MIKA

Après l'accident d'Evan, j'avais très mal dormi, alors j'étais debout très tôt ce matin. Encore en pyjama et avec un plaid sur le dos, je buvais mon cappuccino, assise tranquillement sur la terrasse devant la maison. Il faisait un peu noir et le brouillard envahissait encore les rues. Il faisait froid. J'adorais ce contraste entre le froid sur ma peau et la boisson chaude qui parcourait mon corps. J'étais bien.

Il n'y avait aucun bruit, ça me permettait de mieux entendre mes pensées.

Des pensées qui étaient incontrôlablement tournées vers Evan. Et Nate.

J'avais envie de massacrer Nate. Et j'avais envie de me massacrer avec au passage.

Si Evan se retrouvait à l'hôpital, c'était de ma faute.

En même temps que j'essayais de faire le bien, je faisais le mal. C'étaient les conséquences à vouloir aider les autres, à vouloir tout réparer, tout remettre en ordre dans ce qui était déjà dans un bordel sans nom. Et dans le courant, j'emportais petit à petit les personnes qui me tenaient le plus à cœur. Mais c'était bien trop tard pour revenir en arrière, et surtout pour tout arrêter. Entre tout arrêter ou tout continuer, il n'y avait pas une option qui était meilleure que l'autre.

Tout était de ma faute.

Et même si cela me brisait en deux, j'étais prête à tout porter sur mon dos et être la première à lever la main si on cherchait un coupable à cette immense merde.

Rongée par la culpabilité, je pris mon téléphone et envoyai un millième message à Evan pour lui dire de me tenir au courant de sa situation, pour savoir s'il allait bien et pour me sentir un tantinet mieux.

Le regard plongé dans le vide, toujours noyée dans mes innombrables pensées, je fis un sursaut lorsque j'entendis quelqu'un ouvrir la porte de la maison et venir me rejoindre sur la terrasse.

C'était Maddy, tout aussi bien vêtue que moi, avec son plaid sur le dos.

« Tu fais quoi ? T'étais pas dans ta chambre, j'ai eu peur, elle s'assit à côté de moi,

- Pourquoi t'es allée dans ma chambre ? Non... Pourquoi tu me cherches ? C'est ça la bonne question.

- Je n'arrivais pas à dormir et je me demandais si toi aussi... elle me regarda avec ses yeux mal démaquillés,

- Bingo ! répondis-je en regardant le jardin des voisins. »

Maddy se gratta la nuque, puis se faufila davantage dans son plaid pour éviter de frissonner sous la brise du brouillard.

« Je me sens coupable pour ce qui est arrivé à Evan, confiai-je,

- Je ne suis pas d'accord, bégaya-t-elle, C'est Nate le seul coupable... Parce qu'il a décidé qu'il ne voulait pas te voir être aussi proche d'Evan. »

Mon visage s'illumina lorsque j'entendis Maddy me dire ça. Elle essayait non seulement de me réconforter, mais elle admettait enfin que Nate avait bel et bien fait exprès de faire mal à Evan.

« Pourquoi il ne veut pas me voir avec Evan à ton avis ? insistai-je pour vérifier qu'elle avait bien compris que Nate était malsainement obsédé par moi,

- Je n'ai pas envie de parler de ça, elle fuit le sujet, Je veux juste que tu saches que pour moi, ce n'est pas de ta faute. »

Maddy l'avait bel et bien compris, mais préférait rester dans le déni.

« J'aime bien quand on discute calmement, ajoutai-je,

- Moi aussi... Des fois... »

Nous restâmes un bon quart d'heure assises là, dehors, côte à côte, sans vraiment échanger d'autres mots. Mais j'étais presque sûre, qu'elle appréciait ce moment autant que moi. Plein d'insignifiance pour certains, mais plein de sens pour nous.

[...]

Mes amis et moi traversions les couloirs pour aller en cours de littérature. Nous croisâmes Nina qui placardait des affiches sur les murs et les casiers. Je lus assez rapidement qu'un bal d'hiver se préparait la semaine prochaine et souris en repensant à la situation dans laquelle mon futur cavalier et moi étions lorsqu'il m'avait invité à être sa dame.

Peach s'arrêta devant l'affiche que Nina venait de coller et nous en fîmes de même pour l'observer davantage.

« Qui a fait ces affiches ? On dirait une invitation à l'avant-première de La Reine des Neiges, plaisanta Peach,

- Mmmmh très drôle ! répondit Nina, Tout ce qu'il faut retenir c'est qu'il y a le bal d'hiver la semaine prochaine. Et pour faire comme dans les films, on va élire un roi et une reine selon la plus belle tenue. Alors venez pas habillés comme des ploucs, bande de losers ! se moqua-t-elle en regardant mes amis un par un,

- Dans ce cas on va éviter de s'habiller comme toi, hein, répondit Peach,

- Tu devrais te taire, tu ne risques pas de te faire élire reine de quoi que ce soit, la rouquine.

- Et pourquoi ça ? l'interrogea Luke,

- Parce qu'on ne va pas élire une gouïne. Ce n'est pas logique ! Nina secoua ses cheveux, fière de ses propos,

- Eh ! Ça ne va pas de dire des choses comme ça !? T'es née à la préhistoire ou quoi !? Garde ton homophobie pour toi ! intervins-je.

- Je ne suis pas homophobe, ce n'est juste pas traditionnel ! se défendit Nina. »

Peach se renferma sur elle-même. Même si elle était connue pour avoir de la répartie, à cet instant précis elle s'était contentée de baisser la tête et ne rien dire, et je pouvais la comprendre. Cassie se chargeait de la réconforter et moi, j'allais me charger de Nina.

Je m'apprêtais à lui dire d'aller pourrir en enfer, mais Rue sortit de nulle part et me coupa dans mon élan.

« Dis Nina, avec qui vas-tu au bal ?

- Je vais proposer à Evan, s'il ne le fait pas avant moi, gloussa-t-elle,

- Ah oui ? Rue se retourna vers moi pour vérifier ma réaction, puis se retourna à nouveau vers Nina, Très personnellement, je pensais inviter l'un de tes deux pères ? Ça ne te dérange pas j'espère !? demanda-t-elle avec un petit sourire en coin et son air stone, Par contre, s'il se fait élire roi, et moi reine, ce ne serait pas très traditionnel tout ça... »

Ma mâchoire faillit tomber à terre en entendant les propos de Rue. Mes amis gardaient le silence et évitaient de regarder Nina dans les yeux. Elle-même ne savait plus quoi dire et était devenue toute rouge. Peach fit un sourire complice à Rue, qui avant de s'en aller, posa ses mains sur ses hanches, soupira avec désespoir, reluqua Nina de haut en bas, puis rejoignit Jules à l'autre bout du couloir. Même si on ne trainait pas tout le temps ensemble, j'aimais beaucoup Rue.

Je décidai de briser ce moment de néant.

« Alors comme ça tu as deux papas et tu dis des choses homophobes ? Pas cool...

- Je ne voulais pas être homophobe... Vous avez compris ce que je voulais dire, c'est bon ! rouspéta-t-elle,

- Non, on n'a pas compris, riposta Luke, le roi peut être gay ou la reine lesbienne, il peut même y avoir deux rois et deux reines, qu'est-ce qu'on en a à faire ? »

Nina grogna d'agacement, tapa des pieds et s'en alla avec sa pile d'affiches pour les coller ailleurs. Mes amis et moi commençâmes à éclater de rire, tout en prenant notre petite Peach dans nos bras pour la soutenir et lui faire un câlin collectif.

Nina comptait vraiment demander à Evan de venir au bal avec elle ? Pendant quelques secondes, j'eus de la peine en l'imaginant en train de l'inviter et lui en train de refuser. Puis je me souvins que s'il refusait, c'était parce qu'il y allait déjà avec moi et ça allait beaucoup mieux. Oui, j'étais un peu sadique.

Je sortis mon téléphone pour regarder si je n'avais pas eu de notification de la part d'Evan. Depuis hier, je ne faisais que ça, regarder mon téléphone. Mais cette fois-ci pour mon plus grand bonheur, j'avais bien un message de celui que j'attendais le plus et je ne comptais pas attendre pour lui répondre !

Mes amis partirent devant moi et entrèrent en classe, tandis que je trainai des pieds, souriant bêtement face à mon écran. Je cherchai une musique dans ma playlist susceptible de plaire à Evan et décidai de lui suggérer Star Treatment d'Arctic Monkeys. C'était ma musique du moment.

https://youtu.be/f_2rM8A_1-w

J'entrai à mon tour dans la pièce et rejoignit mes amis, assis sur les tables, en train de discuter. Le professeur de littérature, Monsieur Charlize, arrivait toujours en retard, ce qui nous laissait le temps de bavarder davantage avant de passer aux choses sérieuses, et surtout me permettre de donner des nouvelles d'Evan à Cassie, Peach et Luke.

CASSIE

Alors que Monsieur Charlize prenait son temps pour venir nous faire cours, tous les élèves de la classe s'agitaient à propos du bal d'hiver. Nina avait seulement mis les affiches dans la matinée et ça avait déjà fait le tour du lycée. J'imaginais déjà les crushs secrets ou les garçons en couple préparer leur meilleure demande d'invitation au bal à leurs copines : ballons, chocolats, fleurs, demandes publiques, déclarations d'amour en musique, surprises et pétales de roses... Des idées les unes les plus romantiques que les autres. Je n'avais jamais connu ça et c'était quelque chose qui me faisait rêver. Mais ça ne risquait pas de m'arriver, en tous cas pas de la part d'une personne à laquelle j'avais envie de dire oui.

Je regardai discrètement Nate de l'autre côté de la classe et fantasmai, dans un monde idéal, sur une demande de sa part pendant quelques secondes. Puis je chassai très rapidement cette idée de mon esprit. Il n'allait pas le faire, et s'il le faisait, ça serait très culoté de sa part, surtout après le dernier coup bas qu'il m'avait fait. Sans oublier ce qu'il avait fait à Evan pendant le match d'hier soir aussi. Mon cœur se mit malgré tout à battre d'une manière insupportable, d'une manière remplie de chagrin, d'une manière qui, je le savais, représentait le deuil de mes sentiments pour Nate qui n'avait pas encore été complètement terminé.

J'entendis des claquements de doigts de tout près de mon visage. C'était Mika qui essayait de me réveiller : « Allô Cassie, on te parle... ».

Je me retournai, enfin éloignée de mes distractions, et tombai sur les beaux yeux bleus de Luke qui était assis devant moi, comme une évidence. Il me guettait, attendant que je réponde à une question.

« Quoi ? demandai-je, encore perdue,

- Tu sais avec qui tu irais au bal, toi ? m'interrogea Mika,

- Euh... je me grattai le front, Non... Enfin, je n'en sais rien encore... Et vous ?

- J'emmène ma copine, fuck les homophobes, répondit Peach en faisant référence à Nina,

- Evan m'a invitée ! déclara Mika toute enthousiaste, Après on verra s'il peut toujours y aller avec sa cheville...

- A quel moment il t'a fait sa demande ? demanda Peach,

- Je vous expliquerais ça plus tard haha, Mika fit un petit sourire corrompu,

- Et moi, je n'en sais trop rien non plus, affirma Luke, je verrais. »

Luke avait l'air de s'en ficher royalement. C'était comme s'il allait demander à la première fille sans cavalier qui croisait son chemin. Et si c'était moi ? Non. Je n'avais pas envie d'être n'importe qui. Et si c'était moi qui lui demandais d'être mon cavalier ? Ça ne ferait pas de moi n'importe qui, si ?

Mais il avait l'air tellement indifférent à propos de ce bal. Tout comme il était indifférent par rapport aux filles qu'il voyait de temps en temps, d'ailleurs il ne nous en parlait jamais, il n'en parlait à personne.

Eh merde Cassie, arrête de réfléchir.

« Tu veux y aller avec moi, Luke ? lançai-je spontanément,

- Hein ? il fronça des sourcils. »

C'était déjà assez compliqué comme ça et cet abruti me faisait répéter ce que je venais de dire.

« Tu... je me raclai la gorge nerveusement, Ça te dirait d'aller au bal avec moi ?

- Oh oui, carrément ! rétorqua-t-il sans hésiter en souriant de toutes ses dents. »

Une sensation de légèreté envahit mon estomac : j'allais au bal avec Luke Baker et j'avais osé lui faire la demande. Certes, ça avait été une demande peu élaborée, mais il avait dit oui et semblait assez content !

Peach me fixa d'un air taquin et pervers, et Mika hocha la tête d'un mouvement répétitif et lent, fière de moi. C'était clair, elles avaient tout compris. Luke en revanche, avait l'air de moins comprendre. Pour lui, ça devait être une demande amicale, rien de plus. Alors c'était à moi de lui montrer que c'était peut-être plus que ça.

Monsieur Charlize passa enfin le pas de la porte et commença à s'installer pour commencer son cours. Mika se mit à côté de moi et Peach avec Luke étaient derrière nous.

Quelques tablées plus loin, Nate se retourna et fixa Mika comme pour vérifier à côté de qui elle était installée. Ce à quoi elle répondit en levant son majeur orné d'une chevalière argentée et imposante. Elle me faisait rire quand elle faisait ça.

« Je m'excuse pour mon retard, les enfants, déclara le professeur en se posant sur le rebord son bureau, les bras croisées, sortez l'ouvrage de la dernière fois : Une Chambre à Soi de Virginia Woolf, à la page 108. Vous allez analyser ce passage en binôme et me proposer un plan de commentaire sur une problématique pertinente. Je ramasserai à la fin de l'heure, il réajusta ses lunettes sur son nez, C'est moi qui vais choisir les duos. »

Tous les élèves se mirent à râler et Mika murmura dans un excès d'agacement : « A tous les coups je vais me retrouver avec Maddy. Les profs trouvent ça trop drôle de mettre ''les sœurs Perez'' ensemble... ».

Et mon amie avait vu juste. Avec sa manie de tous nous appeler par nos prénoms complets, Monsieur Charlize enchaîna sa liste de binômes :

« Mmmmh... Ensuite, Cassandra avec Jules, Luke avec Katherine, Peach avec Nathaniel, Antonina avec Lexi... Et pour finir, Madeleine et Mikaëla, les sœurs Perez ensemble, s'il vous plaît. »

Mika leva les yeux au ciel à l'entente de Monsieur Charlize et se déplaça aux côtés de sa sœur, tout comme les autres élèves qui s'agitèrent pour en faire de même.

MADDY

C'était sûr que je finirais avec Mikaëla pour le travail de littérature. Les profs aimaient trop nous appeler ''les sœurs Perez'', comme s'il n'y avait pas d'autres sœurs dans la classe. Bref, c'était certainement la meilleure blague qu'ils pouvaient se faire en salle des profs tellement que leurs vies étaient inintéressantes.

Ma sœur se mit à côté de moi et posa le livre au milieu de notre table.

Nate était juste devant et je priai pour qu'il ne se décide pas à nous aborder à un quelconque moment. Je trouvais cela extrêmement stressant lorsque Mikaëla, Nate et moi devions parler tous les trois.

« Des nouvelles d'Evan ? demandai-je à Mikaëla,

- Il va bien, on ira le visiter en fin de journée, chuchota-t-elle afin de ne pas déranger les autres élèves. »

Elle ouvrit son livre à la page demandée et commença à lire quelques lignes, tout en prenant des notes sur une feuille de brouillon.

« T'es sérieuse ? bafouai-je,

- Quoi ?

- Tu veux qu'on bosse au lieu de parler ?

- Parler de quoi, Maddy ? Il faut qu'on rende ce truc à la fin de l'heure. Je suis sûre que tu ne l'as même pas lu.

- C'est vrai, riai-je,

- Pourtant ça te ferait le plus grand bien, c'est un classique féministe, elle secoua la tête,

- Je le lirais un jour, c'est promis ! dis-je sur un ton ironique. »

Voyant que Mikaëla prenait ce travail de littérature très au sérieux, je décidai de collaborer un minimum pour ne pas la laisser tout faire toute seule. Et elle n'avait pas tort, ce livre avait l'air très intéressant. A tel point que je m'impliquai de façon surprenante dans la réalisation de la tâche et que nous avions fini 20 minutes avant l'heure.

Nous nous fîmes un sourire satisfait en relisant notre travail une dernière fois. Je pourrais avoir du mal à l'admettre à voix haute, mais c'était chouette d'avoir pu travailler avec ma sœur. Elle m'avait vendu et expliqué l'histoire d'Une Chambre à Soi avec passion, me donnant presque envie de lire le livre.

Après coup et avec les minutes qui restaient devant nous, Mikaëla décida de discuter un peu sur autre chose.

« Tu penses aller au bal d'hiver avec qui ?

- Aucune idée, je jetai un coup d'œil à Nate, Peut-être avec mes copines. Ce n'est pas si grave de ne pas avoir de cavalier.

- Moins grave que d'y aller avec Nate Jacobs en tous cas, chuchota-t-elle. »

Je soupirai et roulai mes yeux en arrière.

Oui. Je savais que c'était mal, mais j'avais envie de me faire inviter par Nate. Comme au bon vieux temps, lorsque tout était normal.

« Et toi ? Tu y vas avec qui ?

- Evan si sa situation le lui permet, annonça-t-elle pour me rappeler ce que Nate lui avait fait. »

Soudainement, ce que je redoutais le plus arriva, Nate se retourna pour nous parler. Ou plutôt, pour parler à Mikaëla, ignorant complètement mon existence. Lorsqu'elle constata cela, elle croisa les bras, se montrant fermée à ce qu'il avait à lui dire.

« Mika ?

- Quoi encore !?

- Tu sais le bal d'hiver ?

- Eh bein !? »

Oh non. J'avais compris. J'avais compris qu'il allait l'inviter et j'en eus le vertige, puis la nausée. C'était à moi qu'il devait le proposer, ou à n'importe qui, mais pas à elle. C'était comme s'il me plantait un couteau dans le cœur à chaque fois qu'il voulait Mikaëla à ses côtés et pas moi. Je ne savais pas si elle aimait ça, si elle l'aimait lui ou si elle aimait me faire du mal. En tous cas, plus ça arrivait, plus j'avais envie de les tuer, les deux.

« On y va ensemble ? » répliqua Nate.

Mikaëla regarda de droite à gauche comme si elle cherchait une caméra cachée. Elle était scandalisée par l'invitation de Nate. Puis, en quelques secondes, elle changea totalement son expression, posa ses bras tranquillement sur le rebord de la table et sourit à Nate d'un air niais et à la fois rêveur.

« Bien évidemment que je veux aller au bal avec toi ! s'exclama-t-elle,

- Wow... Je passe te prendre à...

- Non, ce n'est pas la peine, on se retrouvera directement au lycée, affirma-t-elle en lui coupant la parole,

- Ok, il se montra heureux puis se remit sur son travail. »

J'étais moi-même stupéfaite, pour ne pas dire en état de choc, par la réponse de Mikaëla face à l'invitation de Nate. Mes nerfs m'ordonnaient de la chopper par les cheveux et lui éclater la tête contre le sol, mais je faisais de tout pour me retenir. Les sœurs Perez en spectacle c'était une fois, pas deux.

« Tu as oublié Evan ou quoi !? crachai-je en essayant de rester discrète,

- Tu crois vraiment que je vais au bal avec ce crétin après ce qu'il a fait à Evan, justement ? elle pouffa de rire,

- Tu viens d'accepter son invitation !

- C'est une boutade, chère sœur. Et il n'y a qu'un écervelé comme lui pour y croire.

- Mais pourquoi !?

- Pour qu'il se retrouve seul comme un con et qu'il souffre, me confia-t-elle à voix basse,

- Mais c'est dégueulasse... m'outrai-je,

- Pas autant que quand il t'avait étranglée, menacée, manipulée et menée en bateau. Pas autant que quand il avait sauté ta meilleure amie et l'avait autant détruite que toi. Pas autant que maintenant, quand il a l'audace de baver comme un chien en chaleur sur ta propre sœur sous ton nez, m'expliqua-t-elle sur un ton grave, Et t'as pas intérêt à aller lui balancer que je lui fais un faux plan. Ça ne serait que prouver à quel point tu es stupide. Il ne mérite pas ta pitié, il ne te mérite pas, toi. Ce qu'il mérite vraiment est de souffrir et triplement plus que ses victimes. »

A part maintenir mon regard à celui de Mikaëla, je ne savais plus quoi dire. Parce que j'étais exposée à une immense vague de vérités et que je n'avais pas encore appris à surfer correctement. Et même si elle me tendait la main pour que je puisse glisser avec elle sur cet océan, quelque chose m'en empêchait. Je tombais de ma planche sans arrêt et une sombre créature me tirait vers le bas pour essayer de me noyer.

La sonnerie aigüe du lycée qui annonçait la fin de ce cours me fit sursauter et grincer des dents.

Mikaëla rangea soigneusement ses affaires dans son sac, tendit notre copie à Monsieur Charlize, puis s'adressa à moi, avant de rejoindre ses amis.

« On se retrouve à la fin des cours. Il faudra que je passe à la pâtisserie et ensuite on ira voir Evan, ok ?

- D'accord. »

Je restai ébahie un long moment, assise sur ma chaise. Ne sachant que penser de la situation avec Nate et ma sœur.

Puis Kat me tira par le bras pour me traîner au prochain cours.

EVAN

Je m'étais bien fait niquer par ce connard de Nate pendant le match d'hier soir. Sa jalousie envers Mika et moi avait pris le dessus et son côté violent avait vite fait surface. Il m'avait planté ses crampons dans la cheville, ce qui m'avait causé une jolie fracture. J'avais un plâtre et j'allais devoir porter des béquilles. En bonus : 2 mois sans faire de foot. Personne n'avait été autorisé à m'accompagner dans l'ambulance, mais dès qu'il avait été alerté, mon grand-frère m'avait rejoint à l'hôpital. J'allais pouvoir rentrer chez moi demain matin et retourner en cours la semaine prochaine.

Ce lâche de Nate s'était enfui juste après le drame, et à part quelques yeux attentifs, je n'avais aucune preuve qu'il avait fait exprès de me blesser. Tant pis. J'allais lui faire payer autrement. Ma seule envie actuelle était d'envoyer mes potes le tabasser pour moi étant donné que je n'étais pas en condition, mais je n'allais pas faire une chose pareille. Résoudre les problèmes par la violence n'était pas mon truc, même si ça me traversait l'esprit parfois. J'avais déjà quelque chose de très précieux à mes côtés et qui valait toutes les vengeances du monde envers Nate Jacobs : Mika. Il la voulait, et moi, j'étais très proche d'elle, c'était bien assez pour lui faire du mal.

Je n'avais d'ailleurs qu'une envie, c'était de la revoir. J'avais plusieurs distractions autour de moi : téléphone, ordinateur, télévision, livres, nourriture... Mais je ne pouvais m'empêcher de regarder l'heure toutes les cinq secondes, attendant impatiemment qu'elle arrive pour égayer ma journée et mon sort.

Et en boucle, dans ma tête, pour que le temps passe plus vite, je me refaisais cette scène de réconciliations, assez brutale mais sensuelle à la fois, entre Mika et moi, dans les vestiaires du lycée.

Être en flirt avec une fille n'avait jamais été autant synonyme d'aventure et émotions pour moi. J'adorais ça.

[...]

Alors que je tombai petit à petit dans les bras de Morphée, quelqu'un toqua à la porte de ma chambre d'hôpital et y entra délicatement.

Je sentis immédiatement cette odeur de cerises sauvages envahir la pièce. Je pouvais reconnaître cette fragrance entre mille. Un large sourire se dessina automatiquement sur mon visage lorsque je vis sa chevelure noire passer la porte et ce liner parfaitement symétrique pointer en ma direction. C'était elle. Mika. Suivie par sa sœur impeccablement coiffée.

Maddy se mit au pied de mon lit tandis que Mika s'approcha davantage. Elle posa une petite boîte sur la table qui était décorée par quelques fleurs près des appareils de l'hôpital, puis vint me prendre dans ses bras.

« Ça va beau-gosse ? dit-elle en enfouissant sa tête dans mon cou.

- Ça pourrait aller mieux, mais on m'a conseillé d'écouter du Arctic Monkeys alors on peut dire que ça va quand même, répondis-je pour la faire sourire,

- Tu as aimé ?

- J'ai adoré !

- Bon, comment va ta cheville du coup ? »

Maddy me salua timidement, puis je leur expliquai tout en détails.

« Je suis vraiment désolée, Evan, je ne pensais pas que les choses se finiraient aussi mal... s'excusa Mika,

- Non, ce n'est pas de ta faute, enfin ! On ne pouvait pas savoir que ça allait se passer comme ça, ce mec est malade. Ne sois pas désolée, parce que ça serait comme me dire que tu regrettes ce qui s'est passé entre nous juste avant, alors que moi, je ne regrette pas du tout. Je pense que Nate n'a pas fini de vouloir me frapper. »

Les joues de Mika rougirent et elle fit un sourire qu'elle cacha avec ses mains. Je me mis à rire pour me moquer d'elle et la gêner encore plus.

Même si elle semblait contente de nous voir discuter, Mika et moi, Maddy se tenait à l'écart, assise dans le fauteuil et tête baissée la plupart du temps.

« Eh Maddy... l'interpelai-je,

- Mmh, oui ? elle se leva pour être dans mon champ de vision,

- Ce n'est pas de ta faute non plus, t'es au courant, hein ?

- Mouais... répondit-elle peu convaincue,

- Ne te sens pas coupable pour les conneries d'un mec qui a l'âge mental d'un gamin de 5 ans. Même si c'est ton ex et que tu l'aimes encore, tu n'es pas responsable de son comportement, la rassurai-je,

- J'ai du mal, c'est comme si j'étais attachée à lui en permanence... Bref, on n'est pas là pour parler de moi. Maddy soupira, perturbée, Je suis désolée quand même et j'espère que tu vas vite te rétablir. »

Je me contentai de lui faire un sourire, sans insister sur le sujet, je ne voulais pas la brusquer. Mais à part à Nate, je n'en voulais à personne pour cette histoire. Et comme je me l'étais déjà fait remarquer : c'était mon choix de fréquenter Mika malgré certaines conséquences qu'il pouvait y avoir.

Nous discutâmes ensuite tous ensemble sur d'autres sujets bien plus intéressants.

« D'ailleurs, lança Mika, tu sais, tu m'avais parlé d'un bal au lycée ?

- Oui ?

- Il y aura bien un et ça se passe le vendredi prochain. Tu penses pouvoir y aller avec tes béquilles ou pas du tout ?

- Ah bah oui, je n'ai pas envie de rater cette soirée ! Tu me connais, j'aime faire la fête peu importe les circonstances ! affirmai-je malgré ma jambe blessée suspendue en l'air et son gros plâtre. »

Mika fit un sourire complice à Maddy. Je ne comprenais pas pour quelles raisons elles se faisaient ce petit sourire, mais une chose était sûre je ne les avais jamais vues aussi calmes et proches, ça faisait plaisir.

Ma brune ténébreuse hocha de la tête et sa sœur lui tendit la boîte blanche en carton qu'elle avait posé sur la table une demi-heure plus tôt. Mika me la tendit à son tour.

« C'est quoi ça ? Je pars de l'hôpital demain, pas besoin de cadeaux...

- Allez, ouvre cette boîte ! m'encouragea Maddy. »

Je pris le contenant des mains de Mika pour l'ouvrir et découvrit un cupcake très gourmand au chocolat où était inscrit, grâce à des petites lettres rigolotes goût vanille : ''Prom ?''. Cette fois, ce fut moi qui me mis à rire et rougir bêtement.

Mika m'avait effectivement acheté cette pâtisserie pour me demander d'être son cavalier au bal d'hiver du lycée et j'étais toute chose, intimidé et ravi par cette surprise. Jamais une fille n'avait fait le premier pas vers moi comme ça. Nous nous étions déjà mis d'accord pour y aller ensemble avant, mais elle avait voulu marquer le coup par un geste symbolique et me faire plaisir.

« Alors ? me demanda-t-elle avec son petit sourire diabolique,

- Evidemment que c'est oui ! répondis-je. »

Maddy applaudit, toute joyeuse pour sa sœur et moi.

« Bon, je vais dehors appeler maman pour qu'elle vienne nous chercher, Mikaëla. Ça m'a fait plaisir de savoir que tu vas à peu près bien, Evan... On se voit au lycée, la semaine prochaine ! elle secoua ses mains pour me dire aurevoir, Mikaëla, rejoins-moi dans le hall dans 5 petites minutes.

- Ca marche, Mika lui fit un clin d'œil,

- A plus, Maddy ! ajoutai-je. »

Lorsque sa sœur disparut, Mika et moi nous regardâmes comme deux enfants maladroits. Tout comme moi, elle savait que sa sœur nous avait laissés seuls pour nous accorder un moment en tête à tête. Une de ses mains frôlait le matelas de mon lit. J'en profitai pour faire glisser mes doigts entre les siens ''sans faire exprès'', tandis que je tenais le petit gâteau dans mon autre main.

« Merci, j'ai beaucoup aimé cette invitation au bal !

- Ohhh, ça me fait trop plaisir ! elle se toucha les cheveux, Mais il va bientôt falloir que je te laisse là. »

Un court moment de contemplation l'un dans les yeux de l'autre se fit. Et lorsqu'elle commença à s'agiter pour partir, je la tirai vers moi avec le peu de force qu'il me restait dans les bras.

Mika tomba sur mon torse, à moitié assise sur le lit, et nous nous retrouvâmes nez à nez, ses longs cheveux sombres cachant nos deux visages si rapprochés. C'était si bon de l'avoir près de moi.

Tout comme les siens, mes yeux allaient de ses lèvres à son regard et nos souffles se perdaient. Il n'en fallait pas plus pour comprendre que nous avions mutuellement envie de nous embrasser.

Je poussai alors les mèches de ses cheveux derrière ses oreilles, lui laissant croire que je m'apprêtais à joindre ma bouche à la sienne. Elle ferma ses yeux en attendant que cette action s'exécute.

Au lieu de cela, j'eus la brillante idée de mettre le cupcake entre nous, et je dis, sur un ton sérieux que j'avais du mal à tenir : « Tu veux goûter ? ».

Mika ouvrit alors ses yeux et fronça des sourcils en constatant la pâtisserie qui séparait nos lèvres.

« Tu te fous de ma gueule !? » elle s'éloigna de moi en riant, faussement énervée, et me tapa gentiment.

J'éclatai de rire sous sa réaction agacée et mignonne à la fois.

Ensuite, elle rassembla ses affaires, pressa mes joues entre ses doigts, faisant en sorte que mes lèvres soient mises en avant, et s'approcha à son tour pour me faire croire qu'elle allait m'embrasser aussi.

« Allez bye bye Evan chéri ! dit-elle avec ironie à quelques centimètres de mon visage entre ses mains,

- Rentre bien Mikaaaaaa ! répondis-je en ayant du mal à parler. »

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Pour ou contre que Mika fasse un faux plan à Nate ? :P

Vos pensées sur ce chapitre ? :)

Je ne dirais jamais assez merciii pour vos commentaires et vos votes hihihi 

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