notre professeur était toujours en avance, alors pendant que nous nous installions, il commençait déjà à faire l'appel. Mika et moi nous mîmes côte à côte tandis que les autres s'étaient éparpillés non loin de nous.
Lorsque le professeur arriva à la fin de sa liste de prénoms, il fronça des sourcils puis releva la tête vers la classe comme s'il cherchait quelqu'un parmi les élèves.
« Je vois qu'en bas de ma liste, il y a Mikaëla Perez qui a été rajoutée au stylo. Est-ce qu'elle est là ?
- Oui... elle leva timidement la main,
- Où étiez-vous passée pendant tout ce temps ? Vous avez des cours à rattraper, Perez ! Le bac ne s'obtiendra pas en un claquement de doigts. Et vous êtes en terminale, ce n'est pas l'année scolaire où il faut décider de partir en vacances à l'improviste ! il la réprimanda sans pitié. »
Toute la classe se mit à rire, mis à part nos amis et Nate.
Evan fit mine de tousser et lâcha un ''Vos gueules !'' étouffé.
Mika roula des yeux vers le ciel, puis fixa le professeur en gardant une expression sérieuse. Elle agitait vivement son crayon à papier entre ses doigts. Je ne savais pas si elle avait envie de le planter sur le prof, ou bien, si elle avait envie de partir en courant de la salle pour se cacher quelque part où personne ne la trouverait. Mais une chose était sûre, elle n'était pas du tout à l'aise.
Je mis une main discrète sur sa cuisse pour calmer sa jambe qui bougeait nerveusement sous la table, mais aussi pour lui faire comprendre que j'étais là pour elle.
« Mika, ignore-le. » chuchotai-je.
J'avais fait de mon mieux pour la réconforter, mais sans surprise, son fort caractère prit le dessus.
« Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je suis là maintenant, grogna-t-elle, Sauf votre respect, si je n'ai pas mon bac, ce n'est pas votre problème ! Et ce que je fais de ma vie en dehors du lycée, ne vous re...
- Je vais vous le dire, moi, où elle était passée tout ce temps, ricana Nina à l'autre bout de la classe, Elle était en train de chialer chez sa mère la droguée au fin fond de Malibu ! »
Les élèves se mirent à rire de plus belle, les uns les plus choqués et moqueurs que les autres. Les jeunes pouvaient être mauvais entre eux.
Mika ferma ses yeux et brisa son crayon à papier en deux d'une seule main.
Nate appuyait sa tête contre ses mains d'un air exaspéré. Evan, Maddy, Peach, Luke et moi nous échangeâmes des regards furtifs, nous ne savions pas que faire avec cette classe qui se divertissait clairement avec le malheur de quelqu'un. Nina était fière d'elle, et le professeur, malgré sa stupéfaction, n'arrivait pas à faire taire les élèves.
Soudain, Maddy se leva de sa chaise et défendit sa sœur.
« Espèce de grosse pouffe, ne parle pas de ce que tu ne sais pas ! » la menaça-t-elle.
Mika ne bougeait pas. Elle gardait les yeux fermés. La situation commençait à m'angoisser autant qu'elle, j'étais une éponge émotionnelle. Mais je décidai de passer au-dessus de cela pour prendre, moi-aussi, la défense de mon amie.
« Nina, ce n'est vraiment pas le moment d'amuser la galerie juste pour avoir les projecteurs sur toi, nous ne sommes pas en cours de théâtre !
- Et pourtant avec l'histoire de Mika, on se croirait bel et bien dans une pièce de théâtre ! annonça-t-elle à toute la classe, Vous voulez que je vous raconte ? elle commença à se lever pour avoir la vedette,
- Putain, mais ferme ta grande gueule et pose ton gros cul sur ta chaise, Nina ! cracha Evan à son tour,
- Oh, comme c'est mignon, vous êtes tellement soudés ! répondit-elle avec arrogance. »
Un brouhaha insupportable dominait l'ambiance, le professeur n'avait plus du tout le contrôle de la situation et Mika ne réagissait toujours pas.
Je me tournai vers Luke pour lui demander de l'aide. Nous nous échangeâmes seulement des regards et gestes qui n'avaient pas vraiment de sens pour les personnes qui ne nous connaissaient pas. C'était une façon abstraite de communiquer, mais nous nous comprenions et c'était le plus important.
« Mika, on peut sortir de la classe si tu veux... » murmurai-je à mon amie alors que le chaos était toujours d'ordre dans la pièce.
Elle ouvrit enfin les yeux et regarda intensément dans les miens, puis secoua doucement la tête pour me donner une réponse négative.
Contre toute attente, elle se leva brusquement, faisant tomber sa chaise au sol. L'attention de tous était désormais sur elle.
Mika se tourna calmement vers Nina et lui parla dans cette même tonalité.
« Oui, Nina, j'ai des problèmes avec ma mère ! Tu veux peut-être en faire un article dans le New York Times ? N'hésite surtout pas, on dirait que tu as du talent et du temps pour commérer sur la vie des autres. Mais avant, est-ce qu'on peut savoir qui t'a fourni cette information si croustillante ? » demanda-t-elle avec un brin d'ironie.
Le silence, c'était tout ce qu'on entendait. Les jeunes aimaient réellement les drames. Le professeur avait laissé tombé et s'était lui aussi contenté d'assister à la scène.
Ce que Mika était en train de faire, je l'avais vue faire ça plus d'une fois : aller dans le sens de la personne qui essaie de te faire du tort est la meilleure solution pour se tirer d'affaire, retourner la situation contre la personne ou obtenir des informations.
Nina recoiffa ses cheveux telle une diva avant de répondre à la question de Mika.
« C'est Nate qui m'a tout dit.
- Quoi !? Mika fusilla Nate du regard et il baissa la tête,
- Eh ouais ! rétorqua Nina fièrement, Une seule nuit dans le même lit et un homme est prêt à se confier sur toutes ses peines ! C'était limite s'il ne pleurnichait pas dans mes bras en parlant de ton départ !
- Mika, je me sentais juste très mal ! En temps normal, je n'en aurais parlé à personne... Et j'aurais encore moins couché avec cette conne ! protesta Nate pour tenter de se rattraper,
- J'en ai rien à faire des gens avec qui tu couches ! répondit Mika, Mais par pitié, arrête de parler de moi ! Oublie-moi, merde ! Je ne sais pas, trouve-toi un truc plus intéressant à faire !
- Je n'y arrive pas, Mika ! »
Nina se remit paisiblement assise, satisfaite du bordel qu'elle avait réussi à créer. Evan et Maddy commencèrent à se mêler à la querelle.
J'avais peur que tout explose et que Mika se braque encore plus sur son ressenti et sa situation à cause de tout cela.
Dans un élan de spontanéité, je la pris par le bras et l'entraînai en dehors de la salle de classe. J'eus à peine le temps de voir le professeur reprendre son souffle pour s'opposer à notre escapade. Il fallait que je sorte Mika de là.
Je l'emmenai dans la bibliothèque du lycée et nous nous installâmes autour d'une table entre deux étagères de livres, à l'abri des regards et là où nous pouvions faire d'autres choses qu'étudier sans être grondées par les documentalistes.
« Nina est une connasse, tu le sais bien ! Et Nate aussi ! Un connard + une connasse, ça ne peut faire que de la merde, tu le sais, hein ? la réconfortai-je,
- Cette journée commence très mal, Cassie... ses yeux s'embuèrent de larmes, Je ne voulais pas que les gens le sachent pour ma mère. Maintenant on va me poser plein de questions, parler de moi, chercher des trucs sur moi. Je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir faire ! J'ai tellement honte de ce que j'ai vécu à Malibu. Je ne vais jamais arriver à passer à autre chose en fait, ça me hantera toute ma vie, c'en est la preuve... Ca se trouve, on va avoir des ennuis avec la police à cause de ces deux idiots ! Je n'aurais jamais dû revenir au lycée, j'ai une pression grande comme ça, elle fit un geste avec ses mains, Je me sens angoissée et oppressée !
- Ne dis pas ça, Mika ! C'est faux ! C'est juste une mauvaise journée ! Tu penses comme ça parce que c'est tout récent, mais la vie va encore t'offrir plein de belles choses ! On ne peut pas guérir d'une mauvaise passe en quelques heures... Regarde-moi, regarde ta sœur, il nous en a fallu du temps. Et toi, je sais que ça ira bien plus vite que nous parce que t'as un mental en béton. Mais justement, laisse-toi le temps de t'en remettre. Tu as le droit de souffrir, ok ? Tu es humaine ! Permets-toi de pleurer, de crier, d'accepter que tu as vécu quelque chose qui t'as fait du mal et laisse le temps guérir les blessures. Et tu sais quoi ? Tu as 5 amis à tes côtés, de vrais amis sur qui tu peux compter et qui seront là pour toi, tout comme tu as toujours été là pour nous. Donc si les deux emmerdeurs font quelque chose, on trouvera encore mieux pour contre-attaquer ! »
La jeune brune ne répondit rien, elle se contenta de plonger dans mes bras pour pleurer un bon coup. Je caressait ses cheveux pendant qu'elle s'accrochait à moi et cachait son visage pour m'empêcher de voir ses larmes.
Au bout de quelques minutes, elle se releva. Je lui passai un mouchoir pour qu'elle puisse essuyer le maquillage ayant coulé sur ses joues. Elle se regarda dans la caméra de mon téléphone et gloussa à voix basse pour se moquer de son propre reflet. Malgré toute la tragédie, j'étais un peu plus sereine.
« Il faut que je retourne en cours. Tu veux que j'appelle Sonia pour qu'elle vienne te chercher ?
- Non, je vais rester un peu ici. On se voit à midi pour manger ensemble ?
- On fait comme ça, je l'attrapai une dernière fois dans mes bras avant de partir. »
EVAN
Le cours d'histoire n'avait pas eu lieu. Les deux heures qui y étaient normalement consacrées avait finalement tourné au cauchemar et laissé place à une prise de bec entre Nate, Nina, Maddy, Peach, Luke et moi, pendant que les autres imbéciles de la classe assistaient à la dispute comme s'ils étaient au cinéma.
En sortant de là, Cassie se confia à moi sur comment Mika se sentait et je décidai de rater le prochain cours pour aller la voir. Mais avant d'aller à la bibliothèque, je choppai Nate par le col de son polo de marque bas de gamme et le plaquai contre un casier pour lui toucher deux mots sur la situation.
« Encore un pas de travers et je t'enterre vivant ! T'es débile ou quoi d'aller raconter à la plus grosse pipelette du lycée ce qui s'est passé !? Qu'est-ce qu'elle sait ?
- Elle ne sait presque rien, je te le jure ! il s'essouffla mais ne se débattit pas, J'ai couché avec elle la première semaine du départ de Mika et je n'étais au courant de rien à ce moment là, alors je ne lui ai rien dit de plus que ce qu'elle a balancé en classe !
- Il y a intérêt à ce que ce soit vrai et il y a aussi intérêt à ce que tu continues de garder ta bouche fermée, comme tu l'as promis à Mika ! je le secouai, C'est bien clair !?
- Oui, Evan ! C'est comme s'il ne s'était rien passé et que je n'étais au courant de rien ! »
Je le relâchai violemment et il m'examina avec peur lorsque je partis dans les couloirs. C'était drôle, bizarre et bon à la fois de voir Nate à ma merci.
En passant les portes de la bibliothèque, je dis bonjour aux documentalistes et me dirigeai vers le coin isolé où mes amis et moi nous installions tout le temps pour être tranquilles. Je retrouvai Mika, de dos. Je ne m'approchai pas de suite car je voulais l'observer quelques minutes. Je m'appuyai contre une étagère de livres à quelques mètres d'elle pour prendre le temps de la détailler.
Elle était plongée dans un livre, absorbée par chaque mot écrit noir sur blanc. Elle ne semblait plus colérique ou triste comme Cassie me l'avait décrite auparavant. Elle était plutôt dans un autre monde, un monde dessiné par chaque ligne lue, un monde qui lui permettait d'échapper à son mal être. Je tentai discrètement de déchiffrer le titre du livre qui captivait tant son attention, mais ses mains protectrices voilaient le mystère. Sa chevelure noire brillait, éclairée par les lumières tamisées du lieu, et encadrait délicatement son visage concentré. Quelques mèches rebelles s'échappaient parfois de sa couette et caressaient sa nuque marquée par l'encre rouge de son tatouage fleuri. Plus je la contemplais, plus cette zone précise de son corps m'attirait. Dans cette bibliothèque silencieuse, je n'entendais que la douce mélodie de sa respiration, et c'était suffisant pour que mon cœur batte en harmonie avec chaque mot qu'elle lisait, formant une symphonie secrète entre nous, même si elle ne le savait pas.
Je réajustai mon bras contre l'étagère, toujours enivré par la scène devant moi, et je faillis faire tomber un livre que je rattrapai par un réflexe presque automatique. Cela fit un peu de bruit, elle releva doucement la tête de son bouquin, sans vraiment chercher d'où venait la nuisance, mais ne me remarqua pas. J'eus alors l'opportunité de dépeindre son petit nez fin, orné d'un bijou argenté, ainsi que ses lèvres. Ses lèvres étaient un poème à part entière : les contours étaient soigneusement dessinés et la teinte légère de rouge à lèvres rehaussait son aura envoûtante.
Un sourire involontaire se forma sur mes lèvres alors que je prenais conscience de la chance que j'avais de partager la même pièce qu'elle. Chaque détail de sa présence me fascinait, et mon cœur battait un peu plus fort à chaque page tournée.
Mika semblait tellement paisible que je n'avais pas envie de la déranger et encore moins de lui reparler de ce qui venait de se passer en classe. De toute manière, je savais comment elle se sentait, Cassie m'avait tout expliqué. Alors je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie, la forcer à me parler de quelque chose qui lui faisait plus de tort qu'autre chose. Elle n'avait pas besoin de ça, le simple fait de la voir si concentrée sur ce livre en était la preuve.
Je voulais tout de même qu'elle sache que j'étais là. Pour elle.
De ce fait, le livre encore entre les mains, je vins vers elle et m'installai discrètement sur la chaise qui était aux côtés de la sienne. J'ouvris mon livre à une page quelconque et me mis à le feuilleter d'une main, tandis que l'autre bras était posé sur la table.
Mika releva la tête en constatant ma présence, mais ne me regarda pas. Je crus cependant apercevoir un coup d'œil en coin en direction de mon bras qui était libre. J'avais fait exprès de poser ce bras là et elle l'avait très bien compris puisqu'elle ne tarda pas à poser le sien à quelques centimètres du mien, tout en continuant de lire son livre. Le silence entre nous était devenu une sorte de langage partagé, une connivence où les mots n'étaient pas nécessaires. Je continuais à feuilleter mon bouquin sans vraiment le lire, mes pensées se mêlant à la présence de nos deux bras.
Les yeux rivés sur nos pages, chacun dans nos coins, mais pourtant si près, Mika murmura quelques mots.
« Tu es en train de lire un manuel de mathématiques. J'espère que ça te plais. »
Le doux son de sa voix me tira de ma contemplation silencieuse. Ses paroles, teintées d'une légère ironie me rassurèrent. C'était bien ma Mika. Je ne pus m'empêcher de sourire à l'idée que ma présence lui était bienfaisante.
« Je pourrais lire n'importe quel livre pour être à tes côtés.
- C'est la plus belle déclaration qu'on m'ait faite dans une bibliothèque, chuchota-t-elle, un sourire taquin aux lèvres. »
Nos regards ne s'étaient toujours pas croisés. Or, constatant qu'elle était plutôt à l'aise, je franchis délicatement une nouvelle étape. Avec une lenteur calculée, je rapprochai un peu plus mon bras du sien. Nos peaux se frôlèrent à peine, mais je pus sentir une certaine collision de chaleur. Mika serait la seule à décider du prochain mouvement.
« Tu sais, vu qu'on a bientôt deux semaines de vacances, je pensais que ça pourrait être cool de passer quelques jours dans ma maison de campagne, à Salem, avec toute la bande... Pour se retrouver et nous changer les idées. »
Avec cette proposition, mon objectif était non seulement de nous permettre de passer du bon temps tous ensemble, mais aussi de faire prendre l'air à Mika, libérer son esprit des choses qui la tourmentaient. Elle en avait besoin pour se remettre sur pieds, se rappeler qu'elle ne se limitait pas seulement aux atrocités subies à Miami et aux idioties qui étaient arrivées à cause de Nate Jacobs. Je voulais que ces petites vacances soient le point de son nouveau départ, une façon plus subtile d'enterrer les secrets que celle plus brutale qu'elle essayait d'employer actuellement. A vrai dire, j'avais préféré tourner cette proposition autrement pour ne pas toucher de cordes sensibles.
Elle prit une pause pour réfléchir à ce que je venais de dire. Puis elle rapprocha davantage son bras, rendant notre contact plus tangible. Je frissonnai, sentant une onde de chaleur mêlée de nervosité me parcourir de la tête aux pieds. Je me tournai pour observer nos bras si proches et son visage encore détourné du mien. Un silence suspendu flottait entre nous, accentuant l'importance de sa réponse.
Finalement, elle glissa :
« La campagne... ça pourrait être bien.»
Son expression, bien que partiellement cachée, était éloquente. Des lignes de soulagement se dessinaient sur son front, et ses lèvres esquissaient un léger sourire. Je ne pouvais pas être plus comblé qu'à cet instant précis.
Encouragé par cette réponse positive, je pris l'initiative d'enlacer mes doigts aux siens. Le contact était à la fois délicat et significatif, nos mains trouvant une harmonie naturelle comme si elles avaient été faites pour se rejoindre.
« Tu veux écouter un peu de musique ? proposai-je,
- Oui, ça fait longtemps, elle me regarda enfin. »
Je voulais passer le reste de ma journée comme ça.
https://youtu.be/zjN3D1ZQNHU
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Hello :) Alors dites-moi tout !
On approuve l'idée de garder le secret pour ne pas avoir des ennuis ? Vous croyez que Nate va tenir ou il va encore déconner ? Déjà, quelle idée d'en parler à Nina mdrrr...
Bref, le groupe d'amis se retrouve, et perso, ça m'avait trop trop manqué !
Votre passage préféré de ce chapitre ?
En tous cas, j'ai hâte d'écrire la suite ! En attendant je vous souhaite de très belles fêtes de fin d'année ! Je vous love <3
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