CHAPITRE 31 - Cauchemars
MIKA
« Mikaëla... Mika !... Réveille-toi... Eh... C'est l'heure !... Mikaëla... Il faut y aller ! Mika ! »
Allongée dans le lit du foyer, j'avais encore les yeux fermés lorsque j'entendis ces différentes voix m'appeler. Elles avaient l'air tellement lointaines et j'étais plongée dans un sommeil bien profond et mérité, que je crus être en train de rêver. Je ne bougeai donc pas du lit, ou du moins, je ne me réveillai pas et me contentai juste de me tourner dans une position plus confortable. J'avais vécu une sale journée la veille, ce n'était pas étonnant que je sois en train d'avoir des hallucinations ou que j'entendes des choses farfelues.
« Mikaëla, c'est 14h... Je vous avais prévenue !... Il faut partir... Vous n'avez pas respecté ma consigne ! »
Mon esprit me jouait des tours, même lui voulait s'amuser à me torturer décidemment. Je soupirai un grand coup pour essayer de le faire taire et continuer de me laisser dormir.
« Bon, ma grande ! Ça suffit comme ça ! »
La fine couette qui couvrait mon corps fut arrachée et je sentis une main se poser sur mon épaule pour me secouer avec une once d'agressivité.
Pire que des hallucinations ou un cauchemar... Était-ce une paralysie du sommeil ?
Non. Au départ, ça avait l'air irréel dans ma tête et pour mon corps qui voulait tout simplement du repos. Mais c'était bel et bien en train de se passer, des gens étaient dans ma misérable chambre et essayaient de me ranimer de cette lourde somnolence.
Encore dans les vapes, je me frottai les yeux et les ouvrit pour m'assurer de la situation.
La vieille dame du foyer et Ana Jones étaient plantées au pied de mon lit, les bras croisés. Elles n'avaient pas l'air contentes. Un peu plus loin, Benjamin s'adossait contre la porte et avait ses mains dans ses poches.
Il me fallut quelques secondes avant de réaliser que j'avais largement dépassé l'horaire auquel je devais partir et que la vieille avait décidé de me mettre à la porte de la pire des façons possibles.
Putain Mika, t'aurais pas dû t'endormir comme ça. T'aurais dû passer la nuit à chercher une solution pour pouvoir te casser d'ici au plus vite. Tu es nulle ! QUEL ECHEC DE MERDE !
Je ne dis rien. Je fermai les yeux, me mis quelques petites claques sur les joues, puis revins à la réalité dans l'espoir que tout cela ne soit que le fruit de mon imagination. Mais ce fut un échec.
« Je suis désolée, mais je vous avais prévenue que si vous ne partiez pas avant midi, il y aurait des conséquences. Je vous prie de prendre vos affaires et partir avec vos parents immédiatement. » marmonna la dame.
Je n'eus pas la force de répondre, je n'avais plus envie de parler à qui que ce soit. Je dévisageai la vieille peau pour lui faire comprendre à quel point je lui en voulais de m'avoir balancée à ces deux imbéciles, et elle quitta la pièce. Ana et Benjamin restaient là, à m'observer comme si j'étais une bête curieuse.
Je me mis assise dans le lit, les deux pieds ancrés au sol pour tenter de garder l'équilibre. Puis chaque centimètre de mon corps se mit à trembler, c'était l'effet que faisait la séparation soudaine entre lui et la chaleur du lit. Je tirai sur les manches de mon sweat pour pouvoir protéger mes mains du froid. Je n'avais plus l'air de grande chose avec mes vêtements de la veille et mon visage affreusement pâle et gonflé.
Je me faisais pitié et je me détestais d'avoir échoué aujourd'hui.
« Je suis contente de t'avoir retrouvée, Ela. Ta place est avec nous ! Je te pardonne d'avoir essayé de fuguer, je peux comprendre que tu ais mal réagi à mon retour aux premiers abords. Mais je suis sûre que tu vas faire des efforts pour que notre vie de famille reprenne son cours. » annonça Ana en arborant un sourire innocent.
Tout comme je l'avais fait avec la vieille, je lui jetai un regard noir et ne dis rien. Ce qu'elle venait de déclarer était ni plus ni moins qu'absurde, comme d'habitude, alors je n'avais plus les mots pour riposter. Là, il n'y avait plus d'échappatoire. J'étais coincée entre 4 murs avec eux et même si j'essayais de m'enfuir à un quelconque moment, Benjamin n'hésiterait pas à me rattraper de force par le bras ou par les cheveux.
Je prenais mon temps, trop de temps, avant de suivre mes deux tortionnaires et cela titillait leur patience. Ils tapaient nerveusement des pieds par terre et regardaient exagérément leurs montres pour me faire comprendre que je devais me dépêcher. Or, cette lenteur adoptée dans mes gestes était non seulement liée à la fatigue et à ma dépression imminente, mais aussi au fait que plus je prenais mon temps, plus le moment où je remettrai les pieds chez ma mère était repoussé. On l'aura deviné, je n'avais aucune hâte de revenir là-bas. Surtout maintenant que j'avais connu ce que c'était que de vivre dans une famille saine qui avait plein d'amour à donner.
« C'est bon, tu vas arrêter ton mélodrame, oui !? » grogna Benjamin avec sa voix grave abimée par le tabac.
Le titan au gros ventre se dirigea vers moi et me choppa par le bras pour me traîner hors de la pièce, ainsi que hors du foyer social. Il me serrait, j'avais mal. J'étais molle, je me laissais emporter sans me débattre. Ce n'était pas la peine d'intervenir, je n'avais pas envie de subir pire.
Ana ramassa mes sacs et nous suivit. Elle ne protesta pas une seule seconde sur le fait que son pervers de 50 ans passés venait de m'agripper jusqu'à la sortie de l'établissement pour ensuite me jeter sur la banquette arrière de sa voiture cabossée.
Retour chez la meilleure maman du monde.
[...]
Nous arrivâmes enfin à Malibu. C'était là que nous habitions depuis ma naissance. Et dire que si j'avais eu l'idée de chercher Ted plus tôt, j'aurais su qu'il habitait à 1h de chez moi et j'aurais pu reconstruire ma vie avec Sonia, Maddy et tous les autres bien avant. Mais non, un petit démon m'avait toujours découragée : Ana me disait sans cesse que si je cherchais mon père, j'allais lui gâcher la vie et qu'il allait me rejeter, et je l'ai crue. L'influence des paroles d'une mère était être puissante.
La barraque n'avait pas changé depuis la dernière fois que j'avais été présente. Et quand je dis ''la dernière fois'', c'était il y a 5 mois, quand je vivais là, seule, parce qu'Ana était partie et m'avait tout juste laissé de quoi survivre. L'enveloppe vide dans laquelle elle m'avait laissé de l'argent était encore posée sur le plan de travail de la cuisine, la vaisselle avait moisi dans l'évier, la nourriture avait périmé dans les placards et le frigo, les factures que je n'avais pas pu payer étaient encore étalées sur la table basse du salon... En bref, personne n'était revenu depuis mon départ. Cette maison ne m'inspirait que le néant et les mauvais souvenirs, ce qui mettait un poids de plus sur la mélancolie que je ressentais.
Je me dirigeai vers ma chambre. Ana m'accompagna, posa mes affaires sur le lit et s'en alla à d'autres occupations, comme si tout était normal. Après tout, elle aussi, avait des valises à défaire.
Mes vêtements, mon lit, mon bureau, mes bouquins, tout était sous la poussière, et aussi dans un bordel sans nom. J'étais une personne plutôt organisée à l'origine, alors lorsque mes affaires commençaient être en désordre, ce n'était pas bon. Ça voulait dire que quelque chose n'allait pas, et il y avait 5 mois de cela, il y avait bien quelque chose qui n'allait pas.
En parcourant ma chambre avec un regard aussi attentif que vide, je revis certaines scènes vécues dans la pièce avant que je m'en aille chez les Perez. Chaque objet déclenchait des souvenirs que j'aurais préféré laisser au fin fond de ma mémoire...
Les livres. Quand j'essayais de commencer un livre pour me changer les idées, mais que je n'arrivais pas à aller jusqu'au bout, alors je les empilais sur ma table de chevet jusqu'à former des montagnes sans fin.
Les tasses de café. Quand je buvais du café devant mon ordinateur et que je collectionnais les tasses à moitié vides sur mon bureau.
Les bouteilles d'alcool. Quand j'invitais des potes du lycée de Malibu pour faire soirée et me sentir moins seule, et que nous cachions les bouteilles d'alcool sous mon lit pour les prochaines occasions.
Le cendrier. Quand je fumais encore du tabac et des joints plusieurs fois par jour pour me calmer et que j'avais en permanence le cendrier à la main pour pouvoir fumer à tout moment.
Les vêtements. Quand je m'habillais pour aller au lycée ou ailleurs et que je laissais mes vêtements, propres ou salles, jetés au sol, sur la chaise, sur le lit, partout.
Le casque. Quand mon casque avait décidé de rendre l'âme alors que j'avais besoin d'écouter de la musique pour apaiser une crise de pleurs, alors je l'avais détruit sous le coup de l'énervement.
Les paquets de chewing-gums. Quand je ne mangeais que des chewing-gums parce que j'avais perdu tout appétit, et que je jetais les paquets finis par terre.
Je me dégoutais moi-même, j'avais honte en voyant la porcherie dans laquelle j'avais laissé la seule pièce qui me servait de refuge dans cette maison. Mais le problème était que je ne me rendais pas compte quand j'avais ce genre de comportement. Et cela recommencerait probablement puisque je me sentais comme une merde.
Sous le signe d'un faux optimisme, je décidai donc de ranger et nettoyer ma chambre pour m'installer dans un environnement plus propre. Si je devais vivre en enfer, je pouvais au moins avoir un petit coin de ''paradis''.
J'avais passé une bonne partie de l'après-midi la tête dans l'organisation et le ménage, avec la vieille chaîne de musique qui jouait l'album Stadium Arcadium des Red Hot Chili Peppers en fond. Ma mère ou Benjamin n'étaient pas venus m'interrompre une seule minute et cela m'arrangeait car je n'avais aucune envie de leur adresser la parole. Désormais, tout ce qu'il me restait à faire était de vider mes sacs.
Mon téléphone encore éteint tomba d'une poche lorsque je vidai tout sur le lit.
Je le regardai tout d'abord comme s'il était une arme qui pouvait me servir pour commettre un crime. Puis, je le pris el l'allumai. A présent, ma localisation n'avait plus à être un secret pour qui que ce soit. Et surtout, je devais prévenir Maddy. Il fallait seulement que je reste discrète pour ne pas attirer l'attention d'Ana et Benjamin.
Dès l'instant où mon écran s'était illuminé, une tonne de notifications étaient apparues. Des messages de Maddy, d'Evan et de mes amis. Ils avaient dû apprendre la triste nouvelle, mais je n'avais pas le temps de répondre à tout le monde. Ma sœur était la priorité et elle servirait d'interlocutrice pour tenir les autres informés sur ce que j'étais devenue.
Je fermai discrètement la porte de ma chambre pour éviter de me faire surprendre ou entendre par les deux autres.
Je m'assis sur le rebord de la fenêtre et surveillai nerveusement la poignée de la porte. J'écrivis assez rapidement un message à Maddy : « Ana m'a retrouvée et m'a ramenée chez elle, à Malibu. Je vais bien. Enfin... Je vais ''bien''. Je peux t'appeler ? »
Cinq pauvres minutes s'écoulèrent et j'eus l'impression que cela faisait 1h que j'attendais la réponse de Maddy. Le temps passait lentement, l'angoisse augmentait. Finalement je l'appelai une fois, deux fois, trois fois... Mais toujours rien.
Je me mis à suer, mes mains agrippées au téléphone se mirent à trembler et j'avalai ma salive en imaginant ma mère passer la porte. Je n'avais pas souvent peur, mais là, c'était le cas. Ce téléphone était l'un de seuls objets qui pouvaient me permettre de contacter les personnes que j'aimais.
Mon cœur s'accéléra davantage. J'essuyai mon front à l'aide de la manche de mon sweat et composai précipitamment le numéro d'Evan. Je voulais désespérément entendre le son de sa voix, comme si j'avais le pressentiment que c'était la dernière fois que j'allais pouvoir l'entendre.
Tout comme avec Maddy... Une fois, deux fois, trois fois... Mais rien, ni personne.
Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien être en train de faire !?
Mes dents se ruèrent incontrôlablement sur les peaux de mes lèvres pour les arracher. Mes doigts serrèrent le téléphone de toutes ses forces comme si cela allait pouvoir aider à inciter Maddy ou Evan à me rappeler rapidement.
Contre toute attente, le téléphone se mit à vibrer et le nom de ma sœur s'afficha sur l'appareil. Je n'hésitai pas à décrocher.
« Allô Maddy ! chuchotai-je en cachant ma bouche pour étouffer le son de ma voix,
- Mikaëla ! Bordel ! T'es où !? Donne l'adresse, putain ! On va venir te chercher, merde ! cria-t-elle au bout du fil,
- Je... »
Mon téléphone me fut soudainement arraché des mains. Ce n'était pas ma mère qui venait de faire cela, mais son petit ami. Il appuya sur le bouton rouge avec ses doigts gras pour raccrocher au nez de Maddy. Cette dernière n'avait même pas eu le temps d'obtenir une réponse à ses questions, mais l'avoir écoutée parler sous un ton enragé tout en plaçant des insultes à la fin de chacune de ses phrases avait réchauffé mon cœur. C'était bien ma sœur. Je l'avais vue pas plus tard que hier soir, mais c'était comme si cela faisait un siècle que nous avions été séparées.
Outre ce qui me parcourait l'esprit lorsque j'avais eu Maddy au téléphone, je regardai Benjamin avec stupéfaction et effroi face à son geste.
« Plus de téléphone ! Il faut que tu te déconnectes un peu ! » me gronda-t-il en rangeant l'objet dans la poche de son jeans, puis il s'en alla.
Au risque de passer pour une gamine capricieuse et accro à son téléphone, je claquai furieusement la porte lorsqu'il sortit et criai un grand coup pour laisser évacuer tout ce que j'accumulais intérieurement en silence depuis hier. Je me jetai dans le lit et enfouissais ma tête dans le coussin pour continuer de hurler. Je n'avais aucune envie d'être là et pour couronner le tout, les choses commençaient très mal.
Quelques minutes plus tard, une main plus délicate se posa sur mon épaule. Je me retournai, toujours aussi furieuse contre le monde entier, et je vis ma mère assise dans mon lit, son kimono coloré sur le dos. Elle le ferma de ses deux mains, tandis qu'une cigarette tenait en équilibre entre ses lèvres.
« J'ai un cadeau pour toi, dit-elle calmement,
- Un cadeau ? Je vis avec des fous, ce n'est pas possible... Je ne veux pas de ton cadeau !
- Oh que si ! Tu vas le prendre ! »
Ana attrapa mon poignet, le coinça contre sa jambe et y enfila un bracelet argenté dont elle souda les deux extrémités à l'aide de son briquet. Elle avait seulement joué la mère docile et sensible devant les Perez et l'assistante sociale pour faire bonne figure, mais en réalité, elle n'avait pas de cœur. Surtout quand il s'agissait de moi.
« C'est quoi ça !? demandai-je en essayant de l'enlever,
- Un bracelet permanent.
- Pour quoi faire ?
- Parce que je t'aime.
- Non, Ana, pas à moi ! je secouai ma tête, Dis la vérité.
- Essaie de t'enfuir loin de moi et tu verras à quoi sert ce bracelet.
- Mais... Tu te fous de ma gueule ? C'est pour me pister ? Il y a une puce dans ce bracelet !?
- T'es intelligente ma fille ! elle alluma sa clope et me regarda avec arrogance,
- Merde à la fin ! Pourquoi tu te donnes autant de mal pour me garder avec toi, alors que tu n'en as jamais eu rien à foutre de ma gueule !? J'étais bien là où j'étais ! En plus je suis majeure, je devrais être le cadet de tes soucis ! me révoltai-je,
- Petite Ela, tu as beau être majeure, tu es toujours sous ma responsabilité puisque tu es encore lycéenne et que tu n'as aucun moyen de te payer un toit, me répondit-elle, Puis, maman a besoin de toi à ses côtés, c'est compliqué de vivre sans toi. Et j'avais envie que la famille soit au complet. Tu n'as rien à faire chez ton père, tu n'as pas ta place là-bas, alors voilà, c'est comme ça, elle caressa mes cheveux,
- Non. Je ne te crois pas. Tu veux juste me faire chier, je repoussai sa main, Bravo, c'est réussi ! »
Ana pencha sa tête sur le côté pour m'observer avec son faux air maternel tandis que j'essayais toujours d'enlever le bracelet. Puis son visage se ferma et elle reprit la parole sur un ton menaçant.
« Si tu oses enlever le bracelet, tu auras affaire à Benjamin. On garde l'œil sur toi, petite Ela.
- Dégage de ma chambre, hippie de merde ! pointai-je la sortie du doigt. »
Cette chose qui me servait de mère me fit un sourire narquois, puis disparut en fermant la porte derrière elle.
Je me cachai sous ma couette, jusqu'à en couvrir ma tête. J'essayai de rester sérieuse, de maintenir mes émotions et être imperturbable pour garder le peu de force qu'il me restait à l'intérieur de moi. Jusqu'à présent, j'avais des chaînes invisibles qui me tenaient prisonnière de ce couple, mais en fin de compte, ils avaient décidé de donner vie à cette métaphore en m'offrant un bracelet qui n'avait rien d'un bijou ordinaire. En réalisant cela, les sanglots contenus éclatèrent une bonne fois pour toutes.
Je n'avais pas fini de pleurer pendant mon séjour à Malibu, alors autant ne plus s'en priver.
Une seule pensée me réconfortait : imaginer Evan couché derrière moi, me prenant dans ses bras et se donnant corps et âme pour me dire des mots rassurants, faire sécher mes larmes et m'arracher un sourire. Il ne le savait pas, mais c'était l'unique personne qui arrivait à saisir mes émotions et les modifier... En bonnes ou en meilleures la plupart du temps. C'était en partie ce qui faisait que je me sentais si bien avec lui.
EVAN
*dans la matinée, au lycée*
En arrivant au lycée aujourd'hui, je n'avais qu'une seule idée en tête : embêter Mika avec le rencart sous la belle étoile que nous avions prévu pour ce soir-même. Enfin, elle n'aimait pas appeler ça un "rencart", mais c'était clairement ce que c'était. En tous cas, j'avais envie que ça le soit.
J'avais prévu de lui faire vivre une nuit digne d'un film romantique pour ados du début des années 2000, elle ne pourrait pas ne pas craquer.
Un beau panier pique-nique en osier était prêt, il était à la maison. Le personnel s'était chargé de le remplir de plein de choses gourmandes et de bouteilles de vin et champagne. J'avais aussi prévu un grand tapis de sol à carreaux rouge, un véritable cliché.
Parmi les contacts de mes parents, il y avait un ami à eux qui possédait un hôtel avec un rooftop. J'avais négocié avec celui-ci afin de pouvoir privatiser le lieu pour notre pique-nique nocturne. Et pour mettre la cerise sur le gâteau, j'avais engagé des musiciens pour jouer de la musique de fond selon une playlist que je leur avait imposée. Dans cette playlist, il y avait la première chanson sur laquelle Mika et moi nous étions connus et avions dansé ensemble : Jumping Ship d'Amaarae.
Ma tenue était déjà préparée, propre, repassée et posée sur mon lit, elle n'attendait que moi. Et j'avais également prévu de piquer l'une des vieilles voitures de collection de mon père pour aller chercher Mika chez elle à l'heure venue.
Depuis New York, je voulais plus que jamais que tout soit parfait pour elle. Je voulais tout lui donner pour qu'elle soit en confiance avec moi et qu'elle n'ait plus peur de nous laisser partager ce que nous ressentions l'un pour l'autre.
J'avais confié tout ce que j'avais concocté pour ce soir à Peach et Luke et les deux semblaient totalement valider mes plans.
« Monsieeeeur, je prends des notes pour mon premier date avec Cassie ! me félicita Luke,
- A deux doigts de devenir hétéro pour toi, Evan ! plaisanta Peach,
- Eh arrêtez, je vais avoir les chevilles qui gonflent après... je cachai mon visage dans mes mains,
- Non mais c'est génial ! Il n'y aura pas seulement des étoiles dans le ciel, mais aussi dans les yeux de Mika ! ajouta Peach,
- Oh bah tiens ! Voilà Cassie et Maddy ! dit Luke en faisant un geste de la tête en direction des deux filles. »
Les deux jeunes femmes venaient de traverser les portes du lycée, bras dessus-dessous. Bizarrement elles ne dégageaient pas leur aura habituelle, c'est-à-dire celle de deux princesses bien habillées et pomponées dont on pouvait sentir le parfum vanillée de l'autre côté du couloir. Cassie semblait porter un pyjama ou une tenue de sport, et Maddy avait fait simple, elle portait un jeans et un tee-shirt banal, ainsi que des lunettes de soleil. Mais c'était louche, Maddy ne faisait jamais dans la simplicité.
Mais il y avait quelque chose d'encore plus étrange : où était le dernier membre du trio ?
Elles faillirent nous passer sous le nez en nous snobant, mais Luke retint Cassie par le bras, ce qui stoppa aussi Maddy.
« Bonjour, non ? On est là ! les interpella Luke,
- Vous avez des têtes de zombie, ajouta Peach. »
Elles ne répondirent rien. Cassie regarda Maddy et cette dernière ne bougea pas non plus.
« Bon euh, vous allez bien ou quoi ? insista Peach,
- Oui, répondit Cassie,
- Bah non, visiblement... rétorqua Luke,
- Elle est où Mika ? Elle est malade ? Et vous aussi ? C'est pour ça que vous avez cette dégaine ? intervins-je à mon tour,
- Non, Evan... On a pas dormi de la nuit... répondit Maddy avec une petite voix, toujours cachée derrière ses lunettes,
- Vous avez fait soirée sans non !? se stupéfia Peach,
- Mais non... s'agaça Cassie. »
Si elles traînaient à nous dire ce qu'elles avaient c'était parce que quelque chose d'inquiétant était arrivé et elles cherchaient encore comment nous l'annoncer. J'avais le pressentiment que cela concernait Mika étant donné qu'elle n'était pas là.
J'observai Nate au loin un instant, il n'avait pas l'air au top de sa forme non plus. Alors il devait aussi avoir un lien avec cette histoire.
Il y avait de toute évidence eu un problème dont Peach, Luke et moi n'étions pas au courant.
À force d'avoir survécu aux dramas dans ce groupe d'amis, je savais comment les choses fonctionnaient.
Je pris Cassie et Maddy, chacune par le bras, pour les emmener dans le gymnase. À cet horaire, il n'y avait personne là-bas, ce qui leur permettrait peut-être de cracher le morceau plus vite.
« Suivez-moi ! » ordonnai-je à mes amis.
Cassie et Maddy ne s'étaient pas faites prier pour s'exécuter. Je les mis assises sur les premiers bancs des gradins, tandis que Peach, Luke et moi restions debout face à elles, à attendre qu'elles parlent.
Au bout d'une longue minute de silence, je perdis patience. Je croisai des bras et pris une expression sévère.
« Vous comptez accoucher à quelle heure ? »
Maddy enleva ses lunettes, me laissant découvrir des yeux bien rouges.
« Tu ne vas pas m'en vouloir hein ? couina-t-elle,
- J'espère que non. »
Elle me fixa, ses lèvres se froissant petit à petit, menaçant de pleurer.
« Existe-t-il des moyens pour accélérer les accouchements ? blagua Peach,
- C'est bon, on va parler ! se contraria Cassie, Allez Maddy, courage... »
Maddy respira profondément avant de vraiment se mettre à pleurer en silence.
Malgré la peine que cela me faisait de voir Maddy dans cet état, ce suspense commençait à me monter à la tête. Il s'agissait de Mika et ça me touchait bien plus que ce que je m'attendais.
« Mais merde, tu... Maddy me coupa la parole,
- Ana, la mère de Mika est revenue. C'est Nate qui l'a contactée. Mika a pris la fuite quelque part pour échapper à sa mère, et elle ne reviendra pas.
- Quoi !? s'exclama Luke en faisant de gros yeux,
- On sait que Mika ne s'entendait pas du tout avec sa mère, mais on ne connait pas toute l'histoire, elle ne nous en parlait jamais. Mais pour être partie comme ça, je pense que les choses n'ont pas toujours été faciles avec Ana... ajouta Cassie. »
Mon cœur loupa plusieurs battements en entendant ce que Cassie et Maddy venaient de nous révéler. La pièce ce mit à tourner autour de moi, me donnant de forte migraines. Je ne pouvais pas m'empêcher de rester là, pétrifié, sans paroles, à les regarder l'une après l'autre, comme si je ne voulais pas croire ce qui venait de sortir de leurs bouches. Je n'arrivais plus à bouger, je ne voulais pas croire que c'était vraiment en train d'arriver. J'avais l'impression d'être coincé dans un cauchemar, dans une sombre blague mise en place par mon pire ennemi. En ce début de journée, j'étais à mon apothéose, au comble de mon bonheur à l'idée d'avoir un premier date avec Mika, et là, j'étais juste en chute libre sur plusieurs mètres, vers un trou noir.
Mika m'avait déjà vaguement parlé de sa relation avec sa mère après le bal d'hiver, mais ça avait été assez pour que je comprenne que cette femme la faisait vivre un véritable enfer depuis petite et qu'elle était vivait bien mieux avec les Perez.
Mika ne reviendra pas ? Impossible. Je ne pouvais pas l'accepter. Une solution allait devoir être trouvée.
Je ne savais plus si j'avais envie de sauter par la fenêtre ou jeter Nate par la fenêtre.
Maddy commença à paniquer face à mon manque de réaction. Elle se leva du banc et me pris par les épaules tout en me secouant et en me disant plein de choses que je n'arrivais clairement pas à entendre. J'étais devenu sourd. Je dissociais entre la fiction et la réalité, à deux doigts de manquer de souffle.
Je voyais les autres derrière, ils étaient flous, ils discutaient ou se disputaient, je ne savais plus réellement ce qui était en train de se passer. Je perdais pied.
Soudain, j'aperçus la main de Maddy prête à rejoindre ma joue, sans aucun doute pour tenter de me réveiller. Mais je la stoppai à temps par réflexe, puis je la repoussai pour qu'elle arrête de me secouer.
« Maddy, tu me fais une blague et ce n'est vraiment pas drôle... je pointai un doigt menaçant vers elle,
- Non, Evan, c'est bien arrivé, elle s'est taillé ! Et moi aussi j'ai super mal, moi aussi je souffre le martyr depuis hier ! C'était ma sœur, putain ! J'ai encore cette image d'elle qui tourne en boucle dans ma tête... Cette image où elle prend ses sacs, s'habille comme un fantôme et s'en va en courant sous la pluie et le tonnerre qui gronde ! J'ai essayé de faire ce que je pouvais pour l'empêcher de partir, j'ai pleuré, je l'ai suppliée, je l'ai même insultée, mais rien ne pouvait la retenir, elle était sûre d'elle ! Cette conne n'a rien voulu entendre de ce que j'avais à lui dire ! Et bordel, qu'est-ce que je me sens mal ! Elle a promis de donner des nouvelles dès qu'elle pourrait... Mais quand ? Qu'est-ce qui va lui arriver !? On ne sait pas où elle va, qui elle va croiser, ce qu'elle va faire ! Le monde est pourri, le monde est une grosse merde quand on est seule comme ça ! Je sais qu'elle est forte et qu'elle sait souvent ce qu'elle fait, mais je me pose des milliers de questions, je me demande si elle va bien ! Les heures passent si lentement, et chaque son me fait sursauter, parce qu'à chaque bruit que j'entends, j'espère que c'est elle qui est revenue ! Peut-être qu'elle regrette déjà sa décision, peut-être qu'elle est en danger ! Putain, pourquoi j'ai pas réussi à la convaincre de rester ? Mon portable est h24 à portée de main, mais je n'ose pas le regarder, de peur de ne pas voir son nom s'afficher... Les messages non lus s'accumulent, je lui en ai laissé des milliers ! J'ai besoin d'elle ici, on a tous besoin d'elle ici ! La culpabilité me ronge comme une mauvaise maladie mortelle ! Les "et si seulement" tourbillonnent dans ma tête ! Je donnerais n'importe quoi pour revenir en arrière, pour la retenir avec plus d'arguments ! Mais je suis nulle, je n'ai jamais été aussi nulle de ma vie ! »
Je mis mes deux mains sur chaque côté de ma tête et marchai de droite à gauche dans le gymnase. Je n'arrivais toujours pas à réfléchir avec clarté. Je ressentais mieux que n'importe qui la douleur de Maddy. Elle avait l'air tout aussi désespérée que moi, mais elle l'extériorisait dramatiquement, comme toutes les émotions qu'elle ressentait en général. Moi, rien ne sortait pour le moment, ce qui se passait à l'intérieur de moi était tellement ingérable que si je le faisais sortir, personne n'arriverait à la gérer non plus . Et même si quelque chose sortait, j'avais peur que ce soit de la colère et qui plus est, de la colère contre les mauvaises personnes. Je n'avais pas envie de m'énerver sur mes amis, et encore moins sur Maddy, l'unique personne qui pouvait, de près ou de loin, me relier à Mika.
Il y avait une seule créature contre qui je trouvais qu'il serait justifiable d'évacuer mon mal être.
« Expliquez-moi ce que Nate a fait. Je veux tous les détails. » je m'assis à côté de Cassie en essayant de respirer et en agrippant le plastique dont était composé le banc des gradins.
Les cours avaient commencé depuis quelques heures déjà, les élèves étaient sûrement confortablement et innocemment installés en classe, mais nous n'en avions actuellement rien à foutre que nous soyons notés absents. Nous avions bien plus important à faire que d'assister aux cours aujourd'hui. Nous essayâmes tous de nous calmer et écouter avec concentration ce que Maddy nous expliquait.
Plus j'entendais le nom de Nate dans cette histoire, plus j'avais envie de l'éliminer de la surface de la terre. Il avait réussi à réveiller une haine profonde en moi. J'étais un garçon très paisible habituellement, je n'aimais pas les conflits, j'aimais savourer la vie et profiter de chaque instant, sans me prendre la tête. Il était extrêmement difficile de me contrarier ou de me donner des envies de meurtre. Je gérais plutôt les problèmes avec insolence et provocation, jamais avec violence. J'aurais pu compter sur les cinq doigts de ma main toutes les fois où j'avais perdu patience avec quelqu'un ou quelque chose de façon excessive. Mais ce salopard de Jacobs allait être l'exception dont j'allais me souvenir toute ma vie, et lui également, il s'en souviendrait éternellement.
Quand j'en aurais fini avec lui, on s'occuperait de ramener Mika à Los Angeles, et l'échec n'était pas une option.
MADDY
Evan avait écouté tout ce que Cassie et moi avions à raconter dans un silence effrayant. Son visage ne changeait pas d'expression. Il ne souriait pas, ne clignait pas des yeux, ne réagissait pas, il se contentait de fixer au plus profond de mes pupilles et de boire chaque mot de mes paroles. Il se frottait de temps en temps les mains avec force et se faisait plusieurs fois craquer les doigts avec brutalité. Les veines bleues de ses bras ressortaient d'une manière incroyable, cela se voyait qu'il voulait exploser, mais se contenait. C'était comme s'il était en train de mettre en place un plan diabolique dans sa tête. Je n'avais jamais vu Evan dans une agonie pareille.
On disait toujours qu'il fallait se méfier des gentils garçons souriants et calmes et je commençais à croire que c'était vrai.
Lorsque nous finîmes de parler. Luke et Peach étaient dans un état de désespoir à s'en taper le crâne contre le mur et débitaient sans arrêter, mais je n'écoutais pas ce qu'ils disaient, je laissais Cassie s'occuper d'eux. J'attendais avec impatience qu'Evan démontre une once d'émotion ou qu'il ait quelque chose à répondre. Même un pauvre soupir de sa part serait suffisant pour me rassurer sur ce qui était en train de se passer dans son cerveau.
Malheureusement, la seule attitude à laquelle nous eûmes le droit fut qu'il se leva en furie du banc, prêt à quitter le gymnase et déterminé à faire une dinguerie.
« EVAN, TU VAS OÙ COMME ÇA ? criai-je,
- Parler à Nate.
- Parler à Nate !? Tu ne nous parle même pas à nous, je doute que tu "parles" à Nate ! s'écria également Cassie. »
Nous nous mîmes à le suivre, si ce n'est lui courir après dans les couloirs du lycée. Il avait l'air prêt à fouiller tous les recoins de toutes les salles de classe pour trouver Nate Jacobs et lui foutre visiblement une bonne raclée ou lui planter un stylo dans la jugulaire pour mettre fin à ses jours, au choix. Personne n'avait vraiment l'ombre d'une idée de ce qui allait se passer.
En parcourant le lycée dans notre course poursuite après Evan, quelqu'un me retint par le bras, me faisant perdre mes amis de vue.
« Tu vas où comme ça, ma petite cougar ? T'es fière de toi d'avoir mis le bordel dans mon casier, noyé mes clopes, volé mon cannabis et mon alcool ? ricana Lévy,
- J'ai vraiment pas le temps de parler de ça ! le poussai-je pour qu'il se mette en dehors de mon chemin,
- Non mais c'est quand même drôle, je ne t'en veux pas ! Ma blague sur le club de lecture n'était pas très maline, je l'admets... Ma sœur m'a passé un savon hier soir... Donc je voulais m'excuser, il fit une mine honteuse,
- Non, mais tu ne comprends rien ou quoi ? J'en ai rien à faire de tes plaisanteries, il y a plus grave que ça dans la vie, je commençai à pleurer encore, Comme le fait que ma sœur ait mis les voiles, par exemple...
- Quoi !? Attends, mais, j'étais pas du tout au courant ! Je peux faire quelque chose pour toi !?
- Dégage, merde ! l'agressai-je. »
Alors que je venais d'arracher mon bras de l'étreinte de Lévy, mon téléphone tomba de ma poche et mon écran s'alluma : un message et 3 appels manqués de Mikaëla. Je le ramassai et ne réfléchis pas une seconde de plus. Je la rappelai de suite et cela ne sonna même pas deux fois qu'elle décrocha.
« ...Mikaëla ! Bordel ! T'es où !? Donne l'adresse, putain ! On va venir te chercher, merde !... »
Ma sœur n'eut pas le temps de finir sa phrase que le bip se fit entendre. Je me remis à la harceler de messages à nouveau dans l'espoir qu'elle me rappelle, mais aucun signe de vie. Ce n'était pas normal, dans une situation pareille elle ne m'aurait jamais raccroché au nez. Elle n'était donc pas seule.
Je me mis à me faire plein de films dans ma tête. Et si un vieux pervers l'avait prise en otage ? Et si sa mère l'avait retrouvée ? Et si elle venait d'avoir un accident ? Et si elle s'était fait voler son téléphone ? J'aurais jamais dû la laisser partir !
Ma tête se mit à exploser et un coup de chaud parcoura tout mon corps, tandis que Lévy me disait je ne sais quoi. Je tombai en arrière contre les casiers et ma tête tapa contre le métal, mais je ne sentais aucune douleur. Je ne savais pas si c'était le début d'un malaise ou si c'était mon corps qui s'affaiblissait parce que je n'avais pas pris de petit déjeuner ce matin.
Lévy me secouait de près en tapotant délicatement sur mes joues, je voyais sa tête en triple. Rien n'allait plus.
Et brusquement, un brouaha me fit sursauter et me remit sur pieds pour de bon. Lévy était derrière moi et me tenait par les bras au cas où je retombe. Je n'avais ni la force, ni le temps de lui crier dessus pour lui dire de me lâcher.
Je tournai la tête sur ma gauche et je vis une émeute d'élèves suivre Evan qui venait de prendre Nate par le col de sa chemise et le faire voler de l'autre côté du couloir.
Seigneur, dites-moi que tout ceci n'était qu'un mirage, une hallucination, un mauvais rêve.
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Hellooo :)
Encore un chapitre chaotique, mais j'espère que ça vous a plu !
Que pensez-vous de la situation de Mika ?
Et du côté de la bande ? Evan ? Maddy ? ... Lâchez vos avis, je serai heureuse de toute façon hihi :P
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